Fausse alerte ft Maxime Lacroix

Tant de choses pouvaient être utilisées afin de qualifier le jeune Maxime : souriant, rayonnant, gentil, empathique et tant d'autres en plus d'être plutôt mignon physiquement parlant. Ou était-ce son sourire qui faisait son charme ? Malgré la vie assez simpliste qu'il menait, il n'en resta pas moins perdu. Il ignorait qu'il avait perdu la mémoire une fois arrivé sur cette île, cependant il en ressentait un vide. C'était comme s'il y avait eu un petit trou qui s'était formé dans son cœur, ou dans son esprit ? Ou les deux. Comme s'il lui manquait quelque chose mais une chose indéchiffrable, imperceptible. Incompréhensible même. Tout du moins à ses yeux. Et personne pour le guider, l'aiguiller, pour l'aider. Sûrement car en réalité il n'en avait jamais parlé à qui que ce soit, alors personne ne lui avait tendu la moindre main, personne ne lui avait proposé son aide. Personne ne l'avait questionné. Pas même au sujet de son passé. C'était une drôle de sensation que de contaster que lui s'intéressait aux autres, mais que l'inverse ne semblait pas être le cas. Était-il si inintéressant que ça ? Oui était-il chiant aux yeux des autres car il cherchait toujours à comprendre une personne et à vouloir l'aider ? Il ne saurait le dire vraiment. Des amis ? Il n'en avait pas vraiment, c'étaient juste des camarades de cours. Des étudiants tout comme lui qui voulait bien traîner avec lui une fois de temps-en-temps. Ou peut-être se servaient-ils de lui sans qu'il ne le sache ? C'était une possibilité parmi d'autres.

Se sentant seul sans l'être vraiment. Ou alors il pensait être bien entouré mais en réalité il était plus seul que jamais ? C'était probablement ça. Car à y réfléchir de plus près, seul Jayce avait une place capitale dans sa vie. Le reste ? Comme dit auparavant, juste des camarades de la fac. Des connaissances. Pas de liens réellement fondés, pas au point de connaître leur vie, leur passé, leur passion, leur envie. Rien. Le néant en terme relationnel. Enfin, heureusement qu'il pouvait compter sur Jayce. Que ferait-il sans lui ? Il déprimerait peut-être. Il avait une sensation de lourdeur. De vide. Plus particulièrement aujourd'hui. Si bien qu'après l'un de ses cours type philosophique ou quelque chose dans ce genre-là axé sur la mythologie, Maxime déambula dans les couloirs. Il avait comme une sorte de bouffée de chaleur et il cherchait donc après la sortie. On le bouscula un peu. Les autres étudiants ne prêtant guère attention à lui ou bien parce qu'il n'allait pas assez vite pour eux. Mais à une bousculade de trop et Maxime se laissa emporter par une crise d'angoisse. Alors soudainement son coup de chaleur disparaissait laissant place à une drôle de sensation. Des sensations plutôt. Quelque chose qu'il ne comprenait pas et qu'il n'avait probablement jamais vécu auparavant. Pris de vertige, de nausées soudaines, il s'accroupit dans un coin du couloir. Il apporta sa main au niveau de la cage thoracique, comme si quelqu'un ou quelque chose était en train de l'écraser de tout son poids et qu'il se retrouva avec une gêne et ainsi un sentiment d'étouffer. Et comme il semblait ne pas pouvoir répondre aux questions de ses deux-trois camarades de classe qui se tenaient à ses côtés, l'un d'eux avait jugé bon d'appeler les urgences.

Il ne comprit rien. Tout semblait se passer si vite et à la fois si lentement. Si vite par l'agitation tout autour et la présence de secouristes, et si lentement par cette sensation qui semblait l'étouffer. On lui parlait. Enfin, c'était ce qu'il pensait. Était-ce vrai ou seulement dans sa petite tête ? Puis on le toucha, on lui prit son poignet. Oui quelqu'un était en train de le toucher. Il n'aimait pas ça. Il se recula alors soudainement jusqu'à ce qu'il ne le puisse plus et que son dos heurte le mur froid derrière lui. Relevant lentement les yeux vers la personne qui s'était accroupit face à lui, Maxime l'observa comme s'il venait d'avoir une drôle d'hallucination. Comment il s'appelle ? Lui ? Oui pas le mur !

« Maxime... » Finit-il par réussir à formuler tout tremblotant telle une pauvre petite feuille qui serait secouée par le vent. Ne tenant plus que par sa petite tige sur l'un des branches d'un arbre.

