Le Kerberos ▿ Elsa

Ce monde était impossible à comprendre. Les recherches ne conduisaient jamais à rien. Les questions n'obtenaient jamais la moindre réponse. Ce monde ne semblait exister qu'à travers ce que les gens avaient connu ou connaissaient. Chaque bâtiment, chaque événement, semblaient lier au passé de l'un ou de l'autre. Les choses apparaissaient et disparaissaient mystérieusement, sans que personne ne puisse fournir la moindre explication. Son fonctionnement même paraissait compliqué. Cette ville avait une façon bien à elle de fonctionner. Le problème était de comprendre quelle était cette façon mystérieuse - ou d'accepter que rien n'était réel. Maura faisait partie de ceux qui croyaient que rien n'était réel. Au mieux, il s'agissait d'une simulation ou d'une sorte d'hallucination ; au pire, elle s'était inventée tout ça pour échapper à quelque chose de trop difficile à supporter et accepter. Comment le savoir ? Après tout, tout le monde se posait les mêmes questions, en boucle, depuis quatre ans, sans jamais obtenir la moindre réponse. Il était parfois légitime de se demander si une seule de leurs questions trouverait une réponse un jour, d'ailleurs.

Alors que Maura pensait à tout cela, comme à chaque seconde, en réalité, au détour d'une rue, en évitant quelqu'un qui passait par-là, en un clignement d'oeil, elle s'était retrouvée ailleurs. Pas n'importe quel ailleurs. Au coin de cette rue, ce n'était plus la ville qu'elle connaissait, mais c'était un lieu qu'elle connaissait presque tout autant - mieux, peut-être ? - : le Kerberos. Comment était-ce possible ? S'était-elle inventée toute cette autre vie ? Non, jamais elle n'aurait pu s'inventer quatre années d'une autre vie en si peu de temps ? Si ? Etait-elle simplement de retour sur le navire, comme par magie ? Si elle se posait énormément de questions, elle était prête à parier qu'elle n'obtiendrait, encore une fois, aucune réponse.

Maura ne paniquait pas particulièrement, elle était plutôt surprise et elle s'interrogeait sur les raisons de ce retour. Son coeur battait, malgré tout, un peu plus vite qu'à l'habitude. Elle ne pouvait pas revenir ici sans éprouver de légères craintes quant à ce qui allait se passer. Pour le moment, le calme semblait régner à bord. Le pont était désert et la brume l'entourait, comme cela s'était déjà produit. Seule une autre personne, une femme, se trouvait face à elle, aussi perdue et silencieuse qu'elle, lui semblait-il. Elle ne la connaissait pas, elle ne l'avait jamais vue à bord du navire, c'était une certitude, mais, en revanche, elle était prête à parier qu'il s'agissait de cette femme qu'elle avait croisée au coin de cette rue. Elle lui ressemblait, en tout cas, même si elle ne l'avait aperçue qu'une minuscule seconde. « Qui êtes-vous ? » Souffla-t-elle, en tentant de garder son calme, imaginant que, peut-être, cette femme était la clé de toute cette énigme ou que, peut-être, elle était celle qui l'avait amenée jusqu'ici.

Elsa ne sortait pas très souvent de chez elle. Encore moins quand elle devait se retrouver seule au milieu d’une foule qu’elle ne connaissait pas. Mais il fallait bien qu’elle se nourrisse. Et malheureusement, Anna avait une vie et ne pouvait pas toujours rendre service à sa sœur. Alors cette fois-ci, Elsa devait se débrouiller seule. Ce qu’elle détestait avoir à se mêler à la foule. Elle préférait tellement être au refuge ou chez elle. Avec la forêt, ils étaient les seuls endroits où elles se sentaient à l’aise.

La blonde pressait le pas, le regard distant, elle n’avait même pas vu cette femme arriver vers elle. Sans un mot, ni même un regard, l’ancienne reine d’Arendelle s’était éloignée de quelques pas pour éviter cette inconnue. Mais en une seconde à peine, les choses avaient changé. L’ambiance était différente. Le temps était brumeux. Les passants semblaient avoir disparu. Pire encore, Elsa n’était plus au même endroit. Quelle magie avait pu la déplacer sans qu’elle ne s'en aperçoive ? La blonde aurait voulu fuir les lieux, cherchant à se mettre en sécurité dans un endroit familier. Mais elle avait vite remarqué qu’elle était piégée. Coincée dans cet endroit qu’elle ne connaissait pas. Tout autour d’elle, il n’y avait que l’océan à perte de vue. Quelques secondes plus tôt, elle était dans la rue et voilà qu’elle se retrouvait maintenant sur un bateau.

Seule, elle ne pouvait poser de questions. Elle devait alors rester dans l’incompréhension la plus totale. Mais Elsa n’avait jamais vraiment eu peur d’affronter l’inconnu, ni même les dangers. Pas quand elle se savait seule. Pas quand elle savait que sa sœur n’était pas avec elle, en danger elle aussi. Les seules vraies peurs d’Elsa avaient toujours été de perdre les gens qu’elle aime et d’être rejeté à cause de ses pouvoirs, des pouvoirs qu’elle n’arriverait peut-être plus à maîtriser dans ce monde, des pouvoirs qu’elle n’avait pas possédé depuis si longtemps.

Elsa s’était alors mise à faire quelques pas sur le bateau. Cherchant ce qui l’avait amené ici. Parce qu’elle était certaine qu’il y avait une raison à sa venue. Elle ne pouvait pas se retrouver là par hasard. C’est en tout cas ce qu’elle avait pensé jusqu’à voir cette femme. Elsa ne l’avait aperçu qu’une seconde et ne l’avait même pas vraiment regardé, mais elle ressemblait à la personne qu’elle venait juste d’éviter dans la rue. N’était-ce qu’un hasard ? « Je vous retourne la question. Qui êtes-vous ? Où sommes-nous ? » Elsa était suspicieuse, bien évidemment. Cette femme était peut-être celle qui l’avait conduite ici. Peut-être représentait-elle un danger ? Mais pourquoi elle ? Pourquoi l’avoir amené jusque-là ? Dans quel but ?

Cet ailleurs, Maura ne le connaissait que trop bien. Il était l'un de ses seuls souvenirs de son autre vie. De l'autre simulation, celle avant ce monde étrange et moderne dans lequel elle devait vivre depuis quatre ans, désormais. C'était un ailleurs rassurant et terrifiant à la fois. Rassurant parce qu'elle connaissait cet endroit, parce qu'elle avait peut-être une chance de retrouver toutes les personnes qui avaient compté pour elle - parce qu'elles étaient les seules à exister dans son esprit, dans ses souvenirs - et terrifiant parce que le Kerberos n'avait pas été un voyage tranquille, parce qu'il renfermait de terribles secrets. Ce retour en arrière amenait évidemment beaucoup de questions, mais les principales étaient pourquoi et comment ? Des questions auxquelles son esprit n'avait de cesse de chercher des réponses, en vain.

Maura ne cédait pas à la panique - cela n'aiderait en rien et elle avait besoin de garder son calme pour pouvoir réfléchir correctement. Ce n'était qu'une création de son esprit, une simulation ou un lieu créé pour éveiller quelque chose chez elle. Rien n'était réel. Enfin, il devenait compliqué au fil des années de distinguer ce qui était réel ou non quand elle n'était même plus certaine d'avoir un jour été réelle ou d'avoir le souvenir d'un jour qui avait été réel. Si elle ne voyait aucun visage familier sur le pont de ce bateau - qui était le seul visage familier des environs, pour elle - il y avait un visage inconnu devant elle. Cette femme, elle ne la connaissait pas. Elle l'avait simplement croisée, très brièvement, au détour d'une rue, quelques instants avant de se retrouver sur ce bateau. Instinctivement, son esprit lui indiqua que cette dernière était peut-être responsable, d'une manière ou d'une autre, de son arrivée ici. Après tout, pourquoi pas ? Tout pouvait être possible. Enfin, si cette femme existait réellement. Maura ne pouvait s'empêcher d'imaginer qu'elle ne pouvait être qu'une création de son esprit qui craignait de se retrouver seul, ici.

La femme, plutôt que de répondre à sa question, lui posa des questions à son tour. L'inconnue était sur ses gardes. Tout dans son comportement montrait des traces de méfiance, de son regard à sa posture. Elle était tendue et angoissée - mais qui ne le serait pas dans une situation comme celle-ci ? « Nous sommes à bord du Kerberos. » Une information qui perdait de son importance lorsque l'on n'avait pas vécu les aventures que Maura avait vécues, mais savoir où elle était aiderait peut-être à la rassurer. « C'est... » C'était quoi, d'ailleurs ? Comment lui expliquer qu'il s'agissait d'une simulation ? Peut-être était-ce une information à taire pour le moment, même ? « J'étais sur ce navire avant de me réveiller dans cette autre ville. Vous y étiez, dans cette ville, vous aussi, n'est-ce pas ? » Elle ne rêvait pas ? Cette fille y était et elles avaient été renvoyées ici, mystérieusement, comme elles avaient été envoyées dans l'autre monde mystérieusement ? « Je m'appelle Maura Franklin, je suis une passagère de ce navire... Je l'étais. Je ne vous veux aucun mal, je vous le promets. Je veux juste comprendre ce qui est en train de se passer, tout comme vous. » Continuait-elle de sa voix posée et douce, pour mettre en confiance son interlocutrice. Doucement, elle s'approchait, sans mouvement brusque, afin de se rapprocher de la seule aide qui semblait présente à bord du navire. « Et vous, qui êtes-vous ? » Une autre passagère qu'elle n'avait jamais vu auparavant ? Une inconnue qui se retrouvait propulsait dans une simulation qu'elle n'avait jamais vécue ? Avait-ce seulement la moindre importance, en réalité ?

