(Terminé) (Halloween) L'orage ▿ Louise

Des viennoiseries pleins les mains, des sachets remplis de friandises, Jasmine quittait la petite maison qu'elle habitait depuis son arrivée ici. Des choses lui manquaient de son ancienne vie. Ses proches, surtout. D'autres choses lui plaisaient davantage, en revanche. Par exemple, elle avait pu se trouver des amis et se développer une vie sociale en dehors des murs d'un Palais dans lequel elle s'était retrouvée confinée toute son enfance. C'était quelque chose de plaisant, bien que difficile parfois. Ses principaux amis, elle les avait trouvés grâce à l'association où elle travaillait et dans son voisinage direct. Il y avait Belle, bien sûr, avec qui elle passait pas mal de temps parce qu'elles se ressemblaient énormément. Puis, il y avait Louise. Cette jeune femme n'était pas arrivée dans ce quartier en même temps que Jasmine, mais un moment plus tard. Très vite, pourtant, les deux femmes avaient fait connaissance puisque leurs maisons étaient voisines. Mariée, mère de trois enfants, Louise semblait pourtant dégager, en plus de la douceur naturelle qu'il y avait en elle et de l'amour pour ses enfants, quelque chose de plus triste. Mélancolique. Elle ne semblait pas parfaitement heureuse et Jasmine le ressentait à chaque fois qu'elles étaient ensemble. Jamais, pourtant, la jeune femme n'avait été indiscrète au fil de leurs conversations, malgré les mois qui étaient passés et l'amitié forte et sincère qui était née entre elles. Jasmine n'avait donc jamais pu mettre des mots sur ce sentiment.

Ce jour-là, alors, comme au moins une fois par semaine - quand ce n'était pas Louise qui rendait visite à Jasmine - Jasmine s'était rendue chez son amie, Louise. Les mains pleines, elle avait toqué à la porte et avait attendu qu'on la fasse entrer. Aussitôt, elle avait distribué les sachets de friandises aux enfants, qui étaient aussitôt partis les dévorer dans leurs chambres, avec l'autorisation de leur mère. Un sourire amusé aux lèvres, heureuse de leur avoir fait plaisir, la jeune femme avait tendu le sachet de viennoiseries à la mère, précisant qu'elles ne les avaient pas oubliées. Après tout, elles aussi avaient le droit de se faire plaisir.

La journée était déjà bien avancée. Le soir ne tarderait plus à tomber. Jasmine traînait plus qu'à l'accoutumée puisque le mari de Louise était absent pour une partie de la soirée et de la nuit. Cette dernière avait donc accepté de rester pour dîner. Les deux femmes passaient en revue tous les sujets de conversation qu'elles avaient, riant parfois, discutant plus sérieusement d'autres fois. De temps à autre, les garçons descendaient et venaient passer un petit moment avec elles, avant de finalement remonter face à l'ennui que provoquaient les discussions chez eux. Ils s'étaient également tous retrouvés dans le jardin, malgré la journée couverte, pour profiter de l'air frais, alors que l'heure de dîner approchait. Puis, après avoir préparé le repas toutes les deux, ils avaient mangé tous les cinq à table, écoutant les histoires du plus jeune. La soirée était ponctuée de rire et de bonne humeur. Le repas s'était éternisé et la nuit était tombée depuis un moment. Après une dernière histoire, Louise était partie coucher ses enfants. Après les avoir salués, Jasmine avait gentiment attendu en bas, une tasse de thé dans les mains, le retour de son amie. La fin de journée avait été longue tant pour les deux femmes, que pour les trois garçons. Ces derniers ne tarderaient certainement pas à s'endormir. Quant aux deux femmes, elles ne tarderaient sans doute pas à se séparer, afin de pouvoir profiter d'une bonne nuit de sommeil, également. « Je t'envie, tu sais. Tes enfants sont adorables. » Avait soufflé Jasmine, sincère, en remarquant le retour de Louise dans la pièce. Un jour aussi, Jasmine aurait aimé mener ce genre de vie, mais elle l'oubliait peu à peu, maintenant qu'elle était seule.  

La journée avait été plutôt sombre et un coup d'oeil vers l'extérieur avait indiqué à Jasmine que la nuit était bien noire également. Enfin, heureusement quelque part, un orage avait éclaté une minute plus tôt, éclairant l'intérieur - de manière effrayante, malheureusement. Essayant de revenir à la réalité et d'oublier l'extérieur, Jasmine cherchait quoi ajouter. Elle aurait eu tellement de choses à dire sur cette journée, mais elle n'en avait pas eu le temps. En effet, sans s'y attendre l'électricité venait de se couper. « Mince, il ne manquait plus que ça. » Ce devait être dans tout le quartier, encore. Il fallait dire qu'entre l'orage, la pluie et le vent, il y avait de quoi voir le courant se couper. Puis, pour couronner le tout, un brouillard épais s'était levé. Digne des meilleurs films d'horreur.

Alors que Jasmine se levait précautionneusement, pour ne rien faire tomber, afin de se rendre à la fenêtre, un bruit à l'étage la fit sursauter et la stoppa dans son mouvement. Naturellement, ses yeux s'étaient tournés vers les escaliers, imaginant qu'un des garçons était descendu. L'ambiance avait mystérieusement changé et un frisson avait parcouru Jasmine, qui se sentait bien mal à l'aise soudainement. Elle avait une sensation étrange et elle se sentait soudainement oppressée alors qu'un instant auparavant, tout allait bien. « Mon esprit me joue des tours, je crois. » préférait-elle plaisanter, plutôt que de croire ce qu'elle avait entendu - ou préférant le mettre sur le dos d'un des garçons, censés être couchés pourtant.

Depuis qu’elle était retournée auprès de sa famille, Louise ne sortait plus beaucoup seule. Souvent accompagnée de son époux ou de ses enfants, la brune n’avait pas vraiment l’occasion de se faire des amies. Alors, c’était auprès de son voisinage qu’elle avait tissé quelques liens d’amitié. Jasmine faisait d’ailleurs partie de ce voisinage. D’abord voisines, elles ont très rapidement fini par sympathiser et devenir amies. Et depuis, les deux femmes se rendaient visite au moins une fois par semaine. Soit Louise la recevait chez elle, soit, c’était elle qui se rendait chez Jasmine. Peu importe où elle se trouvait, Louise aimait beaucoup ces moments simples passés en compagnie de Jasmine. Il fallait dire qu’elle n’avait pas souvent l’occasion de discuter comme elle l’entendait avec d’autres personnes. Mais avec sa voisine et amie, elle avait l’impression de pouvoir être la femme qu’elle était. Elle savait qu’elle n’avait aucun rôle à jouer, aucun effort à faire, elle devait simplement être elle-même.

Comme d’habitude, Jasmine n’était pas venue les mains vides. Elle avait apporté des friandises aux enfants, qui n’avaient pas tardé à rejoindre leur chambre pour les dévorer, et elle avait apporté quelques viennoiseries pour elles deux. Et comme à leur habitude, les deux femmes s’étaient installées confortablement, discutant de tout et de rien en mangeant quelques viennoiseries, en excès sans doute, mais qu’importe. Comme cela arrivait souvent, les deux amies avaient beaucoup parlé et n’avait pas vu le temps passer, alors le soir était rapidement tombé et l’heure du dîner était arrivé. Puisque son époux n’était pas encore rentré et que ses enfants appréciaient beaucoup Jasmine, Louise avait invité son amie à rester pour dîner. Et la soirée s’était déroulée à merveille. Louise avait passé des moments à rire avec son amie parfois, à discuter plus sérieusement d’autres fois, avait préparé le dîner en compagnie de Jasmine, avait passé un moment avec ses garçons lorsque l’heure de souper était arrivée… Bref, cette soirée s’était déroulée à la perfection, pour Louise en tout cas.