Le jeune Maxime essayait tant bien que mal de se ressaisir. Mais il ne semblait plus trop comprendre ce qui se passait, que ce soit dans sa tête, les réactions de son propre corps, ou ce qu'il y avait autour de lui. Comment en était-il arrivé à faire une crise de panique ? Il ne saurait même pas y répondre, en fait il ne saurait expliquer la raison qui l'avait déclenché. Le petit bout qui avait perdu la mémoire en arrivant sur cette île, qui vivait visiblement heureux depuis quatre ans, semblait être en train de ressentir certaines choses qui l'effrayaient quelque peu. Comme si des souvenirs potentiels tentaient de se frayer un chemin dans sa tête, sans trop lui demander son avis. Mais que ces derniers furent bloqués par un mur invisible. C'était présent, quelque part, mais ça ne réussissait pas à sortir. Le voulait-il vraiment ? Le blocage ne venait-il pas de lui en réalité ? Peut-être se refusait-il à connaître une tout autre existence que celle qu'il menait ici ?

Maxime observa le secouriste, même s'il ne savait plus trop où lui-même se trouvait, il tâchait d'essayer de l'écouter. Prendre son pouls ? Non, Maxime s'était reculé bien trop rapidement avant qu'il ne puisse le faire, ou ne puisse tenter, ne serait-ce, que de tendre sa main dans sa direction. Le mur froid derrière lui, lui donnait comme une sorte de sensation de prison. Ou de piège. Oui, c'était ça, comme s'il était soudainement piégé. On tenta de le rassurer, mais il paniquait bien plus que n'importe quoi à ce moment précis. Secouant faiblement la tête. Il n'essaya pas l'exercice de respiration, il était trop perturbé et paniqué pour réussir à se concentrer suffisamment pour le faire. Le secouriste semblait l'avoir remarqué, alors il tenta une autre approche. Comme s'il parlait à un petit enfant, tout simplement. Ce qui dans le fond, n'était pas trop loin de la réalité concernant Maxime. Il agissait encore comme tel.

« Je... Les cookies ? » Répondit-il d'une voix parfaitement hésitante. Comme si lui-même n'était plus trop sûr. Que devait-il répondre exactement ? N'était-ce pas complètement idiot de répondre des cookies ? Alors qu'en réalité, il ne s'agissait pas de la seule chose qu'il aimait. Il y en avait plein d'autres. Mais ce fut le seul mot qui lui était venu à l’esprit.

Maxime apporta instinctivement sa main contre sa poitrine. Il tira même légèrement sur son haut, comme si ça allait l'aider à mieux respirer, à avoir plus d'air, ou quelque chose dans ce genre-là. Alors qu'en réalité, c'était juste dans sa tête, c'était juste passager, cette crise finirait bien par passer, même s'il ignorait totalement ce qui était en train de se passer. Comment l'aurait-il pu ? Il n'avait jamais vécu ça auparavant. Fallait croire que ses souvenirs manquants tentèrent de se frayer une petite place, que ça le bousculait, le perturbait bien plus que prévu. Comme s'il s'était perdu en chemin. Tel un enfant qui aurait perdu ses parents dans un énorme centre commercial. C'était l'effet que ça lui avait fait, il était bien dans les couloirs de la fac, seulement, il ne semblait plus trop le savoir de lui-même. Comme s'il était soudainement déconnecté de la réalité.

Entendait-il parler autour de lui ? Entendait-il cet ambulancier qui tentait de l'aider ? Probablement. Il ne saurait le dire, il avait bien compris que quelqu'un était présent, c'était déjà ça. Puisqu’à son approche, Maxime s'était reculé jusqu'à rencontrer le mur derrière lui. Il ne pouvait plus aller bien loin, mais l'homme ne semblait pas non plus lui vouloir quoi que ce soit de mal. Et même si c'était le cas, Maxime ne saurait même pas faire la différence entre une personne qui voudrait faire le bien, et une autre qui voudrait faire le mal. Pas encore tout du moins. Puis il entendit comme une énième question, une question sur ses passions, ou ce qu'il aimait, il n'était plus trop sûr de ce qu'il avait vraiment entendu. Et sa réponse était plutôt étrange ou surprenante. Mais il n'avait guère réfléchi, c'était sorti tout seul, de nulle part. Comme si ça sortait du cœur, peut-être.

