(TERMINE) Mieux vaut tard que jamais ⊹ Camille.

Elizabeth se sentait ridicule. Ridicule et stupide. Remercier quelqu'un qui vous avait aidé était une bonne chose. La remercier des mois après son acte n'avait plus aucun sens. Pourtant elle était là, une boite de chocolat dans une main, un livre pour enfant dans l'autre, devant cette grande porte d'entrée qui la séparait de l'orphelinat. A plusieurs reprises, elle s'était dit qu'il fallait remercier Camille pour l'aide précieuse qu'elle lui avait apporté. Puis, voulant éviter toute sortie inhabituelle pour elle, elle avait reculé ce moment encore et encore. Sauf que la veille, lorsque la psy s'était rendue au supermarché pour faire ses courses, une des rares sorties qu'elle s'autorisait, elle s'était retrouvée avec des chocolats pour remercier la mère et un jouet pour faire plaisir à l'enfant. Sans trop réfléchir, elle était passée en caisse puis était rentrée chez elle. Comme toujours. Sauf que cette fois-ci, elle s'était retrouvée bête avec ces deux cadeaux dans les mains, une fois dans sa cuisine. Pourquoi avait-elle acheté cela après tant de mois ? Devait-elle réellement se rendre à l'orphelinat pour les offrir ? Maintenant qu'elle avait tout ça, elle n'avait plus réellement le choix. Ou plutôt, elle ne se le laissait plus.

Elizabeth avait donc prévu de se rendre dès le lendemain chez Camille pour un passage rapide. Elle ne prévoyait que de lui donner ces cadeaux, la remercier et s'en aller. Cela changeait déjà bien trop des habitudes qu'elle s'était imposée. La jeune femme s'était donc préparée de bonne heure le lendemain et avait préparé ses deux cadeaux. Sortir pour se rendre ailleurs que ses lieux habituels la rendait assez nerveuse. Elle avait une vie ordonnée depuis des mois, une routine et il n'était pas facile de changer tout ça. Malgré tout, elle avait parcouru les nombreuses rues qui séparaient sa maison du seul orphelinat qu'elle connaissait en ville. Elizabeth n'avait plus qu'à espérer qu'il s'agisse bien de celui-ci, ne s'étant pas renseignée d'abord.

Plusieurs dizaines de minutes plus tard, la jeune femme était enfin arrivée devant l'endroit. Il n'y avait plus aucun doute, Camille vivait bien ici puisque son nom était inscrit clairement sur la porte. Et Elizabeth était donc là, stupide devant cette porte. Hésitante. Sauf qu'elle n'allait plus reculer maintenant, même si Camille ne comprendrait sans doute pas sa présence ici. Alors elle sonna et attendit que quelqu'un vienne lui ouvrir, priant pour que les choses ne traînent pas.

Elizabeth se sentait tellement stupide d'être là devant cette grande porte. Pourquoi venir remercier quelqu'un des mois après ? C'était ridicule et Camille trouverait ça ridicule. Elizabeth avait agi sans trop réfléchir pour une fois et elle le regrettait. Mais maintenant qu'elle était là, un livre et du chocolat en mains, après avoir marché un long moment, elle n'allait plus reculer. Alors elle avait sonné et elle attendait désormais. Les secondes lui paraissaient des minutes, mais enfin Camille arriva pour ouvrir. La directrice était surprise, cela se lisait sur son visage, mais elle semblait heureuse, comme elle l'affirmait, de la revoir. Pourquoi ? Elles ne se connaissaient même pas, elles s'étaient échangées quelques mots et, surtout, Camilla l'avait aidé, mais rien de plus. Ce n'était peut-être qu'une façon d'être polie. Elizabeth n'était pas douée avec les relations humaines, et cela se voyait à cet instant.

Elizabeth n'avait pas pensé une seule seconde qu'elle allait lui demander d'entrer. Elle qui voulait faire au plus vite pour retourner chez elle tout aussi vite et retourner à sa vie ennuyante. « Oh... Je... » elle ne savait pas comment décliner. Ce n'était pas contre Camille, au contraire, mais elle ne voulait pas créer ce genre de relations, elle ne voulait pas prendre le risque de faire confiance à quelqu'un. Même si elle avait déjà fait confiance à Camille, malgré elle et par obligation, et qu'elle ne l'avait pas regretté. « Merci. » dit-elle finalement en entrant, s'avançant légèrement dans l'entrée avant de se retourner. « Je ne veux pas vous déranger longtemps, à vrai dire, il aurait sans doute été préférable que je vous prévienne d'abord, mais je ne savais pas comment faire et, peut-être aurais-je dû faire ça plus tôt également... » Elizabeth parlait rarement autant et elle savait se contrôler généralement pour avoir vécu des situations plus compliquées autrefois, mais cette fois-ci, elle était perdue. « Je souhaitais simplement vous remercier une nouvelle fois, je vous ai apporté ça et j'ai également un cadeau pour votre fils. Ce n'est pas grand chose, je le sais, mais... » elle laissa sa phrase en suspens, ne sachant quoi ajouter et trouvant qu'elle avait déjà bien trop parlé.

