(terminé) Patinoire | La pire idée du siècle ⊹ Camille

Pourquoi avait-elle dit oui ? Pourquoi avoir accepté une sortie en cette période où les rues étaient pleines de monde ? Elizabeth avait de plus en plus de mal à vivre la vie qu'elle menait pourtant depuis presque trois ans. Elle s'était habituée à la solitude, mais avait repris très vite goût à tout autre chose. Elle ne sortait toujours pas beaucoup, elle ne fréquentait toujours presque personne, mais il y avait quelques rares exceptions dont faisait partie Camille. La psy avait rencontré cette dernière alors qu'elle se trouvait dans une bien mauvaise posture - suivie par les hommes de Mary - et elle lui était venue en aide. Depuis ce jour, elles s'étaient revues à quelques reprises et cette fois-ci, Camille l'avait même invitée à venir faire un tour à toutes les festivités de Noël. Au départ, elle s'était évidemment demandée pourquoi Camille prenait le temps de l'inviter quelque part, puis l'évidence lui était apparue : Camille aimait aider les autres et elle avait bien compris, dès le premier jour, qu'Elizabeth sortait très peu. Souvent, elle l'incitait à sortir ou à donner un peu d'aide à l'orphelinat alors cette invitation n'était pas étonnante, dans le fond.

Cette fois-ci donc, lorsque Camille l'avait invitée à ces festivités, elle avait accepté après avoir longuement hésité. Sa seule condition était d'éviter les lieux trop fréquentés comme le marché de Noël ou la fête foraine. Les deux femmes s'étaient donc mises d'accord sur la patinoire. C'était un lieu où il pourrait y avoir du monde - comme partout ailleurs, après réflexion -, mais elles pourraient rester plus facilement dans leur coin ou toujours se déplacer sans jamais vraiment croiser personne. Avec beaucoup d'appréhension donc, la jeune femme s'était rendue à l'entrée de la patinoire pour attendre Camille. Elle aurait préféré ne pas avoir à faire ce chemin inconnu toute seule, mais elle n'avait pas vraiment eu le choix. Il aurait été compliquée pour elle de justifier qu'il fallait venir la chercher devant chez elle. Une fois arrivée, il lui fallait donc patienter. Le temps lui semblait extrêmement long et elle ne pouvait s'empêcher de regarder partout autour d'elle à la recherche de la moindre trace d'un potentiel danger. Elizabeth le savait, le danger pouvait être absolument partout, même si elle se sentait un peu moins suivie depuis quelques semaines - peut-être n'était-ce qu'une impression ? Ou l'événement qu'elle avait dû vivre avec Mary avait adoucie cette dernière ? Peu importe, l'important actuellement était que Camille devait se dépêcher d'arriver avant qu'Elizabeth ne fasse demi-tour et change d'avis parce que tout ce monde autour d'elle la mettait vraiment mal à l'aise et elle regrettait vraiment d'avoir accepté, même si elle était ravie de sortir un peu et de revoir celle qu'elle pouvait presque considérer comme une amie.

Camille adorait Noël et elle trouvait que toutes les activités de la ville étaient vraiment de bonnes idées. Elle avait fait certaines d’entre-elles avec Sophie et Georges, d’autres uniquement avec Georges et parfois avec quelques groupes d’orphelins qui avaient bien le droit, eux aussi, d’assister à ces festivités. La brune se sentait bien là-bas et elle était persuadée que cette chaleureuse ambiance pouvait apaiser l’esprit le plus torturé. Alors, elle avait pensé à Elizabeth. Cette femme qu’elle avait aidée et qui depuis avait gardé contact avec elles. Camille avait lu une certaine détresse chez cette femme. Elle sortait très peu, fréquentait peu de monde et semblait avoir peur du monde qui l’entourait. La brune s’était rapidement attachée à Elizabeth, un peu comme à une amie et surtout, elle avait envie de l’aider. Pour cela, Elizabeth était parfois invitée à faire du bénévolat à l’orphelinat, elle était aussi invitée à quelques sorties, comme aujourd’hui. Camille l’avait invité à venir partager un moment avec elle aux activités de Noël. Après des discussions, les deux jeunes femmes avaient choisi de se rendre à la patinoire, là, où le monde serait sans doute moins présent.

