Do I look familiar ?

feat. Peeta

Parmi les habitudes qu’il lui a fallu acquérir au moment de s’approprier ce corps d’humain qui était dorénavant le sien, les habitudes alimentaires avaient été les plus pénibles. Elle ressentait un appétit différent, mais il était difficile de le satisfaire convenablement… La viande crue, vers laquelle elle s’était naturellement tournée au moment d’acheter à manger la première fois (quelle étrangeté que d’observer ces rayonnages dans des magasins quand elle avait toujours chassé sa nourriture et n’avait jamais véritablement envisagé qu’il puisse y avoir une autre manière de faire pour une carnivore comme elle – qui avait découvert ne pas être que carnivore, dans ce monde), l’avait rendu malade, et elle avait dû procéder par mimétisme pour véritablement prendre conscience de ce qu’elle trouvait bon ou non, agréable ou pas.

En fin de compte, et comme pour bien d’autres choses, elle s’est tout simplement adapté, et au fil des mois, puis des années, elle a même fini par cultiver des goûts et des envies très spécifiques, qui ne lui seraient jamais venues à l’esprit autrement. Elle s’est ainsi découvert un intérêt inattendue pour les viennoiseries, devenues son péché mignon au petit déjeuner.

Elle avait eu pour habitude de se rendre chez Anavrin pour y chercher un pain au chocolat chaque matin où elle avait un peu de marge avant ses premiers cours de la journée, mais la boulangerie avait mauvaise presse ces derniers temps, des rumeurs d’empoisonnement ou va savoir quoi encore. Ce n’est pas forcément dans les habitudes de Nala que d’écouter trop rapidement les rumeurs, mais quand il était question de nourriture, elle préférait quand même s’éviter l’intoxication alimentaire si elle le pouvait. Elle s’était donc laissée séduire par une autre boulangerie, à la devanture tout autant attirante, et qui avait eu tôt fait de lui attirer l’œil.

Il en émane une agréable odeur de pain frais et Nala se demande comment elle a fait pour passer à côté de cette boulangerie tout ce temps, mais c’est comme pour beaucoup de lieux ici, la ville se faisait un malin plaisir à vous mettre des bâtons dans les roues, en continu, constamment. Il suffit de voir combien de temps il avait fallu à Nala pour finalement retrouver son époux, un époux qui ne sait pas que c’est ce qu’il allait devenir pour elle.

Mise en appétit par la délicieuse odeur de croissants, elle rentre donc dans la boutique. A cette heure-ci, il n’y a qu’une personne devant elle, ce qui lui laisse le temps d’observer les étalages avant de choisir ce qui satisferait sa gourmandise. Quand vient enfin son tour, elle gratifie le boulanger derrière son comptoir d’un très large sourire, comme à son habitude quand elle salue tout un chacun.

« Bonjour », le salue-t-elle avec enthousiasme, impatiente de se gaver de pain au chocolat. « Je vais vous prendre un pain au chocolat, s'il vous plaît. Oh non, tiens ! Deux, plutôt. »

Do I look familiar ?

feat. Nala

La boulangerie-pâtisserie de Peeta avait, tout de même, pas mal de succès. En passant, son nom était, en quelques sortes, un pied de nez à Snow, puisqu'elle était nommée en l'honneur du symbole de la rébellion. En l'honneur de Katniss qui, apparemment, était devenue la femme de Snow. Chose que Peeta ne comprenait absolument pas, mais là n'était pas le sujet. La spécialité du Geai moqueur, c'était le pain au fromage qu'il fabriquait, qui était absolument divin. Le blond se rappelait très bien en avoir rapporté à Katniss lorsque celle-ci était malade... et dire que maintenant c'était à sa jeune soeur qu'il en rapportait...

C'était le matin, et le boulanger venait de sortir une fournée de croissants et de pains au chocolat du four. Il secoua son tablier, recouvert de farine. Le matin, c'était toujours relativement tranquille. Il en profitait alors pour faire la majeure partie de la production de la journée. C'est là qu'il entendit la sonnette de la porte retentir, annonçant qu'un client venait d'arriver.

