Perdue en forêt ▿ Gaston

Quelle bonne idée ! Non, vraiment, c’était une très bonne idée d’aller se promener seule en forêt. Ça l’était encore plus de décider de quitter les sentiers pour aller se poser au pied d’un arbre pour bouquiner sans qu’il n’y ait de passage. En tout cas, au départ l’idée semblait bonne. Surtout que la libraire avant pu passer quelques heures assise sous un arbre, profitant du calme et de la nature pour bouquiner librement. Même si le moment était agréable, il fallait bien y mettre un terme pour retourner chez elle. C’est là que les choses s’étaient compliquées. S’il y avait des chemins balisés en forêt, c’était pour une bonne raison. Comme pour éviter aux promeneurs de se perdre et de devoir rester coincé là.

La libraire était certaine d’avoir retenu le chemin, ayant trouvé un arbre pour repère. C’était si simple, elle devait continuer tout droit et bifurquer une fois cet arbre atteint. Avez-vous déjà essayé de reconnaître un arbre dans une forêt ? Ce n’est pas chose aisée. Belle l’avait vite compris, elle avait beau avancé, elle ne retrouvait pas cet arbre, ils semblaient tous si identiques. Et quand enfin elle avait cru le retrouver, elle avait vite déchanté. Après plus d’une quinzaine de minutes de marche, elle avait bien compris que ce n’était pas la bonne direction. La première fois, cela ne lui avait pas pris plus d’une ou deux minutes. Alors elle avait voulu faire demi-tour, avant de s’enfoncer un peu plus dans la forêt, ne réempruntant pas tout à fait le même chemin que précédemment. Finalement, les minutes tournaient et Belle était perdue dans cette forêt depuis plus d’une heure. Heureusement, elle avait pris son téléphone, mais bien évidemment, il ne captait pas là où elle se trouvait. Et puisqu’elle avait voulu un endroit tranquille sans passage, elle ne croisait personne pouvant lui accorder son aide. La brune avait tenté de crier pour obtenir de l’aide, mais personne n’était venu à son secours. Alors elle avait le choix entre attendre ici et espérer avoir de l’aide, ou s’avancer au risque de s’enfoncer plus encore dans la forêt. Mais avec la seconde option, elle avait au moins une chance de retrouver son chemin ou de croiser quelqu’un capable de l’aider à sortir d’ici. Alors sans hésitation, elle avait repris sa marche. Optimiste, elle espérait croiser quelqu’un qui s’y connaissait sur sa route.

Belle n’aurait jamais dû quitter les sentiers. Pour un peu de tranquillité, elle s’était éloignée des chemins de passages. Elle avait besoin de calme, besoin d’être un peu seule et isolée. Seulement, maintenant, elle se retrouvait perdue. Elle avait pourtant fait attention en s’enfonçant dans la forêt. Elle avait pris des points de repères et n’avait fait qu’une ligne droite, ou presque. Mais au moment de rejoindre les sentiers, la libraire avait bien compris que dans une forêt, les lignes droites n’en étaient jamais vraiment. Et les repères ne servaient à rien. Tout se ressemblait ici.

Si elle ne voulait pas passer la nuit ici, elle n’avait plus qu’à se débrouiller pour retrouver la sortie. Mais la forêt était immense, la brune pouvait y passer des heures. Alors elle avait tenté d’appeler à l’aide. Avec un peu de chance, elle allait attirer l’attention d’un promeneur qui allait lui venir en aide. Il y avait bien quelqu’un qui connaissait parfaitement les lieux. Quelqu’un capable de l’aider à sortir d’ici. Mais la brune avait beau crier, personne ne venait. Elle allait donc devoir se débrouiller seule. Et entre attendre ici que quelqu'un arrive - ce qui risquait de ne jamais se produire - et tenter de retrouver son chemin, son choix était fait. La brune commença alors à reprendre la route, cherchant, cette fois-ci à faire une ligne la plus droite possible. En continuant tout droit, elle allait bien finir par tomber sur un sentier balisé ou mieux encore, sur une sortie.

Belle n’avait pas eu le temps de beaucoup avancer lorsqu’elle entendit une voix l’appeler. Quel soulagement, elle n’était plus seule. La brune s’était alors retournée cherchant à voir le visage de la personne qui était, peut-être, venue lui apporter son aide. « Gaston ? » Lâcha-t-elle, la voix pleine d’étonnement. De toutes les personnes de ce monde, il avait fallu qu’elle tombe sur lui. De toutes les personnes de son monde, il avait fallu qu’elle tombe sur une personne qu’elle avait tant voulu voir s’éloigner. N’était-il pas mort ? Sa chute au château de la Bête était mortelle, Belle en était certaine. Alors que faisait-il là ? Ce monde lui avait certainement offert une seconde chance. Il l’avait déjà fait avec des dizaines, peut-être même des centaines de personnes. Dans son entourage, Belle avait des personnes qui avaient eu cette chance. Gaston faisait donc partie d’elles. « Si, je me suis égarée. J’ai voulu quitter les sentiers et m’enfoncer un peu plus dans la forêt et… Et voilà, je n’arrive pas à retrouver mon chemin. »