Elizabeth avait tenté de s'imaginer la scène. Elle sonnait, on venait lui ouvrir, elle échangeait quelques mots avec Camille, elle lui remettait les deux cadeaux, elles se saluaient puis Elizabeth repartait chez elle, dans la sécurité toute relative que lui offrait sa maison. Sauf que Camille venait de lui proposer d'entrer. La psy avait bien tenté de décliner, mais elle n'avait pas su comment faire. Elle savait pourtant qu'elle ne devait pas créer ce genre de liens. Il lui était impossible d'avoir des amis et elle jouait un jeu dangereux. Pourtant, elle était entrée. Elle s'était aussitôt retournée, s'excusant de son intrusion, se sentant confuse de ne pas avoir prévenu d'abord. Camille semblait si gentille, comment était-ce possible ? Faisait-elle semblant ? Existait-il réellement des gens aussi gentils, aussi bienveillants ? A la réponse de la jeune mère, Elizabeth ne put rien faire d'autre que lui sourire. Si sa présence la soulageait d'une tâche ennuyeuse, quelque part, c'était une bonne chose.

Elizabeth se sentit alors obligée de préciser le pourquoi de cette visite si tardive, bien que rien de ce qu'elle disait n'expliquait pourquoi cette visite était justement si tardive. Elle justifia alors simplement la visite par les cadeaux qu'elle apportait. Camille attrapa la boite de chocolat que lui tendait Elizabeth. C'était peut-être stupide comme cadeau, à vrai dire, elle n'en savait rien. Ce n'était pas quelque chose qu'elle faisait souvent, offrir un cadeau de remerciement. « Oh ce n'est rien après ce que vous avez fait pour moi. » affirma-t-elle, un sourire aux lèvres, essayant de se détendre. La mère tenait à ce qu'Elizabeth donne son cadeau elle-même au petit, lui indiquant le bureau où elle pouvait attendre un instant, le temps d'aller chercher l'enfant. Elizabeth se dirigea donc vers cette pièce, poussant la porte et s'avançant sans trop savoir quoi faire pour patienter. Elle était donc restée debout à quelques pas du bureau de la directrice. « C'était rapide, ne vous en faîtes pas. » répondit la rousse, toujours aussi mal à l'aise lorsqu'il s'agissait d'échanger des politesses. Camille avait donc mis son petit garçon par terre pour qu'il puisse s'avancer vers Elizabeth. Lorsqu'il fut arrivée devant elle, Elizabeth se mit à sa hauteur en lui tendant son cadeau. « C'est pour toi. J'espère que ça te plaira. » échanger quelques mots avec un enfant était encore plus compliqué. Lorsque le petit eut pris dans ses mains le cadeau, la jeune femme se redressa, écoutant la mère qui lui proposait de rester un instant. Elizabeth hésita un instant. Au fond, que pouvait-il lui arriver en restant quelques minutes ici ? Rien. Au contraire, elle passerait un moment agréable pour une fois et cela ne l'engageait à rien. « Si vous êtes certaine que je ne vous dérange pas, avec plaisir alors. » précisa Elizabeth, restant plantée sur place, ne sachant que faire. « C'est un très joli endroit. » elle ignorait si c'était approprié en parlant d'un orphelinat, mais c'était sincère. L'endroit était bien entretenu, paraissait calme et reposant. C'était sans doute un bon endroit pour que les enfants grandissent et s'épanouissent. « J'espère que notre rencontre de l'autre fois ne vous a pas causé de problèmes ? » Si ça avait été le cas, sans doute aurait-elle été reçue différemment ? Elle espérait que personne n'ait eu l'idée de venir l'ennuyer à cause d'elle, mais avec Mary, il était impossible de savoir.

Contrairement à ce que Camille pensait, tous n'auraient pas fait comme elle. Les gens avaient peur pour eux et préféraient parfois détourner le regard, tout simplement. « Je vous assure que vous avez du mérite. » Il était inutile de minimiser son geste ou d'en faire un geste banal. Ce n'était pas le cas. Elle méritait d'être remerciée pour ce qu'elle avait fait. Elizabeth n'en démordrait pas.