Les deux femmes avaient donc rendez-vous à l’entrée de la patinoire, mais Camille avait pris un peu de retard. Devant confier Georges à Sophie, la brune ne put s’empêcher de répéter les consignes à sa jeune sœur, comme à chaque fois qu’elle le surveillait. Sophie devait faire attention à ne pas lui donner trop de sucreries, elle ne devait pas lui montrer de potentielles bêtises à faire, il ne fallait pas qu’ils rentrent trop tard, qu’en cas d’urgence, elle savait où la trouver, puisqu’elles étaient toutes les deux au même endroit, sauf qu’elles ne faisaient pas la même activité…

Pressant le pas, la brune était finalement arrivée à la patinoire avec une dizaine de minutes de retard. Arrivant aux côtés d’Elizabeth, la brune fit une tête désolée, car elle savait qu’attendre seule avec du monde autour n’était pas facile pour Elizabeth. « Je suis désolée pour le retard. J’ai dû confier Georges à ma sœur, ce qui prend toujours un peu de temps. » Puis Camille afficha un sourire, avant de reprendre. « Comment est-ce que tu vas ? » Question sincère, que Camille prenait toujours le temps de poser à Elizabeth.

L'interminable route que semblait être celle séparant la patinoire de la maison d'Elizabeth était terminée. Elizabeth pouvait souffler de cette première étape inhabituelle et angoisser désormais pour le monde qui l'entourait. Elle n'aimait pas ça. Elle ne se sentait en sécurité que chez elle, dans son cabinet et sur la route habituelle entre ces deux endroits. Une routine bien installée depuis trois ans qui lui permettait de se rassurer, même si sa sécurité restait toujours toute relative.

Se retrouver seule au milieu de la foule n'était pas chose facile. Se retrouver seule au milieu de la foule plus longtemps que prévu était encore moins facile. Camille avait du retard. Elizabeth n'avait jamais autant regretté d'avoir accepté une invitation. Avec dix minutes de retard, Camille arriva enfin. Elizabeth devait paraître bien stressée - et elle l'était - mais elle se força à sourire lorsqu'elle aperçut Camille, ce qui se rapprochait le plus d'une amie, pour elle. Elle n'allait pas lui en vouloir pour ce retard, même si le moment avait réellement été désagréable pour la psy. « Ce n'est rien. J'imagine les recommandations à faire avant de laisser son enfant à quelqu'un. » Répondit-elle, un sourire rassuré aux lèvres. Quand bien même il s'agissait de la tante de l'enfant, un parent avait sans doute toujours mille choses à dire pour se rassurer, avant de confier son enfant à quelqu'un d'autre. Même si elle n'était pas mère, Elizabeth pouvait le comprendre.

« Je vais bien. » Souffla Elizabeth, à moitié sincère, comme toujours. Elle allait bien, dans le sens où il ne lui était toujours rien arrivée et que sa situation ne s'était pas dégradée - peut-être même pouvait-elle dire qu'elle s'était légèrement améliorée. Mais Elizabeth n'était pas là pour ressasser ses problèmes. Elle était là dans l'espoir d'obtenir un moment de tranquillité et de détente. « Et toi, comment vas-tu ? » S'interrogea la jeune femme qui préférait toujours que la discussion tourne autour de son amie que d'elle-même. « On peut peut-être y aller ? » Lança-t-elle ensuite en désignant la patinoire de la tête. « J'ai hâte. Je n'en ai pas fait depuis une éternité. » Souffla-t-elle sincèrement, impatiente de retrouver la sensation de glisser sur la glace autant que quitter cette allée un peu trop passante à son goût.

Ce n’était pas la première fois que Camille confiait son enfant à sa petite sœur. Pourtant, comme à chaque fois, elle s’était sentie obligée de répéter toutes les règles concernant Georges. Simplement parce que Sophie se comportait encore trop souvent comme une enfant et elle savait à quel point elle aimait pousser Georges à faire des bêtises. Les recommandations de la mère n’allaient sans doute rien y changer, mais au moins Sophie ne pourrait pas dire que Camille ne lui avait rien dit. Sauf que tout répéter à Sophie avait pris beaucoup de temps et que donc, elle était arrivée en retard, laissant Elizabeth attendre une dizaine de minutes supplémentaires.

