Dans un éclat de lumière tamisée, le restaurant de Sebastian Michaelis semblait flotter dans une atmosphère intemporelle. Le raffinement de chaque détail témoignait de la précision impeccable du maître des lieux. Les chandeliers en argent scintillaient doucement, projetant des ombres dansantes sur les murs tapissés de soie pourpre. Un parfum subtil d'herbes aromatiques se mêlait à l'effluve envoûtante du vin, soulignant l’âme gastronomique de cet établissement que Sebastian dirigeait avec une maîtrise qui relevait presque de l'art.
Le service du midi venait de s’achever. Le calme régnait désormais, un calme propice à la réflexion, que Sebastian savourait d'un pas feutré dans la grande salle, observant avec une fierté discrète le travail accompli. Ses gants noirs, aussi impeccables que le reste de sa tenue, effleuraient la surface lisse d'une table tandis qu'il ajustait d’un geste presque imperceptible un couvert mal aligné. Pour lui, chaque détail comptait. Et il veillait à ce que tout soit à la hauteur de la perfection qu’il exigeait, comme s'il avait hérité de cette exigence des cuisines infernales où il avait appris à exceller.
Le restaurant, bien que fermé aux clients à cette heure, restait un lieu vivant. Les membres de son personnel, entraînés avec une rigueur militaire, s'affairaient en silence, anticipant les moindres besoins de leur maître. Chacun savait que le moindre faux pas sous l’œil infaillible de Sebastian pouvait être remarqué, même s'il ne se trouvait pas dans la pièce. Mais en ce moment précis, il se tenait là, veillant, comme une ombre omniprésente.
C'est dans cette quiétude que l'on entendit des pas hésitants s'approcher. Sebastian tourna légèrement la tête, reconnaissant immédiatement le pas d’une inconnue — une jeune femme, peut-être. Il perçut le poids léger de son incertitude, mais également la détermination qui s’imposait dans son souffle. Il ne pouvait se tromper, elle venait le chercher. Un sourire effleura ses lèvres, un sourire énigmatique, comme toujours.
La porte s’ouvrit avec discrétion, et une voix s’éleva dans le silence.
Sebastian ne se retourna pas immédiatement, savourant l’instant comme un gourmet savoure un vin rare. Il appréciait la manière dont son nom était prononcé, avec cette touche de respect mêlée d’incertitude, comme s'il représentait plus qu’un simple chef cuisinier. Il n’avait pas besoin de se presser. En revanche, il connaissait l'importance du timing dans toute chose, que ce soit en cuisine ou dans les affaires humaines.
Après un instant, il se tourna gracieusement, son regard noir perçant la pénombre pour se poser sur la silhouette de celle qui venait d’entrer. Son sourire s’élargit légèrement, plus accueillant cette fois, mais toujours teinté de cette froideur calculée qui ne le quittait jamais. D’un mouvement fluide, il s'approcha, son allure impeccable et maîtrisée dégageant une aura de puissance tranquille.
« Vous m’avez trouvé, mademoiselle, » dit-il avec cette voix suave et pourtant teintée d'une autorité indiscutable. Il s'inclina légèrement, une politesse exquise dans ses gestes.
« Sebastian Michaelis, à votre service. Que puis-je pour vous en cette belle après-midi ? » Son regard, fixé sur la jeune femme, captait chaque détail : son allure, ses mains légèrement crispées, le léger tremblement de sa respiration. Il connaissait cette posture. Elle n'était pas étrangère au doute, mais quelque chose en elle bouillait, comme une flamme qui ne demandait qu'à s'embraser. Il percevait déjà l'ambition sous la surface, une volonté farouche que peu de gens osaient lui montrer aussi ouvertement.
« Vous êtes ici, sans doute, pour une raison bien précise, » poursuivit-il, sa voix descendant d'une octave, comme pour créer une intimité dans cet espace devenu leur scène à tous les deux.
« Permettez-moi de deviner... un projet, peut-être ? Quelque chose qui nécessite un partenariat, un soutien, ou une inspiration nouvelle ? » Il leva un sourcil, amusé, mais respectueux. Il n’avait pas besoin d’en dire plus. Le simple fait de suggérer qu'il savait déjà pourquoi elle était là mettait la jeune femme dans une situation de vulnérabilité calculée. Un jeu auquel il excellait. Il n’offrait jamais trop d’informations, juste assez pour garder l’interlocuteur sur le fil du rasoir, oscillant entre admiration et appréhension.
Sebastian fit un signe discret vers une table près de la fenêtre, celle-là même qu’il avait ajustée quelques instants plus tôt.
« Prenez place, je vous en prie. Je crois que nous avons beaucoup à discuter. » Son sourire se fit plus énigmatique encore.
« Et peut-être quelques possibilités à explorer. » Il s’effaça légèrement pour la laisser passer, veillant avec une galanterie hors du commun. Ses gestes, calculés au millimètre, reflétaient cette perfection qu’il exigeait non seulement de lui-même, mais de tous ceux qui l’entouraient.
Tout en se déplaçant à ses côtés, il posa sa main sur un fauteuil en velours.
« Les opportunités sont comme les plats les plus délicats, mademoiselle, » murmura-t-il en s'asseyant en face d'elle, ses doigts effleurant distraitement une coupe de cristal.
« Elles doivent être saisies au bon moment, et surtout, être servies avec le plus grand soin. » Ses yeux se plissèrent légèrement, plongeant dans les siens, une lueur malicieuse y brillant.
« Je suppose que vous savez déjà ce que vous attendez de moi, mais avant d'aller plus loin, pourquoi ne pas commencer par me dire... ce que vous avez à offrir en retour ? » Le silence qui suivit ses mots était pesant, presque hypnotique. C’était ainsi qu’il préférait opérer. Sebastian savait qu'il détenait le contrôle de la conversation, il avait toujours une longueur d’avance, prêt à anticiper les prochains mouvements. Mais au fond de lui, il était également curieux. Cette jeune femme était différente de celles qu’il avait rencontrées jusqu’à présent. Peut-être pourrait-elle vraiment apporter une nouveauté dans cet univers soigneusement contrôlé qu'il avait créé.
Et pour cela, il était prêt à l’écouter.
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