(abandonné) Neither gone, nor forgotten [Eris]

Neither gone, nor forgotten

feat. Eris

Le Moyen Âge… Vaste époque… pas tant cependant pour l’entité immortelle qu’il était alors. Merveilleuse époque, surtout. La sienne. Oh, comme il pouvait s’exprimer librement, alors… comme on le redoutait… Comme il pouvait fièrement se rendre de foyer en foyer et y semer la peur. Les hommes vivaient avec l’angoisse au ventre. L’espoir des lendemains qui chantent ? Non, l’espoir n’existait pas. Vivre était un fardeau… vivre sans peur était impossible. Pitch avait été au summum de sa gloire, alors… Il y pensera toujours avec la plus vive et la plus profonde nostalgie. Cette époque lui manque. Terriblement. De même que ses pouvoirs. Il avait tout alors : l’influence, la réputation… la reconnaissance. Et puis… tout s’est effondré… L’homme de la Lune a nommé ses gardiens, et alors il n’a plus été, aux yeux des hommes, qu’une légende quelconque… une légende à laquelle l’on n’était pas tenu de croire… Il y pense souvent, comment, peu à peu, il est devenu… moins impressionnant… inutile… invisible.

Les cauchemars qu’il offrait à d’autres avec une délectation certaine, c’est lui qui en fait à présent… Ou du moins, c’est ce qu’il s’imagine, alors qu’il regarde autour de lui les habitants d’un village aux façades d’époque passer à côté de lui sans le voir, le traverser à la manière d’un fantôme… Pitch se sent faible, fragile… diminué… Mais ce n’est qu’un cauchemar. Il suffit qu’il se pince, ou qu’il y pense un peu plus fort, et il se réveillera forcément. Il se réveillera, oui, sur cette île qui est une autre sorte de cauchemar… Un cauchemar qui le prive de son essence, mais qui lui donne, dans le même temps, l’occasion d’un nouveau départ. Il retournera dans cette ville, sur cette île, et il n’aura pas à faire face une fois encore au déclin terrible de son influence.

A moins que… Les minutes s’écoulent et rien ne se passe. Non, ce n’est pas un cauchemar. Il sait de quelle matière ils sont faits… Ce à quoi il est confronté n’est pas un fantasme, c’est quelque chose de concret, de tangible. Se pourrait-il que l’Homme de la Lune se joue de lui et ait décidé de le projeter dans ce monde hostile à ses idéaux, au moment même de son déclin… Il s’agace de sa vulnérabilité, mais il ne tarde pas à se ressaisir. Ce n’est pas un hasard… Ce qu’il a mis des siècles à fomenter, il pourrait peut-être parvenir à l’obtenir en moins de temps, au regard de ce qu’il a déjà vécu… et ne pas sombrer dans les écueils qui l’ont retenu par le passé. Difficile de voir une opportunité dans l’un des épisodes les plus insupportables de son existence, mais…

« Vous… »

Pitch l’observe. Elle. Eris. Depuis combien de temps est-elle là ? Il n’en sait rien. Troublé par sa présence, il fait bientôt un constat, alors que leurs regards se toisent sans se lâcher. Un constat qui pourrait sembler anodin mais qui, bien évidemment, ne l’est pas le moins du monde.

« Vous me voyez, n’est-ce pas ? »

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feat. Eris

Evidemment, s’est-elle plu à lui rétorquer avec cette sorte de détachement que Pitch ne peut s’empêcher de trouver insupportable (bon sang ce qu’elle l’agace). Sauf qu’il n’y a rien d’évident à cette situation, quoi qu’elle puisse prétendre pour se donner une contenance. Où alors si, il y a des évidences, mais ce ne sont certainement pas ces évidences qui vont leur permettre, ni à l’un ni à l’autre d’y voir plus clair. Evidemment qu’elle n’a rien à faire ici, évidemment qu’elle ne devrait pas être capable de le voir, évidemment qu’il n’a pas la moindre idée de ce qu’ils font là, évidemment que cette situation est d’autant plus alarmante qu’elle les place en présence l’un de l’autre, chose que ni l’un ni l’autre ne pouvaient véritablement vouloir. Non, il n’y a rien d’évident dans tout cela, et au fond de lui, même s’il y a quelque chose de réconfortant dans le fait de constater qu’Eris est bel et bien capable de le voir, il se demande s’il n’aurait pas préféré que ce ne soit pas le cas, à l’instar de tous ceux qui l’avaient jusqu’alors traversé sans s’inquiéter de sa présence.

