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feat. Simba

Depuis trois ans qu’elle évolue parmi les humains et s’adapte à leur mode de vie, Nala réussit encore à se laisser bien souvent surprendre par ce qui semble faire partie de leurs us et coutumes, comme des mécanismes bien ancrés aux antipodes de tout ce qu’elle avait elle-même connus dans son monde d’origine. Elle n’y appose pas de jugement particulier, elle considère surtout le tout avec une curiosité que le temps ne tarit pas tout à fait, car à mesure qu’elle pense comprendre tel ou tel comportement typiquement humain, voilà que d’autres commencent à l’intriguer. Et en même temps, eux-mêmes ne semblent pas toujours savoir précisément pourquoi ils agissent ainsi qu’ils le font. Les humains ne sont jamais que des animaux comme les autres après tout, ils doivent agir partiellement à l’instinct. Si ce n’est complètement. Pour cette raison, la matière qu’elle a choisi d’étudier, la sociologie, lui tient particulièrement à cœur pour ce qu’elle lui permet d’apprivoiser un peu plus le comportement de ceux qui sont dorénavant ses congénères.

Les premiers temps de son arrivée, Nala avait naïvement supposé que tout ceci prendrait fin d’une manière ou d’une autre, parce que toute cette situation ne pouvait pas être réelle. Au point même de ne pas rechercher aussi assidument Simba et Kiara qu’elle n’a fini par le faire par la suite, convaincue qu’elle finirait par rouvrir les yeux, affublée de son corps de lionne et entourée des siens. Mais les nombreuses histoires colportées çà et là et le temps – qui au demeurant a l’air de s’écouler d’une manière étrangement différente sous cette apparence – l’ont convaincue de la pérennité de sa situation, et donc d’en tirer parti, d’une façon ou d’une autre.

Alors oui, même si elle ne comprend pas tous ces us et coutumes, elle cherche à s’y adapter du mieux qu’elle le peut, et peut même reconnaître que certains d’entre eux ne sont pas déplaisants, quoique déstabilisant. Mais même après avoir été traînée à plus d’une soirée étudiante par quelques-unes de ses camarades soucieuse de la « sortir » (parce qu’elle ne pouvait apparemment pas passer tout son temps à rechercher son mari et sa fille ou à protester contre le zoo local dont elle souffrait de voir les animaux en cage soumis à un si petit espace), elle a toujours du mal à comprendre. Que ce soit ceux qui s’alcoolisent en toute conscience de l’effet de la boisson sur leur organisme et à la recherche de cet effet, la musique trop forte, les conversations bruyantes… Nala doit aussi reconnaître que la vie étudiante, en dépit de tout ce qu’elle lui apporte de précieuses ressources intellectuelles, n’est pas vraiment en phase avec ses aspirations. Elle était reine, chasseuse, épouse, mère… Ici, elle a encore du mal à se trouver véritablement. Elle s’est rapidement rendu compte au passage que c’était le cas de la plupart de ceux qu’elle côtoie, cela dit… Sur ce point, ils sont probablement logés à la même enseigne.

Elle s’est donc laissée entraîner à une de ces soirées, et elle attend surtout le moment, à présent, de pouvoir rentrer sans passer pour la rabat-joie de service (c’est elle qui conduit et est supposée ramener son amie, passablement éméchée, chez elle… mais tel que c’est parti, elle finira peut-être sa soirée avec le type qui lui colle au train depuis une bonne demi-heure déjà, ce qui fait que Nala, qui n’avait pas voulu tenir la chandelle, se retrouve à présent seule). Adossée à un mur, elle observe, songeuse, cette faune humaine si singulière tout en sirotant son verre de limonade. Son regard balaie la pièce jusqu’à s’arrêter sur un jeune homme en particulier. Elle ne saurait dire elle-même pourquoi lui plutôt qu’un autre avait capté son attention. Quelque chose dans son sourire lui parait étrangement familier, quelque chose dans son regard aussi, regard qui croise le sien, ce qui pousse immédiatement Nala à reporter son attention sur son verre et à détourner le regard. La soirée promet d’être longue.