Elizabeth était entrée dans le bureau indiqué par la directrice, l'attendant patiemment. Très rapidement, elle fut de retour avec son petit garçon. Petit garçon qui se dirigea vers Elizabeth pour qu'elle puisse lui donner son cadeau. Il semblait heureux et impatient puisqu'il se dirigea vers un petit canapé pour le feuilleter, ce qui fit sourire Elizabeth. C'était un enfant sage et adorable, du peu qu'elle avait pu en voir. Elizabeth se reconcentra alors sur la mère qui lui proposait de rester un peu, chose qu'Elizabeth accepta, s'étonnant elle-même. Elle n'était pas du genre à chercher la compagnie d'autres personnes ou à vouloir se faire des amis, mais cette petite parenthèse, il fallait l'avouer, lui faisait du bien. Elle avait l'impression d'oublier ses problèmes pendant un court instant et c'était déjà mieux que rien.

Sauf qu'Elizabeth n'était pas habituée à tout ça et elle restait mal à l'aise, bloquée là, debout, à ne pas savoir quoi faire. Elizabeth lança alors un compliment sur l'endroit qui semblait accueillant et chaleureux. Elle ne savait quoi dire d'autre. A la réponse de Camille, l'ancienne reine se contenta d'un sourire, ne sachant quoi ajouter de plus. Elizabeth s'était enfin assise, lorsque Camille le lui proposa, un verre de jus d'orange devant elle et une assiette de biscuit sur la table. Elizabeth s'inquiétait toujours de ce qui s'était passé et des problèmes que cela aurait pu causer à Camille. Elle se disait que si jamais elle avait réellement rencontré des problèmes, Elizabeth l'aurait immédiatemment su, mais elle préférait demander. Elle fut alors rassurée de la réponse. Elle ne voudrait pas qu'il arrive le moindre ennui à cette femme et son enfant. Ils avaient été si gentils avec elle. « Je suis rassurée. » souffla-t-elle, écoutant la question de sa connaissance. « C'est toujours un peu compliqué, mais ça va. » répondit-elle, mentant clairement. Elle ne voulait pas discuter de tout ça pendant des heures, elle voulait s'imaginer avec une vie presque normale. « Ça fait longtemps que vous travaillez ici ? » interrogea la jeune femme, cherchant à faire la discussion, chose dont elle n'avait pas l'habitude. « Ça ne doit pas être simple à gérer autant d'enfants, si ? » questionna-t-elle de nouveau, un sourire aux lèvres, chose tout aussi rare. C'était son métier, elle l'aimait sans doute alors même si ce n'était pas simple, elle devait faire avec. Et il fallait sans doute beaucoup l'aimer pour le faire correctement comme Camille semblait le faire.

Si ce genre de situation n'était pas naturel pour Elizabeth, c'était plus agréable, elle ne pouvait pas dire le contraire. Elle se sentait bien ici, même si elle restait mal à l'aise, elle n'était pas sur ses gardes. C'était un endroit calme et reposant. C'était une sensation étrange parce que rarement existante pour elle. A la demande de la jeune mère, Elizabeth accepta de rester quelques minutes pour discuter. Elizabeth n'en ferait pas une habitude, mais elle s'accordait un moment de répits. Leurs premiers échanges, évidemment, tournèrent autour de l'événement à cause duquel elles s'étaient rencontrées. Aux mots de Camille, la psy afficha un sourire sincère et ajouta : « C'est gentil, merci. » Si les remerciements étaient sincères, elle savait que ce n'était pas fini. Loin de là. Mary n'était pas du genre à abandonner alors pour espérer voir les choses s'arranger, il faudrait un miracle.

Pour changer de conversation, la jeune femme lui parla de l'orphelinat. Question bête, peut-être, mais Elizabeth n'était pas habituée à tenir une conversation comme celle-ci, alors elle lui demanda depuis quand elle travaillait à l'orphelinat. « Deux ans ? C'est tout récent alors. Vous avez toujours su que vous feriez ça ? » Envie depuis toujours ou envie soudaine. Après tout, il y avait de fortes chances pour que cette femme ne soit pas de ce monde, comme elle. Elizabeth aussi était arrivée il y a deux ans, et on lui avait imposé ce rôle de psychologue qu'elle prenait comme une punition. « Ça semble facile lorsque l'on vous voit... » sourit l'ancienne reine. Parce que c'était vrai, à la voir tout semblait facile.

