(Terminé) Moment chill entre collègues [Clarke]

Clarke était très clairement épuisée. Elle enchaînait son travail à l'hôpital et quelques heures dans un atelier de stylisme. Les deux univers étaient très différents, mais elle s'épanouissait dans les deux domaines. Et elle travaillait tant qu'elle n'avait plus le temps de pleurer ou d'être malheureuse - enfin, elle l'était toujours, mais elle n'avait plus le temps d'y penser ou de l'exprimer. En dehors de ces deux emplois, elle ne trouvait que le temps de dormir et manger. Rien de plus et c'était parfait.

De plus, elle avait beaucoup de chances puisque celui qui l'employait était particulièrement sympathique. C'était un type agréable, gentil et drôle. Lorsqu'elle travaillait directement à l'atelier, elle ne s'ennuyait jamais. Il était un peu devenu un ami. Ils s'entendaient bien et travaillaient bien ensemble. Les moments partagés étaient toujours agréables lorsqu'ils travaillaient et même lorsqu'ils ne travaillaient pas. Ça n'arrivait pas souvent, parce que Clarke s'empêchait d'avoir le temps, mais elle avait accepté une invitation de Kurt à sortir. Après le travail, ils avaient donc décidé de passer un moment tranquille à manger quelque chose. Ce serait alors l'occasion de discuter un peu - même si Clarke perdait l'habitude de ce genre de choses - en dehors de l'atelier et d'avoir un semblant de vie normale.

C'était donc ensemble qu'ils arrivèrent au Pop's où ils s'installèrent sans perdre de temps. « Tu viens souvent ici ? » Demanda-t-elle par curiosité, en observant les lieux. Clarke connaissait l'endroit, mais elle ne s'y arrêtait pas souvent pour sa part. « Après une longue journée de travail, c'est un endroit très agréable, en tout cas. » Reposant et tranquille, tout ce qu'il lui fallait. Kurt avait bien choisi. Et même si Clarke n'était pas la plus bavarde ou la mieux placée pour faire la discussion, elle savait qu'elle apprécierait ce moment tranquille partagé avec un ami parce que ces moments étaient rares et, donc, précieux.

Ce genre de moment, ce n'était pas ce qui caractérisait le plus la vie de Clarke, mais elle les appréciait malgré tout. Elle se sentait mieux lorsqu'elle réussissait à se changer les idées en compagnie de Kurt ou de n'importe lequel de ses amis - peu nombreux, il fallait l'avouer. Cependant, elle n'était plus certaine de savoir se détendre, rire, discuter, faire la conversation, penser à autre chose. Elle allait essayer, mais elle ne pouvait rien promettre à ce pauvre Kurt qui pouvait faire face à une Clarke particulièrement silencieuse à tout moment.

La jeune femme s'était installée, en compagnie de son patron et ami, et avait ouvert la discussion en posant une question toute bête. Pour sa part, Clarke connaissait l'endroit sans s'y être arrêtée plus que ça. Mais elle savait, et elle voyait, que l'endroit était tranquille et agréable, ce qui était une bonne chose. Clarke aurait détesté se retrouver dans un lieu bruyant où il était impossible de s'entendre discuter. Ce n'était pas qu'elle n'aimait pas faire la fête, mais ce n'était pas le but de cette soirée. Alors oui, cet endroit était vraiment parfait. « J'te fais confiance. » Rétorqua-t-elle alors qu'il lui assurait qu'on mangeait et buvait bien dans cet endroit. Il avait bon goût pour ce genre de choses, elle en était certaine, alors elle le croyait sur parole. Puis, elle allait pouvoir se faire son propre avis très rapidement. « Alors, tu me conseilles de commander quoi ? » S'il avait l'habitude, il pouvait bien lui conseiller ce qu'il jugeait être le meilleur afin qu'elle puisse goûter. Clarke n'était pas bien difficile après tout, donc ce ne serait pas bien compliqué et puis ça lui éviterait de perdre un temps fou à choisir. Ainsi, ils pourraient commencer à discuter plus rapidement.

