Dès lors que le Death Note tombe dans le monde des humains, il lui appartient. Je suis de celles que l'on jalouse, parce que tout a toujours semblé facile pour moi pour commencer. J'ai grandi au milieu de deux parents aimants, fille unique aimée et bichonnée. Pas très bonne en classe, j'ai su compenser avec mon joli minois qui m'a valu de participer à de nombreux concours de beauté, avant d'être repérée par un dénicheur de talents qui a lancé ma carrière dans le mannequinat. A seize ans, je faisais déjà la couverture de grands magazines japonais, et acquis une certaine notoriété. Tout allait bien, et j'étais heureuse, vraiment heureuse... Mais sans aucun drame, pas d'histoire, n'est-ce pas ? J'en ai connu plusieurs. Et le premier, ça a été l'assassinat de mes parents. Un cambriolage qui a mal tourné. Oh, comme j'ai profondément haï cet homme ! De toutes mes forces. Mais la Justice a fait son oeuvre, Kira a fait son oeuvre. Et le cambrioleur a été puni, mort d'une crise cardiaque. Et alors, j'ai nourri envers Kira une admiration proche de la dévotion. Non, en fait, une dévotion totale. Je ne le connaissais pas, mais je l'aimais déjà. Oh, c'est vrai, personne ne connaît Kira, ici. C'est ce qui manque à ce monde. Kira manque à ce monde. Et il me manque à moi. Il a fait grand bruit au Japon et de par le monde. Une entité sans nom et visage qui tuait à distance tous les criminels. Ils mourraient inexplicablement d'une crise cardiaque. Et sans vouloir me vanter, j'ai été l'une des premières à percer le mystère qui l'entourait. Je n'en ai pas tous les mérites, cela dit. Je le dois au sacrifice d'un shinigami, Jeras, un dieu de la mort tombé amoureux de moi. Une nuit, dans une ruelle, un fan trop insistant a voulu s'en prendre à moi. Si ce shinigami n'avait pas tué mon agresseur, je serai morte cette nuit-là. A la place, Jeras s'est sacrifié pour moi. Si un dieu de la Mort éprouve de l'affection pour un humain en particulier et qu'il utilise le Death Note avec l'intention de prolonger sa vie en tuant un autre humain pour cela, il meurt. C'est cette nuit-là que j'ai rencontré Rem, une déesse de la mort qui était présente lors des événements. Elle m'a remis le Death Note de Jeras : il me revenait de droit, m'a-t-elle dit. Qu'est-ce qu'un Death Note ? Ni plus ni moins que l'arme ultime de Kira. Un cahier de la mort. L'être humain dont le nom est inscrit dans ce carnet mourra... C'est aussi simple que ça... ou presque, il y a d'autres règles, mais dans son principe le plus élémentaires, l'on procède ainsi. Si l'on connaît l'identité et le visage d'une personne et qu'on écrit le nom dans un Death Note, il meurt d'une crise cardiaque... ou d'autre chose si l'on précise les circonstances exactes de la mort. Il y a d'autres conditions et exceptions, et Rem m'a aidé à mieux les comprendre, Rem qui m'a dès lors accompagnée où que j'aille. Pour moi, l'objectif était simple et évident. Je n'ai pas eu besoin de réfléchir à l'usage que je ferais de ce carnet : j'allais retrouver Kira et l'aider dans sa quête absolue de Justice. Il deviendrait, grâce à moi, le nouveau dieu de ce monde. Et moi, je serais sa reine. Pour augmenter mes chances de l'aider et de le retrouver, j'ai accepté d'échanger mes yeux avec Rem. Une personne qui devient possesseur d'un death note peut obtenir des yeux de dieu de la Mort, lui permettant ainsi de connaître le nom de celui ou celle qu'elle regarde, en échange de la moitié de sa vie restante. Grâce aux yeux de la mort, je pouvais connaître le nom de n'importe qui, retrouver plus facilement Kira, mais aussi l'aider à se débarrasser de ses ennemis. Peu m'importait de sacrifier en retour la moitié de mon espérance de vie. Mon plan pour retrouver Kira est, sans vouloir me vanter, un coup de génie : je me suis fait passer pour le vrai Kira en envoyant des cassettes vidéos à Sakura TV, grande chaîne de télé japonaise, par l'intermédiaire d'une amie qui travaillait là-bas. Le contenu des vidéos était suffisamment intrigant pour attirer l'attention  du véritable Kira. En messages codés, je lui ai proposé de nos rencontrer. Un humain qui possède des yeux de dieu de la Mort ne peut pas voir la durée