Il regarda la cliente, bouche-bée, parce qu'elle ressemblait à quelqu'un qu'il avait connu. À la jeune Rue, qui était morte durant les jeux. Était-ce vraiment elle ? Peeta en était quasiment convaincu.

- Bonjour, la salua-t-il en lui souriant. Qu'est-ce que je peux vous servir ? Deux pains au chocolat ? D'accord, je vous prépare cela !

Il glissa deux pains au chocolat dans un sac avec un pain au fromage parce qu'il en donnait un à chaque nouveau client, et ne put s'empêcher, tout en faisant cela, de lui poser la question qui le taraudait depuis qu'il l'avait aperçue.

- Est-ce que vous êtes Rue ?

Do I look familiar ?

feat. Peeta

Nala voit immédiatement dans la réaction du jeune boulanger que quelque chose cloche. Elle fait mine de ne pas y prêter attention mais il lui est difficile de faire autrement quand il semble à ce point… surpris, de la voir ? Comme s’il la reconnaissait. Et si c’était le cas ? Nala a une bonne mémoire des noms et des visages, ce qui ne signifie pas pour autant que cette mémoire est infaillible. Possible, après tout, qu’ils se soient déjà croisés et qu’elle ne s’en souvienne tout simplement pas. Peut-être aussi qu’il ne la regarde pas différemment de ses autres clients et qu’elle se fasse des idées sans raison.

Ce ne serait pas surprenant non plus. Parfois, elle peut se montrer particulièrement paranoïaque, l’expérience ne l’a pas forcément aidée dans un autre sens que celui-ci. Alors pour commencer, elle a l’intention de laisser couler, ni plus ni moins. Après tout, ce jeune homme reste particulièrement sympathique tandis qu’il lui adresse un sourire cordial et glisse de pains au chocolat dans un sac, et même lui en offre un autre, ce qui la fait sourire. Visiblement, son interlocuteur a le sens du relationnel, et c’est une chose qu’elle apprécie vraiment de constater. Outre le fait qu’elle ne dira pas non à un pain au fromage gratuit. Elle a appris à aimer et apprécier la nourriture humaine, et elle doit reconnaître que les viennoiseries restent son pêché mignon par rapport à tout ce qu’elle a découvert que la vie pouvait apporter de délices en tout genre.

Elle veut le remercier, peut-être faire encore un peu la conversation parce que son interlocuteur la rend curieuse, particulièrement curieuse, et qu’elle a envie d’en apprendre plus sur toutes les personnes un tant soit peu sympathiques qu’elle rencontre, mais ce jeune homme la prend de court au moment de lui poser une question à laquelle elle ne s’attendait pas le moins du monde.

« Rue ? » répète-t-elle, curieuse. « J’ignore de qui il s’agit. Mon nom est Nala », répond-elle avec un fin sourire. Elle envisage de s’en excuser. Peut-être que son interlocuteur espérait retrouver une amie, et à la place, c’est sur lui qu’il tombe, alors clairement, il ne gagne pas au change, mais elle n’a pas envie non plus de le mettre dans l’embarras. « Rue est une amie à vous ? »

D’accord, la curiosité a pris le dessus sur le tact, mais elle a déjà entendu parler de personnes qui pensaient avoir retrouvé leurs proches pour tomber en fait sur leur sosie (au moins, Nala peut être sûre de ça : ça n’a aucune chance de lui arriver), alors ce ne serait pas totalement improbable que ce soit le cas là encore, n’est-ce pas ?

Était-ce Rue, cette jeune fille de douze ans à l'époque et qui était morte si tragiquement ? Était-ce à la famille de cette jeune fille qu'il avait offert une partie de ses gains des Hunger Games ? Était-ce son visage qu'il avait peint sur le sol lors de son évaluation des 75ème Hunger Games ? Tant de questions qui le perturbait alors qu'il observait cette jeune fille qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à cette Rue qui avait eu un impact, sans même le savoir, sur cette révolution qui allait venir.

Tandis qu'il glissait dans son sac deux chocolatines et un pain au fromage, Peeta se décida finalement à poser cette question qui le brûlait. Il avait besoin de connaître la réponse. Si c'était bien elle, il fallait qu'il sache ce que cette petite fille était devenue.