Gaston… De toutes les personnes qu’elle avait perdues en arrivant ici, c’était sur lui qu’il fallait qu’elle tombe. Belle ne l’avait jamais apprécié. À ses yeux, ce garçon était rempli de défauts et ne possédait aucune qualité. Son jugement était sans doute altéré par tout ce qu’il avait pu faire par le passé, mais elle n’avait nullement l’intention de changer d’avis à son propos. Pas pour le moment en tout cas. Mais ce n’était sans doute pas le moment de faire la difficile. Elle devait l’avouer, à cet instant, elle avait besoin de lui. Gaston était le seul à être dans les parages. Le seul, sans doute, à donc pouvoir l’aider à sortir d’ici au plus vite. « Je ne pouvais pas attendre ici durant des heures. Personne n’est passé ici depuis que je me suis installée un peu plus loin. Et quand j’ai appelé, je n’ai entendu aucun bruit aux alentours, alors j’ai essayé de retrouver mon chemin seule. » En règle général, oui, elle le savait, lorsque l’on était perdu, mieux valait ne pas bouger. C’était mieux pour être retrouvée et aidée. Mais là, elle avait jugé bon de se déplacer. Personne ne savait qu’elle était ici. Personne ne savait même qu’elle était venue se promener en forêt. Et puisqu’il n’y avait aucun passage depuis plusieurs heures. Puisque personne n’avait répondu à ses appels… Elle avait eu l’impression de devoir se débrouiller seule. Alors elle s’était éloignée de l’endroit où elle aurait dû attendre. Heureusement, Gaston avait tout de même réussi à la retrouver et il pouvait désormais lui apporter son aide.

Gaston, toujours à cheval, commença alors à partir, au pas, afin que Belle puisse le suivre, qui restait à pied, ce qui était sans doute mieux pour tout le monde. « Merci d’être venue m’aider. » Même si Belle ne l’appréciait pas vraiment, elle tenait tout de même à le remercier. Bien évidemment, il ne savait pas qu’il s’agissait d’elle avant de lui porter secours, mais cela importait peu, il l’aidait, donc elle devait le remercier. « Tu sembles bien connaître cette forêt. » Belle essayait de faire la conversation, tentant de mettre fin au silence gênant qui s’était installé entre les deux. « Tu viens ici souvent ? » Pour la connaître si bien et savoir parfaitement où passer pour regagner les sentiers, il devait parcourir la forêt régulièrement, c’était ce que Belle se disait, sans même savoir qu’il était l’un des gardes forestier.

Belle savait que lorsque l’on était perdu en forêt, il fallait attendre au même endroit. Ainsi, il était plus simple de vous retrouver. Mais lorsque personne ne venait, il fallait bien commencer à essayer de se débrouiller seul. Belle n’avait pas envie de passer la nuit ici, à attendre une aide qui ne viendrait peut-être jamais. Comme elle venait de le dire à Gaston, elle avait été seule durant des heures. Elle n’avait vu aucun passant et n’avait entendu personne passer. La libraire s’était enfoncée volontairement dans la forêt afin de trouver le calme et la tranquillité qu’elle désirait. Alors, forcément, lorsqu’elle avait appelé, personne ne l’avait entendu. Personne mise à part Gaston, qui, par chance – ou non – ne passait pas très loin de la brune.

Une fois de plus, Gaston avait raison. Il était plus prudent de rester proche du sentier. Ainsi, il était presque impossible de se perdre puisqu’il suffisait de suivre un chemin tout tracé, menant forcément à l’une des sorties de la forêt. Mais Belle s’était volontairement éloigné le plus possible des sentiers. Plus elle était loin, plus elle pouvait espérer être au calme. Mais Belle n’était pas imprudente. En s’enfonçant, elle avait pris des points de repère et surtout, elle avait essayé de faire une ligne droite. Sans s’en rendre compte, elle avait dû bifurquer quelques fois, tournant pour éviter un arbre ou tout autre obstacle, l’amenant à faire des courbes dans sa trajectoire. Et quant à ses points de repère, il est parfois difficile de les retrouver au beau milieu d’une forêt remplie d’arbres similaires. « Je serai plus prudente la prochaine fois. » Dit-elle sans même le penser. Ce n’était pas la première fois qu’elle s’enfonçait dans la forêt et ça n’allait certainement pas être la dernière. Seulement la prochaine fois, elle allait faire en sorte de ne pas se perdre.

Même si Belle n’appréciait pas particulièrement Gaston, elle tenait à le remercier. Après tout, il était venu l’aider – sans même savoir que c’était elle, sinon, il l’aurait peut-être laissé se débrouiller seule – alors, elle devait le remercier, comme n’importe quelle autre personne. Belle avait beau ne pas l’aimer, elle n’en oubliait pas pour autant ses bonnes manières. Fidèle à lui-même, Gaston ne s’était pas contenté d’accepter ses remerciements, il les avait même rejeté – sans vraiment le dire clairement – lui demandant de le remercier que lorsqu’ils seraient sorti de la forêt. À ces mots, Belle ne répondit rien, préférant ne pas relever cette impolitesse.