La soirée avait été tellement agréable que personne n’avait vraiment fait attention à l’heure, mais il était déjà bien tard et il était temps pour ses garçons d’aller au lit. Louise avait pour habitude d’accompagner son aîné jusqu’à sa chambre avant de lui souhaiter la bonne nuit. Puis de s’installait dans la chambre du cadet, avec le plus jeune afin de leur lire une histoire. Puis lorsque l’histoire était terminée, elle embrassait son garçon avant de lui souhaiter la bonne nuit à son tour, accompagnant le plus jeune jusqu’à son lit, souvent déjà endormi par l’histoire que venait de lui conter sa mère. Ce soir ne fit pas exception. Louise avait suivi ce rituel, laissant Jasmine un instant seul au rez-de-chaussée. Et une fois tout le monde bien sagement au lit, elle était redescendue pour rejoindre son amie à l’étage inférieur. « C’est vrai qu’ils le sont. » Ajouta-t-elle un large sourire aux lèvres. Louise était fière de ses enfants, fière d’être leur mère et les aimait. « Je suis certaine que tu auras, toi aussi, cette chance un jour. » Jasmine était gentille, maternelle, attentionnée, elle ferait une très bonne mère, sans aucun doute. Et Louise en était certaine, son amie allait connaître la maternité un jour ou l’autre, il ne pouvait en être autrement.

Louise avait rejoint son amie et voulait l’inviter à prendre une dernière tasse de thé avant de rentrer chez elle. La pauvre devait être fatiguée par cette journée, tout comme Louise. Mais elle n’eut même pas le temps de lui proposer puisque l’électricité venait de se couper. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait dans le quartier. « Avec la tempête, ce n’est pas vraiment étonnant. » Le vent soufflait fort et puis il y avait aussi cet orage et cette pluie. C’était sans doute ce qui avait causé la panne. Et si c’était comme d’habitude, cela allait durer plusieurs heures. Il était hors de question de laisser Jasmine rentrer dans ces conditions, même si elle habitait juste en face. Et puis Louise devait bien se l’avouer, elle préférait ne pas être seule dans ces moments, surtout que ses garçons étaient déjà montés se coucher.

L’ambiance avait soudainement changé. Le brouillard s’était levé. Tout était calme, il n’y avait que le bruit du vent et de la pluie contre les vitres, sans oublier les bruits de cette branche qui cognait contre le volet. Mais ce n’était pas tout. L’ambiance était plus pesante, plus angoissante. Après tout, ce n’était peut-être que la panne d’électricité et la tempête qui faisait naître ce malaise. Lorsque Jasmine s’était levée pour rejoindre la fenêtre, Louise avait fait de même, mais avant de pouvoir atteindre la vitre, elle fut surprise par un bruit venant de l’étage. Elle, comme Jasmine, s’étaient immédiatement retournées vers les escaliers, mais il n’y avait rien. « Peut-être que l’un des garçons a eu peur de l’orage et a rejoint la chambre de l’un de ses frères. Ou alors c’est cet arbre qui cogne aussi contre l’une des fenêtres à l’étage. » Ajouta-t-elle en montrant l’arbre su doigt sans même savoir si Jasmine voyait son geste. Alors que Louise avait tourné les yeux vers l’extérieur, elle se mit soudainement à sursauter. La vitre venait de refléter une personne, bougeant rapidement non loin d’elles. Sans doute l’un des enfants qui s’amusait à effrayer leur mère et son amie. Après tout, l’ambiance s’y prêtait et cela devait les amuser. « D’accord les garçons, vous vous êtes bien amusés. Maintenant, retournez immédiatement dans votre chambre avant que je ne me fâche. » Après tout, ça ne pouvait être que l’un des garçons. Ils étaient les seuls présents ici, en plus de Jasmine et Louise, bien évidemment.

Des soirées comme celle-ci, Jasmine rêvait d'en vivre plus souvent. Tranquille, agréable, amusante... Que demander de plus ? Dans ces moments-là, la jeune femme était heureuse de ce que ce monde avait à lui offrir. Une vie - presque - tranquille, loin des préoccupations qui avaient été les siennes autrefois. Malheureusement, il lui manquait bien trop de choses pour qu'elle puisse s'en satisfaire entièrement et être entièrement heureuse. Pourtant, lorsqu'elle passait des moments comme ceux-là, Jasmine pouvait mettre tout cela de côté. C'était peut-être pour cette raison que cette soirée s'était tant éternisée. Louise ressentait la même chose, d'une certaine façon. Jasmine ne pouvait pas en mettre sa main à couper, mais elle savait qu'elle ne vivait pas toujours très bien cette nouvelle vie parce qu'elle avait perdu beaucoup et qu'elle n'en était pas pleinement satisfaite, elle non plus.

Louise s'était rendue à l'étage pour coucher les enfants. Pendant ce temps, Jasmine avait patienté bien sagement en bas. A l'instant où la mère réapparaissait, Jasmine n'avait pas pu s'empêcher de faire une réflexion à propos des enfants de Louise. Ils étaient adorables, c'était un fait. « Peut-être, oui. » Souffla-t-elle, en baissant la tête, lorsque son amie lui assura qu'elle connaîtrait ce même bonheur, à son tour. Elle aimerait, en effet, mais il était difficile d'envisager de fonder une famille lorsque son mari était absent. Elle n'avait jamais eu de nouvelles d'Aladdin et elle ignorait même s'il était dans ce monde, alors elle n'avait aucune certitude quant à ce que serait son avenir.

Rapidement, leur conversation avait été stoppée par la coupure de courant. Ce n'était pas surprenant avec la tempête qui grondait à l'extérieur. Vent, pluie, orage... Autant dire qu'il fallait s'y attendre, d'autant que ce n'était pas la première fois que cela se produisait dans ce quartier - elle se souvenait plutôt bien de la coupure qui avait poussé Belle à venir la chercher. La tempête semblait redoubler d'efforts. L'ambiance changeait, peu à peu. Peut-être était-ce lié à l'obscurité, tout simplement ? Jasmine tentait de s'en convaincre, en tout cas.

La jeune femme avait pris son courage à deux mains et elle s'était levée pour se diriger vers la fenêtre, mais un bruit l'avait surpris et elle s'était stoppée sur place, dans un sursaut. L'un des garçons s'était-il levé, affolé par la coupure ou par l'orage ? Ou peut-être que l'un d'eux voulait leur jouer un mauvais tour ? Après tout, ils avaient beau être adorables, ils restaient des enfants et ils aimaient faire peur aux adultes. Louise formula ces mêmes pensées à voix haute, elle imaginait les mêmes choses que Jasmine. Elle expliqua que le bruit pouvait être dû, également, à l'arbre qui cognait contre une fenêtre, à l'étage. Tout était possible, effet. « C'est certainement ça, oui. » Même si elle avait pensé à la même chose et même si l'hypothèse de l'arbre était plausible, elle n'arrivait pas à être totalement convaincue. Quelque chose, une petite voix, lui hurlait de rester sur ses gardes et de se méfier, que le pire était à venir.

Jasmine n'avait pas pu voir le sursaut de son amie, lorsqu'elle s'était tournée vers la vitre, en revanche, du coin de l'oeil, elle avait cru voir quelque chose s'agiter, bouger. Elle en déduisait que Louise avait dû voir la même chose puisque cette dernière se mit à parler à ses enfants, leur ordonnant de retourner se mettre au lit s'ils ne voulaient pas la fâcher. Décidément, malgré tous ses efforts, Jasmine n'arrivait pas à se persuader que ce n'était que cela - peut-être que ce qu'elle avait vécu avec Belle influençait son jugement, après tout ? « Peut-être devrions-nous aller vérifier que les garçons vont bien ? » Ce n'était qu'une précaution, s'assurer qu'ils n'étaient pas effrayés au fond de leur lit - et surtout, s'assurer qu'il en manquait bien au moins un dans le lit, afin de s'assurer qu'il était bel et bien responsable de tout ce qui était en train de se passer.