Tout naturellement, la brune s’était excusée, expliquant la raison de son retard. Espérant qu’Elizabeth comprenne et surtout qu’elle ne s’était pas senti mal à l’idée d’être seule face à tant de monde, ne sachant même pas si Camille allait bien venir ou non. « Surtout quand la personne en question est ma petite sœur. » répondit-elle un sourire aux lèvres, sachant très bien qu’Elizabeth n’allait pas comprendre pourquoi elle disait cela. Si elle avait eu la chance, ou la malchance, de connaître Sophie, elle aurait sans doute compris rapidement.

Bref, Camille était là, elles allaient enfin pouvoir essayer de s’amuser un peu. Elizabeth devait apprendre à se détendre, à lâcher prise et Camille devait éviter de trop penser à son fils et à Sophie qui était sans doute en train de lui apprendre des tas de bêtises, ou qui était en train de lui faire manger des tas de sucreries… La brune demanda alors à son amie si elle allait bien. Question qui pouvait paraître machinale, comme souvent, sauf que là, cette question était sincère. La jeune femme commençait à bien connaître Elizabeth et elle savait qu’elle n’allait pas vraiment bien. Trop prise par la peur. Peur qui semblait justifier, même si Camille ne savait toujours pas grand-chose sur toute cette histoire. « Je vais bien également. » dit-elle un nouveau sourire aux lèvres. « Oui, bien sûr, allons-y. Après tout, nous sommes venues là pour ça. » Elizabeth était impatiente de retourner sur la glace, elle était sans doute également pressée d’avoir l’esprit occupé pour oublier un peu tout ce qui l’entourait et ce qui la tourmentait. « Je suis contente que tu aies accepté de venir ici. » La brune était sincère. Elle s’était donnée pour mission d’aider Elizabeth. Pourquoi ? Elle n’en savait trop rien. Même si elle avait trouvé son histoire un peu étrange, elle avait aussi vu une certaine détresse en elle, alors forcément, Camille s’était lancé dans cette mission. Comme toujours, elle voulait aider les autres. Et honnêtement, Elizabeth n’était pas facile. Accepter cette invitation n’avait pas dû être simple pour elle.

Elizabeth ne pouvait pas dire le contraire, attendre seule au milieu de la foule n'avait pas été un moment plaisant et agréable. Néanmoins, maintenant que Camille en expliquait les raisons, la jeune femme ne pouvait que comprendre. Elle n'était pas mère, mais elle supposait bien que laisser son enfant avec quelqu'un devait être difficile. A sa réflexion concernant sa petite soeur, Elizabeth se contenta d'esquisser un sourire, n'ajoutant rien. Si la psy ne la connaissait pas, elle comprenait que cette soeur devait n'en faire qu'à sa tête pour avoir tant besoin de tout répéter.

Après avoir échangé les questions d'usage, Elizabeth proposa directement de se rendre sur la glace. Non seulement, elles étaient là pour ça et Elizabeth avait hâte, mais, de plus, l'ancienne reine n'avait qu'une hâte, quitter cette allée passante pour échapper à la foule angoissante. Il y avait une éternité que la jeune femme ne s'était pas retrouvée sur une patinoire et elle rêvait de retrouver ces sensations maintenant qu'elle était là. Camille acquiesça sans hésitation avant de préciser qu'elle était heureuse de voir qu'Elizabeth avait accepté son invitation. « Et je suis heureuse d'avoir accepté, moi aussi. » Précisa-t-elle, en souriant. Enfin, elle essayait de l'être en oubliant tout ce qui l'entourait. Elle n'était pas mécontente de passer du temps avec Camille, mais il était encore difficile pour elle de se lier aux autres sans penser à tout ce qu'elle risquait en faisant confiance.

Sans perdre plus de temps, Elizabeth se dirigea vers cette fameuse patinoire et se prépara à entrer sur la glace. « Je ne te promets pas de rester debout, surtout au début. » Il fallait sans doute se réhabituer. « Ton fils a déjà essayé de patiner ? » Demanda-t-elle curieuse, en se tenant pour ne pas tomber une fois les deux pieds sur la glace. « Il est peut-être un peu jeune, non ? » Demanda-t-elle en se rendant compte qu'elle n'avait pas la moindre idée de l'âge qu'il fallait avoir pour patiner. « Et toi, c'est la première fois ? » Dit-elle, bien que peu bavarde en règle générale, toujours pour diriger les questions vers ses interlocuteurs plutôt que vers elle.

