(terminé) Le démon du sommeil ▿ Sabrina

« Tu vois que je suis capable de le faire sans tomber ? » Lança Sophie, fière d'elle, à Sabrina, alors qu'elle s'amusait à sauter du canapé au fauteuil et du fauteuil au canapé, en boucle, depuis une minute, deux verres à la main. Elle ne savait plus très bien comment tout avait commencé, mais elle savait qu'elle voulait prouver à son amie qu'elle n'était pas que maladresse et qu'elle était capable de faire quelques acrobaties sans tomber, même avec deux verres dans les mains. Une fois aurait suffi, sans doute, mais Sophie voulait toujours en faire plus et elle avait donc recommencé son petit saut à plusieurs reprises. Si elle ne l'avait fait qu'une fois, il aurait été possible de parler d'un coup de chance. Plus maintenant, plus après tant d'essais fructueux. « Alors maintenant, raconte-moi une de tes histoires ! » Elle avait rempli sa part du marché - prouver qu'elle était capable de faire le pitre sans tomber - à Sabrina de remplir la sienne.

Encore debout sur le fauteuil, Sophie s'apprêtait à sauter une dernière fois sur le canapé, pour s'installer aux côtés de Sabrina quand, sans comprendre comment, elle s'était retrouvée par terre. Les deux verres s'étaient évidemment renversés sur elle - mais heureusement, ils n'étaient pas cassés - et elle était, en plus de tout, trempée. « C'est toi qui as fait ça ! » Pesta Sophie, en colère, sans avoir de preuves de ce qu'elle avançait. Mais pourquoi serait-elle tombée, elle qui y arrivait si bien, si Sabrina n'était pas intervenue avec sa magie ? « Tu as utilisé tes pouvoirs pour éloigner le canapé du fauteuil ! » S'agaça-t-elle en se relevant, posant les deux verres, au passage, sur la table basse.

Agacée d'avoir finalement perdu - surtout à la dernière minute - la jeune femme s'était laissée tomber sur le canapé, les bras croisés, la mine boudeuse. « Je n'ai plus envie de t'entendre. » Sophie était de mauvaise humeur parce qu'elle avait eu tort et parce qu'elle avait perdu et, comme toujours, elle ne s'en cachait pas. Elle refusait, par conséquent, d'écouter son amie, même si c'était elle qui avait tant insisté pour entendre l'une de ses histoires. A la place, pour montrer son mécontentement, la jeune femme s'était penchée pour attraper un livre qui traînait sur la table basse, espérant lui faire comprendre qu'elle préférait l'histoire de ce livre à celles qu'elle pouvait lui raconter.

Ignorant royalement la sorcière, Sophie s'était mise à feuilleter le livre. L'une après l'autre, elle tournait les pages, ponctuant ses lectures de soupirs ennuyés. Elle n'avait pas envie de lire, elle avait simplement envie de montrer à Sabrina qu'elle se moquait bien d'elle et de ses histoires. Après un énième soupir et un clignement d'yeux, Sophie sentit l'ambiance changer. Ça avait été soudain. Brutal. La rousse ne comprenait pas immédiatement ce qui se passait. Il lui avait fallu quelques secondes pour remarquer qu'elle ne se trouvait plus dans son salon, mais dans un salon qu'elle ne connaissait pas. A ses côtés, Sabrina était toujours là. Dans la pièce à côté, Sophie entendait des voix. Plusieurs voix. Des voix inconnues. Un regard paniqué vers Sabrina, Sophie tentait de comprendre ce qui était en train de se passer. « C'est encore un de tes tours ? » S'agaça Sophie, de mauvaise humeur. « Ça ne me fait plus rire Sabrina, je veux rentrer chez moi, maintenant ! » Elle ne lui laissait pas le temps de répondre. Elle voulait simplement rentrer chez elle parce qu'elle sentait une angoisse grandissante naître en elle. Il y avait une atmosphère étrange. Particulière. Angoissante. Elle voulait échapper à cet endroit. Le fuir. « Tu t'es bien amusée ? Parfait ! Maintenant, je veux rentrer ! » Autoritaire, comme elle savait l'être parfois lorsqu'elle se montrait capricieuse, Sophie exigeait que Sabrina cesse sa petite plaisanterie, sans attendre. Ce n'était pas tant de l'avoir amenée dans un autre lieu qui posait problème à Sophie, c'était l'ambiance qu'il y avait dans ce lieu. Sophie ne se sentait pas en sécurité. Elle voulait rentrer chez elle. « S'il te plaît Sabrina, j'ai... un mauvais pressentiment. » Son amie allait, sans doute, encore se moquer d'elle, mais qu'importe. Sophie avait réellement la sensation que quelque chose de mauvais allait se produire et elle voulait donc fuir cet endroit le plus rapidement possible.