L’ambiance était devenue plus sombre et plus angoissante. La météo et la coupure de courant y étaient sans doute pour quelque chose, mais il y avait autre chose. Louise le sentait. Tentant de rester rationnelle, elle remettait la faute sur ses garçons. Ces mouvements et ces bruits, cela ne pouvait provenir que d’eux. Ou de cet arbre qui cognait contre l’une des fenêtres à l’étage. Ça ne pouvait provenir d’ailleurs ou d’autre chose. Louise essayait du moins de s’en convaincre. Et Jasmine tentait, visiblement, de faire de même. Mais la jeune femme avait, au fond d’elle, qu’il y avait quelque chose d’anormal. Elle savait au fond, que ses garçons n’avaient rien à voir avec tout cela. Elle savait qu’il y avait quelque chose d’autre. Parce qu’elle avait senti ce frisson, cette peur lorsqu’elle avait aperçu ce reflet dans la vitre. Elle avait bien remarqué que cette image n’avait rien à voir avec les garçons. Pourtant, elle avait préféré leur demander de retourner au lit avant de la fâcher. Bien évidemment, Louise n’avait eu aucune réponse en retour. Et surtout, elle n’avait entendu aucun bruit de pas, elle n’avait pas non plus entendu de porte se fermer. Alors soit les garçons étaient encore debout, prés à leur jouer un nouveau tour, soit il ne s’agissait nullement d’eux.

Jasmine semblait peu convaincue, elle aussi. Si elle pensait que les garçons étaient à l’origine de ces bruits et de ces ombres, elle n’aurait jamais proposé d’aller vérifier qu’ils allaient bien. Si Louise préférait ne pas bouger et avoir une vue globale sur tout ce qui se trouvait autour d’elle, elle ne pouvait pas laisser ses enfants seuls à l’étage. D’un signe de tête, elle avait répondu à son amie et sans attendre, elle avait commencé à avancer, dans le plus grand des calmes et envahie par la plus grande des peurs. D’un pas rapide, malgré tout, la brune montait les marches avant de se rendre dans la chambre du plus jeune. Le petit ne dormait pas, mais il semblait terrifié, il n’était donc pas celui qui s’était amusé à faire peur aux deux femmes. Louise lui avait déposé un baiser sur le front et l’avait pris dans ses bras. Il était hors de question de le laisser seul. « On va chercher les garçons. » Il était hors de question de laisser ses garçons seuls. Louise préférait les avoir auprès d’elle. Sans perdre plus de temps, elle s’était rendu dans la chambre du deuxième, qui, comme le dernier, n’arrivait pas à trouver le sommeil. Elle lui avait demandé de les suivre et il s’était exécuté sans discuter, préférant être avec ses frères, sa mère et Jasmine. Puis le petit groupe était allé chercher le plus âgé des enfants, qui lui, commençait à s’endormir. Maintenant qu’elle avait vu ses trois garçons, Louise en était certaine, aucun d’eux n’était coupable. « On va tous aller dans ma chambre d’accord ? » Il était hors de question de redescendre. Dans sa chambre, Louise se sentait plus en sécurité. Elle pouvait verrouiller la porte et avait un accès vers l’extérieur. De plus, la pièce était plus petite que le salon, ce qui présentait, certainement un avantage. Une fois tout le monde dans la chambre, Louise avait refermé la porte à clé. « Allez-vous mettre dans mon lit. » La mère déposa le plus jeune au sol et laissa ses trois garçons aller se glisser sous la couette. « Tu m’aides à allumer les bougies s’il te plaît ? » Demanda-t-elle à Jasmine en sortant une boîte de bougies et des allumettes de son placard. Avec toutes les pannes, Louise avait prit l’habitude d’avoir des bougies dans chaque pièce de la maison, cela pouvait être utile. Alors que la mère commençait à allumer quelques bougies, elle fut surprise par un rire provenant de la pièce voisine. « Tu as entendu ? » Demanda-t-elle à Jasmine, pensant que son esprit lui jouait des tours, même si elle en doutait. Surtout que les garçons l’avaient, visiblement, entendu eux aussi.

Jasmine avait-elle peur ? Evidemment. Elle était morte de peur, même. La panique l'envahissait peu à peu jusqu'à la submerger totalement. Pourtant, elle essayait de ne pas trop le montrer. Elle tentait de rester rationnelle - après ce qu'elle avait vécu avec Belle, était-ce seulement nécessaire de continuer de jouer à ce petit jeu ? - de garder son calme, de réfléchir et d'agir avec courage. Céder à la panique, se rouler en boule dans un coin et pleurer n'aideraient en rien - et pourtant, qu'elle comprenait les gens qui réagissaient ainsi, sans le moindre jugement.

L'ambiance joyeuse de la maison avait disparu. Il n'y avait plus qu'angoisse et terreur. L'obscurité avait envahi les pièces. Un silence pesant et des bruits inquiétants se succédaient l'un et l'autre pour laisser les deux femmes dans une succession de questionnements auxquels elles ne pouvaient donner aucune réponse. Pire encore, ce bruit et ce silence les angoissaient davantage encore. Le silence était terrifiant, inquiétant. Il laissait imaginer tout et n'importe quoi. Le bruit était terrifiant, inquiétant. Il laissait deviner tout et n'importe quoi. Rien n'était rassurant. Rien n'était mieux que l'autre. Dans cette situation, avec cette ambiance et ce pressentiment impossible à expliquer, tout devenait un danger, une menace, une chose effrayante. Les choses ne s'expliquaient pas forcément, elles se ressentaient juste. Jasmine ne pouvait dire pourquoi, mais elle savait que quelque chose n'allait pas et que quelque chose était en train de mal tourner pour eux.

Les bruits ? Le vent et les garçons. L'angoisse ? L'orage soudain et l'obscurité. Elle pouvait trouver une réponse rationnelle et rassurante à chacune de ses plus grandes questions, mais rien ne pouvait la satisfaire puisqu'elle savait, au plus profond d'elle-même, qu'elle se mentait pour se rassurer. Elle se mentait et elle essayait de mentir à Louise, mais son côté protecteur ne pouvait pas laisser les enfants, seuls, à l'étage. Il fallait monter, au moins pour vérifier que tout allait bien - surtout pour protéger ces enfants du danger qui rôdait dans la maison.

Rapidement, les deux femmes étaient allées à l'étage. D'abord, dans la chambre du plus jeune, qu'elles trouvèrent effrayé, mais toujours caché au fond de son lit. Louise l'avait alors pris dans ses bras, pour le rassurer et pour ne pas le laisser seul, sans trop l'inquiéter pour autant. Louise était sans appel : elles allaient récupérer les garçons. Il ne fallait pas les laisser dans leur chambre, le risque était réel et elles en ignoraient tout. Elles restaient ensemble, l'enfant dans les bras de Louise, et elles sortirent de la chambre pour rejoindre celle du deuxième enfant. Louise entra, trouva son enfant dans le même état que le plus jeune, et le pria de la suivre. Sans discuter, il s'était levé et avait suivi. Il sentait, comme eux tous, le danger qui rôdait. Chaque parcelle de leur corps le sentait, Jasmine en était certaine. Enfin, ils étaient entrés dans la chambre du plus grand qui, contrairement à ses frères, s'endormait.