S’il y en a bien une avec qui il n’a pas envie de partager son histoire, c’est définitivement Eris. Si ce doit être pour entendre cette dernière affirmer qu’il est responsable de son échec parce qu’il n’a pas su se rendre suffisamment impressionnable, suffisamment mémorable (ce qu’il pense en partie, même s’il impute tout de même à l’Homme de la Lune et à ces satanés gardiens la plus grande part de responsabilité dans le déclin de la foi que l’on a placé en lui, au point de l’affaiblir considérablement), ça ira bien comme ça. Cette situation est suffisamment catastrophique comme cela sans que Miss Chaos s’en mêle. Miss Chaos, tiens… Pourquoi est-ce que l’idée ne l’effleure que maintenant ? Comme par hasard, elle seule est présente et elle seule est capable de le voir… est-ce qu’il n’est pas évident, par conséquent, qu’elle est responsable de la situation dans laquelle il se trouve ? Pitch en gagne la conviction presque immédiate. Et il se sent assez idiot, à vrai dire, de ne pas y avoir pensé tout de suite tant cela lui semble évident à présent qu’il se retrouve dans cette situation.

« Comme si vous ne le saviez pas pertinemment », réplique Pitch, amer, tout en se fendant d’un léger rire, tout aussi amer.

Oui, elle le sait forcément, il ne peut pas en être autrement, et elle va le sortir d’ici… Il voit très bien où elle a voulu en venir : le roi des cauchemars obligé de vivre son propre cauchemar – ouh, que c’est ironique. Mais il n’est pas question le moins du monde pour Pitch d’endurer cela plus longtemps que nécessaire.

« Pas que cette petite séquence nostalgie ne soit pas proprement désopilante », reprend-t-il en la toisant d’un regard sombre et menaçant. « Mais vous allez me ramener chez moi, maintenant. Tout de suite. »

Chez lui… Comme s’il avait un jour considéré que l’île était bel et bien « chez lui ».

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feat. Eris

Dans cette situation plus que décontenançante, Pitch s’épargnerait plus que jamais les paroles particulièrement acerbes de son interlocutrice. Parfois, leur échange de piques assassines réussit presque à l’amuser, mais pas cette fois. Non, cette fois, il s’épargnerait définitivement de devoir supporter ses sarcasmes en plus de tout le reste… Comme si ce n’était pas assez que de se retrouver plongé dans cet ancien souvenir particulièrement déplaisant, voilà en plus du reste qu’il lui fallait supporter cette compagnie qui n’avait jamais, ô grand jamais été amicale. Pas qu’il aurait couru après la compassion de quiconque en cet instant – il était capable de réclamer une telle chose, mais il se serait néanmoins épargné, et sans mal, la contrariété de devoir rendre des comptes à cette femme qui lui confirme en quelques mots ne rien avoir à faire ici elle.

« Qu’est-ce qui vous fait dire que nous sommes enfermés où que ce soit. » Il pousse un soupir. « Chercher à me perdre est votre passe-temps préféré, ne croyez pas que je ne l’ai pas remarqué. Quel dommage, vraiment, que vous soyez si inefficace à la tâche », la raille-t-il.

Quand il est en sa présence, il ne peut s’empêcher de l’envoyer sur les roses, mais c’est encore pire, ici et maintenant, parce que Pitch se retrouve ici et maintenant confronté à tout ce qu’il voudrait ne surtout pas devoir affronter : lui qui incarne la peur d’autrui et s’en est toujours nourri n’aime pas se surprendre à ressentir de la peur… et pourtant, c’est bien ce qu’il éprouve, oui. Eris a raison de le penser (et bon sang ce que Pitch voudrait s’épargner la moindre occasion de lui donner raison) : il est bel et bien terrifié.

