à votre service. + elizabeth

à votre service.

Tu t’étais jurée que jamais plus tu n’aurais besoin d’ordres. Qu’à présent tu serais libre et que tu aurais ton propre libre-arbitre. Mais il faut croire que tu avais tort, et que dans cette nouvelle vie, et bien répondre aux ordres te permet de retrouver un semblant de sécurité. Un soupçon de ta vie d’avant. Travailler bénévolement pour le Docteur Tudor a ses avantages et ses inconvénients. Le principal avantage, c’est que tu vois une psychologue en pleine action. Tu écoutes tous les jours ses patients qui évoquent leurs problèmes et leurs souffrances, et même si ce n’est pas toi qui réponds, ça te rappelle un peu ton métier de Poupée de souvenirs automatiques. L’inconvénient, par contre, c’est qu’en contre-parti tu t’es engagée à lui rendre service. Tu ranges ses affaires, tu gères ses rendez-vous, et, des fois, tu vas même lui chercher son plat préféré au traiteur du coin de la rue. En soit, ça ne te dérange pas. Après tout, tu as répondu aux ordres presque toute ta vie. Mais c’est vrai que ça fait bizarre. Elle ne traite pas comme un objet ni comme son chien, ce qui change avec l’armée. Donc c’est un peu pareil, mais différent en même temps. De recevoir des ordres mais d’être considéré en même temps. Et puis elle est gentille avec toi. Dans un sens, elle te rappelle un peu ton Major. Et c’est peut-être pour ça que tu continues à venir dans son cabinet dès que tu as du temps libre.

Aujourd’hui est une journée comme les autres, si ce n’est qu’une cliente toute particulière semble avoir chamboulé la psychologue. Tu n’as pas assisté à l’entretien, pour la simple et bonne raison que ce n’en était pas vraiment un car d’après toi Elizabeth n’avait pas prévu de voir quelqu’un durant ce créneau. Cette jeune femme est arrivée alors que tu étais partie faire une course pour Elizabeth, et alors que tu reviens les bras chargés de sacs, tu entends les éclats de voix à travers la porte de sa salle de consultation. Tu ne distingues pas vraiment les mots, mais  tu comprends que la discussion est houleuse. Tu n’es pas du genre à te mêler de ce qui ne te regarde pas, c’est pour quoi tu préfères te concentrer sur le rangement des affaires que tu viens d’acheter. L’entretien ne dure pas longtemps, et une jeune femme fait irruption dans ton champ de vision. Elle prend rapidement la direction de la sortie, son bébé dans les bras. Fronçant les sourcils, tu attends quelques minutes avant d’entrer à ton tour dans la salle, posant ton regard sur une Elizabeth visiblement dans tous ses états. « Tout va bien ? Vraisemblablement non, mais tu préfères poser la question. Qui était-ce ? » Tu crains de poser des questions qui ne sont pas adaptées, mais tant pis, c’est trop tard. Au cas où elle voudrait changer de sujet, tu ajoutes « J’ai acheté tout ce que vous m’aviez demandé. Peut-être que ça lui ferait plaisir d’entendre ça. Ou pas. Une tasse de thé ? » Pour décompresser.

Mary. Mary. Mary. Pensait-elle encore et encore en essayant de respirer normalement et de retrouver son calme. Comment Mary Stuart, sa cousine, pouvait-elle être là ? Comment une morte pouvait-être là ? Cela ne pouvait, pour Elizabeth, signifier qu'une seule et unique chose ? Si Mary, morte, était là, Elizabeth était morte également. Le paradis, ou l'enfer, c'était donc ça. Un monde étrange où le malheur vous poursuit encore et encore, ne vous laissant comme répits que le temps d'espérer suffisamment pour que la chute soit douloureuse. Trop douloureuse.

Lorsque Mary avait quitté cette pièce après de nombreuses minutes de disputes, Elizabeth s'était figée. Elle essayait de respirer calmement. Elle essayer de ne pas pleurer, malgré l'envie. Elle essayait de ne pas s'énerver et de ne pas envoyer par terre tout ce qui se trouvait sur ce foutu bureau. Mary était ici. Sa vie était finie. Le bonheur qu'elle espérait trouver était fini. Cette dernière lui avait bien fait comprendre. Elle n'avait jamais eu et n'aurait jamais aucune pitié. Aucune retenue. Elle l'avait ouvertement menacé alors qu'Elizabeth jouait l'amnésique. Ses poings se resserraient en pensant à tout cela. Ils allèrent claquer contre le bureau qui se mit à trembler. Elizabeth était partagée entre de trop nombreux sentiments, mais la haine et la peur étaient les principaux. Elle espérait tant vivre une vie normale, loin des complots et de la haine. Elle espérait tant être heureuse. Pourtant le retour de Mary signifiait sa fin. La fin de tous ses espoirs d'une vie tranquille et paisible, la peur qu'elle venait de ressentir, la colère qu'elle avait éprouvé... Trop de sentiments difficiles à gérer pour Elizabeth en cet instant. Mary l'avait menacé, Mary l'avait blessé et l'avait fait souffrir. Elle avait évoqué tout ce qu'il y avait de plus douloureux dans la vie d'Elizabeth entre les trahisons, les décisions difficiles et son amour disparu, empoisonné par sa faute à elle. Elle était à deux doigts d'exploser. De craquer.

