Isolé dans un laboratoire, Heimerdinger poursuivait ses recherches. C'était l'expérience numéro 28, il s'agissait cette fois de reconnecter une pied robotique à un système nerveux. Des différentes expériences réalisées jusqu'ici, c'était l'une de celles qu'il le moins réalisée. Chaque connexion nerveuse disposait de ses particularités et il fallait pouvoir expérimenter sur chacune de ces connexions pour prévoir les aménagements nécessaires. La prothèse était fonctionnelle et adaptée à la taille d'un enfant.
Relisant ses notes, le vieil homme faisait en même temps traverser le courant à travers l'appareil afin de s'assurer que le signal nerveux pourrait être rétabli. Il avait à sa disposition des morceaux de peau, permettant d'assurer la jonction et la conductivité humaine.
Mais la fatigue avait pris le pas sur Heimerdinger et le gel spécifique préparé dans sa prothèse n'était semble-t-il pas présent en suffisance. Le courant ne traversait pas jusqu'aux orteils. Il lui en fallait plus.. Soupirant un bref instant, le vieux professeur était contraint d'arrêter là son expérimentation. A force de rester là l'après-midi, il avait les cheveux légèrement ébouriffés et portait comme à son habitude une chemise anthracite dont il avait retroussé les manches, concentré sur son travail. Sur son torse, son badge d'identification était accroché à la poche de sa chemise. Il ôta les gants et le masque de protection nécessaires au bon déroulement de l'expérience qui n'étaient désormais plus nécessaires.
Déconnectant les machines qui alimentaient chaque parcelles de l'expérimentation, il recula et tourna la tête vers l'horloge. Au fond, peut-être n'était il pas trop tard pour obtenir sa base d'expérience. Attrapant la dernière fiche de concoction chimique du produit dont il avait besoin, il l'enfourna dans la poche de sa chemise.
Décidé à tenter sa chance, il pressa le pas vers la porte, fermant le laboratoire derrière lui avant de s'élancer vers les escaliers qui menaient au premier étage. Son seul espoir d'obtenir le liquide nécessaire était de se rendre à la pharmacie de l'hôpital. Il fallait combiner à la fois du liquide de conduction, utilisé pour la circulation du courant, du liquide physiologique et d'autres éléments pour que cela ne vienne pas perturber le courant nerveux humain dans un environnement robotique.
Cela faisait plusieurs mois qu'il répétait le procédé avec réussite. Aidé d'un des pharmaciens qui s'était dévoué avec plaisir à la tâche, changeant des préparations les plus usuelles qu'il pouvait réaliser chaque jour. N'étant pas présent en permanence, le pharmacien soucieux avait même pris le pli de former le reste de son équipe à la préparation, bien décidé à aider le professeur et faire varier un peu le quotidien de toute son équipe.
Les couloirs de l'hôpital étaient silencieux, une partie même étaient éteints, éclairés uniquement par les lumières d'évacuation habituelles, le personnel de nuit prenant doucement la relève des équipes de jour.
Après seulement quelques minutes de marche, le professeur atteignait la pharmacie qui semblait malheureusement fort silencieuse. Derrière le guichet, plus aucun accueillant n'attendait de nouvelles commandes. Habitué des lieux, il passa son badge à la porte à gauche du guichet afin de se rendre dans la pièce derrière celui-ci, là où l'on retrouvait à droite et gauche des machines permettant la mise en gélules des médicaments préparés. Derrière les machines de finalisation s'étendaient différents équipements de préparation sécurisés sur des tables, le tout protégé de tout élément externe qui pourrait gêner la préparation par des vitres épaisses, formant un réel aquarium à taille de géant. Plus personne ne semblait non plus occupé là mais pourtant la lumière était encore allumée, signe qu'il devait rester quelqu'un encore à cette heure.
Décidé à tenter sa chance jusqu'au bout, Heimerdinger continua sur la gauche, regardant au travers de la porte vitrée et sécurisée la salle contenant les différentes armoires munies de tous les produits dont disposait l'hôpital. La salle était vide.
Son dernier espoir consistait à l'espace du personnel, accessible depuis le fond de la pièce et où les différents laborantins et pharmaciens se réunissaient avant de débuter leur travail ou pour reprendre leurs affaires. En ouvrant la porte, et croisant le regard d'une pharmacienne encore présente sur place, le professeur ne pu réprimer un léger sourire de soulagement.
Il ne s'agissait pas d'une pharmacienne qu'il ait déjà vu. La demoiselle était toujours vêtue de sa blouse de travail. Elle avait les cheveux blonds mi-longs et un regard atypique qui avait distrait un instant le professeur. Il avait vu bien des choses au cours de son existence mais l'hétérochromie dont disposait la jeune femme était pour le moins atypique, un œil rouge se distinguait du vert. Un mélange particulier tout autant que pouvait l'être son prénom, Melinoë, écrit sur son badge comme tout praticien de l'hôpital.
A peine un fragment de seconde s'était écoulé avant que le professeur ne prenne la parole, tendant sa main devant lui vers la jeune femme, un sourire chaleureux s'étant dessiné sur les lèvres du vieil homme :
Bonsoir Melinoë, je suis Cecil Heimerdinger. Je travaille comme doctorant en médecine robotique. Enchanté !
Même s'ils étaient destinés à remplir chacun leur fonction au sein de l'hôpital, Heimerdinger prenait toujours le temps de rencontrer chaque intermédiaire avec qui il travaillait et parlait souvent un peu plus longuement avec eux. Sans eux, tout travail serait impossible et même si leurs domaines d'expertise étaient différents, il se plaisait à les considérer comme ses collègues.
Néanmoins, l'heure était tardive et il ne souhaitait pas non plus retenir Melinoë trop longuement après ses heures. Aussi, il prit le pli de sortir de sa main libre la feuille détaillant les composés chimiques nécessaires pour la préparation.
Aurais tu encore le temps aujourd'hui de m'aider avec une préparation par hasard?
Le professeur gardait un visage calme, il accepterait sa réponse quelle qu'elle soit. Après tout, chacun avait le droit de finir à l'heure sa journée et le shift de nuit, qui n'était plus qu'à quelques minutes, n'était pas prévu pour les services de pharmacie de l'hôpital.
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