Camille était le genre de personne qui n’aimait pas voir les autres ne pas se sentir à leur place. C’est sans doute pour cela qu’elle s’était attachée à Elizabeth et c’était sans doute pour cela également, qu’elle se donnait tant de mal pour essayer de la faire sortir de chez elle. La brune l’avait invité à venir à l’orphelinat de nombreuses fois, puis aujourd’hui, elle lui avait proposé de l’accompagner à la patinoire. Bien évidemment, la rousse était en droit de refuser, mais Camille avait tout de même voulu tenter, sans trop la brusquer néanmoins. D’un simple sourire, la brune répondit alors à la phrase d’Elizabeth. Elle était contente d’avoir accepté, ce qui ne pouvait que ravir la brune, qui savait que leur petite sortie n’allait sans doute pas durer très longtemps.

Les deux jeunes femmes commencèrent alors à se préparer pour aller patiner. Elizabeth comme Camille risquait sans doute de chuter, surtout au début, comme venait de le préciser la rousse. « Si tu tombes, c’est promis, je ne rirais pas. » dit-elle amusait, dans l’espoir de détendre un peu plus son amie, qui semblait bien stressée face à ce monde, même si elle tentait de dissimuler cette peur. « En effet, il est encore un peu jeune. Il a tout juste trois ans. Je vais attendre qu’il en ait au moins le triple avant de commencer à l’emmener patiner. C’est un peu trop risqué pour lui, surtout avec le monde qu’il y a. » Camille était très protectrice avec Georges. Elle avait peur qu’il se fasse mal, qu’il soit en danger… Alors dès qu’elle le pouvait, elle le protégeait du mieux qu’elle pouvait. Un accident était si vite arrivé, surtout à la patinoire, avec une foule pareille, que Camille ne tenait à prendre aucun risque. Surtout qu’il était encore bien jeune. « Et moins non, ce n’est pas la première fois, mais disons que je n’en ai pas souvent fait et que je n’en ai pas refait depuis un petit moment. » Alors en effet, elle n’était pas une grande patineuse et elle risquait elle aussi de tomber à de nombreuses reprises, voilà pourquoi elle comptait se contenter d’aller à une vitesse correcte et ne pas s’amuser à faire de bêtise. « Ça va, tu ne te sens pas trop mal à l’aise avec tout ce monde ? » En vérité, il n’y avait pas grand monde, mais peut-être trop pour Elizabeth qui peinait à se retrouver en compagnie d’autres personnes. Et Camille se montrait attentionnée envers les autres, comme toujours. « Je te promets, que si tu te sens mal, tu peux me le dire et on repartira. D’accord ? » Camille préférait préciser, si Elizabeth commençait à se sentir mal, si la foule grandissait… Elles pourraient partir sans aucun problème.

Elizabeth avait déjà patiné. En revanche, elle ne pouvait pas assurer qu'il n'y aurait pas le moindre accident. Depuis quand n'était-elle pas montée sur la glace ? Un temps qui lui paraissait une éternité, c'était certain. Tout ce qu'elle espérait, si elle devait tomber, c'était de ne pas avoir tous les regards rivés sur elle. Elle était déjà suffisamment mal à l'aise comme ça. Trop pour s'ajouter le regard moqueur de gens qui l'entouraient. La réflexion de Camille arracha un léger sourire à la jeune femme. Elle sentait son désir de la détendre, de lui faire penser à autre chose. Si ça ne fonctionnait que difficilement, Elizabeth ne pouvait qu'apprécier cette généreuse tentative. « C'est gentil. » Même si rire, sans se moquer, pouvait sans doute dédramatiser la chute, mais elle appréciait. Elle n'avait surtout plus qu'à espérer ne pas tomber. Avec un peu de chances, ses vieux réflexes reviendraient très vite.