Ses poings étaient toujours serrés, sur la table. Son regard était toujours perdu, en colère. Elizabeth n'entendit même pas Violet, son assistante, entrer dans le bureau. Ce fut sa voix qui la sortit de son état second. Elle fut incapable de lui répondre dans un premier temps, se contentant de lui lancer un regard noir, qui ne lui était même pas destiné. Alors que Violet venait de finir de parler, ignorant totalement ce qu'elle venait de dire, Elizabeth prit enfin la parole. « Si elle revient, je t'interdis de la laisser entrer ! Tu utilises la force s'il le faut, mais je ne veux plus jamais la voir dans ce cabinet, c'est bien clair ? » Dit-elle plus autoritaire qu'elle ne l'avait jamais été avec Violet. Violet était l'une des seules personnes dont Elizabeth était proche dans ce nouveau monde, elle l'appréciait réellement et essayait toujours d'être agréable, gentille et juste avec elle, sauf aujourd'hui.

Au reste, elle ne répondit rien. Elle était encore dans un état second, elle se fichait du thé ou des achats. Dans l'immédiat, ce n'était pas son problème. « Merde ! » Cria-t-elle en envoyant par terre quelques dossiers, du dos de la main, qui traînaient sur le bureau, avant de baisser les yeux et de respirer un bon coup. Elle devait se reprendre, retrouver ses esprits face à cette pauvre Violet qui ne devait rien y comprendre. « Elle ose venir ici, tout me reprocher et me menacer... » Dit-elle plus pour elle-même que pour son assistante. Elle ne devrait pas, c'était trop dangereux. Elle risquait de se trahir. Elle risquait de trahir sa soi-disant amnésie en parlant comme cela et elle ignorait si elle pouvait avoir toute confiance en Violet. Elle la trahirait, comme les autres. Ce fut à cette pensée qu'Elizabeth avait tourné rapidement les yeux vers Violet, « Tu as entendu ce qu'on disait ? » Si c'était le cas, elle allait en savoir trop sur Elizabeth, son passé, les horreurs qu'elle avait commise et plus jamais elle ne pourrait espérer avoir confiance en elle, ça, elle en était certaine.

Non, tout ne va pas bien. Et à voir le regard noir que la Docteur porte sur toi, tu comprends que tu as peut-être fait une erreur en allant à sa rencontre. Peut-être aurais-tu du faire volte face et claquer la porte. Pour la laisser tranquille. Pour la laisser respirer. Tu comprends que sa colère et son agressivité ne te sont pas directement concernées, tu l’as déjà vu par le passé et tu ne lui en tiens donc pas rigueur. Son ton autoritaire et l’ordre qu’elle te donne de faire en sorte que cette fille ne revienne plus jamais n’est que le reflet de ce qu’elle ressent au plus profond d’elle. « Compris, que tu te contentes de dire. » Si elle souhaite que cette fille n’entre plus dans ce cabinet, et bien qu’il en soit ainsi. Tu es son assistante, et tu es là, entre autre, pour répondre à ses directives. Tu ne sais pas pourquoi elle en vient à cette interdiction, mais elle doit surement avoir ses raisons. La Elizabeth si calme et si mystérieuse semble bien loin. Le masque qui vole en éclats, l’espace de ces quelques minutes.

La colère qui gronde et voilà les dossiers posés sur son bureau qui volent dans la pièce pour s’échouer doucement sur le sol. Tu ne bouges pas quand cela se produit et ne sursautes même pas. Tu l’observes simplement, avec ton visage tellement inexpressif. Tu attends qu’elle parle. Qu’elle dise ce qu’elle a sur le cœur, et qu’elle se calme. Ou qu’elle t’ordonne de quitter les lieux. Tu l’observes, et tu ne dis rien. Elle marmonne quelque chose à propos de menaces et de reproches. Est-ce donc cela qu’il s’est passé ? Cette fille qui vient pour menacer Elizabeth ? Elle n’avait pas l’air si vindicatif, quand elle est sortie de la demeure. Mais il faut croire que les gens savent bien cacher leur jeu. Tu n’es clairement pas une experte en la matière, ayant la naïveté de croire que toutes les personnes ont de la bonté en elles et qu’elles ne peuvent pas faire délibérément du mal aux gens par simple plaisir.

