[Terminé] Une maison hantée ? || Jasmine

Plongée dans son sommeil, Belle fut réveillé par un bruit qui semblait s’être fait entendre non loin d’elle. Ce n’était peut-être qu’un rêve. À moitié endormi, il était difficile de faire la différence entre le rêve et la réalité. Après deux ou trois minutes à tendre l’oreille, la brune s’était rassurée en disant qu’il n’y avait rien et qu’elle pouvait de nouveau se recoucher et essayer de se rendormir. Alors que la libraire commençait à retrouver le sommeil, un second bruit s’était fait entendre au rez-de-chaussée cette fois-ci. Peut-être qu’elle était de nouveau en train de rêver, même si elle ne dormait pas vraiment, cela était tout à fait possible, même si elle trouvait cela étrange. Fermant de nouveau les yeux, la brune tentait de rester éveiller, faisant mine de s’être rendormie. Un troisième bruit s’était fait entendre. Il était clair qu’elle ne rêvait pas. Et le bruit ressemblait à celui d’une personne s’asseyant sur un lit. Sur son lit. Prise de panique, la brune se jeta sur la lampe de chevet qu’elle avait juste à côté de son lit, sauf que bien évidemment, celle-ci ne fonctionnait pas. Heureusement, dans son tiroir de table de chevet, la brune avait toujours une lampe de poche. L’attrapant rapidement la brune s’empressa de l’allumer pour éclairer chaque recoin de la pièce, mais il n’y avait rien. Autant le dire, même s’il n’y avait rien, Belle n’avait plus du tout envie de se rendormir. Alors que devait-elle faire ? Attendre assise dans son lit que le soleil se lève, ne lâchant pas sa lampe de poche des mains ou alors essayer de trouver l’origine de ces bruits ? Bien évidemment, Belle avait choisi la deuxième option. Quittant son lit à toute vitesse pour éviter le dessous de lit, la brune s’approcha de la fenêtre de sa chambre. Aucune lumière n’entrait par ici. Ni la lumière des réverbères, ni même celle de la lune. En observant l’extérieur, Belle comprit qu’il n’y avait plus d’électricité dans le quartier ou du moins dans cette partie du quartier et la lune n’était tout simplement cachée par les nuages. En tout cas, elle comprenait mieux pourquoi elle n’arrivait pas à allumer sa lampe de chevet un peu plus tôt.

Longeant les murs, Belle commença alors à explorer chaque recoin de sa maison. Et plus elle avançait, plus elle avait envie de retourner dans son lit ou de fuir en courant. L’esprit de Belle lui jouait peut-être des tours, mais elle avait l’impression d’entendre des rires, des chuchotements, des bruits de pas, des grincements… Elle avait même senti quelqu’un lui toucher l’épaule, alors qu’il n’y avait absolument rien quand elle s’était retournée. Et puis il y avait ces ombres qui semblaient se promener à l’intérieur de sa demeure. Ne comprenant pas vraiment ce qui était en train de se passer ou ayant peur de ce qui était en train de se passer, la brune s’empressa de quitter sa maison, traversant la rue jusqu’à se retrouver devant la maison de Jasmine. Une voisine avec qui elle avait beaucoup échangé depuis son arrivée ici. Avec le temps, les deux femmes étaient devenues amies et se voyaient régulièrement. Belle savait alors qu’elle pouvait compter sur elle, même en pleine nuit. Tambourinant dans la porte, la libraire avait hâte de voir le visage rassurant de son amie. En attendant, elle ne pouvait pas s’empêcher de tenir fermement sa lampe, et surtout, elle ne pouvait pas s’empêcher de regarder derrière elle, par peur de se faire attraper par surprise par… Elle ne savait même pas quoi.

Profondément endormie, Jasmine ne se préoccupait pas de ce qui se passait autour d'elle. La journée avait été particulièrement longue et elle s'était endormie bien tard. Elle avait longuement veillé, installée près d'une fenêtre, les yeux perdus à observer la nuit, l'esprit à des années-lumières de cette chambre et de cette île. La nuit était particulièrement profonde et rendait ses pensées plus déprimantes qu'à l'habitude. Après avoir passé des heures contre cette fenêtre, Jasmine avait fini par se mettre debout, en poussant un long soupir fatigué au passage. Il fallait bien qu'elle dorme, quand bien même elle ne ressentait pas la moindre fatigue après sa longue journée. Elle s'était alors allongée, imaginant que le sommeil mettrait longtemps avant de venir la chercher. Pourtant, même si elle ne se sentait pas fatiguée, elle n'avait pas mis très longtemps à s'endormir. Ni à se réveiller, lorsque des bruits violents se firent entendre, en bas. Réveillée en sursaut, Jasmine n'avait mis que quelques secondes avant de comprendre que quelqu'un tambourinait à sa porte d'entrée.

A toute vitesse, Jasmine était sortie du lit, enfilant quelque chose pour se couvrir davantage au passage. Il se passait forcément quelque chose. Pour éviter de chuter, elle avait tenté d'allumer la lumière, en vain. Elle allait faire sans, alors, puisqu'elle n'avait pas le choix. Depuis trois ans, elle connaissait cette maison par coeur. Alors, à toute vitesse - ou presque, elle prenait un minimum de précautions pour ne pas tomber tout de même, elle avait dévalé les escaliers. En bas, elle s'approcha discrètement d'une fenêtre pour observer, près de la porte, qui était là. La nuit était profonde, mais une légère lueur, provenant d'elle ne savait quoi, éclairait légèrement l'invitée surprise. Impossible, malheureusement, de déterminer de qui il s'agissait. Soufflant un bon coup pour se donner du courage, la jeune femme entrouvrit très légèrement la porte, se préparant à devoir la refermer rapidement. Il ne lui avait alors pas fallu plus d'une seconde ou deux pour se rendre compte qu'il s'agissait de Belle, une voisine. Belle semblait paniquée et terrifiée, ce qui terrifia aussitôt, instinctivement, Jasmine. « Tu as un problème ? Que se passe-t-il ? » demanda-t-elle simplement, en ouvrant suffisamment la porte pour la laisser entrer. Elle en avait forcément un. La jeune femme n'était sans doute pas venue, en plein milieu de la nuit, frapper à la porte avec tant de hâte, sans la moindre raison. Avait-ce un lien avec cette coupure de courant ? Toute la rue semblait en être privée. Enfin, elle le supposait puisqu'en regardant par la fenêtre, elle avait remarqué comme la rue était plongée dans l'obscurité. « Entre. » Ajouta-t-elle, pour inciter la jeune femme à entrer afin qu'elle puisse refermer la porte. « Et explique-moi ce qui se passe. » L'obscurité avait peut-être poussé quelqu'un à entrer chez elle ? Avait-elle été agressée ? Avait-elle eu une mauvaise nouvelle ? Ou un problème chez elle ? L'inquiétude grandissait forcément. Belle n'était pas le genre à débarquer en plein milieu de la nuit sans raison alors il se passait forcément quelque chose.

Belle ne comprenait pas ce qui était en train de se passer chez elle. D’où provenait ces bruits ? Et ces ombres ? Pourquoi est-ce qu’elle avait tant l’impression d’être observée ? D’être en danger ? Belle en était presque certaine, il y avait quelqu’un dans sa maison. Et même si elle ne savait pas si elle devait vraiment croire aux histoires de fantômes, elle avait vraiment l’impression d’être en train d’en vivre une. Que pouvait-elle faire ? Se battre contre des esprits ? Comment le pourrait-elle ? Belle avait bien pensée à rester blottie dans son lit, comme si elle y était en sécurité. Mais elle ne pouvait pas. Plongée dans le noir, elle avait l’impression que tout pouvait arriver, sa simple lampe de poche ne l’aidait pas à y voir plus claire. Et bien évidemment, la lumière ne fonctionnait plus. Tout le quartier semblait privé d’électricité.