Cet endroit, Elsa ne le connaissait pas, mais il dégageait quelque chose d’angoissant, d’étrange. En une seconde à peine, elle avait quitté les rues de l’île pour se retrouver au beau milieu de l’océan, à bord d’un bateau qu’elle ne connaissait pas, avec une personne qu’elle ne connaissait pas. Forcément, Elsa se montrait méfiante et sa froideur naturelle reprenait le dessus. Qui était cette femme ? Que lui voulait-elle ? Était-ce à cause d’elle si la blonde se retrouvait là ? Où se retrouvait-elle ici sans comprendre pourquoi elle aussi ?

L’inconnue avait questionné Elsa quant à son identité. Avec froideur, la blonde avait préféré taire cette information, posant à son tour quelques questions. Qui était cette femme ? Et où se trouvaient-elles ? L’inconnue avait alors donné le nom du navire, ce qui confirma qu’Elsa ne connaissait nullement cet endroit. Alors cette information n’aidait pas beaucoup la jeune femme à se situer et à comprendre la situation. L’inconnue apporta quelques informations supplémentaires. Ce navire, elle le connaissait, elle était déjà montée à bord avant d’atterrir dans cet autre monde, devenu le leur depuis quatre ans maintenant. « Oui. » Se contenta-t-elle de répondre simplement, lorsque l’inconnue lui demanda si elle était bien, elle aussi, dans cette autre ville.

L’inconnue, Maura Franklin, connaissait donc bien les lieux, mais tout comme Elsa, elle ne savait pas ce qu’elle faisait là et voulait comprendre ce qui était en train de se passer. Au moins, Elsa n’était pas la seule à ne pas comprendre ce qui était en train de lui arriver. « Elsa d’Arendelle. » Que pouvait-elle lui dire de plus ? Se présenter n’avait aucun intérêt dans cette situation. « Je n’étais pas une passagère de ce navire. Je ne suis même jamais monté à bord avant aujourd’hui. » Parce que cette information avait peut-être son importance. À vrai dire, elle n’en savait rien. « Où sont les autres passagers ? » Le navire semblait si calme, si vide. À part elles deux, il ne semblait y avoir aucun autre signe de vie à bord de ce navire.

Maura ne comprenait pas ce qui était en train de se passer - ou plutôt, elle avait des hypothèses, mais elle n'avait, malheureusement pour elle, aucune certitude. Elle connaissait cet endroit pour y avoir vécu juste avant d'arriver dans cet autre monde, elle était à bord du Kerberos. Contrairement à la simulation précédente - puisque l'hypothèse qu'elle retenait était qu'elle devait, sans doute, être passée d'une simulation à l'autre, sans pourtant pouvoir le justifier - les autres passagers ne semblaient pas présents. Peut-être étaient-ils à l'intérieur du navire ? Les deux femmes étaient sur le pont, le brouillard entourait le navire, alors, peut-être que, tout simplement, les passagers étaient bel et bien là, mais à l'abri, à l'intérieur ? Maura ne savait pas ce qu'elle préférait. Préférait-elle revoir tous ses compagnons de mésaventures ou affronter ces aventures, seule, avec une parfaite inconnue ?

Si cette question restait dans un coin de sa tête, elle préférait se concentrer sur l'inconnue qui était avec elle, pour le moment. Il fallait la rassurer, lui donner confiance - un minimum, au moins - puisque si elles devaient sortir d'ici, il serait plus simple qu'elles s'allient plutôt qu'elles s'entretuent. Avec douceur et un ton qu'elle espérait rassurant, Maura s'était donc présentée et avait présenté rapidement la situation - ce qu'elle en savait, tout du moins. La jeune femme semblait plutôt froide et méfiante. Maura ne pouvait évidemment pas le lui reprocher, mais elle pouvait tenter de changer les choses en lui montrant qu'elle ne lui voulait aucun mal et qu'elle ne lui était pas hostile.

Après s'être brièvement présentée et avoir présenté le lieu, Maura lui indiqua qu'elle ne lui voulait aucun mal, qu'elle voulait simplement comprendre la situation, tout comme elle. « Ravie de vous rencontrer Elsa. » Souffla-t-elle, toujours avec le plus de douceur possible. Plus elle paraissait douce et calme, plus elle paraîtrait rassurante et mettra en confiance cette jeune femme. Garder son calme, parler lentement sans paniquer, ne faire aucun mouvement brusque... C'était ainsi que l'on gagnait la confiance des étrangers, en règle générale, et il allait falloir redoubler d'efforts pour gagner la confiance de cette jeune femme, d'après Maura.

Ce que Maura pensait se confirmait, cette Elsa n'était pas une passagère du navire. Elle ne l'avait pas reconnue, alors elle s'en était doutée, mais elle s'était dit que peut-être... Elles étaient donc dans un souvenir de Maura ? Ou cette pauvre femme n'était qu'une création de l'esprit de Maura ? Ou elle se retrouvait dans une simulation qui n'était pas la sienne ou dans laquelle elle se retrouvait pour la première fois ? Il était difficile de mettre des mots sur la situation puisqu'elle n'avait pas toutes les cartes en main. Et s'il était important de comprendre, la jeune femme devait garder son énergie au cas où quelque chose leur tomberait dessus, sans tout dépenser en réflexion à propos du pourquoi de la situation. « Je n'en sais rien. Peut-être se sont-ils protégés du brouillard, à l'intérieur ? » C'était une idée comme une autre, après tout. « Ou peut-être que nous sommes seules, ici. » Souffla-t-elle, comme deuxième hypothèse. Si tel était le cas, Maura ne comprenait pas ce que l'on attendait d'elles ? Qu'elle trouve à nouveau une sortie à cette simulation ? Qu'elle comprenne quelque chose qui lui avait échappé la première fois ? « Je pense que l'on devrait essayer de trouver le capitaine, avant tout autre chose. S'il est à bord, il pourra nous aider. » Il avait été l'un des premiers à l'aider, à la soutenir, lorsqu'elle avait vécu cette simulation. S'il était là, il recommencerait, elle en était persuadée - ou elle voulait l'être, en tout cas.

Elsa ne comprenait pas bien ce qu’elle faisait là. Elle n’était encore jamais montée à bord, alors que Maura, elle, fut autrefois passagère de ce navire. Même si Elsa ne connaissait pas les intentions de cette femme, elle savait qu’il fallait peut-être mieux rester avec elle. Au moins, elle connaissait les lieux et ça pouvait être un véritable atout. De toute manière, cette Maura ne semblait pas dangereuse. Même si Elsa préférait rester méfiante, elle avait l’impression de ne pas être en danger en restant avec cette inconnue.

Après une brève présentation de la part des deux femmes, Elsa se questionna sur les autres passagers. Où était-il ? Sur un navire aussi grand, Maura ne pouvait pas être seule. Et puis il y avait forcément un capitaine, un équipage… Cette femme ne semblait pas être capitaine et il était impossible de gérer seule un bateau de cette taille. Alors il y avait forcément d’autres personnes à bord. Mais où étaient-elles ? Le bateau semblait si calme, qu’il semblait désert. Ce qui intrigua Elsa, qui ne put s’empêcher de questionner Maura à ce sujet. Visiblement, l’inconnue n’en savait pas plus qu’elle. Elle émettait alors une hypothèse, avant de penser qu’elles étaient peut-être seules à bords. Un bateau fantôme, rien de plus rassurant. « D’accord, alors allons-y. » Elsa se fichait bien de trouver le capitaine ou quelqu’un d’autre. Elle voulait simplement trouver une autre âme vivante sur ce bateau. Elle voulait savoir ce qui était en train de se passer et elle pensait que les personnes à bord pouvaient lui donner des explications. « Où se trouve sa cabine ? » Puisque le bateau n’avançait pas, Elsa avait pensé à sa cabine. Le capitaine y était peut-être. En tout cas, c’était sans doute le premier endroit où les deux femmes devaient chercher, sauf si Maura savait qu’il ne s’y trouverait pas. Après tout, elle semblait bien le connaître.

Maura tentait d'expliquer une situation qui était inexplicable. Elle n'avait pas plus d'informations qu'Elsa au sujet de ce qui était en train de se passer. Des suppositions, oui. Des certitudes, non. Elle supposait, en effet, qu'elle se trouvait peut-être dans son ancienne simulation. Pourquoi et comment y était-elle retournée ? En revanche, là, elle n'en avait aucune idée ? Daniel l'y aurait-il renvoyée d'une façon ou d'une autre ? Etait-ce simplement ainsi que les choses devaient se passer ? Avait-elle rêvé cet autre monde pendant quatre ans ? Elle n'en savait rien. Evidemment, toutes ces questions la hantaient et elle aurait aimé chercher des réponses, mais elle n'en avait pas le temps. Il fallait, à tout prix, trouver le pourquoi elles étaient ici et savoir si elles étaient, ou non, en danger. Elles devaient se préparer à tout.