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Au moment de le voir s’approcher, Nala songe qu’elle a dû fixer ce jeune homme trop intensément sans le vouloir. Il faut dire qu’il est parvenu à attiser en elle une curiosité presque immédiate qui l’e empêchée de le dévisager comme elle a bien conscience qu’il est impoli de le faire. A présent qu’il se rapproche, elle a envie de prendre la fuite. Chaque fois qu’un homme lui signale son intérêt, c’est toujours la même chose, pour Nala, le même terrible sentiment de malaise. Elle balbutie mollement qu’elle est mariée, en espérant que cela fera fuir le prétendant en question, mais outre le fait que son âge humain laisse alors suggérer qu’elle s’est mariée bien trop jeunes, cela n’ôte rien à l’insistance de ces types la plupart du temps. Nala l’a rapidement découvert : les parades « amoureuses » des humains et des lions étaient très différentes… Mais elle n’est pas tout à fait convaincue que celles des humains aient quoi que ce soit à envier à celles des félins.

Bref, il se rapproche et il est trop tard pour songer à une échappatoire. Et puis, en réalité, elle n’a pas vraiment envie de s’en aller, ou pas complètement, disons. Nala est intriguée, c’est un fait, à présent qu’il est juste à côté d’elle, elle est encore plus convaincue qu’il y a quelque chose chez ce garçon… quoi exactement ? C’est ça le truc, elle n’en sait absolument rien, et ça la déstabilise. Quand il vient s’adresser à elle, et qu’il lui demande s’ils se sont déjà vus, elle se dit que peut-être lui aussi a la même pensée à l’esprit. Ou peut-être que non. Elle a entendu des sorties vraiment lunaires de la part des mecs qui espéraient la mettre dans son lit. Certains humains ne sont pas bien brillants, mais au moment de faire ce qu’ici ils appellent draguer, ils peuvent rivaliser d’imagination – et surtout d’une immense sournoiserie.

« Je ne crois pas, non », lui répond-elle en le regardant avec plus d’attention, profitant que la situation lui donne un prétexte pour le fixer sans passer pour une tarée absolue.

Elle dit qu’elle ne croit pas, la vérité, c’est qu’elle en est convaincue. Comment peut-elle en être si sûre ? ça, c’est une autre question, mais vraiment, elle ne peut s’ôter cette pensée de l’esprit. Si elle l’avait vu, même dans d’autres circonstances, elle croit que ça l’aurait marquée, d’une manière ou d’une autre. Au nom de quoi, ça elle n’en a pas la moindre idée.

« Ça a déjà marché, ce genre d’approche, avec les filles ? » demande-t-elle avec un léger sourire en coin.

Elle se laisse plus facilement incommoder en temps normal, mais là, son approche l’intrigue suffisamment pour qu’elle daigne échanger plus de quelques mots avec lui sans songer à l’envoyer immédiatement sur les roses. Elle pourra toujours y songer plus tard, car elle a quand même constaté que ce garçon avait plus d’un verre dans le nez, et ça… ce n’est pas forcément très encourageant.

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A voir la réaction de son interlocuteur, Nala se reproche immédiatement de s’être montrée sans doute trop sèche, trop désagréable… Peut-être Simba n’est-il pas habitué à aborder le sexe opposé, mais elle n’est pas beaucoup plus habituée à accueillir leurs approches. Elle a, comme beaucoup de filles en soirée, été régulièrement abordée, et dérangée par ces approches désagréables et non sollicités. Son réflexe premier était d’attaquer plutôt que de se défendre, quitte à rembarrer des personnes éventuellement sympathiques, voire sincèrement désireuses de mieux la connaître. Oui, elle s’en veut, parce que quand il ajoute qu’il a vraiment eu le sentiment de la connaître sans savoir dire pourquoi, elle sait immédiatement que ce n’est pas un mensonge. Ce n’en est pas un, parce qu’elle éprouve précisément la même chose. Elle ne se serait pas vu l’exprimer en ces termes, de crainte surtout de passer pour une folle, mais elle ne peut qu’apprécier la sincérité de ce jeune homme qu’elle a manifestement embarrassé, ce qui n’avait pas du tout été son intention. Elle est souvent comme ça, très directe, et si c’est une chose que l’on peut apprécier chez elle, c’est aussi quelque chose qui ne peut pas passer.