Dans un élan de courage, la brune avait quitté sa chambre, puis la maison. Elle avait l’impression d’être en plein cauchemar, pourtant, elle était bel et bien réveillée. La peur l’empêchée de réagir comme elle le voulait et l’avait poussée à se rendre devant cette porte. Jasmine était l’une de ses voisines et amies et Belle savait qu’elle pouvait compter sur elle. Ou presque. Après tout, même avec Jasmine à ses côtés, Belle n’arriverait pas à combattre des esprits. Bien heureusement, Jasmine avait été très rapide. En quelques minutes à peine, elle avait ouvert la porte et avait bien compris que quelque chose n’allait pas. Il fallait dire, que si elle débarquait en pleine nuit chez elle, avec cet air paniqué, c’était forcément que quelque chose n’allait pas. Puis sans perdre de temps, Belle était entrée chez son amie, après qu’elle l’est invitée à le faire. « Je... » commença-t-elle à dire, tremblotante et l’esprit ailleurs. « S’il te plaît, il faut que tu me croies. » finit-elle par dire en revenant à elle, consciente qu’elle devait se reprendre pour tout expliquer à Jasmine. « Je dormais et puis j’ai été réveillée par un bruit. Rien d’alarmant au départ, mais… Je crois… Non, je suis certaine qu’il y a quelqu’un ou plutôt quelque chose chez moi. » Jetant un coup d’œil par la fenêtre, tout semblait normal de l’autre côté de la rue. Belle espérait simplement que son amie allait la croire. « J’ai entendu des bruits et des voix aussi. Et puis je l’ai sentie, ça m’a touché l’épaule. Sans oublier que j’ai vu des ombres. Ce n’était pas l’ombre d’un arbre ou je ne sais quoi d’autre. Non, c’étaient des ombres… humanoïdes. »

Jasmine ne s'attendait évidemment pas à voir débarquer son amie en plein milieu de la nuit, paniquée comme elle l'était. Que se passait-il ? Avait-ce un lien avec la coupure d'électricité que Jasmine pensait avoir remarqué quelques secondes plus tôt, en descendant ? Evidemment, Jasmine avait laissé Belle entrer. Elle semblait aller si mal qu'elle ne pouvait pas la laisser dehors, même le temps des explications. Maintenant qu'elle était à l'intérieur, en sécurité, la jeune femme demandait des explications. Qu'est-ce qui la mettait dans cet état ? Qu'avait-elle ? Que se passait-il ? Les tremblements de son corps et dans sa voix ne rassuraient pas Jasmine qui se crispait avant même de savoir ce qui était en train de se passer.

Ne comprenant pas sa demande, Jasmine secouait la tête de droite à gauche, légèrement. « Oui... Bien sûr, oui... Pourquoi est-ce que je ne te croirais pas ? » Souffla la jeune femme, encourageant, par sa douceur, son amie à parler. Si elle devait l'aider d'une quelconque façon, il lui fallait comprendre. Belle se lança alors dans ses explications. Elle dormait et avait été réveillée par un bruit. Puis des voix. Et quelque chose qui lui avait touché l'épaule. Des ombres. Le coeur de la brune se mit à battre davantage. Il ne fallait pas qu'elle cède à la panique à son tour. Bien sûr, sans remettre en doute ses explications, l'explication la plus rationnelle était qu'elle avait rêvé et pris peur. Mais bien d'autres choses pouvaient expliquer ce qu'avait senti et vu Belle. « Tu es certaine que tu n'étais pas en train de rêver ? Parfois, il est difficile de faire la différence entre le rêve et la réalité lorsque l'on se réveille à peine. » Il n'était pas question de remettre en doute les mots de son amie, simplement de s'assurer qu'elle n'avait pas paniqué inutilement. Maintenant qu'elle était en sécurité ici, Belle pouvait réfléchir aux événements de manière plus logique et en déduire s'ils étaient réels ou non. « Ou tu crois que quelqu'un est entré chez toi ? » Jasmine n'imaginait pas l'autre hypothèse, celle que Belle avait en tête. Ce quelque chose dont elle avait parlé ne l'avait pas alarmé plus que ça. « Tu as prévenu quelqu'un ? » La police, un proche ou elle ne savait qui d'autre, mais quelqu'un capable de gérer la situation. « Tu veux que je t'accompagne chez toi, pour te rassurer ? Avec la coupure de courant, tu as peut-être halluciné, tu sais, ça arrive. » En réalité, Jasmine n'était pas tellement à l'aise à l'idée de se rendre chez Belle après ce qu'elle avait dit, mais elle ne reculerait pas et, s'il le fallait vraiment, elle l'y accompagnerait pour la rassurer - ou pour confirmer ses propos. « Ou tu veux dormir ici ? Tu peux, tu sais, ça ne me pose pas de problème. » Mais peut-être préférait-elle s'assurer que personne n'était en train de se servir chez elle ? Ce que Jasmine, encore une fois, comprenait très bien. La décision, de toute façon, revenait à Belle et Jasmine la suivrait, quoi qu'elle puisse décider de faire.

Belle était un peu perdue. Ne comprenant pas ce qui venait de se passer. Cela n’avait rien de logique. D’où venaient ces bruits ? Ces ombres ? Belle n’avait pas rêvé, elle les avait vues, les avait sentis, entendus… Par peur, elle avait quitté sa maison, avant de se rendre chez Jasmine. Belle avait besoin de parler de ce qu’elle venait de voir. Jasmine était sans doute la bonne personne pour en discuter. À vrai dire, Belle n’en savait rien. Mais dans l’immédiat, elle n’avait qu’elle et elle devait l’écouter et surtout, elle devait la croire. Lorsque Jasmine lui demanda pourquoi est-ce qu’elle ne la croirait pas, Belle ignora la question, préférant commencer à raconter son histoire. « Non, non, je ne rêvais pas, Jasmine. C’était bien réel. Et non, je ne pense pas que ce soit… quelqu’un. » Belle pensait plus à quelque chose. Un esprit peut-être. « Non, je n’ai prévenu personne. Je suis venue ici directement. Je n’avais qu’une idée en tête : quitter la maison. » Belle n’était pas de nature peureuse, mais là, il y avait eu quelque chose de dérangeant, quelque chose qui la mettait mal à l’aise et elle devait bien l’avouer, elle s’était sentie en danger, incapable de réagir correctement face à cet esprit. « Non, je n’ai pas halluciné Jasmine. Je peux te promettre que tout cela était bien réel. J’ai senti l’air frais derrière moi. J’ai entendu les chuchotements. J’ai bien senti cette main sur mon épaule. Je te promets que tout cela était vrai. » Bien évidemment, Jasmine peinait à la croire et cela était sans doute normal. Tout cela ressemblait plus à une hallucination, un rêve, qu’à la réalité. « Si je m’écoutais, j’aurais accepté l’invitation avec plaisir, mais je crois que je veux m’assurer qu’il n’y ait plus rien chez moi. » Si Belle dormait ici, elle serait inquiète à l’idée de passer la prochaine nuit chez elle. Alors autant retourner chez elle dès maintenant, surtout qu’elle n’était plus seule puisque Jasmine était là et qu’elle lui proposait de l’accompagner. « Allons-voir. » dit-elle avec un air peu convaincu et peu rassurée.