Si Clarke jetait un coup d'oeil au menu par curiosité, elle avait plutôt envie de laisser Kurt choisir pour elle en lui suggérant ce qui était le meilleur, à ses yeux, dans cet endroit. Elle n'était pas étonnée de l'entendre lui conseiller les burgers - qui avaient l'air particulièrement délicieux, il fallait l'avouer, et qui restaient, bien souvent, une sorte de valeur sûre - et les milkshakes. Rien que Clarke ne déteste, ce qui était déjà un bon point. Elle n'aurait plus qu'à se faire son avis sur ceux qui étaient vendus dans cet endroit. Son choix était donc fait, elle prendrait ce que Kurt lui avait conseillé. Lorsque le serveur était arrivé pour prendre leur commande, Clarke avait attendu que Kurt passe sa commande, puis, à son tour, avait passé la sienne : un burger classique, comme lui, et un milkshake à la vanille, pour faire simple.

Une fois le serveur parti, la jeune femme s'était de nouveau retournée vers son ami. « Alors, comment ça va, toi, en ce moment ? » Il avait beau être hiérarchiquement son patron, Clarke le voyait davantage comme une sorte d'ami - même si Clarke avait beaucoup de mal à se faire de véritables amis. Il avait été gentil, compréhensif et particulièrement accueillant, dès les premiers instants. Grâce à la chance qu'il lui donnait, elle pouvait exercer l'une de ses passions en dehors de son travail, à son rythme et sans jamais aucune pression. Son travail, celui qu'il lui avait donné, lui permettait de garder son esprit occupé en permanence. En quelque sorte, elle se sentait donc particulièrement redevable et elle se sentait reconnaissante. Kurt était quelqu'un de bien, quelqu'un qui méritait de goûter à la vie qu'il désirait et ça faisait un bien fou à Clarke de l'avoir dans son entourage, de voir sa vie posée, tranquille, mais tellement passionnée et passionnante.

Comme lorsqu'elle supposait être une conversation normale, Clarke s'intéressait à la vie de celui qui était devenu son ami au fil du temps. C'était ce qui se faisait lors de ce genre de rendez-vous : prendre des nouvelles, discuter de tout et de rien, écouter et être écouté... Clarke tentait de faire au mieux, d'oublier ses peines et ses chagrins pour se concentrer sur le moment présent. Un moment qui devait lui permettre de se changer les idées, de souffler.

Kurt répondait simplement, en précisant les choses sans trop de retenues, et c'est ce qu'elle aimait avec lui. Il ne semblait pas se prendre la tête. C'était toujours simple et agréable. Sa vie semblait agréable, elle aussi. Simple. Reposante. Même s'il avait ses soucis, comme tout le monde, notamment la recherche de ses proches. Peut-être que la solitude le pesait plus qu'il ne le laissait entendre ? Peut-être que tout n'était qu'une façade, comme elle ? Ou peut-être était-il sincèrement heureux, et c'était tout ce qu'elle lui souhaitait. « Tu n'as aucune trace d'eux ? Aucun indice ? » Clarke savait comme c'était difficile, même si elle avait eu la chance de recroiser certaines de ses anciennes connaissances - avec qui ça ne se passait malheureusement pas particulièrement bien, pour ne rien arranger. Kurt méritait de retrouver les siens, de retrouver celui qu'il aimait, sa famille ou ses amis. Clarke le lui souhaitait de tout coeur.

« J'ai beaucoup de travail entre l'hôpital et le dessin, mais ça va. » Elle ignorait quoi dire, en réalité, parce que ça n'allait pas vraiment. Non, ça n'allait pas, mais elle n'en disait rien. Se montrer faible, sauf en de rares occasions, était impensable pour elle. Alors, elle prétendait que tout allait bien et elle se laissait déborder de tous les côtés pour oublier qu'elle allait mal, en réalité. « C'est l'avantage d'être seule, je peux me laisser déborder par le travail. » Non, être seule n'était en rien un avantage à ses yeux, mais elle préférait le prétendre, comme si ça avait été son choix, comme si elle avait décidé de rester seule pour pouvoir mener de front deux emplois qui lui plaisaient, mais qui lui prenaient absolument tout son temps.