Mais il a comme le sentiment qu’il n’est peut-être pas le seul. Oui, elle lui sourit de toutes ses dents, et ce sourire est tout aussi charmant à ses yeux qu’il est agaçant… mais ce qu’il en retient surtout, c’est qu’elle ne sait pas plus que lui ce qu’ils font ici, ce qui signifie par conséquent qu’elle n’a pas plus que lui le contrôle sur la situation. En cet instant, Eris subit les événements tout autant qu’elle. Ce n’est pas à proprement parler la pensée la plus réconfortante qui l’ait jamais effleurée, mais elle a le mérite malgré tout de lui apporter un semblant de satisfaction, et on ne crache pas dessus, après tout.

« Je ne vous mens pas mais je ne vois pas l’intérêt de vous dire la vérité. Je ne vous dois absolument rien, ma jolie », remarque-t-il, privilégiant l’agacement à la peur afin de garder le plus grand contrôle possible sur la situation. « Vous avez peur, vous aussi, pas vrai. On est sur mon territoire, ici, pas le vôtre. Quelle tristesse, pour vous vraiment. » Il pousse un soupir. « J’ai mieux à faire que de vous chaperonner. Baladez-vous, faites votre vie, pour ce que ça m’intéresse. Moi, j’ai des choses à faire. »

Quoi donc ? Rien du tout si ce n’est travailler à quitter cet endroit le plus vite possible… Mais vous pensez bien qu’il ne compte rien en dire pour autant.

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feat. Eris

Si Eris l’agace autant, ce n’est définitivement pas sans raison… c’est clairement parce que, la plupart du temps, elle vise juste, beaucoup trop juste pour son propre bien. Elle sait précisément où appuyer pour que cela fasse le plus mal possible, et c’est son ego, ô combien surdimensionné, qui en prend à chaque fois un sérieux coup. Elle a raison, ce territoire a beau être le sien, c’est un territoire qu’il ne maîtrise pas… ou du moins, qu’il ne maîtrise plus.

Fut un temps où la simple évocation de son nom faisait trembler de terreur même l’humain le plus audacieux. Il inspirait la terreur, et il se nourrissait de cette même terreur en l’alimentant à sa manière… c’était parfait, alors, il ne s’était jamais senti plus fort, plus puissant… Mais cette sensation n’est plus… Elle n’est plus pour une raison très simple, et ce n’est certainement pas une absence de talent. Oh, comme il aurait voulu qu’Eris le voit à l’époque du glorieux Moyen Âge, il est convaincu du fait qu’alors, elle ne saurait être autre chose qu’impressionnée. Peut-être même s’inclinerait-elle devant ce talent qu’elle lui nie ? Oui… les pensées de Pitch ne sont pas cohérentes, ou bien elles le sont s’il accepte de leur donner cette interprétation bien réelle qu’il leur refuse pour des raisons évidentes… il n’est pas capable d’assumer son envie presque viscérale de lui plaire. Il n’aime pas être touché dans son ego, encore moins par une femme qui lui plaît, quoi qu’il puisse affirmer.

Non, ce n’est pas à une absence de talent qu’il doit cette situation chaotique, mais définitivement aux Gardiens, qui, dès lors qu’ils ont été appelés par l’Homme de la Lune. La compétition est passée d’inexistante à inégale. Les rêves ont remplacé les cauchemars, et il ne pouvait rien faire contre cela.

« C’est ça, bon vent », grommèle-t-il quand Eris lui présente ses adieux.