« Je te l’accorde. » Alors elle était donc capable de ne pas être maladroite. Sabrina devait bien l’avouer, elle était assez impressionnée. Sophie se débrouillait plutôt bien. « C’est d’accord. » Après tout, c’était le marché. Si Sophie réussissait à passer du fauteuil au canapé en sautant avec un verre dans chaque main, sans tomber, ni faire tomber les verres, alors Sabrina devait raconter l’une de ses histoires. La sorcière n’avait plus qu’à attendre que son amie cesse ces pitreries et vienne s’asseoir sagement pour écouter l’histoire que Sabrina avait à raconter.

La rousse aurait dû s’arrêter plus tôt. Elle aurait dû se stopper avant de chuter comme elle venait de le faire. Le contenu des deux verres s’était renversé sur Sophie, qui se retrouvait toute trempée. Mais Sabrina devait lui accorder une chose, les verres ne s’étaient pas brisés. En voyant son amie dans cet état, la sorcière ne put s’empêcher de rire. « Non, Sophie, je peux te jurer que je n’y suis pour rien. » Tenta-t-elle de dire entre deux rires. Sophie était bien évidemment en colère, mais elle ne pouvait que s’en vouloir. « Absolument pas Sophie. Tu es de mauvaise foi. Regarde le canapé est toujours à la même place. » Sabrina riait toujours, amusait par la chute de son amie, mais aussi par sa fidèle mauvaise foi.

Sophie se jeta alors sur le canapé l’air boudeur. Ajoutant qu’elle n’avait plus envie d’entendre l’histoire de Sabrina. « En même temps, tu as perdu. Donc, logiquement, je ne dois pas te raconter d’histoire. » Et puis Sophie se punissait elle-même. C’était elle qui insistait depuis le début pour que Sabrina lui raconte quelque chose. « D’accord, maintenant, tu m’ignores. Très bien, je vais faire quelque chose de plus intéressant alors. » Si Sophie voulait faire mine d’avoir trouvé plus intéressant à faire, Sabrina pouvait faire de même. Mais Sabrina n’avait pas eu le temps de faire quoi que ce soit, puisqu’elle ne se trouvait plus au même endroit. Les deux femmes n’étaient plus dans le salon de Sophie, mais Sabrina ne pris pas le temps d’observer les lieux. Dans la pièce d’à côté, des bruits se faisaient entendre. « Je n’y suis pour rien Sophie. » Sabrina avait quitté l’air amusé qu’elle avait depuis le début, pour laisser place à un air bien plus inquiet et remplis d’incompréhension. « J’ai un mauvais pressentiment moi aussi. » Un sentiment de déjà vu, une peur qui l’avait soudainement envahie. Sabrina savait qu’elle ne devait pas rester là, parce qu’elle savait que le pire l’attendait devant cette porte. La sorcière attrapa alors les mains de son amie. « Lanuae Magicae. » La blonde avait répété ces mots à plusieurs reprises sans succès. « Je n’arrive pas à nous téléporter. J’ai l’impression que mes pouvoirs ne fonctionnent pas ici. » Sabrina jeta un rapide coup d’œil aux alentours. Et il ne lui fallut qu’une seconde pour reconnaître les lieux. Elle était de retour chez elle. Au beau milieu du salon. « Les tantines ? Ambrose ? » Sabrina se retourna, cherchant du regard sa famille, les siens. Pensant soudainement que les voix derrière cette porte étaient peut-être celles des siens. « Sophie, je crois que je suis rentrée chez moi. Suis-moi, il faut qu’on aille dans cette autre pièce. Je pense que mes tantines et Ambrose sont derrière cette porte. »