Belle ouvrit alors la porte de chez Jasmine. Avant de faire un pas en dehors de la maison, la brune s’était assuré que rien n’était dehors. Serrant de nouveau sa lampe torche dans la main, la libraire s’avança alors. Tenant tout aussi fermement le bras de Jasmine, comme pour éviter de la perdre et de se retrouver seule. Une fois devant chez elle, Belle n’avait qu’une envie : faire demi-tour. Elle avait un mauvais pressentiment. Mais elle était courageuse, alors après une grande inspiration, elle ouvrit la porte de chez elle. Tout semblait calme pour le moment. Peut-être que tout été terminé. Belle entra alors chez elle, suivit de Jasmine. Et tout semblait réellement calme. « Ça a commencé à l’étage, dans ma chambre. On devrait peut-être y aller ? » Belle savait que Jasmine n’allait pas la croire si rien ne se passait. Mais elle en était presque certaine, cet esprit ou elle ne savait quoi allait sans doute refaire surface. Elle ne l’avait pas rêvé.

Il n'était pas question de ne pas croire Belle, simplement Jasmine préférait se montrer prudente et réfléchir logiquement - y avait-il une logique logique dans ce monde ? En pleine nuit, plongée dans l'obscurité, à moitié endormie, Belle avait tout à fait pu imaginer ces bruits, ces ombres ou ces touchers. Pourtant, face aux certitudes de son amie, Jasmine avait du mal à croire en cette possibilité rationnelle. Les fantômes, les esprits... Jasmine avait vu suffisamment de choses dans la vie pour ne pas nier leur existence aussi simplement. Moins encore dans un monde comme celui-ci. Une chose était certaine, en tout cas : la détresse de Belle était réelle, elle. Évidemment. Quelque chose plutôt que quelqu'un, ça n'avait rien de rassurant. « Je pense que j'aurais fait pareil à ta place. Tu as bien fait de sortir de chez toi le plus vite possible. On ne sait jamais. » La jeune femme tentait de rassurer son amie. Elle avait bien agi en quittant sa maison rapidement. Il aurait été stupide et inconscient de prendre des risques inutiles. Comment se défendre lorsqu'on ne savait pas contre quoi on devait se battre ? « Eh, je te crois, d'accord ? » Souffla la jeune femme en déposant l'une de ses mains sur l'épaule de son amie. Elle se justifiait et assurait comme elle savait que tout avait été réel et qu'il ne s'agissait pas d'une hallucination. Même si c'était plus facile à dire qu'à faire, elle devait retrouver son calme.

Alors, pour faire face à la détresse de sa voisine, Jasmine lui avait proposé de dormir ici. Ou, si elle le préférait, elles pouvaient aller voir, toutes les deux, ce qui se cachait chez elle. Jasmine, en toute honnêteté, aurait préféré que son amie choisisse la première option, mais elle la comprenait. Elle n'avait, sans doute, pas envie de laisser sa maison comme ça, toute la nuit, sans savoir ce qui s'y cachait. A la réponse de Belle, Jasmine se contenta de hocher la tête de haut en bas, en lui envoyant un sourire rassurant. « On y va. » Jasmine avait pris une grande inspiration pour se donner du courage, avait attrapé une lampe de poche qui traînait toujours dans un tiroir, dans la commode d'entrée, puis avait suivi Belle. La jeune femme n'était pas rassurée, elle devait l'avouer. Néanmoins, elle n'allait pas laisser son amie, comme ça, se débrouiller toute seule. Heureusement, le courage ne lui manquait pas, même si elle devait user de toutes ses forces pour garder bonne figure.

Chacune armée d'une lampe, la main de Belle serrant fermement le bras de Jasmine, les deux femmes avancèrent prudemment chez la libraire. Belle était entrée la première. Jasmine avait suivi de très près. Tout semblait calme. Trop calme, peut-être. Bien sûr, Belle ne voulait pas en rester là. Comme les bruits avaient commencé à l'étage, elle voulait s'y rendre. Un soupir, pour se rassurer, plus tard, la lampe de poche passée partout autour d'elles, la jeune femme avait répondu, l'inquiétude se lisant clairement dans sa voix : « D'accord. On va à l'étage. » Toujours accrochées l'une à l'autre, les deux femmes étaient montées dans la chambre. Pas un bruit. Le calme. Jasmine avait alors pris son courage à deux mains pour jeter un coup d'oeil derrière les rideaux, la porte ou sous le lit, mais il n'y avait rien. « Il n'y a rien, Belle. » Avait-elle soufflé, penchée sous le lit. « Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y avait rien. » Hors de question qu'elle ait l'impression que Jasmine l'accuse de mentir. D'autant qu'à peine terminé, un grincement s'était fait entendre, provenant des escaliers. « Là, j'ai entendu ! » Murmurait la jeune femme en observant Belle pour savoir ce qu'elle voulait faire. Fuir, attendre, affronter ?

Belle n’avait rien imaginé. Tout ce qu’elle avait vu et entendu était réel. Il y avait quelque chose chez elle, c’était certains. Et Jasmine devait la croire. Elle aurait pu rêver la première fois, mais elle avait entendu une deuxième fois alors qu’elle était encore éveillée et ça avait continué une troisième fois, alors que cette fois-ci, la brune était bien réveillée. Quand elle était sortie de sa chambre, elle avait vu cette ombre, avait sentit cette main sur son épaule. Tout cela, elle n’avait pas pu le rêver. Tout cela s’était réellement passé. Belle n’était pas du genre à prendre peur sans raison. Cet air effrayé, ce cœur qui battait bien plus vite que la normal, cette impression d’être en danger. Tout cela était réel, Belle ne l’avait pas inventé. Tout comme elle n’avait pas inventé ce besoin de sortir de chez elle le plus vite possible pour aller se réfugier chez son amie. Pourtant, Jasmine semblait ne pas la croire. Ou plutôt, elle émettait une hypothèse ; Belle avait peut-être halluciné. Cette réaction était logique, Jasmine cherchait la réponse la plus rationnelle, mais ce n’était pas toujours la bonne. Cette fois-ci, la réponse n’avait rien de rationnel, Belle en était persuadée. Fort heureusement, la brune l’avait rassuré en lui disant qu’elle la croyait. La libraire n’aurait pas supporter que Jasmine ne change pas d’avis. Elle n’aurait pas supporté de ne pas être cru.

Pour aider Belle, pour éviter qu’elle n’ait à rentrer chez elle cette nuit, Jasmine lui avait proposé de passer la nuit ici. La libraire aurait pu accepter, elle aurait d’ailleurs préféré passer la nuit ici, mais elle ne pouvait pas. Elle avait besoin de comprendre ce qui s’était passé chez elle. Et puis si elle ne rentrait pas tout de suite, elle avait peur de ne plus vouloir y entrer, par crainte de retomber sur cette chose. Alors même si elle n’était nullement rassurée, la brune invita son amie à la suivre pour se rendre chez elle. En arrivant, tout semblait calme. Aucun bruit, aucune ombre. Comme si rien ne s’était jamais passé. Comme si Belle avait réellement rêvé toutes ces choses. Peut-être devaient-elles se rendre à l’étage. Après tout, tout avait commencé dans sa chambre. Avec l’accord de Jasmine, les deux femmes commencèrent à monter les escaliers. L’angoisse de Belle était de plus en plus forte et son cœur battait de plus en plus vite. Heureusement, Jasmine n’était pas loin d’elle et sa présence semblait apaiser un peu la libraire.

Une fois là-haut, il n’y avait toujours aucun bruit. Pourtant, Belle n’arrivait pas à bouger. Comme si elle sentait que quelqu’un l’observait. Jasmine s’avança alors pour vérifier le dessous du lit, le derrière des rideaux et le derrière de la porte. En entendant la réponse Belle lâcha un léger soupire. La brune devrait être soulagée de ne rien trouver chez elle. Mais elle savait qu’elle n’avait pas rêvé, alors elle préférer que les choses continuent devant témoin. Elle voulait que les choses continuent parce qu’elle voulait pouvoir les arrêter. En entendant le grincement provenant des escaliers, la brune se mit à sursauter. Heureusement, cette fois, Jasmine était là, et elle avait entendu le même bruit qu’elle. « Les bruits se rapprochent Jasmine. » L’inquiétude se lisait dans la voix de la jeune femme. « Qu’est-ce qu’on doit faire ? » Belle n’en avait aucune idée et elle doutait que Jasmine en ait une. Pourtant, elle allait devoir agir, parce que les bruits n’étaient plus qu’à quelques pas de la chambre de Belle. « Sous le lit. » C’était le seul endroit où elles pouvaient se cacher toutes les deux, parce que Belle ne voulait pas s’éloigner de son amie. Et puis avec un peu de chance, elles seraient peut-être en sécurité là-bas.