Maura avait donc supposé que les passagers étaient peut-être à l'intérieur, afin de se protéger du brouillard, ou qu'elles étaient, peut-être, seules à bord du Kerberos. Maura ignorait quelle hypothèse elle préférait. Les passagers avaient eu beaucoup de mal à la suivre ou à la croire, la première fois, alors ne valait-il pas mieux qu'ils ne soient pas là ? Et, en même temps, se sentait-elle capable d'affronter les événements seule avec cette femme, inconnue, dont elle ignorait absolument tout ? L'un ou l'autre, ce n'était de toute façon pas à elle de décider, alors elle ferait avec, quoi qu'il arrive. La première chose à faire, selon Maura, était de trouver le capitaine. La première fois, il avait été celui qui lui avait le plus facilement apporté son aide parce qu'elle lui avait apporté son soutien, elle aussi. Avec lui à leurs côtés, Maura se sentirait davantage en sécurité et capable de trouver ce qui était en train de se passer. « Allons-y. » Souffla Maura en se précipitant vers la cabine du capitaine. Les couloirs étaient désespérément vides. Les portes étaient fermées. Le silence régnait. « Eyk ? » Cria-t-elle en tambourinant à la porte de la cabine. Rien. Pas un bruit. Pas un mot. Juste un silence plus pesant et plus angoissant encore que sur le pont. Alors, Maura avait fini par pousser la porte pour découvrir une cabine identique à ses souvenirs, mais vide de toute vie. « Eyk ? » Répéta-t-elle, une fois encore. « Il n'est pas là. » Souffla-t-elle, désespérée. « Nous sommes seules. » Rien ne lui assurait véritablement, d'autres pouvaient se trouver cachés à bord, mais elle avait ce mauvais pressentiment.

Elsa ne comprenait pas ce qu’elle faisait à bord de ce navire. Ce changement soudain d’environnement avait de quoi l’inquiéter. Elle se retrouvait en plein milieu de la mer, à bord d’un navire perdu en plein milieu du brouillard et avec pour seule compagnie, une inconnue. Malgré tout, Elsa tentait de garder son calme et ne cédait pas à la peur qui, pourtant, était plus que présente chez elle. Avant tout, elle voulait comprendre et, surtout, elle voulait rentrer. Chose rassurante, elle n’était pas totalement livrée à elle-même. En effet, elle était avec cette femme, Maura, qui connaissait ce bateau, puisqu’elle avait déjà été à son bord. Elsa allait donc devoir lui faire confiance, elle allait devoir la suivre et l’écouter. C’est pourquoi, elle ne refusa pas l’idée de trouver ce capitaine dont parlait Maura. Il était peut-être le seul à pouvoir les aider, à pouvoir leur donner des informations sur ce qui était en train de se passer.

Elsa suivit alors Maura à l’intérieur du navire. Rapidement, les deux femmes étaient arrivées devant une porte. Les écriteaux montraient qu’il s’agissait de la cabine du capitaine. La rousse frappa alors à la porte, criant un prénom. Mais le silence régnait. Personne ne venait ouvrir. Elsa n’aimait pas cela. Le silence des couloirs était bien trop pesant et angoissant. Alors savoir que la seule personne capable de les aider ne répondait pas… Cela n’avait rien de rassurant. Puisque le capitaine ne se manifestait pas, Maura avait pris l’initiative d’entrer. Mais comme Elsa le craignait, le capitaine n’était pas ici. « Peut-être qu’il est avec les autres passagers. Nous devons fouiller le bateau. » Elles ne devaient pas déjà baisser les bras. Il fallait retrouver ce capitaine et les potentielles autres passagers de ce navire. Sans attendre l’avis de Maura, la blonde avait quitté la cabine, entraînant l’inconnue avec elle. « Où est-ce qu’ils pourraient être ? » Elsa cherchait de la tête, mais elle n’avait aucune idée de la direction à prendre. « Vous connaissez ce bateau. Vous êtes déjà venu. Vous devez bien connaître un endroit où ils auraient tous pu se cacher ? » Elsa n’avait pas l’intention de rester là, les bras croisés, ce n’était pas son genre. Même si dans ce nouveau monde, elle était plutôt à rester dans son coin, à ne pas trop se montrer, elle savait se montrer débrouillarde et elle savait prendre les devants lorsqu’elle se retrouvait seule ou lorsque la situation l’exigeait, comme c’était le cas à cet instant.

Maura avait espéré pouvoir retrouver le capitaine et obtenir de l'aide de sa part. Malheureusement pour elle, il n'était pas dans sa cabine. Elle était vide. Il n'y avait personne. Les couloirs étaient vides. Le pont était vide. Où étaient-ils donc tous passés ? Etaient-ils seulement présents ? Etait-ce une simulation vidée de tous ses sujets sauf d'elles deux ? Maura perdait espoir et désespérée de comprendre ce qui était en train de se passer. Il n'était pas question de baisser les bras, non, parce qu'elle ne baissait pas les bras, mais ce n'était pas facile. Elle avait quitté le Kerberos, Daniel avait réussi à l'en extraire et elle était de retour à la case départ. Ce n'était pas une chose facile à accepter, d'autant qu'elle ne comprenait pas pourquoi.

Elsa proposait alors ses idées. Pour se rassurer ? Pour se donner du courage ? Parce qu'elle y croyait réellement ? Qu'importe finalement, si ces dernières pouvaient leur redonner un peu de la motivation qui leur manquait. Après tout, elles devaient bien agir et trouver quelqu'un, ou quelque chose ou, au moins, une réponse à leurs questions. Maura n'avait pas eu le temps de répondre que déjà Elsa l'entraînait avec elle à l'extérieur de la cabine. Cette dernière était particulièrement motivée à comprendre, ce qui était parfaitement compréhensible puisqu'il s'agissait d'un monde totalement inconnu pour elle. « Je ne sais pas. Je l'ignore. » Répondit Maura dans un premier temps, alors que la jeune femme observait partout, à la recherche d'une solution qui refusait de leur apparaître clairement. Oui, elle connaissait ce navire, mais elle ne savait pas où il pouvait être. Où ils pouvaient tous être. Elle n'en savait rien du tout.

Si elle ignorait où le capitaine pouvait être particulièrement, elle connaissait un endroit où ils s'étaient déjà tous réunis à plusieurs reprises, lors de sa simulation. Il y avait bien d'autres lieux envisageables, mais elles pouvaient commencer par celui-ci. Elles auraient peut-être un peu de chance. Ou pas. Mais elles diminueraient au moins les lieux où ils pouvaient s'être réfugiés et, peut-être, trouveraient-elles des réponses à leurs questions ? « La salle du restaurant. » Souffla Maura en commençant à se diriger là-bas, à toute vitesse. « C'est là-bas que le capitaine nous avait tous réunis pour nous annoncer que l'on faisait demi-tour. » Elle parlait comme si Elsa comprenait, mais qu'importe, au moins, elle expliquait le pourquoi elle supposait qu'ils pouvaient tous se trouver là-bas. « Et c'est là-bas que nous nous sommes réfugiés lors de la mutinerie. » Alors, puisque ça avait été un lieu de rassemblement à plusieurs reprises, pourquoi pas cette fois-ci ?

Elsa voulait comprendre. Elle devait comprendre. Où était le capitaine dont Maura parlait ? Où étaient tous les passagers de ce bateau ? L’équipage ? Ce bateau était à l’arrêt, peut-être que plus personne n’était à son bord. Ou alors ce brouillard l’empêcher de continuer son chemin. Alors ils avaient stoppé les machines, s’étaient réfugiés quelque part à l’intérieur du bateau. Dans ce cas, il fallait les retrouver et au plus vite. Elsa ne pouvait pas se contenter d’attendre bien sagement dans un coin du navire que le brouillard se lève, que quelqu’un réapparaisse ou que l’histoire se règle. Elle n’avait jamais été ce genre de personne, elle avait toujours agi quand elle le devait. Elle avait toujours tout fait pour avoir les réponses aux questions qu’elle se posait.

La blonde questionnait Maura. Cette femme était déjà montée à bord du Kerberos. Elle avait sans doute passé plusieurs jours à son bord. Elle devait le connaître, au moins un minimum. Alors elle était la seule à pouvoir dire où tout le monde s’était caché. Elles ne devaient pas perdre de temps. Elsa avait alors quitté la cabine du capitaine, cherchant le moindre indice dans le couloir. Où devaient-elles se rendre ? Maura avait, dans un premier temps, dit qu’elle l’ignorait. Mais avait, finalement, donner le nom d’une salle : la salle du restaurant. C’était une piste à explorer. Même si Elsa ne comprenait pas tout ce que Maura lui racontait, elle avait compris que cette pièce semblait être l’endroit parfait pour regrouper tout le monde. Elle avait compris qu’il avait déjà été cet endroit par le passé. Maura avait alors pris les devants. Elle était, sans doute, partie rejoindre cette fameuse salle. Sans rien dire, Elsa l’avait suivi, avec l’espoir de croiser le capitaine, des membres d’équipages ou des passagers de ce bateau, capable de leur expliquer ce qui était en train de se passer.

En arrivant dans la salle en question, il n’y avait rien. Toujours personne. Et sur leur chemin, elle n’avait croisé aucun passager. Comment tout un navire avait pu s’évaporer ? « Ce n’est pas possible. » Lâcha-t-elle, avec la voix remplie de désespoir. N’allaient-elles donc que tourner en rond, courir après des passagers absents et ne rien trouver au final ? « Les passagers ont pu quitter le navire ? » Parce qu'Elsa ne voyait pas d’autres explications, mais si c’était le cas, pourquoi étaient-ils partis ? Couraient-elles le moindre risque en restant à bord ?