Maxime ferma quelques instants les yeux, comme s'il se concentrait, ou qu'il réfléchissait à la nouvelle question de l'ambulancier. S'était-il présenté d'ailleurs ? Il ne s'en souvenait plus. « Les pépites de chocolat. Fondant. » Répondit-il à nouveau. Ses réponses avaient l'air totalement enfantines. Mais rien de plus normal chez lui, il était ainsi depuis son arrivée dans ce monde, depuis qu'il avait totalement perdu la mémoire, comme s'il avait subi un reboot dans son cerveau. Puis il finit par rouvrir les yeux, en portant cette fois-ci son regard vers l'ambulancier qui se trouvait à ses côtés à présent. Il lui parlait du fait que sa mère lui faisait des cookies quand il était plus jeune. Le jeune étudiant avait même fini par relâcher son tee-shirt. « Et ça sent bon quand ça sort du four... » Il aimait même en manger encore un peu chaud d'ailleurs, mais ça, ça ne tenait qu'à lui, comme à ceux qui aimait bien manger la pâte à cookie. Puis soudainement, il secoua la tête, négativement, car il ne saurait quoi répondre. Que pourrait-il dire sur lui ? Lui qui ne se souvenait de rien. « Non... Je ne peux pas... Je ne sais même pas qui je suis... » Dit-il pratiquement à voix basse. Comme si c'était un sujet tabou. Il n'avait que son prénom et son nom, mais pour le reste, c'était le néant le plus total. C'était probablement ça, dans le fond, qui le paniquait bien plus qu'il ne l'aurait cru.

Peu à peu ce fut comme si qu'une faible lueur pointait le bout de son nez dans une obscurité certaine. Encore faible, mais qui tentait par un heureux hasard de montrer à Maxime le chemin de la sortie des ténèbres. Ou était-ce plutôt parce qu'il commençait doucement mais sûrement à revenir à lui ? Il avait au minimum réussi à rouvrir les yeux, et ce fut comme si que ses pupilles bleutées se prenaient soudainement la luminosité du couloir dans lequel il se trouvait. Un couloir. L'université donc. C'était ce qu'il essayait d'en déterminer. Surtout lorsque son regard se promena un peu dans les environs, et qu'il y vit son sac de cours, non loin de là. Ah la honte, pensa-t-il sur le moment, en se rendant compte que la chose dont il n'arrivait pas à expliquer, et qui lui était donc arrivé, s'était produite dans la faculté où il étudiait. On allait très probablement le charier dans les prochains jours qui suivraient. Il avait également relâché son pull, en revanche il ramena ses genoux contre son torse, entourant ses jambes de ses bras et posa délicatement sa tête sur les genoux, mais cette dernière tournée en direction de l'ambulancier. Qui continuait à parler de cookies. Ce qui lui donna envie d'en manger un, là maintenant. Peut-être le pourrait-il après ? Peut-être qu'on lui dira de rentrer chez lui, de ne pas retourner en cours ? En tout cas, même s'il était assidu, là maintenant, il n'en avait pas envie. Pas cette envie que ses camarades de classe puissent braquer tous leurs regards sur lui. Un regard moqueur probablement. « J'ai envie d'en manger maintenant... » Lâcha-t-il presque dans un murmure.

Mais son état qui s'était tout de même nettement amélioré ne tenait qu'à un fil. Il était sensible, irritable, et pourrait se fissurer voire se couper tout seul. Ce genre de questions le rendaient nerveux, ça le faisait paniquer, parce qu'il n'était même pas foutu de répondre à des questions, en théorie, tout ce qu'il y avait de plus ordinaires. Se souvenir de ce qu'il était jadis, d'où il venait était un exercice difficile. Mieux encore - ou pire - il pensait limite être né ici, mais il avait compris que c'était impossible, car tout le monde était arrivé en même temps, il y avait de cela quatre ans. « Lacroix. Je crois que c'est ça. » Avait-il répondu comme s'il ne lui restait plus que son nom et son prénom qui lui donnait un semblant d'identité. Maxime était perplexe, il ne savait pas trop quoi répondre de plus, ni même quoi répondre à la dernière question de cet ambulancier. Il n'en savait rien lui. Puis il n'avait jamais eu personne pour l'aider, pour le guider. Pour lui faire comprendre ce genre de chose plausible, et surtout qu'il n'était pas le seul dans ce cas là. Existait-il une association, un groupe d'entraide pour ce genre de personnes ? Les personnes telles que lui ? Il finit par faiblement hausser les épaules avant de répondre tout simplement : « Je ne sais pas. »