Histoire de se concentrer sur une conversation plutôt que sur le monde autour d'elles et parce qu'il était d'usage de discuter avec la personne qui vous accompagnait, Elizabeth s'intéressait à Camille et à son petit garçon. Elle comprenait qu'elle ne l'ait pas emmené aujourd'hui, mais elle cherchait à connaître les raisons exactes. Camille lui expliqua donc qu'il était trop jeune et qu'il devrait attendre encore un peu avant de pouvoir monter sur la glace. Elle comprenait. Le monde autour d'elles n'aidait pas. Un si petit enfant était facile à pousser et faire tomber... Il était préférable d'éviter les accidents et l'angoisse liée à une telle sortie. « Le triple ? » Répéta la jeune femme, en tentant d'oublier ses craintes et en souriant. « Je comprends. Il est préférable de ne pas lui faire prendre de risques inutiles. Il y a bien d'autres choses pour qu'un enfant de son âge s'amuse. » Supposa Elizabeth. A trois ans, le patin ne l'intéresserait peut-être même pas, en réalité. Georges devait s'amuser avec bien d'autres choses, moins compliquées que le patinage. « Souhaitons que tu ne tombes pas, alors. » Si elles se retrouvaient au sol toutes les deux en même temps, elles auraient l'air bêtes, incapables de se redresser.

Comme toujours, Camille faisait preuve de beaucoup de gentillesse en prenant soin de vérifier si Elizabeth se sentait à l'aise. Le monde dérangeait, en réalité, un peu Elizabeth, mais elle essayait de faire abstraction de ce détail - ou de ce qu'elle aimerait ne voir que comme un détail. « Ne t'en fais pas. » Après tout, même si Elizabeth n'avait pas l'intention de s'éterniser ici, elle ne voulait pas, non plus, gâcher la sortie de son amie. « Je le sais. Cesse donc de t'inquiéter et profite de ta sortie. » Rétorqua Elizabeth tout en continuant de glisser tout doucement sur la glace. « On se débrouille plutôt bien, tu ne trouves pas ? » Après tout, elles n'étaient pas encore tombées. « C'est plaisant de prendre l'air et de faire quelque chose de différent de d'habitude. Merci de m'avoir proposé cette sortie. » Un peu gênée par son aveu, elle qui clamait partout que sa condition ne l'ennuyait pas, elle devait bien l'admettre malgré tout : elle aimait cette sortie, malgré le monde, et elle ne la regrettait presque plus - malgré le monde, toujours.

Camille était très protectrice avec son petit garçon. Elle l’était même peut-être trop parfois. Il était hors de question de lui faire courir des risques inutiles. À son jeune âge, il était hors de question qu’il aille patiner. Cela était bien trop dangereux pour lui. Il était trop petit pour tenir debout. Il y avait trop de monde pour ne pas qu’il se fasse bousculer. Et puis la glace, les patins représentaient également un danger pour lui. Si Camille s’écoutait, son enfant ne sortirait jamais de chez elle. Au moins à l’orphelinat, tout était sécurisé. « Tout à fait. » dit-elle avec un sourire. Georges avait des tas de jouets dans sa chambre. Il avait de quoi s’occuper. De quoi s’amuser, comme un enfant de son âge. Il n’avait pas besoin de ce genre d’activités pour l’amuser.

« Oui, souhaitons-le. » Camille n’était plus très habituée au patinage. Elle en avait déjà fait quelques fois, mais cela remontait à bien trop longtemps. La jeune femme n’était même plus certaine de savoir avancer correctement sans chuter.

La patinoire attirait beaucoup de monde. Et Elizabeth n’aimait pas trop être au milieu de la foule. Alors comme à son habitude, la brune était attentionnée, précisant à son amie que si elle ne se sentait pas bien, que si elle voulait partir, elle n’avait qu’à le dire. Visiblement, la rousse semblait accepter la foule. Du moins, elle ne semblait pas trop ne pas la supporter. « Promis j’arrête et je profite. » Souriante, la brune jeta un regard amusé à son amie. Camille avait toujours fait passer le bien des autres avant le sien. Même lors de simples petites sorties, comme celle-ci. Même si la sortie était amusante, même si Camille appréciait, elle préférait qu’Elizabeth ne se force pas si elle n’y arrivait pas. « C’est vrai qu’on se débrouille bien. » Pour le moment, aucune d’elles n’était tombée, c’était déjà un bon début. « Tu n’as pas à me remercier Elizabeth. Je suis contente d’être là avec toi. » dit-elle sincèrement à la rousse. « Et je suis contente si cette sortie te plaît. » Après tout, c’était l’une de ses principales raisons. « Si tout se passe bien et si tu le veux bien, on pourra peut-être revenir. Ou tenter d’autres choses, comme aller à la fête foraine par exemple ? » Cette fois-ci Camille emmènerait Georges avec elle.