Les garçons étaient avec elles. Ils n'avaient rien fait. Le regard de Louise le confirmait à Jasmine. Ces enfants n'étaient pas à l'origine d'une mauvaise plaisanterie. Le danger n'était pas factice. Il n'était pas un jeu. Il se passait bel et bien quelque chose. Simplement, elles ignoraient ce que c'était. Pour se protéger, Louise avait proposé de se rendre dans sa chambre, tous ensemble. Réunis au même endroit, c'était un danger évident, mais aussi leur seule protection, leur seule chance. Un seul endroit à surveiller, à protéger. Un endroit restreint où elles pourraient garder un oeil sur chaque issue et où elles pourraient tenter de se serrer les coudes, de rassurer les enfants, de prier et d'espérer que rien ne leur arrive. Au salon, il y avait trop d'issues, trop d'espace, trop de tout.

Tous ensemble, ils étaient donc entrés dans la chambre de Louise. Aussitôt, la mère avait refermé la porte à clé. Une protection peut-être inutile face au danger qui leur tombait dessus, mais rassurante. Puis, qui sait, peut-être que ce verrou pouvait réellement les protéger ? Après avoir déposé le plus jeune au sol, Louise avait demandé aux trois garçons d'aller se glisser sous les couvertures. Ce que Jasmine aimerait avoir une couverture à cet instant précis, pour s'y cacher, s'y abriter, pour ignorer le monde extérieur et fermer les yeux très forts jusqu'à croire que plus rien n'existe autour d'elle. Sauf qu'elle était l'adulte et qu'elle devait affronter avec courage, droite et forte, la situation actuelle.

A la demande de Louise, Jasmine hocha la tête, avant d'ajouter dans un souffle : « Bien sûr. » Elle n'allait pas la laisser se débrouiller et elle n'avait aucune envie de rester plongée dans l'obscurité. Jasmine attrapa donc bougies et allumettes tendues par son amie et se mit à la tâche. Pourtant, très vite, elle fut interrompue et sursauta. Un rire. Pas n'importe quel rire. Le genre de rire qui vous faisait frissonner, qui vous terrifiait. Heureusement, ce n'était pas dans la chambre, mais dans une pièce voisine. Heureusement ? Vraiment ? « J'ai entendu. » Souffla Jasmine d'une voix tremblante.

« Nous sommes tous ensemble, nous avons des bougies pour nous éclairer... » Elle commençait à parler, tout en se dirigeant vers les garçons pour s'installer au bout du lit. « Vous ne croyez pas que l'on va s'amuser ? C'est mieux que dormir, non, les garçons ? » Elle tentait de les rassurer, de se montrer forte et sûre d'elle pour leur faire oublier ce rire démoniaque. « Viens t'installer, Louise. » Dit-elle en tapotant le lit. Ignorer ne ferait pas cesser ces rires, mais elle l'espérait un peu, dans le fond. Et elle espérait que ses mains cessent de trembler, que son coeur cesse de battre si fort. « Qui pour nous raconter une histoire ? Ou pour nous chanter quelque chose de réconfortant ? » Jasmine regardait les enfants tour à tour. « Je ne sais pas vous, mais je n'ai jamais trop aimé les orages, ça me rassurerait. » Faire croire que c'était elle qui avait besoin d'être rassurée et qu'ils étaient ceux qui pouvaient la rassurer, ça pouvait aider à leur faire oublier leurs propres peurs un instant - ou peut-être que non, mais Jasmine essayait, elle ne pouvait et ne voulait pas rester à ne rien faire.

La peur. C’était un bien faible mot dans ces circonstances. Louise était effrayée. Elle s’inquiétait pour ses enfants, pour Jasmine et pour elle-même. Ils n’étaient plus seuls ici. Il y avait autre chose avec eux. Une chose qui semblait venir d’ailleurs. Avant d’arriver dans ce monde, Louise n’avait jamais rien vécu de pareil. Mais ici, cela semblait être le quotidien de nombreuses personnes. Louise avait toujours été rationnelle, elle n’avait jamais cru aux histoires de fantômes, n’avait jamais cru aux revenants, aux esprits vengeurs et à toute autre sottise de ce genre. Pourtant, ici, elle était forcée d’y croire. Ces choses existaient. Elles existaient vraiment. Il n’y avait plus de doute à avoir désormais. Pas après ce qu’elle avait déjà vécu. Pas après ce qu’elle était en train de vivre.

Désormais, tout le monde était enfermé dans la chambre de Louise. Le seul endroit où la mère de famille les pensait en sécurité. Le seul endroit le plus proche où elle pensait l’être. Sortir n’était peut-être pas une bonne idée. Rester dans une pièce que l’on ne pouvait verrouiller ne l’était sans doute pas plus. Alors sa chambre restait la meilleure option. Une fois que tout le monde était à l’intérieur, la brune verrouilla alors la porte, prenant soin de garder la clé autour de son cou, ainsi, elle l’aurait auprès d’elle si jamais ils devaient quitter la pièce.

Les garçons étaient effrayés et la panne d’électricité n’arrangeait rien. Heureusement, puisque les pannes semblaient courantes dans ce monde, Louise avait mis des bougies dans chaque pièce de la maison, afin de pouvoir s’éclairer en cas de besoin. Et à cet instant, elle était presque fière d’avoir eu cette idée. Parce que les bougies allaient sans doute les rassurer. Avec l’aide de Jasmine, la mère alluma alors quelques bougies, pour ne pas dire toutes les bougies qu’elle avait dans cette pièce. Rapidement, les deux amies, furent interrompues par un bruit. Un rire s’était fait entendre dans la pièce voisine. Cette fois c’était sur, ils n’étaient pas seuls dans la maison. Histoire de se rassurer, Louise avait demandé à Jasmine si elle avait entendu comme elle. Et malheureusement, sa réponse fut positive. Et à en juger l’expression des garçons, ils avaient, eux aussi, entendu ce rire qui faisait froid dans le dos.

Alors que Louise étai immobile, à l’affût du moindre bruit, du moindre mouvement anormal, Jasmine, elle, s’était approché des garçons et avait pris place au bout du lit. Elle tentait de les rassurer, en leur disant qu’ils allaient s’amuser et que c’était bien mieux que de dormir. Si l’aîné semblait suivre le mouvement pour rassurer ses deux frères, ces derniers, eux, ne semblaient pas du même avis, même s’ils hochaient la tête, la peur se lisait sur leur visage. A la demande de Jasmine, la brune hocha la tête et se dirigea vers le lit, une bougie à la main, pour prendre place aux côtés de ses enfants et de son amie.

Une fois assise, Louise tentait de masquer sa peur. Elle essayait de ne pas trop trembler, surtout quand la main de Stan vint se poser sur la sienne, afin de trouver du réconfort. Louise devait se montrer forte pour ses garçons. Puis Jasmine proposa aux garçons de chanter une chanson ou de raconter une histoire, tentant de faire croire qu’elle avait toujours eu peur des orages et que cela la rassurerait. « Les garçons, vous nous chantez quelque chose ? » Dit-elle tout en regardant ses enfants, les incitant à le faire. Puis après une petite discussion, les trois garçons s’étaient mis d’accord sur une chanson et avaient commencés à chanter. Après une minute de calme environ, un bruit s’était fait entendre à la porte. Quelqu’un, ou plutôt quelque chose, venait de toquer. Puis la poignée venait de bouger, comme si quelqu’un essayait d’entrer. « Continuez les enfants. » Face à ce bruit inquiétant, les enfants avaient arrêté de chanter. Le regard inquiet de Louise croisa celui de Jasmine. Que devaient-elles faire ? Que pouvaient-elles faire ?

Jasmine était aussi effrayée que tous ceux qui se trouvaient actuellement dans cette pièce. Elle était terrifiée, même, parce qu'elle ne comprenait rien à ce qui était en train de se passer et parce qu'elle n'avait aucun contrôle sur les événements. Louise, les enfants et elle se retrouvaient donc enfermés dans la chambre de la mère de famille. La pièce se verrouillait et ils étaient réunis, tous ensemble. Sans doute était-ce la meilleure option qui s'offrait à eux pour le moment. Jasmine ignorait tout de ce qui était en train de se passer, mais elle savait qu'il y avait toutes les raisons du monde d'avoir peur. Les bruits, l'orage, la coupure d'électricité. Quelque chose était en train de se passer. Quelque chose était dans la maison.