La sorcière prétendait n'avoir rien fait pour que Sophie tombe alors qu'elle était en train de faire sa dernière pitrerie avant de venir s'installer aux côtés de son amie. Évidemment, Sophie n'en croyait rien. Sabrina riait. Elle se moquait, bien sûr. Et, pire encore, elle persistait dans son mensonge en jurant qu'elle n'était pour rien dans la chute de Sophie ! Elle n'avait pas pu tomber la dernière fois, comme par hasard. « Oh parce que tu crois que je peux le remarquer si le canapé a légèrement bougé ? » Siffla-t-elle, agacée d'entendre Sabrina rire de sa chute. « Alors si tu n'as pas bougé le canapé, tu as utilisé tes pouvoirs pour m'empêcher de réussir, voilà tout. » Boudeuse et vexée, la jeune femme s'était installée aux côtés de Sabrina, trempée, et avait attrapé un livre pour s'y intéresser, refusant désormais d'écouter l'histoire de Sabrina, qui continuait de se moquer d'elle. Sophie n'était pas de mauvaise foi, simplement elle ne concevait pas l'idée d'avoir pu tomber alors qu'elle avait si bien réussi auparavant.

Sophie avait envie de rétorquer que non, elle n'avait pas perdu, mais elle se taisait, préférant ignorer son amie et se concentrer sur son livre. Alors, face au comportement de Sophie, la sorcière décidait de s'occuper autrement, elle aussi. Aussitôt alors, l'ambiance avait changé et le décor également. Qu'avait-elle fait ? Évidemment, d'après Sophie, Sabrina était forcément responsable de ce petit tour de magie et ça ne l'amusait pas du tout. Une fois encore, Sabrina s'évertuait à mentir encore et encore, promettant qu'elle n'y était pour rien. Sauf que ce comportement n'amusait plus du tout Sophie qui, non seulement, exigeait de rentrer chez elle et qui, en plus de tout, avait un mauvais pressentiment. Un frisson l'avait parcourue dès que Sabrina avait partagé cette même impression. Dans quoi venaient-elles de tomber, encore une fois ?

Sans le moindre mot, Sabrina avait attrapé les mains de Sophie et avait prononcé deux mots qui étaient censés les ramener chez elles. Rien ne se passait. Sabrina avait beau répéter les mêmes mots, encore et encore, il ne se passait jamais rien. « Tu veux dire que nous sommes coincées ici ? » Paniquait la rousse en s'imaginant devoir s'adapter à un nouveau monde, loin de tout ce qu'elle avait appris à connaître et loin de sa famille - mais pas seule, puisqu'heureusement, elle avait Sabrina avec elle. Elle ne pouvait pas revivre ça encore une fois. Elle ne pouvait plus perdre Jean, Paul, Camille ou Madeleine. Elle avait bien trop besoin d'eux.

Sabrina jeta alors un coup d'oeil autour d'elle et elle semblait reconnaître cet endroit puisqu'elle se mit soudainement à appeler ses tantes et son cousin. Elle semblait un peu moins paniquée. Elle connaissait visiblement cet endroit et les voix derrière la porte ne semblaient pas - ou plus - l'inquiéter autant qu'au début. La sorcière lui avait alors donné quelques explications. Elle pensait être rentrée chez elle et elle voulait désormais que Sophie la suive dans l'autre pièce puisqu'elle supposait que les voix étaient celles de sa famille. Aussitôt, la main de Sophie avait attrapé le bras de Sabrina pour la stopper dans un quelconque mouvement. « Non ! » Avait soufflé Sophie, ne lâchant plus sa prise. « C'est hors de question ! C'est impossible ! Si tu es chez toi, pourquoi je suis là, moi ? » Elle refusait d'avoir quitté cet autre monde pour se retrouver dans celui de Sabrina plutôt que dans le sien. « Sabrina, n'oublie pas ton mauvais pressentiment. Et le mien. » Sophie, pour une fois, se montrait plus que raisonnable et raisonnée. Elle réfléchissait parce que tout son corps était en alerte et lui indiquait qu'il y avait quelque chose d'anormal. « S'il te plaît Sabrina, j'ai peur. » Peur de découvrir la réalité derrière cette porte. Peur d'être confrontée à un cauchemar. Peur de comprendre qu'elles étaient bel et bien chez Sabrina et qu'elle, elle ne retournerait jamais chez elle.