La sortie n'était pas aussi désagréable qu'elle se l'était imaginée. Elizabeth n'était jamais à l'aise en extérieur, moins encore lorsqu'il y avait du monde. Mary en était la principale responsable, évidemment. Puis, avec le temps, la jeune femme s'était habituée à ne pas sortir, sauf pour se rendre au cabinet ou pour faire quelques courses, toujours à la même heure - une où il n'y avait pas beaucoup de monde. Pourtant, même si la foule la mettait toujours un peu mal à l'aise, la jeune femme réussissait à profiter de cette activité avec son amie. Si elle ne pouvait pas totalement faire abstraction des autres patineurs, elle réussissait à souffler et profiter en oubliant, un peu, ses problèmes et sa cousine.

Camille, comme à son habitude, était très à l'écoute et se préoccupait réellement du bien-être de la jeune femme. Au point où Elizabeth craignait que son amie ne puisse pas profiter de cette sortie comme elle l'aurait dû. Elizabeth la rappela donc à l'ordre, lui indiquant qu'elle pouvait se détendre et profiter. Si jamais Elizabeth se sentait véritablement mal à l'aise, elle mettrait fin à ce moment, tout simplement. Pour la rassurer, elle l'avait alors remercié. Puis, elles se débrouillaient plutôt bien sur la glace, ce qui n'était pas pour déplaire à la rousse qui pouvait profiter de se vider l'esprit dans ce moment rien qu'à elle. Camille avait fait le bon choix. « Il est fort possible, qu'après avoir dit ça, nous enchainions les chutes, par contre. » Elle tentait de se détendre davantage en plaisantant, même si elle n'était pas forcément la plus douée pour ça. « Si, je dois te remercier. Peu sont capables de vraiment prendre de leur temps pour permettre à quelqu'un comme moi de se détendre et de profiter de cette fête. » Parce qu'Elizabeth était distante, parce qu'elle gardait volontairement cette distance, mais Camille, à force d'efforts - et parce que leur rencontre avait été particulière - avait réussi. Elle s'était accrochée et n'avait pas abandonné au premier obstacle. Si Elizabeth n'était rien pour elle, elle se souciait de son bien-être. Elle le sentait et savait comme c'était sincère.

Évidemment, face aux révélations de la psy, Camille en avait profité pour proposer une autre sortie, prochainement. Tout en se concentrant sur son avancée, Elizabeth avait pris une petite seconde pour réfléchir. « Pourquoi pas ? » Elle n'était pas certaine d'avoir la force qu'elle avait eue aujourd'hui pour sortir, mais si elle réussissait, une fois encore, à vaincre ses peurs, pourquoi pas ? « La fête foraine, c'est une bonne idée, même s'il doit y avoir beaucoup plus de monde. » Ce qui n'avait rien pour la rassurer, évidemment. « Puis, ton fils pourra t'accompagner cette fois-ci. Je serai ravie de le revoir. » Elle s'était attachée, d'une certaine façon, à ce petit garçon. Elle ne le connaissait pas beaucoup, mais il représentait beaucoup. Il lui rappelait des souvenirs. Elle aimait voir l'amour que Camille lui portait. Il était si gentil et, avec les enfants, il n'y avait pas besoin de se méfier ou d'avoir peur. Et, forcément, c'était un sentiment agréable pour la jeune femme. « Enfin, si tu comptais le prendre avec toi, bien sûr. » Parce qu'elle l'avait conclu toute seule, sans réellement lui demander, elle préférait le préciser pour que Camille ne s'y sente pas forcée. « On pourra en rediscuter. Laissons déjà cette sortie se passer. » Et voir comment elle se passait. « Mais ça me ferait plaisir. » avait-elle ajouté en souriant, les yeux posés sur Camille, un court instant, avant de se reconcentrer sur ce qu'elle faisait.

Cela faisait plaisir à voir. Elizabeth souriait et semblait même s’amuser. Camille savait que cela ne durerait pas éternellement, tout comme elle savait que son amie n’avait pas pu tout mettre de côté pour se concentrer uniquement. Mais elle savait que cette sortie lui faisait du bien. C’était déjà une victoire pour Camille qui n’aimait pas voir Elizabeth avoir peur ou aller mal. « C’est toujours ce qui arrive n’est-ce pas ? Une fois qu’on a dit quelque chose, le contraire nous arrive. » Ajouta-t-elle en souriant. Elizabeth semblait tenter la plaisanterie pour oublier un peu plus et se détendre. Au moins, elle essayait d’être le plus à l’aise possible.