Finalement, il s'était avéré que c'était un simple sosie. Ceux-ci étaient monnaies courantes dans cette ville. Beaucoup trop courants, si vous vouliez avoir son avis. Combien de fois il avait cru retrouver un de ses amis alors que non, ce n'était pas eux... à chaque fois, c'était la pire déception au monde.

- Enchanté, Nala, je m'appelle Peeta, dit-il avec un large sourire.

Il fut étonné lorsque l'ancienne lionne se mit à la questionner sur Rue. Il n'aurait pu penser, pour le moins du monde, que ça aurait pu l'intéresser un tant soit peu.

- Je ne l'ai pas vraiment connue personnellement, mais Rue a été quelqu'un de très important dans la vie de ma petite-amie. (ou ex petite amie ? Il ne savait plus trop.) Du coup, j'avais été plutôt étonnée de la revoir, surtout que c'était la première fois que je vous voyais ici.

Do I look familiar ?

feat. Peeta

« Enchantée, Peeta. »

Même si le concerné ne se trouvait pas en présence de qui il avait cru retrouver, il ne perd pas pour autant son aimable sourire, et Nala doit bien reconnaître apprécier ce qu’elle estime ne pas être un simple sens du commerce, mais un signe du caractère de son interlocuteur, qui doit juste être naturellement avenant et aimable. Des personnalités comme celle-ci devraient être monnaie courante, et pourtant, elles sont très rares, trop rares à trouver, alors, quand on rencontre une personne qui nous est naturellement sympathique, il faut savoir apprécier cette gentillesse à sa très juste valeur.

Cette Rue n’était pas quelqu’un que Peeta avait connu personnellement. Quelque part, Nala est rassurée de l’entendre. Elle se doute que cette conversation aurait été plus désagréable et plus troublante s’il avait dû réaliser ne pas se trouver en présence d’une amie qui lui aurait été très proche. Malgré tout, cette fille qui lui ressemble a joué indirectement un rôle dans la vie de son interlocuteur, puisque visiblement, elle a eu une importance réelle dans l’existence de la femme qu’il aime.

« Je suis désolée de ne pas être elle », répond Nala avec un fin sourire. « Mais qui sait, cette Rue n’est peut-être pas loin. » Elle marque une pause. « Je souhaite à votre petite amie de l’avoir trouvée. Après tout vous vous êtes bien retrouvés tous les deux, pas vrai ? »

Cette déduction est un peu hasardeuse. Parce que Peeta a parlé de sa petite amie au présent, elle s’est convaincue qu’il devait bel et bien avoir retrouvé cette personne chère à son cœur dans ce monde, et tout naturellement, elle s’en réjouit, comme elle se réjouit de toutes les retrouvailles dont elle a vent dans ce monde. Elle s’en réjouit pour le bonheur de ces proches qui avaient besoin de retrouver les personnes qu’ils aimaient, et elle s’en réjouit pour eux.

Et aussi, cela lui donne de l’espoir. Car elle-même souhaite retrouver son époux, et sa fille, bien sûr. Ne serait-ce que savoir Simba en bonne santé le soulagerait déjà d’un poids qu’elle garde pour l’heure sur le cœur, parce qu’elle ne peut vivre entièrement, elle ne peut se sentir complètement elle-même en l’absence de son premier et unique amour, de cette famille qui ici ne peut être son pilier, mais dont elle aurait désespérément besoin malgré tout, pour se sentir mieux et entière.

Peeta gratifia la jeune fille d'un sourire. Certes, ce n’était pas la petite fille qu'il avait peinte dans l'arène, mais c’était quelqu’un de fort sympathique qu'il avait en face de lui. Bien que ce soit seulement un sosie, il était vraiment ravi de la rencontrer et de l’avoir comme nouvelle cliente. Si elle revenait, il savait que ce serait tout simplement un plaisir de la servir, à chaque fois. Ce genre de chose ne le trompait quasiment jamais.