Si elle est coincée ici, elle n’ira pas loin dans tous les cas, et lui veut croire qu’il peut se débrouiller sans elle. En réalité, ce n’est pas vraiment le cas. Non, ce qui le taraude vraiment, c’est l’idée qu’elle le découvre dans une position de faiblesse telle qu’il ne puisse définitivement pas s’en défendre. Car oui, dans la situation présente, il ne peut rien… Et c’était certainement le pire qui pouvait lui arriver que de le voir se retrouver en situation d’échec. Ici, sera-t-il capable de transformer les rêves du marchand de sable en cauchemars ? Il n’en est pas convaincu du tout… Il a mis des siècles à aboutir à un résultat probant, et il sent bien, par ailleurs, que ses capacités, ici, sont diminuées.

Il décide finalement de rejoindre son refuge, c’est sans doute le moyen de raisonner et de faire le point sur cette situation. Il ne servira à rien d’agir à l’aveugle, quoi qu’il en soit… Alors d’un pas décidé, sans chercher à savoir où se trouve Eris, même si une part de lui voudrait l’avoir à ses côtés, il se dirige vers le gouffre sous un lit aux lattes défoncées qui lui sert de refuge.

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feat. Eris

Dans son refuge, il ne trouve rien de probant, rien qui ne le rappelle pas à l’intense solitude qu’il a éprouvé des siècles durant avant de parvenir à façonner finalement des cauchemars suffisamment consistants qu’ils lui permettraient de mettre en péril le Marchand de sable et de se jouer de lui. Ici, Pitch a certes retrouvé qui il était, mais il se sent malgré tout, accablé par tout le chemin qu’il lui faudra parcourir de nouveau, sachant pertinemment que l’issue, la dernière fois, ne lui a en rien été profitable. Et si les Gardiens avaient de nouveau raison de lui ? Pitch, certes, ne veut pas y penser, mais il n’a pas réellement d’autre choix.

S’il ne veut pas repartir de zéro… à moins… à moins de se servir des nouvelles cartes à sa disposition. C’est sans doute un peu trop rapidement qu’il a congédié Eris, alors que cette dernière pouvait, à l’évidence, lui être d’une aide précieuse, au vu de son passif et de ses compétences. Pitch est trop orgueilleux pour vouloir réclamer de l’aide, plus encore pour accepter d’en réclamer à Eris… Mais il serait peut-être temps pour lui, c’est vrai, de mettre son égo de côté une bonne fois pour toutes et d’aller la retrouver.

A peine cette pensée lui effleure-t-elle l’esprit qu’il entend, depuis la surface, la voix caractéristique d’Eris. Elle le cherche. Elle lui demande de revenir. Cette pensée fait naître sur ses lèvres une esquisse de sourire franchement satisfaite (et un rien hautaine, il faut bien le dire). Ainsi donc, Eris a besoin de lui, hein ? Soit… Il pourra prétendre qu’il lui fait une faveur quand, en réalité, il était à deux doits d’aller la retrouver. Cette pensée le charme tout à fait, il doit bien le reconnaître.

Dans un nuage de fumée sombre, Pitch apparaît dans le dos d’Eris, assise sur l’extrémité du mit aux lattes défoncées… Il peut le ressentir… Pour la toute première fois depuis leur rencontre, il le ressent… Eris a peur… Et cette peur a une saveur des plus délicieuse pour lui. Il l’absorbe comme s’il humait la plus délicieuse des fragrances.

« On a peur de rester toute seule ? » souffle-t-il dans son dos d’un ton ironique.

Pitch ne devrait pas pavoiser, pourtant, car leurs peurs sont identiques. Sur ce point – comme sur beaucoup d’autres – leurs pensées se rejoignent. Ils se ressemblent bien plus qu’ils ne voudraient l’admettre… Raison pour laquelle, peut-être, ils s’évertuent tant à le nier, autant l’un que l’autre… C’est pourtant une réalité des plus manifestes.