Chez lui ? Ces mots résonnèrent comme un écho dans sa tête. Parfois, il ne savait plus trop ce qu'il faisait dans cette ville, et à qui parler réellement. Il se sentait soudainement bien seul. Que cela puisse paraître étrange ou non pour un gamin qui pourtant était si social. Mais peut-être n'était-ce donc pas suffisant, après tout ça pouvait arriver, non ? Puis il n'avait pas de famille - tout du moins ayant perdu la mémoire, il ne se souvenait pas de sa jumelle, Manon - alors forcément, il n'était pas conscient qu'il pouvait tout de même compter sur quelqu'un. Les cookies ? Il pouvait compter dessus pour les manger, et avoir cette sensation de bien être à chacun de ses crocs dans le biscuit aux pépites chocolatées. Cependant, il n'arrivait pas à hocher la tête pour annoncer qu'il serait potentiellement en accord avec la proposition de l'ambulancier. Comment le pourrait-il ? Une fois chez lui, que ferait-il ? Il n'avait clairement pas de cookies chez lui et pas de mère pour lui en faire cuir. « Oui... non. Je veux dire que je préfère aller dans un petit café pour manger des cookies. » Petit signe signifiant que chez lui, cela pourrait lui paraître tout aussi anxiogène, tant il se sentirait bien trop seul et isolé du monde. Et il ne voulait pas se sentir seul.

Il n'en voulait pas à ce T.K. Après tout, il ne faisait que son travail. Maxime, s'il avait eu toute sa tête, et non pas à essayer de ne pas repartir dans une crise d'angoisse, aurait pu tout à fait trouver cela très honorable. Peut-être qu'un jour, lui aussi ferait un truc sympa et qui pourrait aider les autres. Il aimait bien faire ça, mais il était limite plus doué à écouter et à donner des conseils, sans que ces derniers puissent paraître moralisateurs. Il n'était pas ainsi, lui il était plutôt tel l'innocence incarnée. Il hocha faiblement la tête, indiquant que oui il était d'accord avec le fait de ne plus recevoir ce genre de questions. Des questions qui le mettaient à mal car son esprit ne voulait pas avoir accès à ses anciens souvenirs les plus enfouis. Peut-être que c'était mieux ainsi, de ne pas se souvenir de ce qu'il avait pu subir. « J'ai déjà eu l'occasion d'en parler... mais, je ne sais pas... et si je ne voulais pas me rappeler de quelque chose ? Suis-je obligé de me souvenir ? » Demanda Maxime un peu perplexe. Ne serait-il pas plus heureux en ne sachant rien de son passé à la finalité ?

Maxime n'avait en réalité jamais eu de chez soi. Même avant d'arriver dans ce monde, même avant d'en avoir perdu - une nouvelle fois - sa mémoire. Bien complète présentement. Mais de là où il venait réellement, les jumeaux n'en furent pas totalement certains, tout ce que l'on pouvait savoir, c'est qu'ils étaient français. Visiblement. Bilingue pour le coup, anglais et français. Quant à leurs parents, personne ne saurait dire qui ils étaient réellement. Hormis le simple fait que l'un deux - si ce n'était les deux en même temps - était un mutant. Mais les avaient-ils abandonnés ces jumeaux ? Ou bien avaient-ils été tués et les enfants avaient pu en réchapper ? Ce fut tout un mystère qui planait au-dessus de leurs têtes, en plus d'être potentiellement dangereux à deux, s'ils avaient leurs pouvoirs. Là, Maxime n'était que purement inoffensif. Il était loin le temps où Maxime calma les personnes par son pouvoir afin de laisser Manon en faire son affaire par la suite. De redoutables petits mutants qu'on ne voyait jamais venir car ils étaient des gosses et donc censés être innocents. Mais tout ceci, il ne s'en souvenait pas et peut-être était-ce pour le mieux. Le jeune blond hocha faiblement la tête à la suite des propos de l'ambulancier. « Oui, je préférerai. » Dit-il avec simplicité.

Maxime n'était pas un étudiant bête, seulement parfois c'était comme s'il vivait avec des œillères et qu'il ne prêta pas forcément attention aux choses qui semblaient pourtant si faciles à voir, à comprendre. Il n'avait pas imaginé un seul instant que son subconscient, comme venait de si bien le dire l'ambulancier, puisse le protéger de son propre passé. Avait-il vécu des choses traumatisantes ? Si tel était le cas, alors en effet, il ne souhaiterait jamais ravoir sa mémoire. Il ne saurait probablement pas vivre avec un certain traumatisme, surtout s'il était tout seul, sans famille, sans amis, ça serait bien plus délicat. « Comme une sorte de traumatisme vous voulez dire ? » Le genre de traumatisme qu'un enfant ne devrait pas vivre : kidnapping, manipulation de leurs souvenirs, les faire basculer du côté du mal plutôt que le bien, car un enfant, c'était toujours plus simple à manipuler, à leur faire croire des choses en se servant de leur innocence. Innocence volée ! Si Maxime devait un jour retrouver sa mémoire, alors la notion entre le bien et le mal disparaîtra et Maxime deviendrait bien différent. Pas forcément méchant. Tout du moins, pas volontairement.