La maison de Belle semblait désespérément vide. Ou, heureusement vide ? Jasmine ne voulait pas remettre en cause la version de son amie, mais elle avait pu vivre une hallucination. A l'étage, les deux jeunes femmes cherchaient le moindre bruit pouvant confirmer la version de Belle. Jasmine, après avoir trouvé le courage nécessaire, avait fouillé derrière les rideaux et les portes, dans les placards et sous le lit, mais il n'y avait rien. Pas la moindre trace que quelque chose se trouvait ici ou s'était trouvée ici. Jasmine fit alors part de ses remarques à son amie, mais, alors qu'elle s'expliquait, un grincement s'était fait entendre. Il provenait des escaliers. Jasmine pouvait avoir rêvé à cause de la situation dans laquelle elle se trouvait, mais elle ressentait cette drôle de sensation. Elle frissonnait. Elle avait l'impression de ne pas être seule avec Belle. Non, il y avait bel et bien quelque chose d'étrange dans cette maison. La panique envahissait, évidemment, les deux femmes. Elles ignoraient quel danger les guettait. Elles ignoraient ce qui se trouvait chez Belle. Elles ignoraient même jusqu'à comment réagir. Devaient-elles fuir ? Se cacher ? Se battre ? Difficile à dire lorsqu'on ne connaissait pas l'ampleur du danger.

La jeune femme tentait de se contrôler et de garder son calme. Ce n'était pas une chose facile, mais Jasmine n'était pas du genre à se laisser envahir par la panique. C'était une véritable chance dans ce genre de situation. La peur était présente, bien sûr, mais elle restait contrôlable pour le moment. C'était une bonne chose, il fallait bien que l'une des deux reste concentrée et ne cède pas à la panique. Si Jasmine devait avoir ce rôle, elle tenterait de le tenir au mieux. « Je sais. » avait-elle répondu, alors que Belle lui disait que les bruits se rapprochaient. Elle savait et elle réfléchissait à ce qu'elles devaient faire, mais ce n'était pas facile de trouver la bonne idée. « Je... Laisse-moi réfléchir. » Soufflait-elle dans un murmure en observant les lieux, pour trouver quelque chose pour se défendre ou une bonne cachette. Avant que la jeune femme ne puisse terminer ses observations, Belle avait trouvé une solution elle-même. Sans réfléchir, Jasmine avait suivi le mouvement et elle s'était précipitée, discrètement, sous le lit de Belle, avec cette dernière. A plat ventre, la jeune femme tentait de contrôler sa respiration au mieux, afin de ne pas se faire découvrir bêtement. Il fallait garder son calme. Tout allait bien se passer, tentait-elle de se convaincre. Une main devant la bouche, pour diminuer les bruits, Jasmine contrôlait son sursaut lorsqu'elle entendit le bruit de la porte. Ce grincement sinistre et terrifiant signalait que l'intrus était entré. Le problème était qu'elle ne voyait rien. Il n'y avait ni ombre, ni jambe qui se dessinait. Pourtant, il y avait bel et bien des bruits de pas, ce qui rendait les choses plus angoissantes encore. Jasmine, alors, avait tourné les yeux vers son amie pour l'interroger silencieusement. Entendait-elle la même chose ? Voyait-elle la même chose - donc rien ? Devaient-elles partir en courant ? Jasmine n'en savait rien, mais une chose était certaine : elle regrettait de ne pas avoir insisté pour que Belle passe la nuit chez elle, en sécurité.

Belle n’avait pas rêvé. Elle en était certaine. Tout ce qu’elle avait vu, entendu ou ressentit, toutes ces choses s’étaient réellement produites. Alors pourquoi est-ce que sa maison était si calme ? Où étaient ces choses qui l’avaient effrayée quelques minutes plus tôt ? Heureusement, ou pas, un bruit s’était fait entendre à l’étage et Jasmine l’avait entendu elle aussi. Sans perdre de temps, les deux amies s’étaient rendues à l’étage pour voir ce qui s’y trouvait. Parce qu’il n’y avait pas de doute, il y avait bien quelque chose ou quelqu’un.

Une fois dans la chambre de Belle, endroit d’où provenait les bruits, les deux amies ne virent rien. Rien jusqu’à ce qu’elles doivent se cacher sous le lit après avoir entendu de nouveau des bruits. Ce n’était sans doute pas la meilleure cachette, mais c’était la seule que Belle avait trouvée sur le coup. Jasmine n’avait pas réagi assez vite pour trouver une autre cachette, alors Belle l’avait emmené à la cachette la plus proche. Habituellement, Belle est plus courageuse, plus forte. Elle a peur, mais sait se contenir et n’a pas peur de se défendre, mais cette nuit-là, tout semblait l’effrayer. Bien évidemment, la peur était normale, surtout dans de telles circonstances, mais elle semblait étrangement amplifiée chez Belle, qui aurait, habituellement, cherchait à affronter la chose qui se trouvait chez elle, plutôt que de se cacher lâchement sous son lit.

Les deux femmes étaient sous le lit et la porte de la chambre de Belle venait de s’ouvrir. Ce qui voulait dire qu’il y avait bel et bien quelqu’un. Et puisque Belle était maligne, elle venait de les coincer toutes les deux sous le lit, sans issue possible. Elle n’avait plus qu’à espérer que cette personne ou cette chose ne les surprenne pas, sinon, elles étaient fichues. Il faisait sombre, mais la lune éclairait un peu la chambre de la libraire. Pour faire des bruits de pas, il fallait des pieds, des jambes, un corps… Sauf qu’il n’y avait rien de tout cela, de sous le lit, ni Belle, ni Jasmine ne semblait avoir vu des jambes s’avancer vers elles. Alors d’où provenaient ces bruits ? Lorsque Jasmine l’interrogea avec son regard, la libraire se contenta de hausser les épaules en faisant un non de la tête. Elle ne pouvait malheureusement pas lui donner plus d’information.

Alors que Belle s’apprêtait à chuchoter quelques mots à l’oreille de son amie, elle fut surprise par le matelas et le sommier qui venaient de s’affaisser juste au-dessus de leur tête. La libraire porta alors, aussitôt, une main à sa bouche pour s’empêcher de crier. Puis au bout de quelques secondes, les yeux toujours grands ouverts, elle tourna le regard vers son amie en lui pointant la bosse du doigt. « Cette chose est juste là. » Aucun son ne sortait de sa bouche, puisqu’elle savait que le moindre bruit allait alerter la chose qui se trouvait juste au-dessus d’elles. D’ailleurs, si Belle employait le mot « chose » c’était simplement parce qu’elle avait compris que ce n’était pas humain. Il y avait bien un poids sur le lit, mais il n’y avait eu personne qui s’était avancé jusque-là et pire encore, il n’y avait aucune jambe devant elles et toujours aucune ombre sur le sol.

Jasmine n'avait pas le temps de réfléchir ou de réagir que déjà Belle lui attrapait la main pour la conduire dans la seule cachette à laquelle elle avait pensé : sous le lit. Ce n'était pas l'idéal, puisqu'elles étaient vulnérables ainsi cachées, mais il n'y avait pas le temps de trouver mieux, les bruits se faisant de plus en plus proches. Cachées, les deux femmes tentaient de cacher chacun de leurs bruits, mais il était difficile de contrôler sa respiration dans ce genre de moments. Pourtant, il n'y avait pas d'autres choix puisque la porte de la chambre venait de s'ouvrir. Elles n'étaient donc pas seules, il n'y avait plus aucun doute.  