Clarke comprenait la solitude de Kurt. Il pouvait avoir tous les amis, toutes les connaissances qu'il voulait dans ce monde, les siens lui seraient toujours indispensables. Clarke n'arrivait pas à avancer avec le manque des gens qu'elle aimait plus que tout. Ils étaient essentiels à sa vie, à tel point que vivre sans eux, après tout ce qu'ils avaient pu vivre dans leur monde, lui semblait presque de l'ordre de l'impossible. Alors, elle le comprenait et elle était sincèrement désolée pour lui.

Elle s'intéressait donc à ses recherches un peu plus dans le détail. N'avait-il pas la moindre trace de leur présence dans ce monde ? Rien du tout ? A sa question, le jeune homme avait perdu son sourire. Elle compatissait et elle avait même un pincement au coeur de le voir ainsi, lui toujours si souriant, pourtant. Il lui expliquait donc qu'il avait retrouvé son ancien professeur et un demi-frère. Aucune trace des autres et surtout pas de son mari. « Je suis sincèrement désolée pour toi, mais ne perds pas espoir. » Même si elle n'était pas la plus douée pour ça, elle essayait de le réconforter. « Je suis sûre que ton mari, que tous tes proches, sont là, quelque part. Et tu verras, avec un peu de patience, ils te reviendront. » La patience... Combien de temps ? Au bout d'un moment, l'attente devenait difficile et insupportable. Elle en savait quelque chose.

Comme il lui avait retourné la question, elle avait répondu que son travail à l'hôpital et le dessin lui prenaient tout son temps - puisqu'elle n'avait aucune famille à gérer, c'était ainsi qu'elle faisait taire son chagrin et ses douleurs. « J'ai retrouvé une amie... » Expliqua-t-elle d'abord, en évoquant Octavia avec qui les relations étaient plus ou moins difficiles en fonction des périodes. « Et mon meilleur ami, mais les choses sont très compliquées. » A tel point qu'ils ne se voyaient plus et c'était certainement l'une des choses les plus douloureuses, parmi toutes les choses douloureuses qu'elle devait affronter ici. A certains moments, elle se disait presque qu'elle aurait aimé ne pas le retrouver plutôt que de se retrouver dans ce genre de situation impossible à comprendre pour elle. « Il faut simplement prendre garde à ne pas s'oublier totalement. » Plonger dans le travail avait des effets bénéfiques, elle ne pouvait pas dire le contraire. Cependant, à trop le faire, parfois, en oubliant complètement son mal-être et ses sentiments, on emmagasinait et on finissait par exploser.

Kurt retrouverait les siens. Il devait être patient et fort, mais il les retrouverait. Clarke voulait y croire. Elle ne le connaissait pas depuis très longtemps, mais elle était persuadée qu'il méritait cette chance parce qu'il était quelqu'un de bien. Quant à elle... Elle ne méritait certainement pas d'avoir la même chance, pourtant, elle l'espérait tout de même. C'était ce qu'elle tentait de lui expliquer, sans entrer dans les détails, alors qu'il lui avait retourné la question.