Lorsqu’elle s'excusa de ne pas être Rue, il balaya ses excuses du revers de la main. Après tout, ce n’était pas de sa faute si elle n’était pas quelqu’un qu’elle n’était pas. Au fond, le blond était content pour Nala, puisqu’elle n’avait pas vu les horreurs de l'arène, chose qu'il ne souhaitait à personne. Rue devait être tellement traumatisée, la pauvre petite… il espérait qu’elle ne se rappelait pas de sa mort. Ça devait être tout particulièrement traumatisant. Il n’aurait pas souhaité vivre cela lui-même.

- Non, je ne l'ai pas retrouvée… enfin pas de mes propres yeux. Mais j’ai entendu parler d’elle. En fin de compte, c’est assez compliqué… Il savait qu'elle était à lui et pas à ce monstre de Snow. Cependant, il lui fallait encore récupérer Katniss, ce qui ne serait certainement pas chose facile. Mais j'espère sincèrement qu'elle a pu retrouver Rue.

Il lui adressa un sourire légèrement triste. Puis pensa à Prim, qui avait besoin de sa grande sœur. C’était entre autre pour elle, qu'il faisait cela, même s'il ne s'en était pas vraiment rendu compte.

- Et ne vous excusez pas de ne pas être elle. Au fond, ce serait peut-être mieux qu’elle ne soit pas parmi nous. C'est peut-être mieux pour elle… murmura-t-il, ayant toujours le sac de papier à la main. Qu’est-ce que penser à son passé pouvait le rendre nostalgique…

Do I look familiar ?

feat. Peeta

Nala fronce les sourcils au moment d’entendre les explications de son interlocuteur qui, au final, n’en sont pas vraiment. Elle ne sait pas vraiment que déduire de ce qu’il lui dit. Il semblerait qu’il sache que sa petite amie est ici mais ne l’ait pas rejointe ? Elle doit bien avouer que, rattrapée par sa curiosité naturelle, elle voudrait en demander davantage à son interlocuteur, mais elle a aussi conscience du fait que ce serait dépasser les limites de son indiscrétion. Elle n’est probablement pas en droit d’exiger de ce presque inconnu une chose aussi personnelle alors qu’elle n’est jamais qu’une cliente au sein de sa boulangerie.

Malgré tout, c’est particulièrement difficile pour elle, elle doit bien le dire, de taire les dizaines de questions qui lui traversent l’esprit en cet instant, et qu’elle voudrait poser une à une. Elle avait reçu la meilleure des éducations, cette dernière imposait les règles élémentaires de politesse, et elle ne les outrepassait jamais qu’en présence de ceux qui à ses yeux ne méritaient pas son respect. Elle répond à ce léger sourire triste par un autre, tout aussi dépité… Elle sent que l’histoire de ce jeune homme doit être faite de nombreuses épreuves, et peut-être aussi de nombreuses souffrances, et elle regrette de tout cœur de le découvrir.

« Je pense que je vois ce que vous voulez dire », répond sincèrement Nala. « Mes proches me manquent. Ma famille, ma vie d’avant… Mais je me dis souvent que je suis souvent égoïste de vouloir les retrouver ici quand ils sont peut-être bien mieux là-bas, d’où je viens. »

Elle ne se montre pas bien explicite quant à ce « là-bas », et pour cause… si elle a osé confié la réalité de sa condition à un nombre restreint de personnes, convaincue du fait qu’ils ne la jugeraient pas, elle reste la plupart du temps sur ses gardes malgré tout. A des inconnus, elle s’épargnera, bien sûr, d’apprendre qu’elle a vécu en tant que lionne sauvage dans la savane africaine. En dépit de ce que ce monde rendait tolérable de croire, il restait des parcours de vie trop singuliers pour ne pas susciter autre chose que l’incompréhension, voire même la plus stricte inquiétude.

« Je sens bien que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais… » Voilà, elle n’a pas pu résister, elle a été bien incapable de faire autrement que d’en demander davantage à son interlocuteur. « … que s’est-il passé avec votre petite amie ? – Bien sûr, vous n’êtes pas obligé de répondre si vous ne le voulez pas », précise-t-elle tout de même presque immédiatement afin de lever très rapidement tout malaise.