Qu'il y ait quelqu'un dans la chambre était déjà une chose effrayante, évidemment, mais il y avait plus terrifiant encore. Comment se faisait-il que Jasmine ne puisse apercevoir ni pied, ni jambe, ni ombre ? Il n'y avait rien. C'était un peu comme si les bruits de pas étaient produits par quelqu'un ou quelque chose d'invisible. C'était impossible. Le regard de Jasmine interrogeait son amie, mais elle n'en savait pas plus qu'elle. La pression montait, la peur aussi. Elles étaient coincées avec quelque chose qui ne semblait même pas exister. Jasmine tentait de contrôler sa respiration et de réfléchir, mais elle fut surprise par le matelas qui s'affaissa et elle ne put retenir un petit bruit qu'elle était venue immédiatement étouffer avec sa main. Un instant, elle resta immobile, priant pour que personne ne l'ait entendu. Du coin de l'oeil, elle avait remarqué que Belle avait eu le même réflexe. Les gestes de Belle étaient clairement inquiets, mais Jasmine ne savait pas quoi faire d'autres que hocher la tête. Oui, elles n'étaient plus seules dans cet endroit et elles n'allaient pas pouvoir rester caché ainsi pendant des heures - d'autant qu'il y avait des chances pour que cette chose sache où elles étaient, en réalité, et qu'elle ne soit juste qu'en train de jouer avec elles.

Ce que s'apprêtait à faire Jasmine était peut-être absolument stupide, dangereux et irréfléchi, mais il fallait faire quelque chose. D'un signe de la main, elle tentait d'expliquer à Belle de rester là et elle lui indiquait qu'elle allait sortir de dessous le lit. Jasmine avait réuni tout son courage et avait poussé un soupir silencieux, avant de se glisser hors du lit. Elle était morte de peur. Elle craignait qu'à tout moment la créature ne lui saute dessus, mais elle n'avait pas le choix, il fallait bien réagir. Alors, elle s'était redressée rapidement - et elle était heureuse de constater qu'il ne s'était encore rien passé - avant de se retourner en serrant les poings pour se donner toujours plus de courage. Sur le lit de Belle, sous les couvertures, il y avait bel et bien une forme installée, assise. Elle ne bougeait pas. « Sa... » Elle avait tenté de parler, mais elle n'en était pas capable. Seul un souffle s'était échappé d'entre ses lèvres. Mais à ce souffle, la chose avait tourné ce qui devait être une tête de sous le drap, sans bouger davantage. Jasmine était complétement paralysée. Très bon plan de sortir de sous lit, mais elle aurait dû réfléchir à l'après.

Belle aurait aimé avoir une explication logique à tout ce qui était en train de se passer. Elle aurait aimé comprendre ce qui lui était arrivé quand elle s’était arrivé. Et surtout, elle aurait voulu comprendre ce qui était en train de se passer à cet instant même. Comment pouvait-il y avoir des bruits de pas, alors qu’il n’y avait visiblement personne d’autre dans cette chambre ? Pourtant, il y avait bien quelque chose qui avait ouvert cette porte, tout comme il y avait bien quelqu’un qui venait de se poser sur ce lit. Plus le temps avancé, plus il se passait des choses, plus Belle avait l’impression d’être plongée au beau milieu d’un cauchemar. Un cauchemar bien réel. Trop peut-être. Parce que tout cela ne pouvait pas vraiment être vrai. Tout cela ne pouvait pas être en train de se produire. C’était impossible. Mais Belle était intelligente et elle savait qu’elle n’était pas plongée au beau milieu d’un cauchemar, même si elle aurait vraiment préféré.

Et voilà que Jasmine se mettait à jouer les intrépides. Pourquoi est-ce qu’elle se mettait en danger ? C’était idiot. Pourquoi est-ce qu’elle sortait de sa cachette, aussi mauvaise soit-elle. Belle avait bien évidemment tenté de la retenir et de l’empêcher de sortir de sous le lit, mais elle n’avait pas réussi à l’arrêter. Belle avait cessé de respirer, les yeux écarquillaient, elle observait son amie avec crainte. Et s’il lui arrivait quelque chose ? Qu’allait-elle bien pouvoir faire pour la protéger d’une chose invisible ? Comment pouvaient-elles d’ailleurs rivaliser avec une créature invisible ? Mais voilà que Jasmine se trouvait debout au milieu de la chambre et rien ne s’était passé. La créature n’avait pas bougé. Elle n’avait pas bougé avant que Jasmine ne tente de parler. De là où elle était, Belle n’avait pu apercevoir ce mouvement, par conséquent, elle ne comprenait pas pourquoi son amie s’était arrêté de parler. La libraire s’était alors rapproché du bord du lit, avait passé sa tête, puis son bras, puis avait fini par sortir l’intégralité de son corps. Corps qui n’avait jamais été autant crispé. Puis après avoir lâché un souffle de soulagement, puisque rien ne lui était encore arrivé, la brune se releva dans le plus grand des silences. Une fois debout, elle vit qu’il y avait bel et bien quelque chose sur son lit, mais il lui était impossible de voir quoi précisément, puisque cette chose se trouvait sous les couvertures de Belle. Alors sans quitter cette chose des yeux, la brune avait reculé jusqu’à rejoindre son amie. Après quelques secondes – qui avait parut être une éternité – de silence, la brune tourna les yeux vers son amie. Et dans le plus grand des silences, elle se mit à mimer ce qu’elle avait l’intention de faire. Elles ne pouvaient pas rester là à regarder cette couverture soulevée pendant des heures. Elles pouvaient bien attendre le lever du jour, mais Belle craignait que ça ne fasse que reculer le problème à la nuit suivante. Alors après avoir expliqué, par des gestes, à Jasmine qu’elle allait ôter la couverture, la jeune femme s’était avancée. Une fois aux côtés de la chose, Belle avait approché son bras et d’une main tremblante, elle avait déposé sa main sur le drap, autant aussitôt ce dernier, fermant en même temps les yeux par peur de ce qui pouvait lui arriver.

Sortir de sous le lit n'était peut-être pas l'idée du siècle, mais il fallait bien faire quelque chose, non ? Les deux jeunes femmes n'allaient tout de même pas rester coincées ainsi pendant des heures. Il fallait agir avant que cette chose n'agisse. Alors, en prévenant son amie par des gestes, Jasmine était sortie et s'était éloignée du lit, pour se dresser face à la créature. Cette dernière était cachée sous le drap du lit. Immobile. Enfin, elle l'était resté jusqu'à ce que Jasmine tente de dire quelque chose - même s'il n'y avait qu'un son qui était sorti d'entre ses lèvres.

A son tour, avec prudence, Belle s'était glissée hors de sous le lit. Ses mouvements étaient à la fois rapides et prudents. Aucun geste brusque. Aucun geste inutile. Aucun bruit. Belle, sans jamais quitter des yeux cette chose, s'était reculée jusqu'à rejoindre Jasmine. Silencieuse, la libraire avait fini par se tourner vers Jasmine pour lui mimer ce qu'elle s'apprêtait à faire. S'il avait été imprudent de sortir ainsi de sous le lit, il l'était plus encore de s'approcher de cette créature pour la découvrir. Qui sait de quoi elle était capable, après tout ?