La situation n'était pas idéale. Loin de là, même. Maura se sentait dépassée par les événements parce qu'elle n'était pas capable de les comprendre. Il n'était pas impossible qu'elle soit, tout simplement retourné dans sa précédente simulation - sur le paquebot - mais pourquoi ? Comment ? Pourquoi cette femme était avec elle ? Cette autre vie n'avait-elle été qu'un doux rêve où elle s'était pensée libérée de cette simulation ? Les simulations étaient-elles aléatoires, comme une sorte de loterie ? L'autre simulation était-elle, donc, terminée et se retrouvait-elle par hasard, dans celle-ci ? Devait-elle s'attendre à changer de monde, une fois encore, à voir un vortex apparaître de nulle part ou à s'endormir et à se réveiller mystérieusement ? Non, elle n'y croyait pas. Elle ne voulait pas y croire.  
Elle ne voulait pas y croire, alors elle tentait de trouver d'autres réponses. Des solutions. Son premier instinct avait été de trouver Eyk. Il n'était pas dans sa cabine. Motivée par l'autre femme, Maura avait tenté de réfléchir à l'endroit où pouvait être les autres passagers. On ne pouvait pas disparaître d'un paquebot au milieu de nulle part, si ? Bien sûr que si, si rien n'était réel. Maura réfléchissait donc. Ils pouvaient être partout, mais elle ignorait où, précisément. Alors, faisant fonctionner son cerveau à toute allure, elle en concluait qu'ils étaient peut-être dans le restaurant. Ils s'étaient tous installés là-bas lors des discours du capitaine ou lors de la mutinerie. Peut-être était-ce l'endroit le plus approprié ?

A toute vitesse, la jeune femme s'était précipitée dans cette pièce. Elles parcouraient les couloirs comme s'il s'agissait de longs tunnels, qu'elle trouvait sans fin. Malheureusement, elle restait désespérément vide, comme toutes les autres. Tout un navire ne pouvait pas ainsi disparaître - sauf s'il n'existait pas, Maura, ne pouvait-elle s'empêcher de se répéter intérieurement. L'autre femme semblait autant se désespérer qu'elle. « Quitter le navire ? » répéta-t-elle dans un souffle. Peut-être ? Non ? Difficile à dire. Il n'y avait rien aux alentours, où seraient-ils allés ? Un plongeur aurait pu se faire un plaisir d'aller vérifier s'ils n'étaient pas tous au fond de l'eau - comme lorsque ces gens s'étaient jetés par-dessus bord, sans explication - mais il n'y en avait pas. « Où seraient-ils allés ? » Elle n'en savait pas plus qu'elle, malheureusement, mais la question n'attendait pas réellement de réponse. « Personne ne semble avoir dîné ici depuis une éternité. Pas une miette, pas un couvert sale. Rien. Et, en même temps, il n'y a pas la moindre couche de poussière, tout est impeccable. » Ou alors tout avait été soigneusement nettoyé avant qu'ils ne disparaissent ? Tout paraissait artificiellement propre, comme si rien n'était naturel ou réel.

A cet instant, déchiffrer une énigme avec des hiéroglyphes lui paraissaient plus simples et plus réalisables que comprendre la situation dans laquelle elles se retrouvaient coincées. Ou alors se retrouver prise au piège dans un marais ou dans une tempête de neige. Ou, alors, pas plus simple, mais plus enviable, manger des nouilles - c'était son dernier repas, avant d'arriver ici, ce qui expliquait la précision de sa pensée - installée sur son balcon à observer la nuit tomber - ou, mieux encore, profiter d'une pluie de grêles, confortablement installée derrière ses fenêtres, une délicieuse odeur d'encens envahissant la pièce pour la détendre et la calmer. En d'autres termes, tout, mais pas ça. Maura n'était pas du genre à fuir une situation, mais elle ne voulait pas non plus rester ici. Bloquée. Une fois encore. « Soyons logiques... » Souffla-t-elle. Etait-il possible d'être logique, de trouver de la cohérence à tout ce qui était en train de se passer ? Peut-être pas, mais elles pouvaient essayer. « Si personne ne se trouve à bord... Peut-être que nous ne sommes pas réellement dans mon passé. » tentait-elle d'expliquer. Elle réfléchissait, s'éclaircissait la voix et reprenait. « Tout cela n'était rien d'autre qu'une simulation, si j'en crois mes souvenirs - mais un souvenir peut être modifié, manipulé, changé, alors je ne peux rien affirmer. Soit, il s'agit d'une nouvelle simulation, légèrement différente, mais toujours à bord du Kerberos - mais dans ce cas, à moins que vous ne soyez pas réelle, que faîtes vous ici ? - soit il s'agit d'un souvenir, tronqué, dans lequel nous aurions été plongées - mais la même question se pose toujours, que faîtes-vous là ? »  Maura réfléchissait à toute allure, sans prendre le temps de savoir si Elsa suivait et comprenait. « Je porte les vêtements que j'avais lorsque j'étais à bord du Kerberos. » Souffla-t-elle, en désignant sa chemiseet sa jupe. « Comme si j'étais revenue à mon point de départ, avant cette autre ville. » Indice réel ? Coïncidence ? « mais avec tous mes souvenirs... » alors qu'au redémarrage d'une simulation, elle était censée les perdre. Bien sûr, toutes ces informations perturbaient peut-être davantage Elsa qui n'y comprenait rien, mais Maura avait besoin de dresser une liste, celle des choses qu'elle comprenait, savait ou qui pouvaient s'avérer utiles.

Ce navire était entièrement vide. Il n’y avait aucune trace de vie humaine ici. Comment est-ce que cela était possible ? Le navire était encore à flot. Il ne semblait nullement en mauvais état. Et surtout, elles se trouvaient au beau milieu de l’océan. Tout un équipage ne pouvait pas avoir disparu ainsi. Sauf s’il s’était passé quelque chose à bord. Sauf si quelque chose les avait fait disparaître. Sauf s’ils avaient tous dû quitter le navire d’une manière ou d’une autre. Mais comment ? Pourquoi ? Et Maura soulevait une autre question, où seraient-ils allaient ? Peut-être avaient-ils empruntaient les canots de sauvetage ? Ou un autre navire les avait rejoints ? Peut-être se trouvait-il à bord de cet autre navire ? Ou peut-être qu’ils se trouvaient déjà à terre ? Ils avaient pu quitter le navire depuis des jours, alors ils avaient déjà pu amarrer quelque part.

« Ce qui se passe ici est étrange et n’a rien de rassurant. » Parce que comme le soulevait Maura, tout était étrangement propre, étrangement à sa place. Comme s’il n’y avait pas de vie ici. Comme s’il n’y en avait jamais eu. Comme si ce navire n’en était pas vraiment un. Pas celui des souvenirs de Maura en tout cas.

Logique. Pouvaient-elles réellement l’être ? Devaient-elles réellement l’être ? Dans ce navire, rien ne semblait avoir de sens. Alors devaient-elles réfléchir logiquement pour essayer de se sortir de là ? Pour essayer de comprendre ce qui était en train de se passer ? Ce qu’il s’était passé ? « Je peux vous assurer, sans craindre de me tromper, que je suis bel et bien réelle. En revanche, je ne comprends pas, tout comme vous, ma présence ici. Qu’il s’agisse d’une simulation, comme vous semblez le croire, ou qu’il s’agisse d’un souvenir, en quelque sorte, de votre passé, je ne comprends pas ce que je fais ici. » Y avait-il seulement une raison à cela ? Elsa s’était peut-être retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment. « Et je ne peux pas non plus expliquer vos vêtements. » Tout cela était vraiment étrange et n’avait aucune logique. « Le capitaine tenait un journal ? Personnel ou de bord ? Peut-être y trouverions-nous des indices ? » S’il n’avait jamais été à bord, les recherches pouvaient être inutiles, mais Elsa savait à quel point un journal pouvait être précieux, regorgeant d’indices et d’informations. « Ou nous devrions peut-être aller dans votre cabine ? Peut-être que vous y trouveriez des indices ? » Elsa ne savait pas si cela était utile, en réalité. Mais elle se disait que Maura pouvait, si elle connaissait sa cabine, remarquer si elle y était déjà venue ou non. Cela pouvait les aider à comprendre s’il s’agissait du véritable bateau ou d’une pâle copie. Cela pouvait les aider, également, à comprendre si elles étaient de retour dans le véritable passé de Maura, ou dans tout autre chose qui ne faisait qu’imiter ce passé.

Dans cette ville qui ne semblait répondre à aucune règle, fallait-il réellement chercher un semblant de logique pour répondre aux questions ou pour se sortir d'une situation comme celle-ci ? Un navire étrangement vide, une inconnue sortie de nulle part, un souvenir d'autrefois, une nouvelle simulation... Les incertitudes et les questions étaient nombreuses, évidemment. Comment pourrait-il en être autrement lorsque l'on avait été transportées dans un endroit, comme par magie, sans la moindre explication ? Maura supposait, naturellement, qu'Elsa pouvait ne pas être réelle, ce qui justifierait, en partie, sa présence sur ce bateau. Evidemment, cette dernière assurait qu'elle existait bel et bien, mais c'était tout à fait ce qu'une hallucination tenterait de lui faire croire, n'est-ce pas ? Alors, la jeune femme préférait ignorer cette partie, même si les traits de son visage devaient dévoiler ses doutes, pour se concentrer sur le reste. « Nous ignorons si votre présence ici à une quelconque importance. Peut-être n'est-ce qu'un hasard ou peut-être sommes-nous censées comprendre pour résoudre l'énigme... » Et ne même pas savoir ça compliquait forcément les choses. Devaient-elles perdre du temps à essayer de comprendre ou non ? Se dirigeraient-elles vers une bonne piste ou se conteraient-elles de perdre du temps, peut-être précieux ?