Il fallait dire que les sosies dans cette ville, c’était quelque chose de, tout de même, assez perturbant. À tous les coins de rues, ses habitants rencontraient des personnes ressemblant comme deux gouttes d'eau à leurs êtres chers et qui, pourtant, n’étaient pas eux. Ça en faisait souffrir certains. Comme à chaque fois que Prim avait rencontré un sosie de Katniss. Combien de fois Peeta l'avait-elle consolée en lui promettant, qu'un jour, elle retrouverait sa sœur. Il était convaincu qu'il y avait beaucoup, beaucoup d'autres personnes qui vivaient ces situations.

- C’est juste que Rue a vécu tellement de choses traumatisantes, dans sa vie… je crois qu’elle serait même mieux morte dans mon monde qu'ici, à se souvenir de tous ces horribles événements.

Lui-même, à vrai dire, n’était pas bien, mentalement parlant, depuis qu'il avait pénétré pour la première fois l'arène des Hunger Games. Et encore, il n'y avait pas laissé sa peau. Rue oui. Et il veut qu’elle reste cette petite fille espiègle. Pas une femme tourmentée par des traumatismes. Oui, elle est bien mieux au ciel avec Mags qui veille sur elle.

Quant à Katniss c’était… compliqué. Elle était partie avec un autre homme avant qu'il ne la retrouve. Depuis, lui, Prim et Gale tentent de la récupérer. Mais pouvait-il encore la considérer comme sa petite amie ? Peeta en doutait. Mais, peut-être, cela lui mettait un peu de baume à son coeur brisé ?

- Elle est partie avec quelqu’un d’autre, malheureusement. Elle a coupé totalement les ponts avec moi, et sa sœur aussi. Rien qu'en regardant dans les yeux de Peeta, l'on pouvait deviner que sa « petite-amie » se faisait manipuler.

Do I look familiar ?

feat. Peeta

« Oh je vois… »

Au fond, Nala ne voit que partiellement, elle ne peut qu’avoir une idée approximative de ce que son interlocuteur lui apprend au sujet de cette Rue qui a autrefois fait partie de sa vie, mais elle n’a pas besoin d’un talent d’imagination exacerbée pour savoir à quel point dépasser certains traumatismes est difficile. L’histoire de Nala se finit bien (même si elle n’est pas terminée, à l’évidence), mais elle a connu des hauts et des bas à n’en plus finir, et des moments de réelle obscurité. Quand elle a cru Simba mort, par exemple, ou quand elle a vu la terre dans laquelle elle a grandi être ravagée par la cupidité d’un seul lion. Elle n’est pas prête de dépasser le sentiment de rage, de douleur et d’injustice qui l’a envahi, alors. Certes, elle s’en est remise, et elle a retrouvé une vraie raison de vivre et de sourire, mais il est des destins brisés que rien ne semble susceptible de réparer, et il est véritablement douloureux pour elle que de se dire que l’on puisse avoir vécu si atrocement que ce monde ne soit plus à considérer comme une seconde chance mais comme la continuation d’indicibles souffrances.

« Est-ce que je peux vous demander ce qui lui est arrivé ? Si ça ne vous dérange pas, bien sûr. »

Elle a conscience de s’aventurer sur un terrain des plus houleux, mais elle ne peux s’empêcher de se poser la question malgré tout. Même si elle ne connaît pas cette Rue et ne la connaîtra probablement jamais, elle se sent en peu de temps liée à elle d’une certaine manière. Si toutes les deux ont la même apparence, elle se dit que ça ne peut pas être anodin. Elle n’en voudra pas au boulanger de décider de ne rien lui dire, mais elle ne peut s’empêcher d’y songer malgré tout.

« Je regrette sincèrement de l’apprendre, pour votre amie. J’imagine que ça doit être difficile… Mais peut-être… peut-être qu’il y a des choses que vous ignorez ? Peut-être que la situation est plus compliquée qu’il n’y paraît ? » suggère-t-elle en se mêlant une fois de plus de ce qui ne la regarde pas.

Mais sa suggestion est franche et sincère. Après tout, ce monde a l’air de ne pas avoir son pareil pour entretenir à loisir d’étranges illusions, alors... Cette situation tordue n’en est peut-être qu’une de plus, en fin de compte. Dans ce monde, on ne peut être sûr de rien.