Belle, courageuse, s'approcha donc de la créature et avait tendu une main tremblante vers les couvertures. D'un geste précis, elle avait retiré ces dernières. Belle avait fermé les yeux. Jasmine avait écarquillé les siens et avait cessé de respirer sans jamais quitter des yeux le lit pour y découvrir ce qui s'y cachait. Jasmine ne savait pas à quoi s'attendre - rien, peut-être ? Après tout, elles n'avaient rien vu lorsque cette chose était entrée dans la chambre - mais elle fut surprise, malgré tout. La masse était difforme, mais presque humaine. Au milieu de ce qui devait être un visage, il n'y avait que deux yeux noirs et d'un blanc parfait. En dessous, il y avait une bouche, ouverte, qui découvrait le rien, le vide. Pas de langue, pas de dent. La chose n'avait aucun cheveu. Elle semblait avoir quelque chose proche des oreilles et du nez, sans être tout à fait ce que les humains possédaient. Ses bras et ses jambes étaient plus longs qu'à l'habitude. Au bout de ses mains, de longs doigts fins, sans ongle, se dessinaient. Tout le corps semblait visqueux, comme s'il avait été trempé dans quelque chose.

La créature avait tourné les yeux vers Belle à l'instant où elle avait été découverte. Jasmine était restée interdite. Elle n'avait rien pu dire et rien pu faire. Elle se sentait simplement mal. Elle sentait la nausée arriver et elle avait l'impression qu'elle allait tomber dans les pommes d'un instant à l'autre. Pourtant, avec courage, elle tentait de se reprendre et de respirer calmement. Sans geste brusque, elle tentait de faire comprendre à Belle de revenir près d'elle, par sécurité. « Nous ignorons ce que vous voulez, mais vous ne pouvez pas rester là. » Sa voix se voulait autoritaire, sûre, mais ce n'était pas facile - d'autant qu'elle avait parfaitement conscience que la créature ne risquait pas de repartir bien gentiment d'où elle venait, mais elle se disait que, peut-être, elle leur expliquerait ce qu'elle voulait, au moins.

Qui était cette chose ? Qu’était-elle d’ailleurs ? Que faisait-elle là ? Et que lui voulait-elle ? Cette chose avait cherché à avoir un contact avec Belle, avant que cette dernière ne fuit. Puis lorsqu’elle était rentrée chez elle, cette chose l’avait suivi jusque dans sa chambre. Et maintenant, voilà qu’elle se trouvait juste au-dessus d’elle. Assise sur son lit, elle ne bougeait plus. Qu’attendait-elle ? Allait-elle finir par attaquer ? Ou allait-elle rester là, à ne rien faire ?

Jasmine n’avait pas voulu attendre, elle était sortie de sous le lit, cherchant à voir ce qui venait de se poser sur le lit de son amie. Rapidement, Belle avait fait de même. Elle refusait de rester cachée pendant que son amie se trouvait face à cette créature inconnue. Mais que devait-elle faire désormais ? Elles n’allaient pas rester plantées là, à regarder la créature, immobile et couverte d’un drap. Et elles ne pouvaient pas fuir. Belle ne voulait pas fuir. Elle préférait affronter cette chose pour en être débarrassée, plutôt que de laisser la nuit filer et craindre son retour les nuits prochaines.

Puisque l’une d’elle devait agir, Belle s’était avancée vers la créature. Bien évidemment, ses pas n’étaient pas assurés et ses mains étaient tremblantes, mais elle devait se montrer courageuse et continuer. Peut-être qu’elle faisait une grossière erreur, où peut-être que c’était une bonne idée. Comment le savoir avant d’avoir agi ? La main tremblante de Belle s’avança alors vers la couverture surélevée par la créature. Après une longue inspiration, la libraire ferma les yeux et ôta la couverture. Puisque rien ne s’était passé, les yeux de la brune s’étaient rouverts pour apercevoir le regard de la créature fixé sur elle.

Belle était immobile à son tour. Puisque la créature l’observait, elle n’osait plus faire un seul mouvement, même sa respiration se faisait lente, comme si celle-ci pouvait provoquer la créature. Les yeux de la brune se faisaient de plus en plus secs. Depuis qu’elle les avaient rouverts pour voir la chose qui se cachait sur son lit, elle ne les avaient plus refermés. Comme si la fixer allait, en quelque sorte, la protéger. Comme si un battement de cils allait laisser le temps à la créature de s’en prendre à elle ou à Jasmine.

Après être restée, pendant ce qui lui avait semblé être une éternité, immobile, la brune avait fait un premier pas en arrière. Jasmine lui faisait signe de la rejoindre et Belle ne se fit pas prier. Si chacun de ses mouvements était peut-être ressenti comme une agression par la créature, Belle préférait tenter et se retrouver plus loin d’elle. Une fois à côté de son amie, la libraire prit le temps d’observer la créature. Cette chose allait marquer son esprit pour un certain temps, elle le savait. Dans un élan de courage, où de folie, Jasmine avait informé la créature, elle ne pouvait pas rester là. Elle avait raison, mais lui dire était sans doute risqué. Après un court instant de silence, la créature s’était levée et en un éclair, elle s’était retrouvée à quelques centimètres des deux femmes. Ses yeux passaient de Belle à Jasmine, puis de Jasmine à Belle. Instinctivement, Belle avait attrapé le bras de son amie, comme si ce simple geste allait la protéger de cette chose. Après un temps, bien trop long, à les observer, la créature avait fait part de sa requête. Elle était entrée ici, parce qu’un objet l’avait appelé. Un objet lui appartenant. La créature refusait de partir sans celui-ci. Et si les deux femmes refusaient de lui fournir, elle promettait de leur faire endurer les pires souffrances, jusqu’à ce qu’elles cèdent. Le problème étant que Belle ignorait de quel objet il s’agissait. Elle n’avait aucun objet étrange qui pouvait lui appartenir. Alors, elles étaient sans doute dans un véritable pétrin.

Se cacher aurait peut-être été la meilleure de toutes les solutions, mais combien de temps ce petit jeu aurait-il duré ? Combien de temps cette créature aurait pu attendre avant de partir ? Et, même, aurait-elle fini par partir, d'ailleurs ? Rien n'était moins sûr, alors Jasmine avait agi. Mal, peut-être, mais elle avait agi. Elle était sortie de sous le lit et elle avait été rapidement suivie par Belle. La créature restait silencieuse et presqu'immobile. Elle bougeait à peine la tête, rien de plus. A quel jeu étaient-ils en train de jouer tous les trois, précisément ?

Puisqu'il fallait bien faire quelque chose, Belle s'était approchée de la créature et l'avait découverte. Jasmine avait alors vu ce qui se cachait sous le drap. Une créature humanoïde sur bien des points, mais qui n'avait rien d'un être humain pour autant. Jamais auparavant la jeune femme n'avait vu une telle chose et elle n'était pas capable de dire de quoi il s'agissait. Plus inquiétant encore, cette chose ne bougeait toujours pas. Elle observait Belle et restait silencieuse. Pourquoi ? Que voulait-elle donc, à la fin ?

Afin d'être le plus en sécurité possible - était-ce néanmoins possible d'espérer la sécurité dans un cas comme celui-ci ? - Jasmine invitait silencieusement son amie à la rejoindre. A deux, proches l'une de l'autre, elles avaient peut-être davantage de chances. Ou pas. Il était terriblement angoissant de ne pas comprendre ce qu'il fallait faire ou ce que cette chose attendait d'elles, alors Jasmine avait fini par formuler quelques mots l'invitant à partir. Qu'importe ce qu'elle était, si cette créature n'avait rien à faire dans cet endroit, elle ne pouvait pas y rester. Peut-être était-ce une grossière erreur ? Peut-être que la créature se mettrait en colère ? Mais que pouvait-elle bien faire d'autres ?

Le silence perdura un court instant avant que la créature ne se lève brusquement pour se poster devant les deux jeunes femmes, effrayées. Toujours sans émettre le moindre son, cette chose les observait tour à tour. Les deux femmes étaient crispées et ne bougeaient pas. Il était préférable de se montrer prudent, un mouvement brusque et leur vie pouvait s'arrêter aussitôt. Par instinct, certainement, Belle avait néanmoins attrapé le bras de Jasmine. Geste auquel Jasmine ne répondit pas - elle n'eut pas même le moindre sursaut, tant elle était concentrée sur cette chose.