La sorcière se contenta de hausser les épaules pour répondre à son amie. Cette situation l’amusait et elle préférait laisser Sophie s’emporter comme elle savait si bien le faire. La rousse n’assumait pas sa défaite, alors elle se devait de remettre la faute sur Sabrina et sa magie. De toute façon, discuter avec elle n’avait aucune utilité, puisqu’elle ne comptait pas assumer être tombée seule, alors autant ne rien faire et entrer dans le jeu de Sophie en faisant mine de s’en ficher, faisant mine d’ignorer son amie.

Les deux amies n’eurent pas le temps de discuter plus, puisque l’ambiance avait soudainement changé. Les deux femmes ne se trouvaient plus dans le même endroit, et pire encore, elles n’arrivaient plus à en sortir. La magie de Sabrina, en tout cas, n’avait pas aidé à les faire retourner chez Sophie. « Je ne sais pas. » Peut-être qu’il y avait une autre solution. Un autre moyen de fuir, les deux devaient simplement trouver lequel. Mais était-ce finalement si important ? En observant les alentours, Sabrina avait reconnu l’endroit. Sa maison. Son ancienne maison. Là où elle avait grandi avec ses tantines et Ambrose. En voyant cela, elle n’avait plus aucune envie de partir. Elle était enfin de retour chez elle. Et les voix qu’elles entendaient derrière la porte, c’était sans doute ses proches, ses tantes, Ambrose, ses amis… qu’importe, ils étaient sans doute là. Il n’y avait plus qu’une porte entre eux. Elle allait enfin pouvoir les retrouver, les serrer contre elle. Elle allait pouvoir voir leur visage, entendre leur voix… Elle devait franchir cette porte. Il était hors de question de ne pas les retrouver. « J’en sais rien Sophie. Une erreur peut-être. » La blonde fit un pas en avant, avant d’être arrêté par les paroles de Sophie. « Ce n’est qu’un pressentiment Sophie. Tu n’as pas à avoir peur. Tu n’as rien à craindre ici. » Sabrina avait cet air désolé sur le visage, parce qu’elle comprenait les craintes de son amie, mais n’en avait que faire. Elle comptait bien franchir cette porte. Elle n’allait pas se fier à un pressentiment, surtout quand il était question de retrouver les siens. « Je suis désolée, parce que je ne peux pas rester là sans rien faire. Ma famille se trouve sans doute derrière cette porte. Tu me vois attendre ici et ne pas y aller ? C’est impossible Sophie. Je dois les retrouver. » Sabrina comprenait les craintes de son amie. Mais elle était obnubilé par cette idée. Certaine que les siens étaient là. Plus rien ne pouvait la faire changer d’avis. Plus rien ne pouvait la retenir.