« Attends… »

Peut-être que Nala aurait dû le laisser partir, mais il n’a pas envie de le voir partir, pas seulement parce qu’elle se reproche à présent d’avoir été aussi sèche à son égard, mais parce qu’elle n’a aucune envie de le voir s’en aller, point. Et puis, ce sentiment de familiarité qu’ils ressentent l’un vis-à-vis de l’autre ne vient peut-être pas de nulle part, qui sait ? Elle n’est pas de nature à ignorer ses intuitions, ce serait même tout l’inverse.

« Je suis désolée. »

Elle veut se justifier, lui dire qu’elle a seulement tendance à se braquer quand quelqu’un qu’elle ne connaît pas l’aborde, mais elle ne peut s’empêcher de songer que cela ne fera en définitive qu’empirer les choses. Alors, autant faire preuve de sincérité. Ce serait la moindre des choses, qui plus est, car elle a clairement manqué de politesse, de son côté, à le dévisager comme elle n’a pas manqué de le faire. Elle ne peut pas lui reprocher son indiscrétion alors que la sienne, à lui, a au moins eu le mérite d’être directe, de son côté, quand pour sa part, elle a clairement tendance à tourner autour du pot avant de se reprocher de n’avoir pas eu les réponses à ses questions.

« Moi aussi j’ai l’impression de te connaître », confesse-t-elle en détournant légèrement les yeux. Est-ce qu’elle n’est pas en train de jouer exactement le jeu de son interlocuteur, là, tout de suite ? Difficile à dire. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’elle ne s’arrange absolument pas, là, tout de suite. « Et si on reprenait du début, ça te dit ? » fait-elle en accrochant un sourire à ses lèvres. Elle tend sa main, celle qui ne tient pas son verre, en direction de Simba. C’est comme ça que les humains se saluent, après tout. « Je m’appelle Nala. »

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Nala esquisse un léger sourire qui ressemblerait presque à une grimace. Elle s’en veut vraiment de son comportement. Remettre les gens à leur place quand ils l’ont mérité est une chose, et elle n’éprouve jamais de scrupule à le faire, mais s’en prendre à une personne qui n’a rien demandé et le mettre mal à l’aise, c’en est une autre, et l’attitude penaude de son interlocuteur lui a suffi à comprendre qu’elle avait dépassé les bornes. Clairement, elle s’en veut, c’est tout sauf ce qu’elle avait voulu. Si au moins elle peut soulager sa conscience et repartir en bons termes avec cet inconnu si familier… Elle a l’impression de le lui devoir, mais elle se sait biaisée par ce que sa présence lui inspire inexplicablement. Comment justifier le fait qu’ils se sentent tous les deux si… certains de se connaître tout en pensant être sûrs que ce n’est pas le cas. Nala ne peut qu’être d’accord avec lui. C’est étrange… Et ce n’est certainement pas la première chose étrange – et à l’évidence pas la dernière – qu’elle vivra dans ce monde. Elle est plus à même de dénombrer toutes ces choses qu’elle ne comprend pas qu’elle est à même d’énumérer celles qui font sens à ses yeux. Et nul doute que cela est particulièrement désarmant, déconcertant, même.

Mais bref, qu’ils reprennent depuis le début, dans ce cas. Le sourire sincère mais aussi un peu maladroit qu’il lui adresse le rend étrangement touchant. Elle a, là encore, l’impression de connaître ce sourire, et sans trop savoir dire pourquoi ni comment, ça a immédiatement le mérite de lui réchauffer le cœur. Au moment d’entendre son prénom, Nala voit son interlocuteur réagir immédiatement. Le cœur de la lionne manque un battement, voire deux, même, au moment de l’entendre prononcer ces mots auxquels elle ne s’attendait pas le moins du monde. Nala de la terre des lions. Il connaît la terre des lions.