Soudain, Elizabeth semble se rendre compte de ta présence en ces lieux. Elle braque de nouveau un regard incendiaire dans ta direction en te demandant si tu as entendu ce qu’elles disaient. Tu fronces légèrement les sourcils, essayant de comprendre le sens de sa question. « Non, que tu réponds, avant d’ajouter, je suis arrivée et j’ai entendu des éclats de voix. Je ne voulais pas vous déranger, du coup j’ai attendu en rangeant les courses. » S’il y a bien une qualité que tu possèdes, c’est ta franchise. Tu n’es pas capable de mentir, pour la simple et bonne raison que tu ne comprends pas pourquoi les gens ont besoin de le faire. Cela t’a déjà joué des tours, mais tu pars du principe qu’il vaut mieux toujours dire la vérité, car tôt ou tard, elle finit par éclater. « Est-ce que vous voulez aller à la police pour porter plainte si elle vous a menacé ? » Parce que si elle a peur d’elle, alors c’est ce qu’il faut faire, non ?

Elizabeth s'emportait. Elle avait peur. Elle craignait pour cette vie qu'elle aimerait se construire ici. Elle craignait pour la réputation qu'elle pourrait avoir auprès de ses amis, ou de ses connaissances plutôt. Pourtant, elle ne devrait pas. Elle voulait jouer l'amnésique, une amnésique ne réagirait certainement pas comme ça. Peut-être aurait-elle peur ? Serait-elle agacée ? Ou prendrait-elle la situation avec humour ? En tout cas, une chose était certaine, ce n'était pas la réaction qu'elle devait avoir. Elle se trahissait, elle allait se perdre elle-même.

Elizabeth était ailleurs, elle n'arrivait pas à reprendre ses esprits. Elle parlait mal à son assistante, alors qu'elle n'avait pas l'habitude de le faire. En réalité elle n'avait pas réellement conscience de sa présence, tant elle bouillonnait de rage et de peur. Enfin, ce fut le cas jusqu'au moment où elle avait réalisé que si elle était là, si elle était venue lui demander si tout allait bien, elle pouvait très bien avoir tout entendu. Violet était son assistante, les deux femmes s'entendaient plutôt bien, mais Elizabeth refusait de lui parler de son passé ou des horreurs qu'elle avait pu commettre. Et puis, comment réagirait-elle en apprenant qu'Elizabeth était responsable de tas de choses horribles, de nombreuses morts, dont celle de la personne qui venait de quitter ce bureau, à l'instant, Mary ? Non, non et non, elle ne pouvait pas prendre ce risque. Si elle le faisait, si Violet était au courant, Mary aurait réussi. Elle aurait réussi à la détruire, à détruire le semblant de nouvelle vie qu'elle s'était créée. Alors, elle n'avait d'autre choix que de lui demander ce qu'elle avait entendu, priant Dieu pour qu'elle réponde qu'elle n'ait rien entendu, pas le moindre mot. « Bien. » répondit Elizabeth, soulagée par cette réponse. Peu à peu, elle avait compris ses erreurs, que s'emporter allait la nuire plus que l'aider. Alors, elle essayait de retrouver son calme, autant que possible en tout cas.

Se redressant, retrouvant sa posture droite habituelle, elle fixe de nouveau son assistante. Son regard était redevenu plus calme, moins agressif. Sa question lui faisait peur. Bien sûr que non, personne ne devait être mêlé à cette histoire. Violet était déjà une personne de trop. Avant de répondre elle avait baissé les yeux un instant, remarquant les dossiers par terre. Ceux qu'elle avait dû renverser lors de sa crise de nerfs. « La police ? » Demanda-t-elle sans attendre aucune réponse, en réalité. « Non, c'est inutile ! » Dit-elle clairement, pour que son assistante n'insiste pas. « Je me suis emportée un peu vite. J'en suis désolée... Vraiment. » S'excuse-t-elle sincèrement, désormais plus ou moins calmée. Disons, qu'en tout cas, elle réussissait à respirer normalement, à réfléchir et à se reprendre. « Violet, cette fille est... » Elle se stoppe. Que dire, sans se griller ? « Elle est... » En parlant, elle remarque que ses mains tremblent. L'émotion, la peur, sans doute. « Elle imagine me connaître, mais c'est faux... Et ce qu'elle m'a dit... Enfin, ça m'a mis hors de moi. » souffle-t-elle pour se justifier. Elle était si calme d'habitude, qu'elle ne voulait pas que Violet se fasse une mauvaise opinion. Alors qu'elle était en train de parler à Violet, elle revoyait toutes les horreurs dont Mary lui avait parlé... Lola, Gideon, Mary... Il était difficile d'imaginer vivre normalement, de nouveau, après tout ça. Mary n'allait pas lâcher l'affaire, elle en était certaine. « Il est très important que tu ne parles de ça à personne... » Sa crise de nerfs, son énervement... Tout ça pourrait la trahir. « Et si jamais, tu as entendu la moindre chose, tu dois me promettre de ne pas en parler non plus ! Est-ce bien clair ? Pas un mot ! » Insistait-elle, encore. Elle devait s'assurer de la loyauté de son assistante. Sans quoi, imaginer travailler avec elle, la garder à ses côtés était impossible. Dans cette nouvelle vie, elle ne voulait pas subir cette peur constante de la trahison qu'elle ressentait désormais, depuis que Mary était revenue d'entre les morts.