de vie des autres possesseurs de Death Note ni la sienne, ce qui n'est finalement pas si grave. Déguisée, j'ai guetté sa venue, et je l'ai reconnu. Ce jeune homme dont je ne pouvais voir la durée de vie... J'avais trouvé Kira. Light Yagami. Plus attirant encore que je ne me l'étais figurée. J'ai définitivement su que je n'aimerai jamais personne d'autre que lui. Dénicher l'adresse de Light, à partir de là, avait été d'une simplicité enfantine pour moi. C'est sans hésitation que je décidais de me présenter chez lui. Je lui expliquais tout : que j'étais le deuxième Kira, que je possédais le pouvoir de l'aider, que je l'aimais plus que tout... Je le savais, mes sentiments pour lui n'étaient pas réciproques. Mais ce n'était pas grave. Je serai patiente. Je saurais faire qu'il m'aime. En attendant, Light acceptait mon aide, et je devenais sa petite amie aux yeux de tous. Grâce à moi, Light avait enfin la possibilité de connaître le nom de son ennemi le plus dangereux, connu seulement sous le pseudonyme "L", qui avait déjà réussi à l'avoir dans le viseur. Mais juste après ma rencontre avec L, je n'eus malheureusement pas le temps de dire la vérité à Light. Arrêtée par les autorités, qui me soupçonnent à raison d'être le deuxième Kira... J'ai subi un interrogatoire musclé, qui ressemblait davantage à de la torture. L'on voulait que je dévoile l'identité de Kira... bien sûr, jamais je n'aurais trahi Light. C'est à bout de force, pour être certaine de ne pas craquer et de protéger l'homme que j'aimais que j'ai consenti à renoncer à mon droit de propriété sur le Death Note. Si celui qui a accepté l'échange des yeux de dieu de la Mort perd le droit de propriété du Death Note, en même temps que sa mémoire s'efface, il perd la faculté des yeux. Cependant, la moitié de vie qu'il a payée ne lui est pas rendue. Ne possédant plus le Death Note, je perdais également la mémoire de tous les événements directement liés au carnet de la mort, je devenais innocente aux yeux de la Justice, et à mes propres yeux. Light de son côté, au prix de manigances élaborées, renoncera aussi un temps à son droit de propriété sur le Death Note et perdra la mémoire. Un temps, lui et moi aurons couru après nous-mêmes sans le savoir. Mais Light avait tout prévu. Tôt ou tard, la mémoire devait nous revenir. Un problème demeurait : je ne parvenais plus à me rappeler du nom de L... Alors, prête à diminuer encore de moitié mon espérance de vie, j'ai échangé mes yeux avec ceux de Ryuk, cette fois, le Shinigami qui accompagnait Light. Mais une nouvelle fois, pour éviter de nous trahir, je devrais renoncer à mes droits. J'ai perdu la mémoire une fois de plus. Le reste de l'histoire appartint à Light plus qu'à moi-même. La vie de Light devait être liée à la mienne quoi qu'il advienne... Quand il a été démasqué, puis assassiné, j'ai fait mon choix. Il n'était pas question de vivre sans lui... J'ai plongé dans le vide sans la moindre hésitation, prête à le rejoindre où qu'il soit. Celui qui fait usage de ce cahier ne va ni en enfer ni au paradis. Je suppose que j'y suis. Ni en enfer, ni au paradis, quelque part entre les deux. Mon réveil a été brutal. J'ai ouvert les yeux dans une chambre qui ressemblait à la mienne, mais je savais que je n'étais pas chez moi, je l'ai immédiatement su. Aussi, surtout, tous les événements que j'avais oubliés m'ont rattrapée d'un seul coup. J'aurais pu le supporter, j'en aurais été heureuse, même... mais je ne peux pas être heureuse sans Light. Je suis certaine qu'il est là lui aussi. Nos destins sont liés, alors il ne peut qu'être là. J'ai besoin de le retrouver, de l'aider. Ensemble, nous pourrons tout reprendre de zéro, métamorphoser ce monde à l'image qu'il voudra lui donner. Mais pour ça, il faut impérativement que je le retrouve. Deux ans que je suis à sa recherche, sans succès... Mais je ne désespère pas. Il est le sens que j'ai choisi de donner à ma nouvelle vie, il est ma raison de respirer encore. Alors je n'abandonnerai rien. J'ai repris mon travail de mannequin... en me voyant sur l'un ou l'autre panneau publicitaire, il saura que je suis là, pas vrai ? Et si je ne le trouve pas, lui me retrouvera peut-être.