À la réponse d’Elizabeth, Camille se contenta de sourire. Elle était modeste et n’aimait pas qu’on la remercie ainsi. Surtout qu’elle estimait ne pas avoir besoin de remerciement. Elle avait emmené Elizabeth avec elle parce que cela lui faisait plaisir. Parce qu’elle avait envie de partager un moment avec son amie. Nullement parce qu’elle attendait des remerciements. Et Camille avait peut-être tort, mais elle espérait que d’autres auraient fait comme elle. Elle aimait croire qu’elle n’était pas l’une des seules à penser comme elle pensait. Camille avait toujours eu cet objectif : aider Elizabeth. Depuis le jour de leur rencontre dans le parc. Camille avait toujours eu ce besoin et cette envie d’aider les autres et Elizabeth n’y avait pas échappé.

En voyant Elizabeth ainsi, en l’entendant parler… Camille s’était dit qu’elle pouvait espérer la faire sortir une fois encore pour profiter des festivités. En proposant la fête foraine, la brune n’était pas certaine d’entendre une réponse positive. Il y avait du monde à cet endroit et pour une personne renfermée comme Elizabeth, ce n’était peut-être pas l’idéal. Mais Camille s’était dit qu’elles trouveraient bien des moyens pour s’éloigner un peu de la foule de temps à autre. « Je suis contente que ça te plaise. » Camille était sincère et son sourire un peu trop expressif le montrait bien. « Oui, ne t’en fais pas, je comptais bien l’emmener avec nous. J’ai confiance en Sophie, mais j’aime bien l’avoir près de moi et puis j’aime bien passé du temps avec lui. Et je sais que vous vous entendez bien tous les deux. » Camille l’avait bien remarqué. Elizabeth était attachée à Georges et Georges aimait bien Elizabeth. « Oui, tu as raison, on pourra en parler plus tard. » Elizabeth avait peut-être besoin de réfléchir avant de vraiment accepter. Ou elle avait besoin d’être rassurée avec cette sortie. SI elle se passait bien alors elle pouvait sortir une fois encore.

Pour la première fois depuis une éternité, Elizabeth souriait et s'amusait sincèrement. Elle n'était pas pleinement en confiance, mais elle réussissait à faire abstraction, un minimum, des personnes qui étaient autour d'elle. Elle essayait même de se mettre à plaisanter et c'était une chose qu'elle ne faisait jamais. Camille avait ce don particulier de mettre en confiance et de donner l'impression aux personnes qui l'entouraient qu'elles n'étaient pas seules et qu'elles pouvaient se permettre d'être elles-mêmes - à condition de savoir encore qui elles étaient. « Nous verrons si cela se confirme une fois encore, aujourd'hui. » Avait répondu la psy, en souriant, alors qu'elles s'étaient persuadées qu'elles tomberaient maintenant qu'elles avaient dit ne pas l'être encore.

Cette balade semblait si bien se dérouler que Camille en prévoyait déjà une autre. Elizabeth n'était pas contre, bien au contraire. Elle aimait cette idée de pouvoir sortir un peu de son cabinet ou de sa maison. Néanmoins, elle ne voulait pas s'avancer. La jeune femme n'était pas à l'aise en extérieur et elle préférait voir, d'abord, comment cette sortie se déroulerait. Par la suite, si elle réussissait à se convaincre et à lutter contre ses peurs, elle accepterait peut-être une prochaine sortie avec Camille. Simplement, elle ne préférait pas s'imaginer les choses avant de les vivre. Chaque chose en son temps. Puis Camille voulait l'emmener à la fête foraine. Ce n'était pas rien. C'était un lieu où il devait y avoir beaucoup plus de passages qu'ici et Elizabeth n'était pas certaine de s'y sentir à sa place. Néanmoins, elle essayait également d'y voir les avantages pour ne pas lui donner un non ferme et définitif. Elle pourrait, par exemple, revoir Georges, le petit garçon de Camille avec qui elle s'entendait plutôt bien. « Je suppose que c'est normal, que chaque parent a envie de passer le plus de temps possible avec son enfant. » Une simple supposition puisqu'Elizabeth n'avait pas d'enfant et que ses parents n'étaient pas l'exemple parfait de la famille unie - il fallait dire qu'entre un père qui l'avait reniée et une mère qui avait été décapitée par son père, il était difficile d'avoir un modèle stable de famille. Mais Elizabeth voyait bien à quel point cette femme aimait son fils et c'était réconfortant à voir. « Oui, j'ai vraiment hâte de le revoir. » Avait-elle ajouté lorsqu'elle avait dit que les deux s'entendaient bien. Cet enfant était une véritable bouffée d'oxygène. Elizabeth se sentait bien lorsqu'il était là parce qu'il lui apportait de la fraicheur et du naturel, ce qu'elle ne trouvait pas dans ses conversations avec d'autres adultes, la plupart du temps, parce qu'elle ne voyait que de potentiels ennemis. Néanmoins, la jeune femme rappelait à Camille qu'elle préférait en discuter plus tard. Une chose à la fois. « Merci. » Elle la remerciait parce qu'elle ne se montrait pas insistante et acceptait qu'Elizabeth veuille en rediscuter plus tard, ce qui évitait de la mettre mal à l'aise.