Les deux femmes allumèrent quelques bougies, afin de ne plus être plongés dans le noir. C'était rassurant. Enfin, ça aurait pu l'être s'il n'y avait pas eu ce bruit. Ce rire. Dans la pièce voisine. Juste à côté. Jasmine s'était installée au bout du lit où les garçons se trouvaient. Elle tentait d'être souriante et rassurante. Elle tentait de masquer la peur. Elle proposait à Louise de les rejoindre. Tous ensemble, près les uns des autres, la situation paraîtrait moins insurmontable - il fallait l'espérer, tout du moins. Pour les aider à oublier leurs propres peurs, Jasmine ajouta qu'elle avait toujours craint les orages. S'ils pensaient l'aider elle, en chantant ou en racontant une histoire sur laquelle se concentrer, peut-être oublieraient-ils un peu de leur propre crainte ?

Louise insista un peu de son côté et les garçons, après discussion, se mirent à chanter. Jasmine les écoutait attentivement, en tentant de se concentrer sur ça et pas sur ce qui se passait potentiellement dans la maison. Alors qu'ils essayaient tous de se rassurer, un bruit se fit entendre à la porte. Quelqu'un ou quelque chose frappait. Face à l'absence de réponse et sans la moindre patience, ce quelqu'un tourna la poignée à plusieurs reprises pour ouvrir. Evidemment, les enfants ne chantaient plus. Apeurés, il suffisait de voir leurs yeux pour comprendre à quel point. Malgré la demande de Louise, les enfants ne reprenaient pas. Ils en étaient incapables. Le regard des deux femmes s'était croisé. Qu'étaient-elles censées faire ? Protéger les enfants devait être leur priorité à tout prix. Néanmoins, avoir une priorité ne donnait pas un plan pour autant.

Faire semblant de ne pas être là n'aiderait en rien. La chose savait qu'ils étaient là. Evidemment. « Ce n'est... » Rien. C'était ce que Jasmine aurait aimé dire si la chose derrière la porte n'avait pas commencé à gratter frénétiquement contre cette dernière. Jasmine s'était alors redressée, sans trop savoir pourquoi, mais quelque chose lui avait attrapé la cheville. Grâce à elle ne savait quel miracle, elle avait été capable de garder son calme et de ne pas crier. « On fait un jeu les enfants. » Ajouta-t-elle calmement, même si sa voix devait trahir sa terreur. De ses yeux, elle tentait de faire comprendre à Louise ce qui était en train de se passer. Il fallait qu'elle baisse les yeux, Jasmine ne voulait rien dire. Il n'y avait pas seulement une chose à l'extérieur, il y avait quelque chose avec eux, dans cette pièce. « Vous restez bien sous les couvertures et interdiction de sortir du lit. » Parce que c'était trop risqué. Ils ignoraient ce qui se cachait en dessous. « Le premier qui sort a perdu. » Espérons que les enfants n'étaient pas joueurs au point de vouloir perdre pour la défier - mais puisqu'ils étaient effrayés, elle supposait que non. « Tout va bien se passer, je vous le promets. » Ajouta la jeune femme en voyant les regards effrayés et les yeux plein de larmes de chacun des enfants, conscients du danger qui rôdait dans la maison, sans savoir qu'un de ces dangers se trouvaient actuellement sous le lit.

Personne n’était jamais vraiment en sécurité dans cette ville. Louise avait fini par le comprendre. Même chez elle, elle n’était pas en sécurité. La ville savait comment effrayer ses habitants, elle savait comment détruire le peu de confiance qu’ils avaient. Les coupures de courant, les esprits, tout cela n’étaient pas le fruit du hasard. C’était à cause de cette ville, à cause de cette chose, de ce quelqu’un qui la dirigée. C’était à cause de ce fichu monde. À Verrière, rien de tel ne serait arrivé. Le monde dans lequel Louise vivait avant était un monde calme, sans monstre ni esprit. Si elle était restée dans son monde, jamais elle n’aurait vécu de telles choses, elle en était certaine.

Mais elle était là, dans ce monde. Ce monde étrange où des créatures venaient vous tourmenter jusqu’à chez vous. Ce monde où une mère était obligée de se réfugier avec ses enfants dans une pièce pour espérer rester en vie. Jasmine et Louise tentaient de rassurer les enfants, mais comment pouvaient-elles réussir ? La chose qui se trouvait derrière la porte essayait d’entrer, de les effrayer. Elle avait d’abord frappé à la porte, puis avait finalement essayé d’ouvrir la porte, mais cette dernière ne s’était pas ouverte, alors voilà que la chose se mettait à gratter à la porte. Le cœur de Louise battait de plus en plus vite, mais malgré la peur, elle essayait de rester forte pour ses garçons.

Alors que Louise regardait la porte par peur de voir la chose, qui se trouvait derrière, surgir, elle entendit la voix de Jasmine. Elle était pleine d’inquiétude. Et ce jeu qu’elle proposait, pourquoi disait-elle aux enfants de ne pas sortir de sous les couvertures. Presque aussitôt, les yeux de Louise avaient rejoint ceux de Jasmine et cette dernière lui fit comprendre qu’elle devait baisser les yeux. Alors discrètement, elle regarda le sol, ou plus précisément la cheville de Jasmine. Une main y était accrochée. Il y avait quelque chose sous le lit. Louise les avait enfermés ici en pensant qu’ils y seraient tous en sécurité, mais en réalité, elle les avait peut-être tous condamné. « C’est une très bonne idée Jasmine. » Dit-elle en regardant son amie. Les larmes commençaient à lui monter aux yeux, mais Louise ne devait montrer aucun signe de faiblesse, pas devant ses enfants qui étaient déjà terriblement terrifiés. « Et si vous gagnez, je vous promets de vous acheter une surprise. » Parce qu’ils le méritaient, parce qu’ils étaient très courageux depuis le début et parce qu’après cela, s’ils s’en sortaient vivants, elle voulait simplement les gâter et leur faire plaisir. « Jasmine, est-ce que tu penses que l’on pourrait faire comme les enfants ? » C’était une façon discrète de lui demander si elle pensait pouvoir se défaire de la chose. Mais que devaient-elles faire exactement ? Si Jasmine tentait de se défaire de l’emprise de la chose qui se trouvait sous le lit, cette dernière allait peut-être s’agacer, elle allait peut-être s’énerver et s’en prendre à eux. Mais Jasmine n’allait pas pouvoir rester avec cette chose accrochée à elle.

La situation était affreuse et désespérée. Terrifiante et paralysante. Les deux femmes tentaient de garder leur calme et de protéger les enfants comme elles le pouvaient parce qu'ils ne pouvaient pas se débrouiller seuls et parce qu'ils avaient besoin d'elles. Elles s'étaient réfugiées ici, dans cette chambre, dans ce but. Elles s'étaient trompées, malheureusement. Elles étaient prises au piège. Ils étaient tous pris au piège. Ces choses, qu'importe ce qu'elles étaient, n'étaient pas seulement à l'extérieur. Il y en avait devant la porte, qui grattait frénétiquement le bois, oui. Elles étaient déjà terrifiantes. Néanmoins, il y avait pire que ces choses-là. Il y avait celles qui se trouvaient actuellement sous le lit de Louise.