Nala ne répond pas tout de suite, mais un sourire incrédule s’est fait jour sur son visage tandis qu’elle pose sur Simba un regard à présent plus attentif. Elle essaie de lire dans son regard ce qu’elle commence doucement à identifier, et alors, elle se sent submergée de deux émotions contradictoires : la joie de l’avoir retrouvé enfin et la peur de se tromper sur toute la ligne. Et si elle avait tort ? Et si ce n’était pas lui ? Et si… Mais au fond, et à présent que les mots ont été prononcés, elle est incapable de croire être sur la mauvaise voie. Non… Elle doit écouter son instinct. Il ne l’a que rarement trompée, après tout. De tous ceux qui seraient susceptibles de connaître la terre des lions, mais surtout, de lui apporter une telle impression, si singulière et douce, de familiarité… Il est le seul.

« Simba… ? » Elle a envie de prendre son visage entre ses mains, de le prendre dans ses bras, de se donner une preuve tangible de ce qu’elle présume, mais à la place, elle se contente de le détailler d’un regard trop insistant. « S’il te plaît, dis-moi que c’est toi. »

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Nala sent comme un poids immense, pesant depuis si longtemps – trois longues années – qu’elle n’avait plus eu conscience de le porter, se libérer de son cœur au moment d’entendre Simba lui confirmer que c’est bel et bien lui. Malgré elle, elle sent les larmes lui monter aux yeux, euphoriques. Bien qu’elle n’avait que peu d’espoir, elle n’avait jamais renoncé à la pensée de pouvoir un jour retrouver sa famille, et à présent Simba est là, sous ses yeux… si différent – comme elle l’est elle-même — de celui qu’elle a connu, et pourtant, elle s’en veut immédiatement de ne pas l’avoir reconnu entre mille.

« Je n’en reviens pas », souffle-t-elle, presque incapable d’entendre ce qu’il lui dit tant elle est soufflée d’avoir devant lui celui qu’elle a tant cherché.

Un léger frisson lui parcourt l’échine au moment de sentir doucement sa main prendre la sienne et l’examiner longuement, saisie d’une émotion rare. Elle ne blâme pas sa curiosité : cette situation est si étrange. Oui, se retrouver dans la peau d’un être humain est incroyable, et Nala ne manque pas de regretter sa nature initiale, mais celle qu’elle endosse à présent lui semble plus supportable si Simba peut être à ses côtés. Elle se contente d’un fin sourire quand Simba lui fait remarquer combien il est étrange que de se retrouver dans la peau d’un humain : elle sait à peine que répondre à cela tant elle est soufflée par les circonstances.

« Je préfèrerais qu’on parle un peu, oui », confirme Nala avec un fin sourire quand Simba lui demande ce qu’ils peuvent faire. Mais avant toute chose, à présent qu’elle est certaine de ce qu’elle ne faisait que présumer jusqu’alors, elle ne résiste pas à la tentation de le prendre dans ses bras et de le serrer contre lui. « Tu m’as tellement manqué », souffle-t-elle à son oreille tout en resserrant encore leur étreinte.

Elle a le sentiment qu’ils ont bien trop de choses à se dire pour se contenter véritablement de danser et profiter de la musique (encore que ce serait peut-être la chose à faire). Elle finit par se détacher et par serrer la main de Simba dans la sienne et l’invite d’un geste à la suivre à l’extérieur, ce n’est qu’une fois le brouhaha ambiant assourdi qu’elle reprend la parole, regard rivé vers lui, qu’elle ne sait s’empêcher de dévisager encore et encore. C’est si étrange, mais à présent qu’elle a compris que c’était lui, elle n’a plus le moindre doute à ce sujet, elle sait pertinemment à qui elle a affaire.

« Tu n’avais retrouvé personne avant moi, n’est-ce pas ? Je t’ai tellement cherché… Et Kiara aussi », ajoute-t-elle sans comprendre encore que ce qu’elle pense être leur relation est biaisé par la propre histoire de Simba qui lui ne s’imagine pas l’avoir épousée, encore moins avoir eu une fille avec elle. Elle ne comprend pas que la balance de leur relation est dorénavant déséquilibrée, et que c’est une chose qu’il ne sera peut-être malheureusement pas possible de rattraper.