Sans prendre la peine d’écouter plus les craintes de son amie, la blonde s’était approchée de cette porte, ne faisant même pas attention à Sophie. Ignorant si elle l’avait suivi ou non. En franchissant la porte, la tenue de Sabrina avait changé, laissant place à la robe de mariage de sa mère, celle qu’elle avait porté le jour de son baptême obscur. Et en levant les yeux, elle vit une personne, une personne qu’elle ne pensait jamais pouvoir revoir : son père. Il était là, face à elle, lui tendant un bouquet de fleurs et lui offrant son bras. La blonde ne comprenait pas ce qui était en train de se passer, elle ne savait pas s’il s’agissait vraiment de son vrai monde, mais elle s’en fichait. Son père était là et au loin, elle apercevait tous ses proches. Si ce monde n’était pas le sien, elle était prête à accepter de vivre ici, pour être auprès d’eux. « Papa ! » La voix pleine de joie, les yeux emplies de larmes, la brune s’était précipité vers son père l’enlaçant sans perdre plus de temps. Il était là, il était réel, rien ne pouvait être mauvais ici. Ce monde lui offrait plus qu’elle ne pouvait l’espérer. « Tu vois Sophie, il n’y avait aucune raison de t’inquiéter. » Dit-elle en se tournant vers Sophie, avant de regarder de nouveau son père, avec ce regard plein de joie.

Si Sabrina ne ressentait plus que la joie d'avoir retrouvé son foyer et, peut-être, sa famille, Sophie ressentait la peur liée à son mauvais pressentiment. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose n'était pas normal. Si Sabrina était réellement chez elle, pourquoi Sophie était ici, elle aussi ? Une erreur, elle n'y croyait pas une seule seconde. Chaque action de cette ville avait un sens, une signification, une raison. Pas toujours simple à deviner, mais elle existait toujours. Submergée par le bonheur, la sorcière n'était plus capable de réfléchir correctement. Alors, Sophie tentait de l'arrêter, mais elle n'avait pas d'arguments, simplement un mauvais pressentiment et sa peur. Ces choses ne semblaient pas suffire à stopper Sabrina, malheureusement. Cette dernière minimisait le mauvais sentiment de Sophie et jurant qu'elle n'avait pas à avoir peur, qu'elle était désolée, mais qu'elle ne pouvait décidément pas rester là, à ne rien faire, quand sa famille se trouvait peut-être derrière cette porte. Sophie la comprenait, bien sûr, mais elle aurait préféré réfléchir avant d'agir. « Je t'en prie Sabrina, attends juste une seconde. » Mais rien n'y faisait, Sabrina était déjà en train de se diriger vers cette porte. Sophie la suivait et avait même tenté de la rattraper, en vain. La main de Sophie n'eut pas le temps de la stopper que, déjà, elle ouvrait la porte qui la séparait peut-être du reste de sa famille.

Si Sophie avait remarqué le changement de tenue de son amie, elle ne s'en était même pas étonnée - trop préoccupée par ses craintes, évidemment. Devant Sabrina, un homme se tenait debout. Il lui tendait un bouquet de fleurs et son bras. Sophie, toujours derrière, observait la scène, effrayée, sans que personne ne fasse réellement attention à elle. Que se passait-il ? Pourquoi ne lui expliquait-on jamais rien ? Le mot que prononça Sabrina fit sortir Sophie de ses pensées. Son père ? Il ne ressemblait en rien à l'homme qu'elle lui avait présenté un soir d'halloween.

Tandis que la sorcière enlaçait cet homme, Sophie observait la foule autour d'elles. Il n'y avait là, pour elle, que des visages inconnus et effrayants. Et alors qu'elle les observait, pendant un court instant, son amie s'était tournée vers elle pour lui souffler qu'il n'y avait vraiment eu aucune raison de s'inquiéter. Sophie leva les yeux au ciel un instant avant d'attraper brutalement le bras de Sabrina pour la tirer en arrière, vers elle et l'éloigner de cet homme. « Ça, ce n'est pas ton père Sabrina ! J'ignore ce qui est en train de se passer, mais je connais ton père et ce n'est pas lui. Souviens-toi de la fête d'Halloween. » Expliquait-elle au cas où la mémoire de son amie était défaillante à cause de cet endroit. Sophie ignorait toute l'histoire compliquée de Sabrina et donc elle ignorait qu'il s'agissait réellement de son père, évidemment, mais elle sentait, dans tous les cas, que rien n'était réel. « Sabrina, écoute-moi. Regarde autour de toi ! Je t'en prie ! » Implora la jeune femme. « Ce n'est pas réel, j'en suis certaine. » Non, elle n'était certaine de rien, elle n'écoutait que son instinct. « Je n'ai aucune explication, mais nous devons partir d'ici. » Sophie ne pouvait pas rester là. Elle n'était pas chez elle, elle ne connaissait ni ces gens ni cet endroit et elle refusait de perdre son mari ou sa famille, une fois encore. Puis, et surtout, tout lui semblait tellement faux comme une sorte de mauvaise comédie qui se jouait autour d'elle et ça l'inquiétait énormément parce qu'il y avait forcément un but derrière ce jeu et elle ne voulait pas le découvrir.