Surprise par le bruit à la porte, Jasmine avait sursauté et avait tenté de se redresser, sans intention particulière. Aussitôt, quelque chose lui avait agrippé la cheville. En d'autres circonstances, sans doute se serait-elle mise à hurler de peur et de surprise. Cette fois-ci, elle avait réussi à garder son calme. Sans doute pour les enfants effrayés qu'elle ne lâchait pas du regard et qui lui donnait un courage qu'elle avait l'impression de se découvrir. Son coeur battait vite, bien sûr. Trop vite. Son corps tremblait et il lui semblait qu'elle pouvait s'écrouler à chaque seconde. Sa voix, également, tremblait. Ses yeux s'emplissaient de larmes qu'elle était incapable de contrôler entièrement. Pourtant, elle restait plutôt calme pour une situation comme celle-ci. L'adrénaline la poussait à agir et réagir, en faisant abstraction du reste. Le besoin d'être présent pour les enfants, également. Il fallait les protéger à tout prix.

Pour ne pas dire aux enfants, déjà effrayés, ce qui était en train de passer, Jasmine proposa un jeu. Elle n'arrêtait pas depuis le début, rien de surprenant à cela, donc. Le but de ce jeu était particulièrement simple : rester sous les couvertures. Interdiction formelle de bouger ou de sortir - il ne fallait pas donner une raison à la créature d'attaquer ou de se sentir agressée. Louise, après avoir jeté un coup d'oeil à la jambe de Jasmine, comprit et confirma le jeu, pour inciter ses enfants à le faire. Pour les inciter à respecter les règles - même si Jasmine ne doutait pas de ça, tant ils étaient terrifiés - elle leur promettait un cadeau s'ils gagnaient.

Les enfants n'étaient pas stupides et comprenaient bien que les choses n'allaient pas. Cependant, ils n'avaient certainement pas conscience que le danger n'était pas seulement derrière la porte, mais aussi là, sous le lit. Plus proche d'eux que jamais. A la question de Louise, sans geste brusque, Jasmine avait remué légèrement la jambe, dans l'espoir de se défaire de la prise de cette chose - priant pour que cette dernière n'attaque pas. Rien. La main la tenait fermement et ne bougeait pas. Elle ne pouvait pas se libérer. La panique l'envahissait un peu plus, mais pour les enfants, elle tentait de limiter les tremblements dans sa voix et de retenir les larmes. « Je crois que l'une de nous devrait ne pas jouer. » Elle, puisqu'elle était prise au piège. « Il faut bien que quelqu'un arbitre le jeu. » C’était la seule excuse, qu'elle jugeait valable, qu'elle avait trouvée aussi vite. « Toi, en revanche, tu peux jouer et tu devrais faire comme les enfants. » Elle, au moins, serait en sécurité - s'il était possible d'être en sécurité dans pareille situation. Une fois que ce serait fait, elles pourraient alors réfléchir à comment se sortir de cette inextricable situation - si c'était chose possible.

Les choses étaient en train de s’empirer. En passant une soirée en compagnie de ses enfants et d’une amie, Louise n’avait pas imaginé, pas une seule seconde, devoir échapper à des êtres surnaturels sortie d’elle ne sait où. Après s’être réfugiée dans la chambre de Louise – endroit qui semblait être le plus sûr, à tort, d’après elle – une chose s’était manifestée derrière la porte. Mais la chose était à l’extérieur, pour le moment, elle ne semblait pas pouvoir entrer. Cette chose était peut-être effrayante, mais elle ne semblait plus représenter de danger pour le moment. Si seulement les choses s’étaient arrêtées là.

Louise n’avait pas remarqué tout de suite le changement de comportement de Jasmine. La jeune femme était effrayée, alors la frayeur supplémentaire ne se distinguait presque plus. Pourtant, Louise avait fini par comprendre qu’elle devait baisser les yeux pour observer quelque chose qui se trouvait plus bas. Quelque chose qui se trouvait sous le lit. Une chose qui était accrochée à la cheville de Jasmine. Si les enfants n’avaient pas été là, Louise aurait sans doute lâché un cri d’effroi en voyant cette main enserrer la cheville de son amie. Peut-être aurait-elle, dans un élan de courage, tentait de la libérer de cette emprise, mais avec ses enfants dans la pièce, elle refusait de prendre plus de risque. Ils étaient tout pour elle et elle refusait de les mettre en danger.

Plus personne ne maîtrisait la situation. Que faire lorsque les créatures bloquaient la porte de sortie, mais qu’en plus de cela, elles se trouvaient également sous le lit, ayant déjà attrapé l’un d’entre eux ? Courageuse et pleine de sang-froid, Jasmine dissimulait sa peur et tentait de protéger les enfants en leur demandant de jouer à un jeu. Ils devaient se cacher sous la couette et ne pas en sortir. Un jeu bien utile face à la situation. Pour éviter d’alarmer les enfants, Louise avait posé, de façon subtile, une question à son amie. Pouvait-elle se libérer ? Pouvait-elle, elle aussi se mettre à l’abri sous les couettes ? Après un essai délicat, Jasmine avait compris qu’elle ne pouvait pas se libérer et l’avait fait comprendre à Louise en disant qu’il fallait bien un arbitre à ce jeu et que Louise, elle, pouvait participer. Apeurée, la brune avait alors fait un signe de tête et s’était exécutée, repliant ses jambes pour les ramener sur le lit, puis elle avait déposé la couverture sur ses jambes. Comment allaient-elles faire pour se sortir de cette situation ? Cela paraissait totalement impossible. Pourtant, ils ne pouvaient pas rester là éternellement en attendant que les choses ne passent seules. « Tu crois que nous pourrions passer par la fenêtre ? » Son ton s’était fait plus sérieux, parce que les choses l’étaient devenues. Si Louise faisait sortir les enfants en premier, elle pouvait les suivre et Jasmine n’aurait eu qu’à tirer de toutes ses forces pour se libérer et sortir. Mais les choses étaient risquées. Jasmine pouvait ne pas réussir et énerver la créature. Ils pouvaient aussi ne pas réussir à sortir et se faire attaquer où alors, ils pouvaient également être suivis à l’extérieur et ne pas réussir à s’en sortir là non plus. Mais alors quelle solution pouvaient-elles trouver ? Chaque solution était, de toute manière, sans doute très risquée.

A défaut de pouvoir se mettre à l'abri, peut-être pouvait-elle protéger son amie et les enfants de cette dernière ? Jasmine, elle, était prise au piège et n'arrivait pas à dégager sa jambe, elle ne pouvait donc pas se protéger. Louise était libre de ses mouvements, elle devait donc faire en sorte de le rester. Pour entrer dans le jeu, la mère de famille avait donc replié ses jambes sur le lit avant de se glisser sous les couvertures avec ses enfants. Cependant, cette solution ne pouvait être que temporaire. Ils ne pouvaient pas tous attendre ainsi pendant des jours, il fallait agir. Trouver une idée. Quelque chose.

Jasmine réfléchissait. Elle espérait trouver une idée, de celle que l'on pouvait qualifier de génie parce qu'elle répondait parfaitement à une situation et parce qu'elle sortait de nulle part, comme miraculeusement. Sauf qu'elle n'y arrivait pas. Comment y arriver avec ces bruits derrière la porte et avec cette main fermement attachée à sa cheville ? Il était difficile de réfléchir convenablement dans ce genre de situations, c'était une évidence. Louise semblait y parvenir plus facilement. A la proposition de Louise, Jasmine était restée silencieuse un long moment. Elle réfléchissait et elle pesait le pour et le contre. Passer par la fenêtre était risqué. D'abord, ils étaient à l'étage et une chute pouvait s'avérer particulièrement dangereuse. Ensuite, rien ne leur assurait qu'ils arriveraient jusqu'à cette fameuse fenêtre, qu'ils auraient le temps de l'ouvrir et de tous passer avant que les créatures ne réagissent. Enfin, Jasmine n'était pas certaine de pouvoir se libérer. Mais ça, finalement, ce n'était pas le plus important. Le plus important était que ces enfants s'en sortent indemnes.

