Different lives, same fight

feat. Hannah

C’est devenu presque une sorte de rendez-vous rituel. C’est dire, au fond, l’inefficacité de leur action tant la multitude de rendez-vous, protestations et manifestations organisés dans l’espoir de faire plier les patrons du zoo se soldaient constamment par le plus sinistre des échecs : pire qu’une volée d’insultes – l’ignorance la plus totale. Ils ont beau hurler des slogans dans leurs mégaphones, organiser des sittings, des marches, répandre leurs messages sur les réseaux sociaux, tenter d’infiltrer clandestinement le zoo en pleine nuit, c’est le silence qu’ils obtiennent pour toute réponse. Frustrant… mais pas irrémédiable. Si l’expérience a bien appris une chose à Nala, c’est que même quand tout espoir semble perdu, il ne faut jamais baisser les bras. Non, c’est au contraire là le moment de puiser dans vos dernières forces afin d’obtenir gain de cause.

Nala ne sait pas combien de temps sa prendra, combien de fois il faudra qu’elle participe à des manifestations de cette nature, à brandir panneaux et scander slogans, mais elle est prête à le faire autant de fois que nécessaires. Pour les causes qui lui semblent les plus justes, elle ne recule devant rien. Et cette cause en particulier lui tient plus à cœur que les autres. Et pour cause, si elle est touchée par le discours de ses camarades révoltés mais profondément humains qui s’offusquent du sort de ces animaux enfermés dans des espaces absolument ridicules par rapport à leur milieu naturel, elle ne pense pas qu’aucun d’entre eux ait connu l’émotion qui l’avait étreinte au moment de découvrir ces lions enfermés dans cet espace absurde. Elle en avait eu la nausée. Elle les voyait tourner en rond, songeant que ça aurait pu être elle. Ce sentiment de dégoût profond n’a jamais cessé de l’envahir, et en ce nom, elle ne se verrait sous aucun prétexte baisser les armes.

C’est au beau milieu d’une de ces manifestations qui lui tiennent tant à cœur qu’elle est interpelée par une jeune femme qui doit avoir à peu près son âge. Loin d’afficher de l’animosité à l’adresse de la brune, qui a le mérite de vouloir s’informer, Nala est plutôt satisfaite. Parce que c’est ce qu’elle veut, au fond, que les principaux concernés daignent les écouter. Si ne serait-ce qu’une employée du zoo est prête à les entendre, c’est déjà une petite victoire à ses yeux.

« Est-ce que tu as conscience des conditions déplorables dans lesquelles vivent la plupart des animaux du zoo ? » demande Nala avec ce ton convaincu qu’elle a toujours quand elle parle d’une cause qui lui tient à cœur. « Prends les lions par exemple, on réduit leur milieu naturel à peau de chagrin. C’est comme si on t’enfermait dans une pièce de dix mètres carrés pour le restant de tes jours… et on nous parle de préservation, de protection, mais la plupart de ces animaux sont nés en captivité, et pour la grande majorité, ils ne connaîtront jamais rien d’autre. Tu ne trouves pas ça indignant, toi ? »

Different lives, same fight

feat. Hannah

Nala ne sait pas si ses discours enflammés suffiront à convaincre son interlocutrice, mais ce dont elle est convaincue en revanche, c’est du bien-fondé de son combat, et elle n’hésitera jamais à faire valoir ses convictions, peu importe les circonstances et peu importe la réticence de ses interlocuteurs… Elle apprécie de découvrir que son interlocutrice semble réceptive à son discours, véritablement soucieuse d’en entendre plus. Elle admet que les espaces où ces animaux sont cantonnés sont clos et peu spacieux, mais ce n’est pas suffisant. Elle avance bien vite les arguments que Nala est habituée à entendre.

S’il devait lui être demandé de choisir, en tant que lionne, entre la vie sauvage et le risque de croiser quelques braconniers et ces conditions ignobles de séquestration, sont choix serait fait sans l’ombre du commencement de la moindre hésitation. Quant au réchauffement climatique et de la préservation des espèces, ce n’est pas que ces discours soient faux, mais aux yeux de Nala, on prend complètement le problème à l’envers.

« Est-ce que tu sais qu’il existe plus de deux mille cinq cents espèces animales en danger critique d’extinction ? Si le but premier des zoos étaient de les préserver, ils ne garderaient que ces espèces en captivité, pas vrai ? Mais ce zoo n’en présente que quelques ridicules dizaines, et beaucoup de ces espèces ne sont pas du tout en voie d’extinction. Et tu penses vraiment que même dans le cas très improbable où on relâcherait ces lions dans la nature, ils seraient capables de s’adapter à son nouveau milieu ? Et c’est sans évoquer les problèmes de consanguinité… »

Peut-être qu’il faudrait que Nala calme son discours. On lui a déjà fait remarquer qu’elle se montrait parfois trop virulente et que ça pouvait sembler contre-productif, mais elle n’y peut rien, elle est incapable de faire autrement. Elle est touché à titre très personnel par le sujet, et il lui est impossible de ne pas le montrer. L’émotion fait trembler sa voix et il est certainement impossible à chacun de ne pas constater qu’elle est réellement émue par la question.

« Rendre ces animaux à leur état naturel est sans doute impossible, il est certainement trop tard et je ne sais même pas s’il y a vraiment des endroits sur cette île de malheur qui conviennent à la condition de la plupart d’entre eux. Mais ne serait-ce qu’agrandir leur espace de vie, ne plus les soumettre au stress de la présence permanente d’un public. » Elle marque une pause le temps de reprendre ses esprits. « Les braconniers sont un problème, mais c’est un problème infime en comparaison de ce qu’est le quotidien de ces pauvres bêtes. »