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Le sourire de Nala s’efface de son visage pour laisser place à une mine affligée au moment d’entendre ces mots fatidiques, qui d’un seul coup sèment dans son cœur et dans son esprit une angoisse qu’elle ne s’était jamais imaginée associer à celui qui se trouve en face d’elle.

Qui est Kiara, au juste ? Si c’est vraiment une plaisanterie, l’ancienne lionne n’y trouve franchement rien de drôle, mais en détaillant les expressions du visage de Simba, elle prend conscience qu’il ne plaisante pas : il ne connaît pas le nom de leur fille… Comment est-ce seulement possible ? Les éléments de réponse que lui apporte alors Simba en lui parlant de Pride Lands, de Scar, de Sarabi, achèvent de confirmer des doutes qui la laissent sans voix un instant. Nala se fige face à Simba, et il lui faut plusieurs longues secondes pour admettre ce qui est en train de se passer.

« Tu… tu ne te souviens pas ? »

Elle a l’impression tout à coup de revenir brusquement dans le passé, ce moment où le hasard l’avait réunie avec son ami d’enfance, ce moment où elle avait pris conscience du fait que Simba avait vécu en autarcie, en compagnie de ses amis Timon et Pumba, sans la moindre idée de la terreur dans laquelle Scar avait plongé la terre des lions, sans la moindre idée d’à quel point son absence, le fait de l’avoir cru mort tout ce temps, avait été douloureux pour elle. Se peut-il vraiment qu’ils en reviennent là ? Le plus douloureux pour elle est sans doute de réaliser, au-delà de tout le reste, que ces trois années passées à rechercher son époux, l’homme de sa vie, Simba n’aura jamais songé à elle – s’il a songé à elle – que comme cette amie d’enfance perdue de vue depuis longtemps. A ses yeux, elle n’est ni son épouse, ni la mère de leur fille, encore moins l’amour de sa vie. Elle qui s’était figurée de retrouvailles émouvantes et passionnées, voilà qu’elle doit accepter l’idée inverse, une idée douloureusement violente. Elle a envie, dans une première impulsion, de tout lui dire, mais elle se rend rapidement compte qu’une telle manière de faire serait sans doute… beaucoup trop brutale.

« Ta mère allait bien la dernière fois que je l’ai vu », fait d’abord Nala, répondant aux questions dont les réponses lui semblent le moins délicates. « Et Kiara, c’est… » Notre fille. « … ma fille. » Elle esquisse un léger sourire. « Quelle est la dernière chose dont tu te souviennes avant ton arrivée ici ? » l’interroge-t-elle en le fixant avec un mélange d’intérêt et d’inquiétude.

S’il a tout oublié, ou pire, s’il n’a rien vécu de ce qui hante si sûrement ses souvenirs à elle, elle n’est pas sûre de savoir le supporter, en réalité. Elle n’aura pas le choix, certes, mais… ce n’en est pas moins difficile pour autant, bien au contraire, et elle sait qu’elle le vivra très difficilement.

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De quoi est-ce qu’elle parle ? Eh bien… de tant de choses dont il semble n’avoir absolument pas conscience. De quoi parle-t-elle ? De moments parmi les plus marquants de son existence, mais surtout de leur existence à eux. Ce dont elle parle, c’est de la naissance de leur idylle, de leur mariage, de la naissance de leur fille, de l’accession de Simba au trône, de son combat contre Scar… de toutes ces pierres fondamentales qui ont pavé son chemin et dont il ne semble pas se souvenir le moins du monde.

« Rien… », tente-t-elle de se rattraper, hésitante.

Ce n’est pas qu’elle veut cacher des informations primordiales à Simba, mais à quoi bon parler de tout ça, maintenant ? A quoi servirait-il de remuer le couteau dans la plaie ? A rien, définitivement rien… Ici et maintenant, ce qu’ils ont été dans leurs vies précédentes semble n’avoir qu’une infime importance, d’autant plus que, plus le temps passe, plus Nala est tristement convaincue du fait qu’elle ne redeviendra plus jamais celle qu’elle a été. Elle ne retrouvera plus jamais sa nature de lionne, elle ne retournera plus jamais sur la terre des lions… Qui sait, peut-être ne reverra-t-elle plus jamais sa fille non plus. Elle essaie de faire la part des choses, de réfléchir à ce qu’il convient de dire ou non à Simba, mais elle ne sait pas comment faire…