« N’essayez pas de nier », ajoute-t-il en se postant devant elle. « Je le sens. » Il la toise un instant de haut en bas. « Vous êtes chanceuse. J’ai une proposition à vous faire. »

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feat. Eris

Si Eris ne répond pas à ses provocations, l’absence de réponse de sa part vaut presque mieux qu’un long argumentaire ou qu’une remarque acerbe afin de lui faire comprendre l’étendue de son erreur. Il sait qu’elle est vulnérable, il est capable de ressentir sa peur, et elle lui est d’autant plus précieuse qu’Eris n’est pas le genre de femme à s’angoisser facilement – c’était une chose qu’il avait rapidement cernée chez elle, et ce même avant de retrouver ses pouvoirs, et cela l’avait tout naturellement frustré… cela avait contribué à l’animosité qu’il avait tout naturellement affichée à son égard. Une animosité qui, bien sûr, dissimulait en réalité quelque chose d’autrement plus fascinant et complexe, une émotion que Pitch ne prenait pas le temps d’identifier pour ce qu’elle était, préférant largement la provocation à l’introspection.

Eris a peur, et il est capable d’apprécier cette petite victoire, qui rendra chacun de ses élans ironiques et chacune de ses saillies acerbes à venir un peu moins agressives… Mais ce n’est pas pour autant que lui-même en mène vraiment très large. Il se trouve dans une situation aussi désagréable que délicate. Une situation qu’il ne maîtrise pas le moins du monde, une situation qui lui déplaît immensément et qui remue en lui autant d’angoisses d’un retour de ses démons qu’un désir violent de pure vengeance. Il se doit d’admettre qu’il n’est pas aussi confortable qu’il veut l’admettre avec cette situation, et qu’il aura probablement le plus grand besoin de son interlocutrice pour parvenir à démêler toute cette situation qui ne lui dit rien qui vaille.

Si Eris se trouve ici, et si elle n’est pas responsable de sa présence en ces lieux, peut-être doit-il admettre que sa présence n’est, malgré tout, pas le fruit du hasard. Il a besoin de comprendre de quoi il retourne, et pour cela il a le plus grand besoin de ses proches et de l’aide de tous ceux qui seraient susceptibles de réellement l’aider d’une manière ou d’une autre… Eris peut être un atout précieux pour lui, et il ne peut certainement pas l’oublier. Pitch le sait, il est parvenu à encourager la curiosité de son interlocutrice, et il est convaincu qu’elle trouvera un semblant d’intérêt à cette situation quand elle en mesurera l’intensité… chaotique. Pitch parvient même à afficher un sourire en coin en dépit de l’ironie manifeste de son interlocutrice au moment pour elle de lui confier un surnom qu’il ne lui aurait pas déplu de recevoir de la part du commun des humains. Elle, au moins, le reconnaît et le voit, peu importe qu’elle ironise sur cette situation, elle sait qui il est.

« Puisque nous sommes coincés ici, je voudrais en profiter pour rendre visite à quelques vieux amis… S’il devait leur arriver malheur… le monde serait privé de ses protecteurs… et plongerait probablement dans le chaos… »

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feat. Eris

Un sourire satisfait étire les lèvres de Pitch quand Eris admet être conquise par son projet, qu’il a su lui vendre en quelques mots seulement – non, un seul en réalité, mais qui a bien évidemment son importance : le chaos. Le chaos opère sur Eris à la manière d’une énergie puissante et vitale, comme le font la peur et les ténèbres sur Pitch… Rien d’anormal, par conséquent, à ce qu’ils puissent avoir plus d’un intérêt commun. Toute perspective de collaboration entre eux est naturellement houleuse, parce que ni l’un ni l’autre n’acceptent réellement de céder du terrain à l’autre, mais cela n’ôte absolument rien à la force de leurs ambitions, et au plaisir qu’ils pourraient bien prendre à s’associer tous les deux plutôt que de se tirer dans les pattes – ne leur en déplaise.

Le plan est à la fois simple et complexe, car il n’est pas tout de vouloir retrouver les Gardiens afin d’obtenir sur eux une très juste vengeance, encore faut-il qu’il parvienne, cette fois, à prendre le dessus sur eux… Leur dernière confrontation n’avait définitivement pas tourné à son avantage, et il n’est pas sans le savoir – quand bien même il se gardera bien d’évoquer le sujet en présence de son interlocutrice, auprès de qui il ne tient qu’à afficher sa proverbiale assurance, sa confiance à toute épreuve.