Tout en commençant à manger, Clarke expliquait qu'elle se plongeait dans le travail pour mieux oublier et qu'elle avait retrouvé des proches avec qui les choses étaient très... compliquées. Et ça, c'était le moins que l'on puisse dire. Entre eux, les choses avaient toujours été très compliquées et ce monde, même s'il n'était pas question de guerre ou de survie, n'arrangeait rien du tout. A cette information, Kurt se montra particulièrement curieux. Il voulait comprendre pourquoi les choses étaient compliquées. Clarke haussa les épaules dans un premier temps, en regardant un point invisible, au loin. « ça a toujours été compliqué entre nous... » Commença-t-elle. Pourquoi ne lui répondrait-elle pas, après tout ? Du moment où elle n'entrait pas trop dans les détails pour ne pas l'effrayer, ce n'était pas un secret. « On s'aime beaucoup. Vraiment. On est prêt à tout l'un pour l'autre, à tel point que ça nous fait prendre des décisions incroyablement stupides parfois, mais... » Stupides et dangereuses et terribles. Des décisions qu'elle ne regrettait jamais lorsqu'il s'agissait de les sauver. De le sauver, lui. « On se fait énormément de mal, aussi. On s'est trahi tellement de fois. » Kurt n'imaginait sans doute pas l'ampleur de ce qui se cachait derrière les mots de Clarke. L'ampleur des trahisons. Les guerres. La mort. « Et il me cache quelque chose. J'sais que c'est important parce que ça le détruit. Je le vois et j'peux rien faire parce qu'il me rejette. Pour me protéger, d'après lui... mais, enfin, c'est compliqué. » Affirma-t-elle de nouveau tant leur histoire était complexe - la perte de mémoire de Clarke n'aidait en rien, en plus de tout. « Alors, pour oublier tout ça, je me plonge dans mon travail et j'oublie de ne pas m'oublier. » Ajouta-t-elle dans un sourire, préférant sourire que montrer ses faiblesses face à cette situation qui la touchait terriblement - parce qu'elle aurait aimé avoir son meilleur ami comme soutien, pour supporter la perte de Madi.

A la demande de Kurt, et parce que ça ne la dérangeait pas, Clarke expliquait sa situation compliquée avec ses amis. Ceux qu'elle avait eu la chance de retrouver. Bien sûr, elle n'entrait pas dans les détails parce qu'elle ne désirait pas que Kurt sache tout de sa vie d'autrefois - elle avait commis bien trop d'horreurs pour se dévoiler facilement. Alors, elle restait vague. Un meilleur ami pour qui elle était prête à tout et qui était prêt à tout pour elle, ce qui les poussait à prendre des décisions stupides. Les trahisons. Le mal qu'ils se faisaient. Et, surtout, ce qui les détruisait actuellement : le silence. Bellamy lui cachait quelque chose, elle le savait, mais elle ne réussissait pas à le faire parler, malgré ses demandes.

C'était compliqué d'expliquer des choses, sans les dire clairement, mais Clarke avait fait au mieux pour qu'il puisse avoir une vision globale de la situation. Prendre soin d'elle... Prenait-elle réellement soin d'elle alors qu'elle taisait toutes ses émotions, se détruisant peu à peu, en se bouffant la santé, en prétendant se sentir bien en travaillant ainsi, pour oublier ses amis ? Pour oublier sa fille ? Mais, tout ça, il ne le savait pas. Alors, ce qu'il disait n'était que gentillesse. « J'essaie. » Répondit-elle simplement, pour ne pas entrer davantage dans les détails du pourquoi elle était incapable de profiter de sa vie.

Dans le plus grand des silences, la jeune femme commençait à manger. Faire la conversation, ce n'était pas toujours facile pour elle, mais elle voulait faire un effort, pour Kurt. « Et si tu me parlais un peu de ton monde ? » Demanda-t-elle par curiosité, jugeant que cette conversation tiendrait un certain temps. « Si tu veux, bien sûr, j'te force pas... » Elle ne voulait pas paraître trop curieuse et faire que ce soit trop déplacé.

Si Clarke n'était pas particulièrement à l'aise dans une situation aussi banale que celle-ci, elle tentait néanmoins de faire de gros efforts. Kurt était un type agréable et avec qui il était plutôt facile de discuter, ce qui lui facilitait grandement les choses, elle devait l'avouer. Alors, par curiosité et pour faire la discussion, elle s'intéressait au monde de ce dernier. Tout en mangeant, elle l'écoutait donc répondre à sa question.

