Petruccio était déçu, oui... mais pas surpris. Cette semaine avait trop bien commencé, rien n’avait été à signaler, pas même la moindre fièvre. C’était sûrement dû à cette nouvelle prescription : des médicaments nouveaux qui avaient l’air de bien fonctionner. Enfin, c’était sans compter sur ce matin-là, où Petruccio s’était senti suffisamment en confiance pour se rendre de lui-même à la bibliothèque. Une activité normalement basique pour un étudiant comme lui, cependant dans son cas, se déplacer dans un lieu si fréquenté représentait une véritable épreuve...
Et voilà qu’il avait fait un malaise dans les escaliers. Que quelqu’un avait appelé les secours. Qu’il se retrouvait allongé dans une ambulance en direction de l’hôpital.
Avec des visages familiers autour de lui.
« Buongiorno monsieur Strand... » lui sourit-il avec cette expression fatiguée mais tranquille. « Pardon de vous avoir inquiété. »
Ce n’était pas la première fois qu’il voyait monsieur Strand, particulièrement dans ce genre de contexte. Quelque part, ça le rassurait un peu : c’était facile de discuter avec cet homme, il avait ce petit quelque chose qui le rendait si accessible... Petruccio n’aurait jamais pu mettre un doigt dessus. D’ordinaire, il était toujours un petit peu mal à l’aise avec les autres : il était un jeune homme effacé, qui ne parlait presque pas, qui ne comprenait pas toujours ce qui semblait pourtant évident aux yeux de tous. Puis, quand enfin il pouvait parler, sa voix était légèrement enraillée, pas toujours articulée.
Cela et la cicatrice de son cou étaient de bons rappels à tout ce qui s’était passé il y a bien des années. Malgré ses trous de mémoire, voilà bien un épisode qui ne pourra jamais s’effacer.
Son état n’avait rien de grave dans l’instant : Petruccio n’avait pas vraiment perdu connaissance, sa chute n’entraînera qu’un petit hématome qui disparaîtra bien assez vite, cependant dans son cas il allait devoir faire quelques tests. Vérifier ses constantes. Prise de sang. Tout ce que la médecine moderne permettait afin de déterminer d’où venait la cause du malaise. D’un côté, cela pouvait n’être dû à rien du tout, et de l’autre... eh bien... personne n’avait encore mis un diagnostique clair sur sa pathologie.
Maintenant qu’il y pensait, Petruccio se rappelait que le médecin de la famille, à l’époque, n’avait jamais été très optimiste quant à son avenir... Heureusement qu’il avait eu la décence de ne jamais le dire directement.
« Je pensais... que vous ne travailliez pas le jeudi... »
TK vivait une vie normale ici, avec Carlos, l'amour de sa vie, il lui manquait toujours son père et sa famille de métier, bien sur ici avec sa nouvelle équipé à la station 19, c'était super, ils s'entendait tous bien mais c'était différent, ce n'est pas comme avec les gars d'Austin qui était sa famille de cœur, qui le connaissait que trop bien, lui et son addiction. Il gardait toujours espoir de les retrouver, il fallait bien se dire qu'il tentait d'être optimiste parce que c'était le mieux à faire. Et puis il y avait Harlan aussi qui était rentré dans leurs vies, c'était un chouette gamin, qui avait bien souffert et qui avait un sacré passé. Autant dire qu'ils ne s'ennuyaient pas dans cette ville, ni dans son métier à TK, il en voyait tout les jours et ça lui plaisait carrément de pouvoir aider les autres. Aujourd'hui c'était un jour comme les autres, avec ses coéquipiers ils avaient été appelés à la bibliothèque pour le malaise d'un étudiant, ils étaient arrivés vite sur place et TK s'était senti un peu plus inquiet que d'habitude en voyant qui était la personne tombé dans les pommes, c'était Petruccio, un jeune homme qu'il avait déjà rencontré à plusieurs reprises, étant donné qu'il avait une petite santé, ils avaient très vite sympathisés, c'était toujours inquiétant de le voir dans ces conditions là.
Petruccio se réveilla enfin alors qu'il se trouvait dans l'ambulance avec TK au dessus de lui, lui prenant une nouvelle fois les constantes avec le tensiomètre au bras, ce dernier le salua, s'excusant au passage de l'avoir inquiété. "Bonjour Petruccio, comment tu te sens ?" Il devait s'assurer qu'il aille bien, même si il préférait tout de même l'emmener à l'hôpital au cas où puisqu'il avait un lourd passif en terme de santé, surtout qu'il avait chuté dans les escaliers donc valait mieux tout vérifié, le secouriste ne voulant pas rater un traumatisme crânien. "Tu n'as pas à t'excuser." Le rassura le brun avec un petit sourire vérifiant le petit bip sur l'une des machines, le passage à l'hôpital était limite indispensable pour le jeune homme étant donné qu'il fallait faire une recherche du pourquoi il avait fait un malaise, au moins il n'avait pas l'air d'avoir quelque chose de cassé. "Exactement tu as une bonne mémoire, j'ai échangé ma garde avec l'un de mes collègues." Lui répondit TK lorsqu'il fut étonné de le voir travailler un jeudi, il avait donc retenu que c'était le jour de congé de l'ambulancier.
Comment il se sentait ? Petruccio se pinça les lèvres et tourna la tête sur le côté. Il n’aimait pas montrer sa frustration et sa déception, il s’agissait de sentiments disgracieux qu’il avait toujours appris à ravaler. Il était un garçon bien élevé après tout, il se devait de rester agréable. Sa mère n’aurait pas voulu qu’il fasse la tête.
Pourtant, il ne pouvait pas s’en empêcher. Petruccio avait eu des espoirs pour aujourd’hui, il avait cru qu’enfin il pouvait se comporter avec un semblant de normalité au milieu de tous ces autres étudiants. Qu’il pouvait se prouver, au moins un petit peu, qu’il n’était plus si différent. Oh il s’était trompé, et maintenant il se retrouvait à la case départ.
« Je suis énervé… » répondit-il à demi-voix, et il prit une inspiration. C’était de sa faute : il n’aurait pas dû se leurrer comme ça. Il avait été un idiot et maintenant il devait assumer. « Je voulais juste- » Petruccio se coupa, soupira, et retourna la tête vers TK. « Peu importe… »
L’ambulancier finit cependant par lui arracher un début de sourire, allez savoir comment il trouvait les mots pour les petites choses. Un compliment ici, une banalité là, n’importe quoi pour distraire l’esprit coupable de Petruccio.
« Une bonne mémoire… ? » répéta-t-il lentement, et il haussa faiblement les épaules. « J’aimerais bien. Il y a plein de choses dont je n’arrive pas à me souvenir, pourtant… Ou alors, mes souvenirs changent. Les docteurs m’ont dit que c’était probablement un effet de cette île. »
Ça ou un traumatisme violent, ce n’était jamais très clair. Avec le temps, Petruccio avait entendu les deux sons de cloche, mais rien ne semblait vraiment concluant.
« Est-ce que je peux vous demander une question personnelle, monsieur Strand ? Est-ce que… ça vous est arrivé, aussi ? »