Maura tentait de résumer les événements, ce qu'elle savait. Elle se trouvait à bord du Kerberos, elle en était certaine. La question était de savoir s'il s'agissait du véritable navire sur lequel elle avait voyagé ou s'il s'agissait d'une réplique, d'une nouvelle simulation, d'une hallucination. Elle portait les vêtements d'autrefois, alors que quelques minutes plus tôt, elle était habillée autrement, était-ce un indice, ça aussi ? Et les passagers, où étaient-ils ? Le capitaine ? « Je... Je ne sais plus. » Hésita-t-elle un instant, cette information, à propos du journal, lui échappant totalement. Ce n'était pas le moment pour que sa mémoire lui fasse défaut, mais elle n'était même pas certaine, en réalité, d'avoir déjà eu connaissance de cette information. Eyk et elle ne s'étaient connus, finalement, que quelques jours et ils n'avaient pas pu tout apprendre l'un de l'autre en si peu de temps - comprendre ce qui se passait, essayer de sauver le navire et ses passagers, comprendre les puits et subir leur passé avaient pas mal occupé leur temps, déjà. « On peut essayer d'en trouver. Il doit y avoir au moins un journal de bord. » Néanmoins, encore fallait-il savoir si le capitaine avait un jour été à bord de ce navire pour qu'un tel journal puisse exister.

Elsa enchaînait les proposions et les idées. Elle était particulièrement motivée par l'idée de quitter cet endroit - et comment le lui reprocher ? Maura ne rêvait que de ça, elle aussi. « J'ai une idée ! » S'exclama Maura à la proposition de la jeune femme d'aller dans sa cabine. Sans attendre, elle se mit donc en marche, se sachant suivie de sa compagne d'aventure. « Dans ma chambre, sous mon lit, il y a une sorte de trappe... » Commença-t-elle à expliquer. « un puits qui mène à un souvenir de notre passé, ailleurs que sur ce bateau. » Et si tous les passagers avaient leur trappe ? Et s'ils l'avaient tous empruntée pour une raison ou une autre ? « Je ne sais pas encore ce que nous ferons, mais vérifions si elle est toujours ici. » Si la trappe était là, que feraient-elles ? L'emprunteraient-elles ? Et est-ce que cela changerait quelque chose pour elles ? Maura n'en avait pas la moindre idée, mais elle préférait voir une chose à la fois. D'abord, découvrir si le puits était toujours là, ensuite discuter de la marche à suivre.

Comment expliquer la présence d’Elsa sur ce bateau ? Elle n’avait aucun lien avec ce dernier. Aucun lien avec Maura, ni avec son passé. Son monde et celui d’Elsa semblaient être deux mondes totalement différents. Alors pourquoi ? Sa présence ici avait-elle seulement la moindre importance ? Ou n’était-elle là que par pur hasard ? Peut-être s’était-elle retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. « Concentrons-nous sur autre chose pour le moment. Nous cherchons une explication à ma présence le moment venu. » Si le moment venait. Pour le moment, elles ne devaient pas perdre de temps à chercher, peut-être inutilement, la réponse à la présence d’Elsa. Le plus important était de savoir où était passé l’équipage, le capitaine. L’important était de trouver comment sortir d’ici.

Maura était celle qui connaissait mieux cet endroit, mais elle semblait tout ignorait sur le pourquoi ce bateau semblait fantôme. Elsa en était à peu près certaine, ce moment était différent des souvenirs de Maura. Mais le capitaine devait tenir un journal. Normalement, tous les capitaines tenaient au moins un journal de bord. Si c’était le cas, alors il fallait le trouver. À l’intérieur, il y avait certainement des informations cruciales. Des informations qui les aideraient à comprendre ce qui s’était passé ici. Des informations qui les aideraient peut-être à quitter ce monde. Mais Maura ne savait plus. Le capitaine avait peut-être un journal personnel, mais la rousse ne savait plus si c’était le cas ou non. Mais elle était d’accord avec Elsa, sur ce bateau, il devait au moins y avoir un journal de bord. « Alors on le cherchera. »

Les idées fusaient, Elsa était visiblement motivée à quitter ce bateau au plus vite. Bien évidemment, elle disait ce qui lui passait par la tête, toutes ses idées n’étaient pas forcément bonnes. Mais au moins, elle donnait des idées, essayait de chercher des solutions. Si le journal n’était pas une excellente piste, elles pouvaient peut-être en tenter une autre. Si Maura avait vécu sur ce bateau plusieurs jours, elle avait forcément une cabine. Et dans cette cabine, la rousse avait peut-être des objets pouvant les aider à comprendre. Ou peut-être que quelqu’un lui avait laissé un mot, une lettre, lui disant ce qu’il s’était passé. « Nous devons aller vérifier. Ce sera peut-être une issue de secours, juste au cas où. Après tout, on ne sait pas ce qui s’est passé sur ce bateau, nous sommes peut-être en danger. » Mieux valait rester prudente et avoir quelques sorties de secours juste au cas où.

Elsa avait alors suivit Maura jusqu’à sa cabine sans discuter. Rapidement, la rousse avait ouvert la porte et avait invité Elsa à entrer. Sans perdre de temps, elles s’étaient toutes les deux dirigées vers le lit et l’avaient tiré afin de voir ce qui se cachait en dessous. « La trappe est toujours là. » Constata-t-elle sans savoir si c’était une bonne ou une mauvaise nouvelle. « Je vous en prie. » Dit-elle alors à Maura, lui faisant signe d’ouvrir cette trappe. Une fois ouverte, Elsa fut surprise de voir qu’un trou était, en effet, creusé. Malgré cela, aucune d’elles ne pouvait déjà affirmer que le passage vers les souvenirs de Maura était toujours là. « Qu’est-ce que … ? » Dit-elle dans un premier temps, surprise par ce qu’elle voyait. « Est-ce qu’on descend ? C’est à vous de décider. » Elsa était mal placée pour prendre cette décision.

La présence de cette femme à bord de ce navire n'avait peut-être aucune espèce d'importance. Peut-être qu'il n'y avait rien à chercher ou à comprendre. Peut-être qu'elle était juste là par hasard ou parce qu'elle se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment ou peut-être s'agissait-il de son destin, tout simplement ? Ces hypothèses n'étaient valables que si cette personne existait vraiment et qu'elle n'était pas une création du cerveau de Maura. Comment le savoir ? Elle était bien placée pour savoir que le faux pouvait paraître incroyablement réel. N'avait-elle pas vécu dans une simulation sans s'en rendre compte ? Elle ne pouvait toujours pas affirmer si les personnes qui se trouvaient avec elle à bord du Kerberos étaient réelles ou non, alors cette inconnue, encore moins.

Néanmoins, trouver une réponse à cette question n'était peut-être pas une priorité - ou peut-être que si, mais comment savoir ? Puisque rien ne pouvait leur indiquer, elles décidèrent de laisser cette question de côté et de se concentrer sur autre chose : comprendre ce qui se passait à bord et trouver un moyen de s'enfuir. Elsa était aussi motivée que Maura. Une chance. Il était donc décidé qu'elles devraient chercher un potentiel journal du capitaine. Avant cela, Maura voulait vérifier quelque chose. Une idée avait surgi de nulle part, mais elle ne lui semblait pas mauvaise - même si elle ne savait pas encore ce qu'elle en ferait. Dans sa cabine, sous son lit, se trouvait une trappe qui la conduisait vers un moment de son passé, ailleurs que sur ce bateau. Et si cette trappe existait toujours ? Et si elle était leur issue de secours ? Comme Elsa le disait si bien, elles ignoraient tout de ce qui s'était passé sur le bateau et peut-être étaient-elles en danger, il fallait donc vérifier.

Sans perdre une seconde, elles s'étaient dirigées vers la cabine de Maura et avait poussé le lit afin de découvrir la trappe qui se trouvait toujours dessous. Bonne ou mauvaise nouvelle, Maura l'ignorait. Au son de la voix d'Elsa, on pouvait deviner qu'elle se faisait la même réflexion. Cette dernière laissait Maura ouvrir la trappe. Après une courte hésitation, elle le fit. Elle fut presque surprise de découvrir que le trou conduisant à son passé était toujours là. Surprise et inquiète. Surprise et terrifiée. Surprise et heureuse. Ses émotions et ses sentiments se mélangeaient, incapables de savoir si c'était une bonne chose ou non. Les mots d'Elsa montraient sa surprise. Il fallait dire que ce n'était pas quelque chose de courant. Mais leur surprise à toutes les deux n'aidait en rien à avancer. Il fallait agir.

Sans répondre quoi que ce soit, la jeune femme avait repris la parole pour la questionner : devaient-elles descendre ? La décision lui revenait puisqu'il s'agissait de son puits, de son bateau, de son souvenir, de sa vie. Evidemment. Maura ne devait pas se tromper et, en même temps, impossible de savoir si c'était le cas ou non. Il n'y avait qu'en faisant les choses qu'elle découvrirait si elle avait pris, ou non, les bonnes décisions. Alors, après un court instant d'hésitation, elle hocha la tête de haut en bas tout en répondant : « Je pense qu'on doit descendre. Peut-être que ça ne nous mènera à rien ou peut-être que c'est une erreur, mais il nous faut bien essayer quelque chose. » Elles ne pouvaient pas rester éternellement sur le bateau à se questionner. « J'y vais la première. » Affirma-t-elle en cherchant l'approbation dans le regard de sa compagne d'aventure, avant de se glisser dans le puits pour attendre Elsa.

Il était difficile de savoir quoi faire dans ce genre de situation. Elsa ne connaissait pas cet endroit, elle n’imaginait même pas ce qui avait pu se passer par le passé. Elle avait l’impression d’être inutile, l’impression d’être de trop. Maura, elle, connaissait cet endroit, elle y avait déjà passé du temps, cet endroit faisait partie de son monde. Alors, bien évidemment, la blonde n’avait pas le choix, elle devait se fier à Maura. Elle devait la suivre aveuglément, elle devait lui faire confiance, elle n’avait pas le choix. Et elle n’aimait pas vraiment ça. La blonde n’était pas du genre à accorder sa confiance rapidement. Il lui fallait du temps, beaucoup de temps. Mais là, elle n’avait pas le choix, si Maura lui disait de descendre dans ce puits, elle allait le faire, sans même savoir si cela était une bonne idée, sans savoir si cela allait les aider, sans savoir si ce n’était pas un piège.