Pour briser le silence qui commençait à devenir légèrement gênant aux yeux de Belle, la brune demanda à Gaston s’il connaissait bien la forêt. Belle n’avait pas compris qu’il était l’un des gardes forestiers. Avec sa réputation et son caractère d’autrefois, Belle ne l’imaginait pas travailler dans ce genre d’endroit, éloigné du monde et de a gloire qu’il aimait tant. « Tes... » Reprit-elle alors sans finir sa phrase. Gaston en était tout à fait capable. Autrefois, il avait essayé de tuer la Bête et aux yeux de Belle, il était capable de tuer n’importe qui se mettant sur son passage. « Tu te moques de moi, c’est ça ? » Dit-elle alors sur un ton presque assuré, avec une pointe de soupçon tout de même.

Gaston n’avait jamais été une bonne personne aux yeux de Belle. Il n’était qu’un homme rempli de défauts. Des défauts qui insupportaient Belle. Gaston avait peut-être essayé, à de rares moments, de faire des efforts, mais il n’avait jamais vraiment agi comme il le fallait. Il avait toujours été prêt à tout pour arriver à ses fins, il avait été jusqu’à s’en prendre au père de Belle. Dans ce monde, il en était peut-être venu à éliminer des gens pour pouvoir obtenir ce qu’il voulait. C’était une possibilité qui avait effleuré l’esprit de la jeune femme durant un court instant. Gaston avait prétendu connaître la forêt parce qu’il venait ici pour y enterrer ses victimes et Belle avait hésité pendant une seconde. Était-il sérieux ? Non, il ne l’était pas. Bien évidemment qu’il ne l’était pas. Sinon, pourquoi lui dire ? Enfin, Belle avait bien une idée, mais elle refusait d’y croire. Et puis au fond d’elle, elle savait que Gaston n’était pas un meurtrier. Il était mauvais et avait de nombreux défauts, mais normalement ça, il ne l’était pas.

Comme Belle l’avait deviné, Gaston s’amusait simplement à se moquer d’elle. Une chose qui n’amusait pas vraiment Belle, pour être honnête. Avec une autre personne, les choses auraient peut-être étaient différentes. « Je comprends mieux. » Voilà pourquoi il semblait si bien connaître la forêt. Avec son métier, il devait très souvent la parcourir et elle ne devait plus avoir aucun secret pour lui. De plus, comme il le disait, il avait l’habitude de ramener des promeneurs perdus, comme Belle. « Tu connais mon amour pour la lecture. » Il le connaissait en effet, déjà dans son monde, Belle passait tout son temps libre à lire, ce qui ne plaisait pas vraiment au reste du village. « Alors, je suis tout naturellement devenue libraire ici. J’ai ma propre librairie à Hogwarts Place. » Un métier qu’elle aimait vraiment et qu’elle ne quitterait pour rien au monde.

La vie de Belle dans ce monde était bien différente de son ancienne vie. Gaston avait raison, ici, elle avait pu réaliser l’un de ses rêves. Belle aimait la lecture, elle était une véritable passionnée et ce monde lui avait offert sa propre librairie. Elle pouvait parler de livre à longueur de journée, pouvait lire quand elle le voulait. Tout cela se faisait sans jugement, ici, les femmes avaient le droit de lire, d’être cultivée, sans que cela ne gêne. Belle avait, en quelque sorte, trouvait sa place ici. « C’est un peu ça. » Répondit-elle alors. N’importe qui, connaissant un minimum Belle, savait qu’elle était faite pour ce métier, n’importe qui savait à quel point elle avait rêvait d’un métier comme celui-ci, tout en sachant qu’elle n’en aurait pas le droit dans son monde.

Avait-elle retrouvé Adam ? Malheureusement non. Belle ne l’avait pas retrouvé. « Non, je n’avais encore revu personne de notre monde avant toi. » Gaston était la première personne de leur monde que Belle revoyait. Bien évidemment, elle aurait préféré revoir Adam, son père, Lumière, Big Ben, Zip ou n’importe qui d’autre, mais Gaston ne faisait pas partie de cette liste. Après tout, Belle ne l’avait jamais porté dans son cœur. Le revoir ne lui avait fait aucunement plaisir, cela lui avait uniquement procuré de l’espoir. L’espoir de revoir un jour les siens, parce que si Gaston était là, les autres l’étaient sûrement eux aussi. « Et toi, tu as revu des personnes de notre monde depuis ton arrivée ici ? » Gaston avait peut-être retrouvé LeFou ou n’importe quel autre habitant du village. Belle serait contente de retrouver à peu près toutes les personnes – à quelques exceptions près - de son village. Elle posait cette question pour elle, mais pas uniquement. En réalité, même si elle n’appréciait pas Gaston, elle espérait qu’il n’ait pas passé toutes ces années seul, parce qu’elle savait à quel point cela était difficile à gérer. Elle avait vécu cette solitude et sans ses amis, elle aurait eu beaucoup de mal à tenir. Belle ne souhaitait cela à personne. Aucune personne ne mérite d’être seule, jamais, parce que pour Belle, la solitude était une chose bien difficile à vivre, pour n’importe qui.