Son monde était donc très proche du monde dans lequel ils devaient désormais évoluer. La différence n'était donc pas difficile à vivre. Il devait surtout s'habituer à la disparition de ses proches, pour le reste, l'adaptation était beaucoup plus simple. Sa vie ressemblait à celle de beaucoup - pour ceux qui n'avaient pas grandi dans un monde complètement différent, comme elle, d'après ce qu'elle avait pu entendre, en tout cas. Elle l'enviait quelque part. Sa vie n'avait certainement pas toujours été simple - il avait, par exemple, perdu sa mère et c'était une perte indescriptible et particulièrement difficile à surmonter - mais il y avait quelque chose d'agréable dans ce qu'il racontait. Pas de survie, de guerre, de lutte. Une vie, juste, avec des hauts et des bas, des difficultés et des avantages. Mais une vie.

Il avait eu la chance de pouvoir développer des passions, trouver des amis... Comme elle aurait aimé que Madi ait cette chance également. Elle n'avait eu que celle de vivre dans un monde presque mort où le combat et la survie étaient monnaie courante. « Ça a été difficile à accepter pour toi ? » S'interrogeait-elle alors qu'il finissait à peine. Parce que dans cette vie, c'était bien la seule chose qu'elle ne lui enviait pas. Dans son monde à elle, l'homosexualité ne posait aucun problème. Il n'y avait aucune question d'accepter ou non, chacun était libre d'être ce qu'il était. A ce niveau, l'ouverture d'esprit des gens était totale, Clarke avait pu le constater par elle-même, sans jamais avoir à se poser la question d'être acceptée ou non - même ses maigres souvenirs lui permettaient d'en avoir la certitude.

Alors que Kurt avait évoqué sa vie d'autrefois, Clarke se montrait curieuse et lui posait d'autres questions. Ce n'était que de l'intérêt, comme on pouvait en avoir pour un ami, mais s'il la jugeait trop curieuse, elle accepterait qu'il ne réponde pas à ses questions et, évidemment, elle n'insisterait pas. Après ce qu'il avait sous-entendu, elle lui avait donc demandé si son homosexualité avait été difficile à accepter et faire accepter - c'était assez nouveau pour elle, dans son monde, ce genre de questions n'existait pas. On aimait, point.

Il se confiait donc à elle, avec une certaine facilité qui la touchait. Il lui racontait donc les moqueries, les difficultés qu'il avait rencontrées avec son père et donc des moments difficiles. Clarke était sincèrement désolée pour lui et elle compatissait. Heureusement, il avait également été soutenu et, grâce à ce soutien, il avait réussi à faire accepter tout ça à certains de ses proches et, surtout, plus important encore, à s'accepter lui-même. Parce que oui, au fond, c'était bien ça le plus important, non ? S'accepter pour pouvoir avancer et vivre sereinement.

S'accepter lui avait également permis de rencontrer celui qu'il aimait, son âme soeur comme il le disait si bien. « Je suis désolée que tu aies eu à subir tout ça... » Souffla-t-elle, sans trop savoir quoi dire. Ce n'était jamais facile de répondre à ça - et Clarke n'était pas douée avec les relations humaines pour ne rien arranger. Diriger un peuple, oui, discuter normalement et banalement, non. « Bonne question ! » Répondit-elle en souriant, amusée. « Actuellement, je suis célibataire. » Ajouta-t-elle pour donner davantage de détails. « Autrefois, lorsque j'étais dans mon monde, c'est un peu compliqué. J'ai perdu une grande partie de la mémoire, donc je n'ai pas la moindre idée d'où j'en étais à ce moment-là dans ma vie. » Octavia et Bellamy ne lui avaient rien dit, elle supposait donc qu'elle était seule, mais... Elle n'avait aucune certitude dans le fond. « Des souvenirs clairs que j'ai, les choses se sont toujours mal terminées. Des souvenirs flous aussi, d'ailleurs. » Ajouta-t-elle, l'air plus sombre et en baissant les yeux. Mal terminé, ce n'était pas simplement des amourettes qui prenaient fin. C'était la souffrance et la mort. Des souvenirs peu joyeux en somme.