« D’accord. » Répondit-elle alors lorsque Maura se proposa pour passer la première. De toutes façons, elle n’avait pas vraiment le choix. La rousse commença alors à descendre et sans perdre de temps, refusant sans doute de se retrouver seule là-haut, Elsa l’avait suivi. « Et maintenant, on fait quoi ? » Parce qu’il n’y avait rien en bas. Ce n’était qu’un petit espace où les deux femmes ne pouvaient même pas tenir debout. Un infime espace où elles passaient à peine à deux. Et surtout, il y avait quatre murs plein, aucune porte, aucune issue, aucune ouverture. Alors que devaient-elles faire ?

La blonde avait attendu un instant, mais rien ne s’était passé. Rien ne s’ouvrait. « La première fois que vous êtes descendues dans ce puits, y avait-il une ouverture ? Où est-ce que vous êtes apparu dans votre souvenir comme par… magie ? » Devaient-elles remonter ? Attendre ? Avaient-elles oublié de faire quelque chose pour déclencher une potentielle ouverture, une potentielle téléportation ? « Est-ce que ce puits est le seul puits du bateau ? Ou est-ce que d’autres passagers en possèdent un ? » Si les autres en avaient un eux aussi, il fallait les essayer, tous. Peut-être que le puits de Maura était défectueux ?

Ce n'était pas chose aisée que de prendre des décisions dans ce genre de situation parce que personne ne savait vraiment ce qui était en train de se passer. Chaque décision pouvait s'avérer vaine ou alors changer complétement le cours de l'histoire. Impossible de connaître les conséquences à l'avance, malheureusement. Alors comment savoir s'il fallait véritablement descendre ou non dans ce puits ? Impossible de savoir, il fallait simplement tester et voir ce que ça allait donner. Alors, elles descendraient et Maura descendrait la première puisqu'il s'agissait de son monde et, normalement, de son puits.

Maura avait donc pris la tête et était descendue. Une fois en bas, il n'y avait rien. Evidemment. Il n'y avait rien dans ces puits, hormis une ouverture pour rejoindre un autre lieu. Ouverture qui n'était pas là à cet instant précis. Quelle chance ! Maura restait silencieuse, fouillant ses souvenirs à la recherche d'une solution. Il y en avait forcément une, à condition d'être véritablement sur le Kerberos. Le puits était forcément une solution à envisager. D'autant qu'elle n'en avait aucune autre pour le moment. « C'est un insecte. C'est un insecte qui ouvre les portes. » Répondit-elle à son interlocutrice qui l'interrogeait. Elle trouverait peut-être cela étrange, mais ce n'était pas le moment de mentir, aussi étrange puisse paraître la réalité. « Non, il y a d'autres puits, sous d'autres lits, dans d'autres cabines. Le capitaine, par exemple, en a un aussi. » Expliqua-t-elle calmement pour répondre à toutes les questions que cette jeune femme se posait. Il était légitime de s'en poser autant dans ce genre de situations, après tout.

« Je suis certaine que ce puits va s'ouvrir. » souffla-t-elle avec certitude. Elle ne savait pas pourquoi ni comment, mais elle le sentait. Si cet endroit était une simulation, peut-être pouvait-elle l'influencer d'une certaine façon ? Plus encore s'il s'agissait de l'un de ses souvenirs ? Peut-être que si elle pensait suffisamment fort et suffisamment longtemps que cet insecte apparaîtrait pour leur ouvrir, alors ce serait effectivement le cas ? C'était peut-être stupide, mais le cerveau humain était capable de bien des choses avec de la volonté. Et il fallait que ça fonctionne. « Je vous l'avais dit. » Souffla-t-elle après un court instant, lorsque l'insecte en question ouvrit le passage après être apparu de nulle part - ou de descendre de la chambre, mais avec l'obscurité, difficile à dire. « Suivez-moi. » Dit-elle en prenant une grande inspiration avant de s'élancer dans le puits.

Ce puits était peut-être la solution. Il était peut-être leur porte de sortie. Elsa ne savait pas bien comment ce monde fonctionnait. Elle ne savait pas comment certaines personnes pouvaient être envoyées dans des moments de leur passé, dans leur monde, sans que rien ne soit véritablement pareil. Pourquoi est-ce que cette ville s’amusait avec ses habitants ? Pourquoi les forçait-elle à vivre de telles aventures ? Pourquoi les mettaient-elles à l’épreuve ? Y avait-il seulement une raison à tout cela ? Mais à force de vivre ici, à force d’entendre les autres parler, la blonde avait appris une chose, il y avait toujours une solution, une porte de sortie. Il fallait parfois résoudre un problème, d’autres fois, les personnes concernées devaient se contenter d’attendre et de survivre avant que les choses ne rentrent dans l’ordre d’elles-mêmes. C’est pour cela qu’elle avait accepté de suivre Maura. Elle était la seule à pouvoir trouver une solution. Ce bateau, elle y avait vécu un temps, il faisait partie de son passé, de son monde. Elle savait ce qu’il y avait à faire, ce qui était normal ou non, elle savait où pouvait se trouver la fameuse chose à résoudre, à comprendre ou à combattre. Sinon, elle savait sans doute comment les aider à rester en vie jusqu’à ce qu’elles puissent toutes les deux retourner dans ce qui était dans leur vie désormais.

Ce puits était totalement vide et étroit. S’il y avait une entrée, elles l’auraient déjà remarqué, mais il n’y avait rien. Alors que devaient-elles faire précisément ? Trouver le moyen de l’ouvrir ? Attendre ? Ou fouiller d’autres puits -s’il y en avait, mais d’après Maura, il y en avait sous d’autres lits, dans d’autres cabines – dans l’espoir de trouver une issue dans l’un d’eux. « D'accord. » Dit-elle d'un air peu surpris en réalité. Un insecte qui ouvrait des portes. Pourquoi pas après tout. Les mondes de chacun paraissaient si étranges, si différents. Mais lorsque vous vivez dans une ville comme celle dans laquelle vous avez atterri sans raison, plus rien ne peut vraiment vous étonner.

« Alors attendons un peu. » Elsa ne comptait pas s’éterniser ici. Si l’insecte ne se manifestait pas d’ici quelques minutes, les deux femmes allaient devoir trouver une autre solution. Elles n’avaient pas le choix, elles ne pouvaient pas attendre une chose qui n’allait peut-être jamais arriver. Sans s’y attendre, l’insecte venait d’apparaître sous les yeux des deux femmes et en un instant, une porte s’était dessinée sur l’un des murs. « Vous aviez raison. » Et honnêtement, Elsa avait douté d’elle, mais à juste titre.

Maura avait été la première à être entré et Elsa l’avait suivie sans dire un mot, se questionnant intérieurement sur ce qui allait les attendre de l’autre côté. Quelle ne fut pas sa surprise en remarquant qu’elle n’était plus sur un bateau, mais bel et bien sur la terre ferme. « Où sommes-nous ? » Demanda-t-elle dans un premier temps. « C’est quoi ce bâtiment ? » Que représentait-il pour Maura ? Était-il important dans sa vie ? Avait-elle quelque chose à résoudre là-bas ?

Maura n'était certaine de rien. Ce navire n'était peut-être pas tout à fait le même que celui de ses souvenirs. Après tout, il était complètement vide. Les passagers avaient disparu. La mémoire pouvait jouer de sacrés tours et cette ville aussi, alors s'il s'agissait d'une hallucination ou d'une simulation envoyée par cette dernière, basée sur les souvenirs de Maura, on pouvait s'attendre à tout. Absolument tout.

De ce puits, Maura n'était sûre de rien. Elle croyait qu'il allait finir par s'ouvrir, comme par magie. Elle l'espérait. Peut-être parce qu'elle n'avait pas d'autres solutions ? D'autres plans ? Il fallait que ça arrive parce qu'elle en avait besoin, tout simplement. Alors, Maura voulait attendre. Au moins, un peu. Quelques minutes. Et, comme par magie, l'insecte était apparu et avait ouvert cette fameuse porte. Maura était à la fois soulagée et inquiète. Inquiète de voir ce qui se cachait derrière ce puits. Serait-ce la même chose qu'autrefois ? Inquiète de perdre du temps, peut-être. Inquiète de ne pas trouver de solutions.

Sans perdre de temps, Maura était entrée dans ce puits, suivie d'Elsa. Au bout de quelques secondes, Maura avait mis les pieds sur la terre ferme, respirant le bon air de l'extérieur. Comme prévu, elles n'étaient plus sur le bateau. La jeune femme observait les alentours avec attention. Tout était comme autrefois, comme dans ses souvenirs flous. Absorbée par ce qu'elle voyait, elle ne répondit pas à la première question d'Elsa, mais elle fut ramenée à la réalité par la deuxième. Ce bâtiment... Il était tellement de choses et, en même temps, elle ne savait plus très bien. « L'hôpital psychiatrique de mon père. » Répondit-elle simplement, sans plus de détails, notamment sur le fait d'y avoir été, peut-être, enfermée. Non, ces événements de sa vie, elle préférait les garder pour elle. D'autant plus qu'elle n'était certaine de rien. « Allons-y. » Dit-elle simplement en se dirigeant vers ce grand bâtiment dans le plus grand des silences.