D’autant que lui parler de Kiara, maintenant, le placer devant un fait accompli qui ne signifie encore rien pour lui, lui paraît être une démarche d’une brutalité sans nom. Elle a le sentiment, quand elle évoque le fait qu’elle a une fille, que cette réflexion met Simba mal à l’aise… par jalousie peut-être ? Non, elle sait bien qu’elle surinterprète. Elle a trop besoin, en cet instant, de se convaincre que ce qu’il y a entre eux est immuable, est peut survivre à toutes les épreuves, même celle-ci. Quand elle regarde Simba dans le blanc des yeux, elle ressent la même chose qu’autrefois… mais elle ne peut attendre aucune réciprocité de sa part et c’est… difficile.

« Merci… », dit-elle avec un léger sourire triste. « Enfin, j’ignore si j’en ai toujours une », observe-t-elle d’une voix désemparée. « Je ne sais pas où elle est. »

Elle ne sait même pas si Kiara existe dans cete réalité. Peut-être bien que non, après tout. Rien n’a de sens ici, pas plus sa présence ici que le fait que Simba n’ait pas vécu tous les événements dont elle se souvient elle-même de façon si limpide.

« Oui, je connais Timon et Pumba », répond-t-elle avec un mélange d’amertume et de nostalgie. Eux aussi, l’air de rien, lui manquent. Mais ce à quoi elle songe, surtout, c’est que si le dernier souvenir de Simba est de cet acabit, alors… c’est comme revenir à la case départ. Sauf que cette fois, l’issue sera probablement très différente, malheureusement. « Il y a visiblement un certain nombre de choses que tu ne te souviens pas avoir vécu… ou que tu n’as pas encore vécues… C’est mieux si tu ne sais pas tout, je crois. »

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Nala affiche une esquisse de sourire désolée à Simba au moment de faire le choix de lui en dire le moins possible sur une situation qui pourtant le concerne. Elle ne sait pas si elle fait bien de lui cacher cela, mais en lui apprenant toute la vérité, elle aurait le sentiment de le piéger. Une part d’elle a envie de le faire retomber amoureux d’elle, jusqu’à ce qu’il soit en mesure de ressentir, au fond de lui, qu’ils sont réellement capables de s’aimer et d’être ensemble. Est-ce que c’est utopique ? Probablement que oui, en réalité, et l’ancienne lionne le sait, mais rien au cours de sa vie par certains aspects pourtant plutôt éprouvante ne l’avait préparée à ce qu’elle se retrouve dans l’obligation d’affronter. Elle ne sait pas vraiment comment réagir à cette situation de même qu’il ne sait pas plus précisément de quelle façon se comporter avec Simba. Ce décalage dans leurs expériences respectives la trouble, à vrai dire, beaucoup. Quand elle pose les yeux sur Simba, même s’il n’est plus le lion qu’elle a connu, elle le reconnaît, et elle l’aime comme au premier jour, mais elle ne peut pas en attendre autant de celui qui ne se souvient même pas de leurs retrouvailles dans leur vie passée… Avoir parlé de Kiara avait été une erreur, elle ne sait pas de quelle façon dire à Simba que oui, il a une fille, ils ont une fille… Toute merveilleuse soit-elle, elle redoute que le choc soit trop difficile à encaisser pour lui, et ce n’esst pas ce qu’elle veut.

Nala ne peut que comprendre la frustration de Simba. Il a entièrement raison de croire qu’elle a vécu beaucoup de choses que lui-même n’a pas connues de son côté. C’est en effet le cas. Des épisodes marquants de son existence, qui l’avaient changé, sont hors de sa portée. Il n’a pas connaissance des manigances de Scar, de leur combat, de sa décision, noble, de récupérer le trône qui lui a toujours appartenu. Non, il ne sait rien de tout ça… Est-ce un mal ? Nala l’ignore. A quoi bon savoir être le roi quand il n’y a plus de trône à reconquérir ? Et au-delà de ça, peut-être est-il plus heureux ainsi, insouciant comme elle s’agaçait de le voir être auprès de Timon et Pumba quand des responsabilités plus grandes devaient normalement reposer sur ses épaules.