« Je ne sais pas... » Souffla Jasmine, perdue. Il y avait toutes ces hypothèses qui lui soufflaient que ce n'était pas forcément une bonne idée. Et en même temps... En même temps, elles ne pouvaient pas rester indéfiniment ici d'une part et d'autre part, la fenêtre était la seule issue puisque derrière cette porte se trouvait des créatures. « Peut-être que si vous réussissez à courir suffisamment vite... » De son côté, Jasmine tenterait de retenir la créature accrochée à sa jambe le plus longtemps possible. « Je partirai la dernière. » tentait-elle de dire pour faire comprendre son plan à Louise sans évoquer clairement la situation devant les enfants.

Plus personne n’était en sécurité dans cette maison, ni dans cette chambre. Les créatures étaient déjà là et Louise avait enfermé ses enfants, son amie et s’était enfermée elle-même avec ces monstres. Il était difficile de savoir s’ils allaient s’en sortir où non. La créature qui se trouvait sous le lit avait attrapé la cheville de Jasmine et elle ne pouvait s’en défaire. Louise voulait l’aider, mais elle ne le pouvait pas. Essayer de retirer cette main, c’était prendre le risque d’énerver la créature et donc prendre le risque de mettre ses enfants en danger. C’était hors de question. Elle devait veiller à leur sécurité avant tout. Alors que pouvaient-ils faire ? Sortir par la porte était impossible puisqu’une créature se trouvait devant. Rester dans la chambre était tout aussi impossible puisqu’une créature se trouvait à l’intérieur. Ils pouvaient alors se réfugier sur le balcon de la chambre de Louise, mais c’était risqué. C’était prendre le risque d’abandonner Jasmine. Louise ne voulait pas laisser son amie. C’était également risqué parce que cet endroit était petit et que là-bas, ils ne pourraient pas se défendre contre les choses qui avaient envahies cette maison. Et ils ne pouvaient pas sauter, Louise refusait de prendre le risque avec ses enfants. Ils étaient à l’étage et la chute pouvait être très dangereuse.

La fenêtre restait pourtant la seule option. Ils devaient essayer. Louise courut jusqu’au balcon, l’ouvrant pour laisser ses enfants sortir. « Restaient ici, peu importe ce que vous entendez, ne revenez pas. » Une fois de plus, la sécurité de ses enfants passée avant tout. Puisque les garçons étaient dehors, sans risque apparent, elle pouvait entrer et aider Jasmine à se libérer, il était hors de question de la laisser se débrouiller seule elle aussi. Même si Jasmine lui avait fait comprendre qu’elle devait partir avec les enfants et qu’elle les suivrait une fois débarrassée du monstre, Louise était revenue vers elle après avoir refermé la porte du balcon et avoir dit à ses enfants combien elle les aimait. « Tu es prête ? » Demanda-t-elle à Jasmine tout en revenant vers elle. « Attends ! » Dit-elle soudainement. Elle devait se préparer à frapper la créature si elle résistait. « Maintenant, tu peux. » Elle avait attrapé la lourde décoration qui se trouvait sur l’un des meubles de sa chambre. « Dès que tu peux, on rejoint les enfants. » En espérant que cela soit toujours possible.

Jasmine n'avait pas envie de rester seule. Elle avait peur. Terriblement peur. Pourtant, il fallait penser aux enfants en priorité. Il fallait sauver les enfants. Alors, à la proposition de Louise, Jasmine acquiesça. Courir vers la fenêtre était leur seule et unique solution. Jasmine, de son côté, partirait la dernière, lorsque les enfants seraient en sécurité. Enfin... Elle essayerait de partir. Rien ne pouvait lui assurer que ça fonctionnerait. Rien du tout. Malheureusement.

Louise, embarquant ses enfants au passage, s'était mise à courir vers le balcon. Elle l'avait ouvert sans aucune hésitation et avait fait passer ses enfants, en leur donnant la consigne de ne surtout pas revenir, quoi qu'ils entendent. Pendant ce temps, Jasmine avait observé la porte et la créature sous le lit. Aucune n'avait bougé. C'était déjà une bonne chose. Malgré les recommandations de la jeune femme, Louise était revenue pour l'aider. Pourquoi ? Pourquoi se mettre en danger pour elle alors qu'elle était certainement en sécurité, avec ses enfants ? « Louise... » Soupira-t-elle, en la voyant de retour vers elle, en lui demandant si elle était prête. Avant de pouvoir ajouter quoi que ce soit, la mère s'était stoppée en lui disant d'attendre. Elle regardait autour d'elle puis attrapait un bibelot qui traînait. Lourd, à en juger par ce qu'elle voyait. Il s'agissait d'un moyen de se défendre, très certainement.

Alors, puisque son amie était prête, Jasmine se mit à tirer de toutes ses forces sur sa jambe pour la libérer, mais la chose ne lâchait pas prise. La peur augmentait de seconde en seconde, était-elle destinée à finir sa vie ici, dans cette chambre, à cause de cette créature ? « Elle ne veut pas me lâcher. » Souffla-t-elle, son regard lui indiquant que ce n'était pas grave, qu'elle pouvait rejoindre les enfants sans elle. « Je vais m'en sortir, va rassurer les enfants. » En tout cas, elle se battrait jusqu'à ne plus avoir de force pour réussir à se sortir de là. L'issue, personne, en revanche, ne pouvait l'affirmer avec certitude.

La priorité pour Louise, c’était de protéger ses enfants. Elle ne voulait pas qu’ils soient plus longtemps en danger, elle ne voulait pas qu’ils aient peur plus longtemps. Après les avoir conduits sur le balcon de sa chambre, elle les avait rassurés et leur avait demandé de ne pas rentrer, qu’importe ce qu’ils entendaient, ils ne devaient pas revenir, pas avant que Louise n’aille les chercher. Puis après leur avoir dit qu’elle les aimait, elle avait refermé le balcon, laissant ses enfants seuls, mais en sécurité. Puis elle avait rejoint Jasmine pour l’aider à se libérer. Il était hors de question de la laisser se débrouiller seule. Elle avait besoin d’aide et Louise était prête à l’aider du mieux qu’elle pouvait.

En voyant la réaction de Jasmine, la jeune femme avait compris que son amie ne souhaitait pas la voir se mettre en danger pour elle. Louise devait être avec ses enfants, mais elle devait aussi sauver son amie. Après tout, c’était à cause d’elle si elle était dans cette situation. C’était Louise qui avait proposé de se cacher dans sa chambre. C’était elle qui l’avait mise en danger, c’était donc à elle de l’aider à sortir. Après avoir attrapé l’objet le plus lourd de la pièce, Louise s’était approchée de son amie à nouveau. Maintenant, elle était prête à riposter. Elle était prête à frapper la créature avant qu’elle ne les attaque. Mais la créature semblait avoir de la force. Beaucoup trop de force puisque, malgré ses efforts, Jasmine n’arrivait pas à se libérer. « Non, je ne peux pas te laisser là. » Bien évidemment, elle avait envie d’être avec ses garçons, elle avait envie de les serrer dans les bras, envie de les savoir en sécurité tous les cinq, mais elle ne pouvait pas. Elle devait aider Jasmine. Elles devaient en finir avec ces monstres avant de pouvoir rejoindre les garçons. « Prends ça. » Dit-elle en lui tendant le bibelot qu’elle avait dans les mains. « Je vais trouver un moyen de te dégager de là. » Dit-elle dans un souffle en espérant ne pas être entendue par la créature. « Je reviens vite. » Puisque l’extérieur semblait calme pour le moment, Louise en avait profité pour sortir de sa chambre et se rendre dans la cuisine pour y prendre un couteau. Avec, elle allait pouvoir frapper la chose et alors, peut-être qu’elle lâcherait prise. Et si cela ne fonctionnait pas, elle était prête à revenir chercher quelque chose de plus efficace encore.