Si Elsa trouvait que le monde dans lequel elle vivait depuis quelques années maintenant était étrange, elle trouvait que celui-ci l’était encore plus. Après s’être retrouvée sur un bateau fantôme au beau milieu de l’océan, elle s’était retrouvée à descendre dans un puits se trouvant sous un lit, à attendre qu’un mystérieux insecte vienne leur ouvrir la porte. Et pour finir, en passant par un petit passage – celui qui s’était ouvert dans le puits – elle s’était retrouvé sur la terre ferme, face à un bâtiment qu’elle n’avait encore jamais vu, mais qui, si elle avait bien compris, appartenait au passé de Maura, un passé s’étant déroulé avant qu’elle ne monte à bord de ce bateau. Face à tout cela, Elsa se posait de nombreuses questions, mais les deux questions principales étaient de savoir où elles étaient et quel était ce bâtiment. Elsa préférait savoir si, oui ou non, un certain danger les attendait à l’intérieur. Maura avait ignoré la première question. Elle semblait absorbée par ses pensées et Elsa n’avait pas voulu insister, parce que le plus important était peut-être qu’elle lui dise ce qu’était ce bâtiment. Et cette fois-ci, Maura lui donna une réponse : l’hôpital psychiatrique de son père. Que faisaient-elles là ? S’était-il passé quelque chose de particulier ici ? Sans doute. Sinon, pourquoi auraient-elles étaient envoyées ici ? En réalité, Elsa n’en savait rien. Elle ne savait même pas s’il y avait une certaine logique à tout cela.

Sans rien ajouter de plus quant à l’endroit et ne laissant pas le temps à Elsa de se questionner davantage, Maura avait signalé qu’elles devaient y aller et avait commencé à avancer. Le chemin s’était fait dans le plus grand des silences. Elsa n’était pas une grande bavarde, alors ça ne l’avait pas dérangé. Elle s’était contenté d’observer les alentours, préférant rester sur ses gardes, à l’affût du moindre danger.

Après un court instant de marche, les deux femmes s’étaient retrouvées face à la porte d’entrée. Elsa ne se questionna pas sur est-ce qu’elles devaient entrer ou non, elles n’avaient sans doute pas le choix, elles devaient entrer, sinon, elles n’auraient pas été envoyées ici. Une fois la porte poussée, Elsa était entrée à l’intérieur. Tout semblait si calme, si vide… une fois encore. Dans un hôpital, il y devait y avoir du monde où était le personnel par exemple ? « Est-ce que c’est comme ça d’habitude ? » Demanda-t-elle à Maura qui devait connaître cet endroit puisqu’il appartenait à son père. Peut-être que cet endroit était abandonné depuis longtemps. Peut-être l’était-il déjà dans le monde de Maura ? Où était-ce encore un de ces effets étranges ? « Que devons-nous faire d’après-vous ? » Est-ce qu’il y avait une personne en particulier à trouver ici ? Une pièce ? Un objet ? Quelque chose d’important pour Maura ? Une raison au pourquoi elles étaient ici ?

Maura n'était pas heureuse de se retrouver dans cet endroit. Ses souvenirs étaient incomplets, fragmentés et flous, mais le frisson qui la parcourait lorsqu'elle posait les yeux sur ce bâtiment était sans équivoque. Cet endroit n'était pas une bonne chose pour Maura, il lui évoquait des souvenirs mauvais et douloureux, des souvenirs difficiles. Sa mémoire refusait de fonctionner correctement - un comble pour quelqu'un qui faisait des recherches sur le fonctionnement du cerveau et de la mémoire - mais elle avait de vagues souvenirs et des flashs. Rien de joyeux, malheureusement. Pourtant, même si cet endroit lui faisait froid dans le dos, elle se dirigeait vers lui d'un pas décidé, prête à affronter les cauchemars qui s'y cachaient, parce qu'il était question de survie, peut-être. Il était inutile de reculer, les choses ne disparaîtraient pas pour autant. Il fallait affronter ses peurs et ses cauchemars pour espérer quitter cet endroit - ou détruire une énième simulation, comment le savoir ?

Le chemin fut court. Rapide. Trop. Maura avait espéré avoir quelques secondes supplémentaires de répits. Tant pis. La jeune femme poussa la porte et passa la première, avant d'attendre qu'Elsa la rejoigne. Sans grand étonnement, tout était vide et calme. Les lieux étaient comme abandonnés depuis une éternité. Etait-ce comme ça, dans la réalité ? Pas dans la simulation, mais dans la réalité ? Elle ne s'en souvenait plus du tout. Elle regrettait parfois ces trous de mémoire, mais elle ne pouvait rien y faire, alors elle ignorait ses regrets et elle continuait à regarder droit devant elle pour avancer vers l'avenir. « Dans ce puits, cet endroit a toujours été ainsi. » Dans la réalité, elle n'en savait plus rien du tout - ou peut-être qu'elle s'en était souvenue un jour, mais qu'elle avait oublié lors de son arrivée dans cette mystérieuse ville - mais dans son puits, elle n'avait jamais vu l'hôpital autrement qu'ainsi. « Vide, silencieux et abandonné, si c'est le sens de votre question. » Précisa-t-elle. Peut-être qu'Elsa parlait de tout autre chose ? Alors, dans le doute, elle précisait de ce qui était identique, à ses yeux.

Que devaient-elles faire désormais ? C'était une excellente question, mais, malheureusement, Maura n'avait pas la réponse. « Je l'ignore. » Répondit-elle en toute franchise. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle était censée faire dans cet endroit, cette fois-ci. Devait-elle vaincre une peur ? Trouver une réponse ? Peut-être même que cet endroit ne leur apporterait rien et ne leur permettrait pas de sortir. Après tout, elles avançaient à l'aveugle et rien ne leur indiquait si elles avaient pris, ou non, le bon chemin. Peut-être étaient-elles en train de perdre un temps précieux ? Peut-être devraient-elles faire demi-tour d'ici peu ? « Essayons d'éviter mon père, dans un premier temps. » Parce qu'elle savait qu'il ne l'accueillerait pas les bras grands ouverts. Elle épargnait les détails à Elsa, qui se montrerait peut-être curieuse sur le pourquoi, mais elle préférait lui faire comprendre qu'elles pouvaient tomber sur quelqu'un d'autre à n'importe quel moment et qu'il était préférable de ne pas s'attendre à recevoir de l'aide de ce quelque d'autre.

Si elles ne devaient pas tomber sur le père, Maura tentait tout de même d'apporter un semblant de réponse à sa question. Une hypothèse, tout du moins, puisqu'elle ne savait vraiment pas ce qu'elles étaient censées faire dans cet hôpital de son passé - ou plutôt celui de la simulation, en l'occurrence. « Et... Il y a une salle où je me revois enfermée de force... » Dans ses rêves parfois, cette salle la hantait. Son père était là. On l'attachait. On la forçait à revivre la même chose. A recommencer. Encore et encore. C'était une véritable torture pour celle qui supposait avoir été enfermée dans cet hôpital à un moment ou un autre de sa vie - mais elle ne pouvait ni l'affirmer, ni dire pourquoi puisque ses souvenirs restaient vraiment très flous. Cette information, une fois encore, éveillerait peut-être la curiosité de la jeune femme qui l'accompagnait et peut-être aurait-elle dû se contenter de parler d'une salle en particulier, sans évoquer le pourquoi elles devaient la chercher, mais elle préférait se montrer aussi transparente que possible. Mentir, dans leur situation, ne leur apporterait sans doute rien de bon. « Essayons de trouver cette salle, peut-être y découvrirons-nous des indices ? » Proposa-t-elle simplement, sans grande conviction. « Mes souvenirs sont flous, je ne sais plus où elle se trouve précisément. » Expliqua-t-elle avec davantage de détails sur le pourquoi elles ne s'y rendaient pas directement.

Il fallait entrer dans ce bâtiment. Leur porte de sortie se trouvait peut-être là-bas. Elsa l’espérait, elle espérait ne pas avoir besoin de faire demi-tour pour fouiller plus encore le bateau fantôme dans lequel elle s’était réveillée plus tôt. Ici, tout était calme, vide, sans vie. En réalité, rien n’était vraiment différent du premier lieu. Était-ce habituel ? Ou est-ce que, comme pour le bateau, toutes les personnes qui devaient s’y trouver avaient disparu ? D’après Maura, dans ce puits, cet endroit avait toujours été comme il l’était maintenant. Il était toujours aussi silencieux, vide et abandonné. Au moins, ça, ça n’avait pas changé, mais ça n’avait rien de plus rassurant. « C’est bien de cela que je parlais. » Dit-elle pour répondre à la question de Maura. Tout en parlant, la blonde observait les alentours. Cet endroit n’était pas très accueillant, il ne donnait pas envie d’être visité, mais Elsa savait qu’elles ne pouvaient pas attendre ici, les deux femmes devaient avancer, fouiller et trouver la solution. Pour cela, elle questionna Maura qui devait avoir plus de connaissances qu’elle sur cet endroit. Elle était la seule à être déjà venue – comme pour le bateau – elle était donc la seule à pouvoir savoir ce qu’elles devaient faire. Peut-être pouvait-elle, au moins, émettre des hypothèses. Seulement Maura disait l’ignorer.

Puisqu’elle ne savait pas ce qu’elles devaient faire, Elsa avait commencé à avancer, prête à explorer cet endroit, mais Maura avait rapidement repris la parole pour prévenir Elsa, elles devaient éviter de croire son père. Pourquoi ? Était-il dangereux ? Lui voulait-il du mal à elle ? Leur feraient-ils du mal à toutes les deux si jamais elles le croisaient ? Elsa se posait des tas de questions, des questions légitimes et auxquelles elle avait le droit de recevoir des réponses, puisqu’elle se retrouvait piégée ici, à devoir éviter un homme qu’elle ne connaissait pas. Pourtant, la blonde ne voulait pas se montrer trop curieuse, trop intrusive. Si elles venaient à le croiser, si les choses devenaient plus sérieuse encore, alors Elsa lui poserait tout de même ces quelques questions, en attendant, elle pouvait faire sans.