Les deux femmes patinèrent en silence un certain temps, n'échangeant que quelques mots ou quelques regards de temps à autre. Bien qu'elles s'amusaient énormément et qu'Elizabeth prenait un certain plaisir à patiner et à avoir cette sensation de liberté qu'elle ne connaissait plus depuis longtemps, il commençait à y avoir de plus en plus de monde, ce qui la dérangeait de plus en plus. « On pourrait peut-être en rester là ? Je dois t'avouer que je commence à me sentir fatiguée. » Ce n'était pas un mensonge, mais ce n'était pas la raison principale qui poussait la jeune femme à demander ça à son amie.

Camille tenait beaucoup à son amitié avec Elizabeth. Cette jeune femme était seule et semblait avoir réellement besoin d’aide. Alors Camille n’avait pu la laisser seule. Dès le jour de leur rencontre, la brune avait su que leurs chemins se recroiseraient. Parce qu’elle le voulait. Elle tenait réellement à aider Elizabeth. Si elle ne pouvait pas la changer totalement, si elle ne pouvait pas lui redonner confiance, elle pouvait au moins lui offrir ces petits moments. Des moments où les deux amies, pouvaient rire. Des moments où la psy pensait à autre chose et se laissait emporter par la joie de vivre de Camille. Et cela était tellement plaisant à voir, que Camille prévoyait déjà d’autres sorties avec Elizabeth. Maintenant qu’elle avait accepté de sortir, la brune ne comptait plus la lâcher – même si elle refusait de la forcer – parce qu’elle venait de faire un grand pas en avant. Camille visait peut-être un peu haut avec la fête foraine, mais c’était là qu’elle avait envie d’aller, avec son petit garçon et son amie. Elle savait que les deux s’entendaient à merveille et elle avait envie de passer le plus de temps possible avec son enfant, alors c’était sans doute l’endroit parfait pour qu’ils essayent de s’amuser tous les trois ensemble. Et bien que l’idée semblait plaire à Elizabeth, elle semblait également lui faire peur. Ce qui était, sans doute, tout à fait normal. C’est pourquoi Camille n’avait pas insisté pour continuer d’en parler lorsque la psy lui demanda d’en reparler plus tard.

Après cela, un silence s’était installé. Camille espérait simplement ne pas avoir mis Elizabeth mal à l’aise, surtout qu’elle avait demandé, peu de temps après, si elles pouvaient en rester là, prétextant une fatigue soudaine. Camille ne savait pas si la fatigue était sincère ou si c’était ce qu’elle lui avait proposé qui l’avait dérangé ou alors si c’était le monde qui commençait à arriver. « Il n’y a aucun problème. On s’arrête là. Je commence à être fatiguée moi aussi. » Pas réellement en vérité, mais puisque Elizabeth voulait arrêter, elle allait arrêter elle aussi. Les deux jeunes femmes quittèrent alors la glace. Camille avait reconduit Elizabeth jusqu’à ce que le monde se fasse plus rare. Après quelques brefs échanges, de politesse surtout, les deux femmes s’étaient quittées, empruntant un chemin différent. Camille espérait simplement avoir réussi ce qu’elle voulait, c’est-à-dire aider Elizabeth à se détendre un peu et à penser à autre chose.