Enfin, la créature se mit à parler. Un objet l'avait appelée et elle attendait de pouvoir le récupérer avant de partir. Bien évidemment, pour motiver les deux femmes, elle n'hésitait pas à faire preuve d'imagination en les menaçant des pires tortures si elles refusaient - et cette idée faisait frissonner de terreur Jasmine, qui s'imaginait perdue. Jasmine, de son côté, n'avait rien contre rendre cet objet à cette chose, mais encore fallait-il qu'elle sache de quoi il s'agissait. « Nous vous aiderons si nous le pouvons. Quel est cet objet ? » Elle essayait d'être claire et de rester calme, pour ne pas paraître trop agressive ou trop effrayée, mais ce n'était pas facile. Elle préférait l'aider que souffrir, mais encore fallait-il avoir des indications quant à cet objet. Après un nouveau temps de silence, le monstre indiqua qu'il s'agissait d'un objet très ancien, qui pouvait prendre différentes formes, mais qu'il gardait toujours une taille raisonnable, qu'il pouvait toujours tenir dans une main. Autant dire qu'avec si peu d'informations, ça ne les aidait pas beaucoup - moins encore Jasmine, qui ne vivait pas ici et qui n'avait pas la moindre idée des objets que cette maison contenait. « As-tu ramené un nouvel objet chez toi dernièrement ? » Demanda-t-elle prudemment à Belle parce qu'elle était ici chez elle et qu'elle avait peut-être une idée de l'objet en question. Autant commencer par-là.

Belle ne pouvait pas expliquer ce qui lui avait pris d’agir ainsi. Elle ignorait ce qu’était cette chose. Elle ignorait tout de ses intentions. Pourtant, elle s’était dirigée vers lui et avait ôté la couverture qui le cachait. Elle n’avait pas vraiment réfléchi avant d’agir. Elle avait simplement voulu mettre fin à cette histoire. Il était temps que cette chose sorte de chez elle. Il était temps qu’elle parte. Temps qu’elle laisse Belle retrouvait une maison sans danger, sans créature étrange. Alors elle avait agi de façon imprudente. Cette chose aurait pu très mal réagir. Elle aurait pu ne pas vouloir être vu. Rien que le fait de lui ôter cette couverture, qui était pour cette chose, le seul moyen de se cacher, aurait pu les tuer. Bien évidemment, en agissant ainsi, Belle n’avait pas imaginé qu’une telle chose aurait pu arriver. Et fort heureusement, cela ne s’était pas produit. La créature avait simplement observé Belle, qui, elle, s’était éloignée doucement, jusqu’à rejoindre son amie.

Après un long silence, la créature s’était approchée brutalement de Jasmine et Belle. Elle était restée silencieuse un temps, observant les deux femmes. Belle avait cru sentir son cœur cesser de battre. Sa respiration, s’était faite plus discrète, comme si le simple fait de respirer allait la mettre plus en danger qu’elle ne l’était déjà. Et même si elle était incapable de bouger, elle avait attrapé le bras de son amie. Un geste de protection envers Jasmine, inutile, car ce simple geste n’allait en rien la protéger. Mais c’était également une sorte de soutien. Sentir le bras de Jasmine dans sa main lui montrait qu’elle n’était pas seule et qu’elle ne devait pas avoir peur. Autant dire que cela ne fonctionnait pas très bien.

La créature avait enfin décidé de parler. Expliquant les raisons de sa venue. Visiblement, elle n’en avait pas après Belle, seulement après un objet qu’elle possédait. Cette créature était venue le rechercher. Et Belle était prête à lui donner tout ce qu’elle voulait si cela pouvait la faire partir loin de chez elle. Mais Belle possédait plusieurs centaines d’objets chez elle. Comment savoir lequel d’entre eux allait le faire partir ? Il leur fallait plus d’indications. Jasmine osa alors prendre la parole. Elle tentait de rester calme, même si la peur se lisait en elle, elle y arrivait plutôt bien. Elle avait alors dit qu’elles étaient prête à l’aider, mais avait demandé de quel objet il s’agissait. La créature n’avait rien répondu et le silence s’était de nouveau installé. Aucune des deux femmes n’avait bougé, attendant que la chose prenne le temps de s’exprimer, en espérant qu’elle le fasse. Heureusement, elle avait fini par apporter quelques précisions. La créature indiqua qu'il s'agissait d'un objet très ancien. Ajoutant qu’il pouvait prendre différentes formes, mais qu’il était toujours petit, assez petit pour tenir dans ses mains. Mais cela n’aidait pas beaucoup les deux femmes. Belle possédait de nombreux objets anciens, beaucoup d’entre eux étaient de petites tailles et jusqu’à présent aucun d’eux n’avait changé d’apparence. Alors lequel de ces objets était le bon ?

Jasmine souleva alors une question intéressante. Avait-elle ramené un nouvel objet chez elle ? Belle avait pris le temps nécessaire pour réfléchir. Elle avait, en effet, ramené de nouveaux objets chez elle, mais de souvenir, aucun d’eux ne correspondait à la description de la créature. « Non. » Affirma-t-elle dans un premier temps. « Je ne sais plus. » Il fallait dire qu’elle peinait à réfléchir correctement. Sa vie et celle de son amie étaient en danger. « Peut-être. » Belle devait réfléchir. Elle ferma alors les yeux un instant, se concentrant sur autre chose que cette créature. Sur autre chose que la peur et la pression. Et elle s’était remémorée ces derniers jours. Bien évidemment. Elle avait acheté cet objet lors d’une brocante. Le vendeur lui avait dit que cet objet avait beaucoup de valeur. Aucune valeur monétaire, mais qu’il était très important. Belle n’avait pas réellement prêté attention à ces paroles, mais elle les comprenait désormais. « Je crois que j’ai ce qu’il vous faut. » Un léger sourire s’était dessiné sur les lèvres de la libraire, soulagée d’avoir trouvé ce qui allait chasser la créature. « Il se trouve juste là. » Ajouta-t-elle en désignant son armoire. C’est sans doute pour cela que la créature était arrivée dans la chambre. Pour cela qu’elle était resté ici. Parce que l’objet se trouvait là. Enfermé dans une boîte, à l’intérieur de son armoire. Belle s’éloigna alors de la créature, avant d’aller chercher cette fameuse boîte. Il ne restait plus qu’à espérer que l’objet qui se trouvait à l’intérieur soit le bon. Mais Belle en était presque certaine, parce que cet objet était le seul objet acheté récemment, qui était très ancien – d’apparence du moins – et qui pouvait tenir dans une main. Les autres objets que la libraire avait achetés récemment étaient soit trop récents, soit trop grands.

La créature s'était approchée des deux femmes, brutalement. Jasmine avait peur. Elle était terrifiée. En une fraction de seconde, sa vie pouvait basculer et elle pouvait mourir. Elle avait peur, elle était paralysée. Incapable de bouger, hormis par ses tremblements. Sa respiration était rapide et irrégulière, mais elle tentait de la faire discrète. En vain. A moins que le son de sa respiration ne lui paraissait résonner dans ses oreilles bruyamment, sans que ce ne soit véritablement le cas. Les deux femmes étaient agrippées l'une à l'autre, pour ne pas perdre le contact, pour se protéger - c'était un geste parfaitement inutile, mais qui avait quelque chose de rassurant, en réalité.