Ne pas tomber sur le père de Maura, c’était un point important, mais cela ne les aidait pas à trouver ce qu’elles devaient faire. Mais la jeune femme semblait s’être souvenue d’un détail important. Il existait une salle où elle avait déjà été enfermée de force à l’intérieur. Pourquoi ? Une fois de plus, Elsa ignorait la réponse et une fois de plus, elle ne posa pas la question. Peut-être qu’elles devaient retrouver cette salle ? Peut-être que Maura devait y accomplir quelque chose ? Ou peut-être qu’elles devaient y trouver quelque chose ? Toutes les pensées d’Elsa étaient faites d’incertitude, mais comment être certaine de quoi que ce soit dans ce genre de moment ? « D’accord. » Maura pensait comme elle, elles devaient s’y rendre, des indices se trouvaient peut-être là-bas. « Je vois... » Maura n’était, finalement, pas d’une grande aide. Elle ne savait que peu de choses, était incertaine et avait, visiblement, oublié une grande partie de son histoire. « Nous allons chercher et trouver cette pièce. » Dit-elle en tentant de rassurer la jeune femme, sans trop savoir comment faire avec les inconnus. Fouiller cet endroit ne l’effrayait pas, elle était prête à affronter le danger. « Avançons. » Dit-elle avant de commencer à s’avancer un peu plus dans le bâtiment. « Avez-vous un indice visuel sur la pièce ? Un détail sur la porte peut-être ? » N’importe quoi pouvant les aider à différencier sa porte des autres dizaines de portes présentes dans ce bâtiment.

Maura ressentait un long et désagréable frisson parcourir tout son corps. Cet endroit lui donnait la chair de poule. Elle ne s'y sentait pas bien parce qu'il lui rappelait des événements difficiles, des cauchemars, sans être capable, pourtant, de mettre des mots tout à fait précis sur ces événements en question. Ce dont elle était certaine, en revanche, c'était qu'elle ne devait pas tomber sur son père. Dans ses cauchemars, il était responsable de ce qui lui arrivait. Ça, c'était une évidence à ses yeux. En revanche, elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle devait faire pour réussir à quitter cet endroit. Elle proposait alors quelque chose, sans la moindre certitude que cela puisse servir ou les aider. Mais il fallait bien essayer, non ? Il fallait tenter des choses, faire ses preuves, montrer que l'on voulait réussir pour réussir.

Alors, il fallait trouver cette salle. Celle de ses cauchemars. Celle qui l'effrayait tant. Celle où elle se retrouvait enfermée de force, par son père. Ce n'était peut-être pas une bonne idée d'aller dans la salle de ses cauchemars, mais... Elle n'avait pas mieux, comme idée. Peut-être devait-elle affronter sa peur, son cauchemar, découvrir des indices ? Elles verraient bien. De toute façon, fallait-il encore que les deux femmes trouvent cette pièce. Maura n'en avait pas gardé de souvenir. Tout était flou. Alors, peut-être allaient-elles tourner en rond pendant des heures - et Maura l'espérait presque, dans le fond.

Elsa essayait d'être rassurante, persuadée qu'elles trouveraient. Maura ne savait même pas si elle en avait réellement envie, mais elle ne le partageait pas. Alors, sans perdre plus de temps, elles s'étaient mise en route. « Non. » Répondit-elle dans un souffle. « Je suis désolée, mes souvenirs sont très... flous. Je ne me souviens pas de... » tout et encore moins des détails. Ça, c'est ce qu'elle s'apprêtait à dire. Pourtant, ces mots n'étaient pas sortis. Et si ces mots n'étaient pas sortis, c'était parce que cette porte, elle l'avait reconnue. Elle s'était stoppée. Elle ne bougeait plus. Elle ne parlait plus. Son coeur battait beaucoup plus vite. Ses angoisses remontaient. « C'est ici. » Murmura-t-elle simplement, sans bouger et sans jeter le moindre coup d'oeil à Elsa, trop apeurée par ce qui pouvait se cacher derrière cette porte.

Cet endroit n’avait rien de rassurant. Bien au contraire. Il dégageait quelque chose d’angoissant, une chose qui donnait envie de ne pas rester. Une chose qui donnait envie à Elsa de vite trouver ce qu’il fallait faire pour sortir. Seulement, Maura ne savait pas ce qu’elles faisaient ici. Cet endroit, elle l’avait vu dans ses souvenirs, seulement, ces derniers étaient flous. Tout ce dont elle se souvenait, c’était de son père, elle se souvenait qu’elle ne voulait pas le voir. Alors leur but premier était de fouiller cet endroit à la recherche du moindre indice, mais surtout, elles devaient faire attention. Attention de ne pas croiser le chemin de cet homme qui semblait si monstrueux aux yeux de sa propre fille.

Maura se souvenait d’une pièce. Une pièce particulière qui se trouvait ici. Habituellement, son père s’y trouvait, il fallait donc espérer que ce ne soit pas le cas cette fois-ci, parce que cette pièce semblait être l’endroit où les deux femmes devaient se rendre. Seulement, Maura ne savait pas comment la trouver. Elle ne savait pas à quoi ressembler la porte, ne savait pas où était la pièce et ne savait pas comment s’y rendre. Fouiller cet endroit aller leur prendre des heures. Et plus elles y resteraient, plus elles risquaient de tomber nez à nez avec le père de Maura. Fort heureusement, la pièce en question n’était pas loin des deux femmes et après un court instant de recherche, Maura l’avait trouvé. Elsa l’avait supposé lorsqu’elle s’était stoppée au beau milieu d’une phrase et que ses yeux étaient restés figés sur une porte. Finalement, elle semblait l’avoir reconnue. C’était ici. Maura avec donc bien trouver la pièce qui se trouvait dans ses souvenirs.

Les secondes passèrent et Maura ne bougeait pas. Elle semblait incapable de faire le moindre pas. Incapable de faire le moindre mouvement en vérité. Ce qui se trouvait derrière cette pièce semblait la terrifier. Elsa comprenait. Certaines choses pouvaient être vraiment terrifiantes, des pouvoirs, des personnes, des souvenirs… Elsa avait déjà connu ce genre de peur, celles qui pouvaient paralyser. Alors sans un mot, elle avait fini par s’avancer et ouvrir la porte que Maura regardait depuis de longues secondes. La blonde jeta un œil rapide à l’intérieur, s’assurant qu’il n’y avait aucun danger apparent. « Vous pouvez entrer. Rassurez-vous, il n’y a rien ici. » Rien d’autre que ce siège au beau milieu de la pièce. En tout cas, son père n’était pas là. Peut-être n’était-il pas ici tout simplement. Peut-être avait-il disparu, comme tous les passagers du navire.

Cette pièce était là. Celle que Maura cherchait autant qu'elle redoutait. Elle redoutait surtout d'y voir son père. Celui qu'elle craignait plus que tout parce qu'elle restait persuadée qu'il l'avait coincée dans une simulation qui se répétait en boucle, sans que jamais elle ne puisse en sortir - la ville, pour elle, était une simulation. Ses souvenirs étaient très flous et elle ne se souvenait pas de ses derniers instants avant d'arriver dans cette ville. Ses craintes étaient donc parfaitement justifiées.

En apercevant cette porte, Maura s'était stoppée. Nette. Elle l'observait. Elle n'avançait plus. Elle n'esquissait pas le moindre pas en direction de cette porte qu'elle avait pourtant cherchée. Elle était paralysée. Par la peur. Celle de revoir cet endroit, mais aussi celle de découvrir, derrière cette porte, son père.

Elsa l'avait certainement compris. Alors, elle fit le premier pas. Elle s'avança et jeta un coup d'oeil à l'intérieur de la pièce. Le coeur de Maura battait à tout rompre, tant elle craignait ce qui allait se passer. Alors, à l'instant où Elsa lui avait dit qu'il n'y avait rien ni personne, elle s'était sentie rassurée. Elle avait soufflé de soulagement. Puis, très lentement et prudemment - comme si son pire cauchemar allait apparaître sous ses yeux en un claquement de doigts - elle s'était avancée.

Maura restait silencieuse. Elle avançait. Entrait. Observait. Ses yeux se posaient un peu partout jusqu'à croiser cette chaise au milieu de la pièce. C'était effrayant parce que ça lui rappelait des choses horribles, des souvenirs douloureux. Pourtant, elle s'avançait vers cette dernière. Et si la réponse à tout ceci se trouvait là ? Si le but de tout ceci était d'affronter ses cauchemars et ses peurs ? Si Elsa était là pour l'y inciter ?

Du bout des doigts, Maura avait effleuré le dossier de la chaise, puis la table juste à côté. Ses doigts s'étaient posés sur la boite en bois qui y était posée. Elle avait longuement hésité puis elle avait fini par soulever le couvercle. A l'intérieur, il y avait ce sérum. Celui qu'elle voyait dans ses cauchemars, celui que son père lui injectait de force. « Dans mes cauchemars, mon père me maintient sur cette chaise et il m'injecte ce sérum de force. » Pourquoi se confier à une inconnue ? Dans l'espoir, peut-être, d'obtenir une réponse, une solution. Dans l'espoir d'avoir son point de vue, ses idées, face à cette situation. « Et si, cette fois-ci, je devais prendre la décision moi-même ? Celle de me l'injecter ? » Sans qu'on ne l'y oblige, même si elle n'avait plus aucun souvenir des effets que ce sérum pouvait avoir ?