Comme deux amis le feraient en temps normal, Kurt et Clarke discutaient de leur vie actuelle et passée. Ils évoquaient leur monde et les difficultés qu'ils y avaient rencontrées. Enfin, Kurt le faisait. Clarke avait un peu plus de mal. Pas seulement parce qu'elle restait discrète à ce sujet, mais aussi parce qu'une grande partie de sa mémoire avait disparu - ce qui ne facilitait clairement pas les choses, évidemment. Alors, lorsqu'il était question de ses relations sentimentales, Clarke restait évasive, mais donnait tout de même les informations qu'elle avait à sa disposition. Elle lui expliquait donc que tout était flou, mais que des souvenirs qu'elle avait, tout s'était toujours mal fini. La mort. Les blessures. La trahison. Rien qui ne puisse donner envie de laisser une nouvelle chance à l'amour dans ce monde.

« Je profite de ma vie de célibataire. » Assura-t-elle, avant d'ajouter : « Enfin, j'essaie. » Être seule ne la dérangeait pas particulièrement, mais en profiter, c'était une autre histoire. Il fallait dire qu'elle n'était pas d'humeur à en profiter, lorsqu'elle pleurait sa fille à chaque fois qu'elle était seule. « J'aimerais t'en dire plus, mais... » Elle était sincère, même s'il y a certaines choses qu'elle garderait pour elle - notamment la manière dont Finn était mort, par exemple. « Mon premier petit ami, à mon arrivée sur Terre, est mort. » Elle parlait de Finn, bien sûr. Le premier garçon qu'elle avait aimé sur Terre, mort de ses mains pour lui éviter une mort cruelle par les natifs - mais tout ça, elle devait le taire. « Et, avant d'arriver ici, je crois que... Je ne suis certaine de rien, parce qu'il ne s'agit que d'impressions, de sentiments, sans aucun souvenir précis, mais je crois que j'aimais quelqu'un. La commandante. » Disait-elle comme s'il comprenait de qui il s'agissait, le regard dans le vide. « Elle dirigeait les natifs, un peuple ennemi du mien. » Enfin, les choses étaient beaucoup plus compliquées, mais il était difficile de tout lui expliquer en détails, alors le pauvre ne devait rien comprendre à ces histoires de peuple, de natifs et compagnie.

Si Clarke n'appréciait pas particulièrement se confier sur ses histoires personnelles ou sur ce qu'elle avait vécu dans son monde - parce qu'elle craignait d'être jugée et parce qu'elle n'était décidément pas douée pour cet exercice - elle tentait de faire un effort pour Kurt. C'était ainsi que l'on créait des amitiés solides, dans un monde comme celui-ci, lorsque la guerre et les alliances n'y contribuaient pas. Alors, elle se devait d'au moins essayer, faire un effort.

Sans trop de détails, elle avait donc expliqué que son petit ami, Finn, était mort sur Terre, peu de temps après leur arrivée là-bas. Elle lui passait les détails les plus sordides et les plus difficiles, cependant. Par la suite, elle évoquait un flou. Ce n'était pas quelque chose de certain dans le sens où elle n'avait conservé aucun souvenir précis, mais c'était quelque chose qu'elle ressentait au plus profond d'elle-même, dans son coeur et dans son âme : Lexa. Sans en dire trop, une fois encore, elle expliquait qu'il s'agissait de la cheffe d'un clan ennemi - toutes ces histoires devaient lui paraître complètement folles - mais qu'elle l'avait aimée plus que tout.