« Je sais qu’ils ont pris soin de toi et qu’ils t’ont habitué à manger des insectes répugnants », s’amuse Nala avec un léger rire, dans l’espoir de détendre un peu l’atmosphère. « … je comprends qu’ils te manquent. »

Comme il lui a manqué. Terriblement. Au fond, ça lui serre le cœur de songer au fait que compte tenu des circonstances, Simba avait certainement cherché ses deux amis bien plus assidument qu’il ne l’avait cherchée, elle. En fait, il ne l’avait probablement jamais cherchée, ce qui est bien normal, quand elle-même frappait à toutes les portes possibles dans l’espoir de le retrouver. « Ils me manquent aussi. » Elle est sincère à ce sujet. Elle a appris à les apprécier sincèrement, leur compagnie avait été un indispensable de son quotidien, quotidien qui n’a plus la même saveur, à présent, sans eux.

« Je t’aiderais à les retrouver. Si on est ici, pourquoi pas eux, pas vrai ? »

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Nala sourit franchement quand Simba se défend d’avoir grandi en mangeant des insectes répugnants auxquels elle-même a toujours refusé de goûter par principe. Peut-être que ce n’était pas aussi dégueulasse que ça, mais il pourra bien lui répéter que c’est un peu gluant, mais appétissant, elle n’est pas certaine de vouloir le croire sur parole. Ceci dit, sa remarque n’avait pas vocation à véritablement blâmer Timon et Pumba. Non, au contraire, Nala sait pertinemment ce que Simba leur doit. L’ancien lion n’exagère rien quand il affirme qu’ils lui ont sauvé la vie. Elle le pense très sincèrement. Oui, ils lui ont sauvé la vie, et elle leur doit d’avoir pu le retrouver. Ils ont des caractères et des visions de la vie très différents des siens, mais ils ont gagné son affection en même temps que sa reconnaissance. Nala sait qu’au-delà de l’image qu’ils renvoient, l’un comme l’autre ont le cœur sur la main, et méritent très sincèrement d’être considérés à leur juste valeur.

« Je sais », répond-t-elle avec douceur, quand Simba plaide en la faveur de ses meilleurs amis. « Ils sont exceptionnels tous les deux, je le sais. »

Et ils ont fini par faire partie de son quotidien, et ils lui manquent, de même qu’elle devine qu’ils manquent terriblement à Simba. Il le sent quand il lui parle d’eux. Elle aimerait être capable de faire quelque chose pour lui, elle aimerait être en mesure de l’aider à le retrouver, mais elle sait malheureusement que rien, absolument rien n’est simple… Pas dans ces circonstances, pas dans ce monde, définitivement pas.

Oui, peut-être qu’ils sont là, eux aussi, comme ils le sont eux-mêmes. Mais ça, c’est facile à dire, ce n’est pas pour autant que ce soit vrai. Et même si c’était vrai… c’est définitivement une chose incroyable qu’ils se soient ainsi retrouvés par hasard et surtout reconnus mutuellement, qui sait si cette situation ne pourrait pas se reproduire ? Dans une situation telle que celle-ci, il est impossible de présumer de quoi que ce soit, et vraiment, Nala ne peut qu’espérer cela pour lui.

« Tu ferais ça pour moi ? » dit-elle, émue et hésitante. Serait-ce une bonne chose que de lui suggérer de l’aider à retrouver Kiara ? … elle ne le sait pas trop, vraiment pas. D’un autre côté, ce serait peut-être l’occasion de préparer doucement le terrain… elle finira par lui parler, non ? « Je ne sais pas si ce sera si simple de la retrouver, je n’ai pas la moindre idée d’à quoi elle peut bien ressembler et puis… ce n’est qu’une enfant… Elle venait à peine de naître quand je me suis retrouvée ici et… Même si elle a été recueillie par quelqu’un d’autre, même si elle est ici… je ne serais probablement pas capable de savoir que c’est elle… et elle ne sera pas en mesure de me reconnaître et… » Sa voix tremble légèrement. « Pardon… »