« Les Gardiens », répond Pitch qui ne peut évidemment espérer l’assistance d’Eris en la gardant dans l’ignorance d’un certain nombre d’informations qui ne sauront leur être qu’essentielles au regard des circonstances. « Ils ont pour mission d’apporter de la joie et de l’espoir à certaines périodes de l’année, à l’aide de cadeaux et d’artifices… aux enfants, surtout. Tant que les enfants croient en leur existence, ils sont forts, puissants… Mais si on cesse de croire en eux, alors… » Un léger rire cynique s’échappe de ses lèvres. « Et il y a Sand. Ce que je propose de cauchemar, il le distribue en rêves », il ajoute en essayant de se montrer aussi factuel que possible afin de ne pas se laisser déborder par la rage, l’amertume et le ressentiment… Ce serait faiblesse, en présence d’Eris. Et surtout, il ne veut montrer aucun signe de faiblesse à l’heure actuelle, il veut se montrer aussi fort que possible. « Ils ne son pas simples à vaincre mais… » Il serre les poings malgré tout. La suite est difficile à expliquer, elle le place face à ses échecs, et Pitch Black déteste l’échec. « J’avais presque réussi, la dernière fois. »

Presque, c’est là tout le problème.

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feat. Eris

Eris a raison (oui, il faut bien qu’il l’admette de temps en temps – et il devra même un jour admettre qu’elle a plus souvent raison que lui-même). Sur l’île où ils ont fait connaissance, il est plus simple d’espérer obtenir sa victoire, car la puissance des Gardiens est fragilisée par la disparité des croyances qui ont bercé leurs habitants. S’en prendre aux enfants de l’île, Pitch n’avait pas attendu que son interlocutrice le lui conseille pour le faire, il s’y était attelé dès l’instant où il avait retrouvé ses pouvoirs, et il se sent d’autant plus frustré de ce retour à la case départ, même si l’île en elle-même lui offrait un potentiel en partie limité, et qui avait le don de l’agacer également.

« Tu parles comme si nous avions le moindre moyen et la moindre idée de comment partir d’ici. J’avais un plan, sur l’île », confirme-t-il avec orgueil. « Et je n’avais pas besoin de toi pour me répéter des choses que je savais déjà », il ajoute avec beaucoup de mauvaise foi, surtout parce que Pitch Black a quelque difficulté à accepter les conseils de qui que ce soit.

Il se sent toujours diminué au moment de les entendre, comme s’il s’agissait là d’une insulte à son intelligence. Et puisque ses rapports avec Eris n’ont pas vraiment attendu cela pour être diablement tendus, cela n’arrange définitivement et résolument rien à l’affaire.

Et bien sûr, Eris n’arrange rien, en ne se privant pas de l’attaquer directement sur ses compétences, de ce ton qui lui donne envie de lui arracher la tête, de la malmener, d’arracher ses lèvres de ses dents, bref…

« Leur influence n’était plus aussi forte, je l’avais réduite à néant. Je te l’ai dit, ça s’est joué à un rien », s’agace-t-il. « Nous sommes coincés ici, je ne vais pas rester là sans rien faire. Mais toi, ne t’en prive surtout pas, je ne t’ai jamais rien vu faire d’autre. Toujours occupée à brasser du vent et à prétendre avoir la moindre influence sur qui que ce soit alors que tu n’es rien d’autre que pathétique et seule. »

Pitch pourrait comprendre la stratégie d’Eris, mais puisqu’il n’a, contrairement à ce qu’elle croit peut-être, aucun pouvoir sur le fait de rester ici ou non, il ne croit pas tant que cela à la possibilité qu’ils reviennent sur l’île, ou bien dans très longtemps. Alors sa seule parade est de se montrer désagréable.