D'abord, il l'avait remerciée pour ses confidences. Puis, il lui avait dit qu'il comprenait certaines choses et qu'il comprenait également qu'elle ne veuille pas en dire plus. « Ce n'est pas tant que je ne veux pas t'en dire davantage... » Enfin si, il y avait de ça, mais pas que. « Je ne sais même plus ce que je t'ai déjà raconté sur mon monde et... Tout me paraît si loin du tien que... J'ai l'impression... Enfin, tu vas croire que je te raconte n'importe quoi. » Terminait-elle dans un sourire. Leurs deux mondes étaient si différents qu'il pouvait être difficile de croire ou d'imaginer ce que l'autre avait pu connaître et vivre. « Si tu as des questions, vas-y. » Elle ne lui promettait pas d'y répondre, mais elle essayerait.

Il y avait des mondes plus faciles que d'autres, Clarke l'avait compris il y a longtemps. Tous avaient leurs particularités, leurs détails, leurs bonnes et leurs mauvaises choses. Clarke ne connaissait pas tout du monde de Kurt, mais elle savait une chose : leur deux mondes étaient très différents. Sur bien des points. A tel point que Clarke ne savait pas ce qu'elle pouvait ou non lui raconter, ce qu'il était capable d'entendre et de croire ou non.

Elle ne voulait pas particulièrement lui cacher des choses, mais elle ne pouvait pas tout lui dire et puis... elle ne savait même pas par où commencer, alors... Autant qu'il lui pose des questions, lui-même. Elle ne promettait pas d'être en mesure de répondre à chacune d'entre elles, mais elle ferait de son mieux, avec sa mémoire et ce qu'elle se sentait prête à révéler.

Kurt, suite à la proposition de Clarke, se lâchait. Il enchaînait les questions avant de préciser qu'elle ne devait répondre que si elle le voulait. Un petit sourire s'était dessiné sur ses lèvres, avant qu'elle n'ajoute : « En effet, tu en as des questions. » Elle but une gorgée de sa boisson, avant de s'éclaircir la voix et de commencer à répondre : « Je suis née et j'ai grandi sur une Arche, dans l'espace, parce qu'on pensait que la planète n'était plus habitable. Un jour, j'ai été envoyé avec d'autres jeunes sur Terre pour vérifier s'il était possible, désormais d'y vivre, puisque l'Arche avait des problèmes qui auraient fini par tous nous tuer. Et... Comme tu t'en doutes, il était possible d'y vivre. » Sinon, il n'y aurait pas eu d'histoire à raconter. « Sauf qu'on s'y pensait seuls, bien sûr, mais ce n'était pas le cas. D'autres avaient réussi à survivre durant toutes ces décennies. Ils avaient réussi à survivre sur Terre et ce sont eux que nous appelons les natifs. » Ceux qui étaient natifs de la terre, contrairement à ceux qui venaient de l'Arche. « Nous avons atterri sur leur territoire, il y a eu des incidents, ils ont cru qu'on les attaquait et... nous sommes devenus ennemis, même s'il y a eu des alliances parfois. » Elle passait les nombreux détails de l'histoire pour éviter de perdre des heures en explications. « Quand je suis arrivée sur Terre, je n'avais plus que ma mère. Mon père est mort dans l'Arche. » Sacrifié, condamné à mort, pour être plus précis. « Mais mon meilleur ami m'a appris que ma mère était morte. » Alors, elle n'avait plus personne. « J'ai aussi perdu un ami très proche peu de temps après mon arrivée sur Terre. » Ainsi que son petit ami, comme elle l'avait évoqué. Donc autant dire qu'elle en avait perdu, du monde. « Et j'ai perdu ma fille. Je ne m'en souviens pas, mais... Je l'ai perdue. » Et ça, c'était une perte dont elle ne voulait pas parler. « Et des amis, j'en avais. Des amis sur qui je pouvais compter en toute circonstance. Vivre ce qu'on a vécu, ça créé des liens. » Alors oui, elle avait la chance d'avoir des liens forts, des amis.