La jeune femme reprit la parole, proposant quelque chose qui étonna la rousse. Elle ne s'y attendait pas le moins du monde. Elle, sortir de chez elle pour autre chose que travailler ou faire des courses ? Ça lui semblait impossible. Il n'était même pas question de les mettre en danger, elle savait que Mary ne tenterait rien ici même si Elizabeth s'y plaisait. Mary était bien des choses, mais jamais elle ne ferait le moindre mal à des enfants innocents. « Oh... Je... C'est que... » bégaya-t-elle, se reprenant rapidement. « C'est que je ne suis pas très à l'aise avec les enfants, en réalité. » elle tentait de paraître le plus sincère possible, même si ce n'était pas simple. « C'est une proposition très gentille et ça me fait sincèrement plaisir que vous pensiez à moi pour cela, mais je ne pense pas que je serais à ma place ici. » précisa-t-elle, mal à l'aise de devoir décliner cette offre. D'autant, qu'au fond, l'idée d'avoir un instant de répits, à elle, pour partager avec d'autres personnes lui plaisait. Mais elle ne s'en sentait pas capable. Au passage, elle avait bu une gorgée du jus que Camille lui avait servi, se donnant ainsi une seconde pour réfléchir à comment continuer. « Mais je n'oublie pas votre proposition, c'est promis. » une autre façon de dire qu'elle y penserait. Qui sait, un jour peut-être changerait-elle d'avis ?

Elizabeth ne se reconnaissait pas. Depuis quand tenait-elle une discussion avec une femme qu'elle n'avait rencontré qu'une fois, installées comme deux amies pourraient le faire ? Ce n'était pas elle. C'était se mettre en danger et déroger à toutes les règles qu'elle s'imposait. Pourtant, elle avait besoin de ce moment de répits alors elle faisait traîner les choses. Camille discutait donc de son métier et il était intéressant de voir comme il y avait des similitudes avec Elizabeth. Elle non plus ne s'était jamais imaginée à sa place actuelle, de reine à psy, il y avait une sacré différence. « Mais vous semblez faite pour cela. » rétorqua la rousse, un sourire sincère aux lèvres. Si elle ne s'était pas imaginée à cette place, elle semblait parfaite dans ce rôle. Elle ne la connaissait pas vraiment et peut-être cachait-elle juste très bien son jeu, mais pour une fois Elizabeth avait envie de faire confiance à son instinct.

Elizabeth affirma également qu'à la regarder, il semblait que son métier était facile. Pourtant, il ne devait pas l'être. Gérer tant d'enfants dans cette situation, ça ne devait pas être simple. « Les meilleures journées ne paraîtraient pas aussi bonnes s'il n'y avait pas les mauvaises à côté. Enfin, je suppose. » Pour voir et comprendre le meilleur, ne fallait-il pas vivre le pire ? Ou Elizabeth essayait-elle de se convaincre elle-même qu'un jour, des jours meilleurs arriveront pour elle-aussi ?  

La suite mit mal à l'aise Elizabeth puisque Camille lui proposa de faire du bénévolat ici, à l'orphelinat. L'idée, en réalité, ne lui déplaisait pas totalement, mais elle ne pouvait pas se le permettre. Commencer comme ça, c'était espérer ensuite une vie de plus en plus normale. Alors, elle prétextait ne pas être à l'aise avec les enfants, mais que l'idée resterait dans un coin de sa tête. Un jour, peut-être ? Elle avait envie d'y croire en tout cas, même si c'était absolument stupide. « Ne vous en faîtes pas, ce n'est rien. » Camille était si gentille, Elizabeth ne voulait pas qu'elle se sente coupable de quoi que ce soit. Si la psy était mal à l'aise, elle, elle n'y était pour rien. « Je n'hésiterai pas, je vous le promets. » répondit-elle simplement, ne rétorquant rien sur le reste, même si elle en avait des choses à dire. Elle n'était ni sincère, ni bienveillante. Camille se trompait et Elizabeth s'en voulait de paraître ce qu'elle n'était pas. Elle avait l'impression de la trahir, de trahir quelqu'un de profondément bon et honnête. « Je vais devoir vous laisser. J'ai été ravie de vous revoir, votre fils et vous. » lança-t-elle, trouvant qu'elle s'était accordée suffisamment de répits et qu'il était temps pour elle de retourner à sa vie misérable, même si elle se sentait vraiment bien ici et qu'elle aurait donné n'importe quoi pour qu'ici, ce soit chez elle, pour qu'ici, ce soit l'endroit où elle trouverait la paix.