Enfin, après un temps qui parut extrêmement long à Jasmine, la créature avait expliqué les raisons de sa présence ici, dans cette maison. Elle n'en avait pas après Belle, tout ce qu'elle voulait, c'était récupérer un objet qui lui appartenait. Sans la moindre description, comment étaient-elles censées faire ? Deviner ? Avec tout le calme dont elle était capable, Jasmine avait donc interrogé la créature à la recherche d'informations, de détails, même d'une vague description... Rien. Juste un nouveau silence. Pesant. Puis, après une éternité de silence, sans que personne ne bouge dans la pièce, la créature avait repris. Un objet très ancien. Qui prenait différentes formes. Petit. Quand Jasmine parlait d'une vague description, elle devait admettre qu'elle s'attendait à un peu moins vague, tout de même. Combien d'objets pouvaient répondre à cette description ? Sans doute, trop. A la limite, le critère ancien pouvait les aider - mais que voulait dire ancien, de toute façon ? Pour certains, un objet de quelques décennies, pour d'autres, des siècles, pour d'autres encore quelques années. Autant dire qu'elles n'étaient pas beaucoup avancées.

Il fallait donc procéder par élimination. Si la créature n'apparaissait que maintenant, peut-être était-ce que Belle avait ramené l'objet récemment ? Alors, elle lui posa la question. Belle réfléchit, d'abord, avant d'affirmer que non. Puis qu'elle ne savait plus. Ce n'était vraiment pas le moment pour avoir un trou de mémoire. Jasmine ne répondait rien. Elle sentait bien que malgré ses réponses, son amie était en train d'essayer de réfléchir, de remettre de l'ordre dans ses idées afin de se souvenir au mieux. Et elle avait plutôt intérêt à réussir, si elle voulait éviter de se faire tuer et de faire tuer Jasmine, au passage - mais autant éviter de le lui rappeler et de lui mettre une pression supplémentaire sur les épaules.

Après un certain temps, qui lui paraissait être une éternité - elle avait vécu beaucoup d'éternités, ce soir, en quelques minutes - Belle semblait avoir trouvé. Belle désigna l'armoire, puis se déplaça prudemment jusqu'à cette dernière. Elle sortit, toujours avec une grande prudence une boîte. La créature s'était approchée. Jasmine avait fait de même pour se rapprocher de son amie et l'aider, juste au cas où. La créature semblait observer longuement l'objet. Sans réaction. « Est-ce ce que vous cherchiez ? » S'empressa de demander Jasmine. Mais la créature ne répondit rien. « Donne-lui. » Souffla la jeune femme à son amie afin qu'elle lui tende l'objet. « C'est cela, n'est-ce pas ? » Insista alors Jasmine. La créature attrapa l'objet puis s'éloigna d'elles. Toujours silencieuse, elle avait fini par leur tourner le dos. Tout aussi silencieuse, Jasmine s'était tournée vers son amie pour l'observer et la questionner silencieusement : pensait-elle qu'elles s'en étaient sorties et que cette créature allait finir par disparaître d'elle-même ?

Un objet l’avait amené ici ? Quel objet ? Belle en possédait des centaines, lequel d’entre eux était le bon ? Impossible de le savoir. Enfin presque impossible. Puisque cet objet devait être arrivé récemment chez Belle. Forcément, sinon la créature serait déjà venue plus tôt, non ? Il fallait que ce soit le cas, parce que ça réduisait de façon considérable, le nombre d’objets qu’il y avait. De façon considérable, vraiment, parce qu’en réalité, un seul objet correspondait désormais. Le seul objet ancien qui correspondait à la description et qu’elle avait acheté dernièrement, c’était celui qui se trouvait juste dans son armoire. Elle l’avait posé là, parce qu’elle avait pris le temps de l’observer l’autre soir et que pour ne pas l’abîmer, elle avait préféré le déposer là, en sécurité, où rien ne pouvait lui arriver. Si seulement elle avait su que cet objet allé attirer une créature chez elle. Si elle avait su que cet objet allait lui causer tant de crainte, jamais elle ne l’aurait acheté. Jamais elle ne l’aurait gardé chez elle, encore moins dans sa chambre.

Belle s’était dirigée prudemment vers l’armoire afin d’en sortir l’objet. Elle espérait que celui-ci soit le bon. Elle ne voulait pas à avoir à cohabiter avec cette créature, même pour quelques minutes de plus. SI cet objet était le bon, elle allait sans doute pouvoir repartir avec. Lorsque la brune avait sorti l’objet, la créature s’était approchée et le souffle de Belle s’était fait de plus en plus court. La créature observait alors l’objet dans le plus grand des silences. Pourquoi ne réagissait-elle pas ? Pourquoi ne disait-elle rien ? Ne pouvait-elle pas dire que cet objet était le bon ? Ou alors qu’il ne l’était pas ? Jasmine semblait se poser les mêmes questions – rien de plus logique – puisqu’elle interrogea la créature, qui ne répondait pas. Craintive à l’idée d’avoir cette chose si proche d’elle, Belle n’avait même pas pensé à lui tendre l’objet afin qu’il l’observe mieux, ou qu’il parte avec. Elle ne le fit que lorsque Jasmine lui avait dit de le faire. Sans trembler, Belle avait tendu l’objet à la créature, qui l’avait attrapé avant de s’éloigner d’elles. Désormais, elle leur tournait le dos, observant l’objet, toujours dans le plus grand des silences.

Le regard de Jasmine se tourna alors vers Belle. Ses yeux montraient à quel point elle se questionnait, mais Belle ne pouvait lui apporter aucune réponse. Elle n’en savait pas plus qu’elle. Après quelques secondes, de trop longues secondes, la créature avait fait un pas en avant, puis un deuxième, jusqu’à ouvrir la porte de la chambre et en sortir sans prononcer le moindre moins. Si le souffle de Belle s’était stoppé lorsque la créature s’était avancé, elle se sentait soulagée de ne plus le savoir dans la même pièce, mais craintive de ne pas savoir où il se trouvait désormais. « Tu crois qu’il est parti ? » Ou était-il dans une autre pièce ? « Tu crois qu’on en est débarrassée pour de bon ? » Belle l’espérait en tout cas.

Jasmine avait peur, évidemment. Pourtant, elle tentait d'interroger la créature, de comprendre si l'objet présenté par Belle était le bon. Elle n'avait qu'une hâte : que cette créature disparaisse pour de bon. La créature observait l'objet, dos à elle, après l'avoir attrapé. Le silence était pesant et interminable. Jasmine cherchait alors à obtenir des informations de la part de Belle, silencieusement, en lui jetant des regards plein de questions. Bien sûr, Belle était aussi perdue qu'elle et n'avait pas plus de réponses à lui apporter. Elles n'avaient qu'une chose à faire : attendre. Juste attendre, encore et encore. Que la créature dise quelque chose, que la créature réagisse, qu'il se passe quelque chose. Elles ne pouvaient rien faire en attendant. Il aurait été stupide de mettre cette chose en colère et de la provoquer si elle était sur le point de partir.

Finalement, après un temps qui avait semblé être une éternité aux yeux de Jasmine, la créature avait finalement fait un pas, puis deux, puis elle avait ouvert la porte pour sortir. Durant tout ce temps, la créature n'avait pas prononcé un seul mot et Jasmine avait retenu son souffle, prête à réagir à la moindre attaque. Elle était restée parfaitement silencieuse jusqu'à disparaître totalement de leur champ de vision. Jasmine en concluait donc que l'objet était le bon et qu'elle n'avait plus rien à faire dans cette maison. « Je crois, oui. » Sinon la créature n'aurait pas quitté simplement la pièce, sans réclamer ce qu'elle voulait, pas après les menaces qu'elle avait proférées, en tout cas - et quelque chose lui disait que cette chose n'était pas du genre à menacer pour rien. « On va faire le tour de la maison pour vérifier et je vais rester avec toi jusqu'au matin, si tu veux bien, mais je pense qu'elle est partie et qu'elle ne reviendra pas. » Jasmine était plutôt sûre d'elle sur ce coup-là, donc autant le montrer pour rassurer son amie.