Rapidement, Louise était remontée dans sa chambre. Elle espérait que rien ne se soit passé en son absence – en-dehors du fait de voir Jasmine libre – parce que même si elle avait fait vite, elle s’était absentée assez longtemps pour que la créature s’en prenne à elle. « J’ai ça. » Dit-elle en lui montrant le couteau. « Je pense qu’on peut s’en servir pour essayer de te libérer. » Elle n’en était pas certaine. De plus, ce geste pouvait énerver la créature, mais elles n’avaient pas le choix, elles devaient essayer tout ce qui était possible d’essayer pour réussir à libérer Jasmine.

Jasmine ne voulait pas voir Louise se mettre en danger pour elle. Bien sûr qu'elle avait peur et qu'elle aimerait se sortir de cette situation en vie, mais elle ne voulait pas être responsable de la mort de son amie - après tout, les réactions de ces créatures étaient imprévisibles. Pourtant, Louise ne semblait pas décidée à prendre la fuite. Les multiples efforts de Jasmine pour se libérer ne donnait rien. Alors, elle demandait à Louise, une nouvelle fois, de la laisser partir. Inutile qu'elles soient deux à y laisser la vie. Louise refusait. Jasmine la trouvait à la fois incroyablement têtue et particulièrement courageuse - et elle ne savait pas ce qu'elle préférait.

Louise tendit l'objet lourd à Jasmine, qui le prit sans discuter. Elle lui promettait, dans le même temps, de la sortir de là dans un souffle. Jasmine avait envie d'y croire, mais elle préférait être réaliste. Louise ne pouvait pas faire grand-chose. Pourtant, la jeune femme, n'écoutant que son courage, s'était dirigée vers la sortie, malgré la créature qu'il y avait à l'extérieur. Il était vrai que tout paraissait plus calme, mais c'était un risque inconsidéré tout de même. De retour, cette dernière lui montra un couteau. Violent, mais très certainement efficace. Bien qu'il faudrait se méfier parce que la créature serait certainement très en colère. « Tu n'aurais jamais dû prendre le risque de descendre ! » Souffla Jasmine dans un premier temps, avant de reprendre : « On peut essayer... » Souffla-t-elle, même si elle craignait la colère de la créature. « A trois... » Elles comptèrent et Jasmine attendit que Louise donne le coup à cette créature.

Ça avait fonctionné. La créature avait lâché Jasmine, mais elle hurlait désormais à en frissonner de peur. Jasmine s'était redressée aussitôt, en criant à Louise : « Cours ! » Il fallait courir avant que la créature, énervée, ne sorte de sous le lit pour les attaquer.

Louise refusait d’abandonner son amie. Elle refusait de la laisser là, seule avec ce monstre qui la tenait et qui avait, certainement, l’intention de lui faire du mal. Ses enfants étaient en sécurité, elle n’avait pas à s’inquiéter pour eux. Elle ne voulait pas s’inquiéter pour eux. Jasmine avait besoin d’elle, c’était sur elle qu’elle devait se concentrer. Et puisque la créature refusait de la lâcher, elles devaient trouver autre chose. Seulement, Louise n’avait rien d’autre dans sa chambre. Rien qui ne pouvait lui servir d’arme. Alors sans réfléchir, elle avait quitté sa chambre pour rejoindre la cuisine. Sortir était risqué, puisque d’autres créatures se cachaient à l’intérieur de la maison. Mais elle n’avait pas le choix. Elle devait laisser Jasmine seule, prendre le risque de la laisser seule. Et elle devait prendre le risque de descendre et d’être seule à parcourir sa maison.

Rapidement, ou aussi rapidement que possible, elle était revenue. Arme à la main, elle était prête à tenter d’aider son amie à nouveau. Bien évidemment, Jasmine lui fit une petite leçon de morale, lui disant qu’elle n’aurait jamais dû descendre. Seulement, c’était fait et elle était encore en vie, alors parler des risques qu’elle avait pris été inutile. Les deux amies comptèrent jusqu’à trois. Elles devaient être prête et savoir quand elles allaient frapper, savoir quand la créature risquait de se mettre en colère. Une fois le décompte terminé, Louise frappa la créature. Par chance, cette dernière lâcha Jasmine, la libérant de son emprise. Elle était libre, libre de courir et de fuir la chose qui allait sans doute se mettre en colère. Fuir cette créature qui hurlait. Son cri était atroce, fort, effrayant, perçant. Lorsque la brune cria à Louise de courir, elle ne perdit pas une seconde et s’exécuta. Derrière elles, Louise avait entendu la créature sortir de sous le lit, sans doute pour les poursuivre. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » Hurla Louise, toujours en courant, descendant les escaliers aussi vite que possible, sans jamais se retourner. Il fallait trouver une solution et vite. Les deux femmes ne pouvaient pas courir éternellement, elles devaient trouver un moyen de se débarrasser de la créature, des créatures qui s’étaient installées dans cette maison.

La créature venait de lâcher Jasmine grâce à l'intervention de Louise. Cependant, les deux femmes n'étaient pas tirées d'affaire pour autant. La créature hurlait. De douleur ? De colère ? Des deux à la fois ? Qu'importe, elle hurlait. De ce cri insupportable, insoutenable, désagréable, terrible, effrayant. Alors, les deux femmes fuyaient. Elles courraient aussi vite que possible. Elles courraient à en perdre haleine. Elles courraient. Encore et encore. La créature était à leur poursuite. Jasmine s'était retournée un court instant, un millième de seconde, et elle l'avait vue.

Les deux femmes dévalaient les escaliers, tandis que la créature les poursuivait toujours. Jasmine se rassurait. Si cette créature était là, les enfants étaient en sécurité à l'extérieur, sur le balcon - il fallait simplement espérer que d'autres créatures n'aillent pas s'y aventurer pour leur faire du mal. « Essaie de sortir ! » Avait crié Jasmine après la question de son amie. Elles ne pouvaient pas courir éternellement, c'était une certitude. Elles ne savaient pas contre quoi elles devaient se battre, ni comment s'en débarrasser. Tout ça limitait fortement leurs possibilités d'action, évidemment. Alors, il fallait essayer de fuir. De l'extérieur, elles pourraient récupérer les enfants qui étaient à l'étage, sur le balcon. De l'extérieur, elles pourraient peut-être réfléchir à une solution - si ces choses ne les poursuivaient pas. Jasmine ne voyait, pour le moment aucune autre solution.

Louise avait alors tendu une main vers la porte et avait tourné la poignée. Chaque seconde paraissait être une éternité pour la jeune femme, mais, heureusement pour elles, la porte s'était ouverte. Aucune résistance. Rien. Elle s'était ouverte normalement. Elles avaient alors franchi le seuil. Jasmine avait voulu se retourner pour refermer derrière elle. Et elle avait vu la créature disparaître. Cette dernière avait tenté de franchir la porte, mais elle s'était évanouie dans un nuage de fumée. Etait-ce terminé ? Avaient-elles réussi ? Devaient-elles trouver un moyen de s'enfuir ? De se libérer ? De protéger tout le monde ?

« Elle n'est plus là, Louise. » Avait soufflé la jeune femme, rassurée, mais intriguée. Les deux femmes échangèrent quelques regards et quelques mots, cherchant la meilleure attitude à adopter. Puis, elles étaient entrées de nouveau dans la maison pour rejoindre les enfants, maintenant que le danger était écarté. Bien sûr, elles avaient peur d'un piège ou que la créature ne réapparaisse, mais il ne s'était rien passé. Tout était calme et les enfants allaient bien. Il n'y avait plus aucune trace du passage de ces monstres, comme s'il ne s'était jamais rien passé.