Sabrina ne pouvait attendre. Elle était de retour chez elle. Dans son monde. Auprès de sa famille. Il n’y avait plus que cette porte entre elle et eux. Alors elle était désolée pour Sophie et son mauvais pressentiment, mais elle n’allait rien y faire. Elle allait écouter son cœur et ouvrir cette porte pour retrouver les siens. Sabrina avait toujours agi ainsi, avec le cœur et non la tête. Ce qui lui avait souvent causé des ennuis, mais Sabrina ne retenait jamais de leçon de ses erreurs. Son cœur était et serait toujours plus fort que sa raison.

Une fois la porte poussée, Sabrina avait aperçu son père qui semblait attendre sa venue. Sabrina était tellement heureuse de le retrouver qu’elle ne remarquait aucun des étranges détails de cette scène. Son changement de tenue ne la préoccupait pas, alors qu’elle portait désormais la robe de mariée de sa mère. Et puis cette scène, cet instant, elle l’avait déjà vu, lors de son cauchemar, celui provoquait par Batibath. Mais la sorcière n’avait rien remarqué. Trop distraite par son père, par l’envie de revoir les siens.

Alors que la blonde observait son père, se persuadant qu’il était bel et bien là, Sophie l’attrapa par le bras pour la tirer vers l’arrière. « Mon histoire est bien plus compliquée, Sophie. C’est bien mon père. Il est revenu. » La blonde s’apprêtait à retourner aux côtés de son père, mais Sophie n’avait visiblement pas terminé de parler. La jeune femme faisait de nouveau part de ses inquiétudes à Sabrina. Et la sorcière s’apprêtait à la rassurer une fois encore, mais elle fut stoppée à cause de ce qu’elle venait de voir. Harvey. Qu’est-ce qu’il faisait là ? Pourquoi est-ce qu’il était en tenue de mariage ? Pourquoi est-ce que tout ressemblait à un mariage, les vêtements, les décors, l’ambiance ? L’air enjoué de Sabrina avait rapidement disparu, laissant désormais place à l’inquiétude. « J’arrive. » Souffla-t-elle à Sophie avant de rejoindre son père à nouveau. « Papa, pourquoi est-ce qu’il y a Harvey ? » Son père était silencieux et continuait d’avancer. Avant d’entrer dans la pièce où tout le monde se trouvait, la sorcière força son père à s’arrêter souhaitant obtenir des informations avant d’aller où que ce soit, comprenant peu à peu ce qui était en train de se passer. « Pourquoi est-ce qu’il y a Harvey au bout du chemin ? Qui se marie ? » Sabrina avait pris un ton plus froid et sec. Et son père lui avait répondu avec une voix douce et un large sourire qu’il s’agissait de son mariage. De son mariage avec Harvey. Elle n’était même plus avec lui. C’était absurde. Brutalement, les souvenirs de son cauchemar avec Batibath lui étaient revenus, comme pour lui faire comprendre qu’en effet, cette scène n’avait rien de normal. « Je suis désolée, Sophie. Tu avais raison, on aurait jamais dû pousser cette porte. Va te cacher, s’il te plaît. » Sabrina ne savait pas ce qui les attendait, mais la dernière fois, elle avait vécu un véritable supplice. Cette fois-ci, les choses étaient légèrement différentes, peut-être que tout allait se dérouler autrement, mais par précaution, elle préférait mettre Sophie à l’abri. Mais avant que la rousse ne puisse faire quoi que ce soit, le père de la sorcière était venu attraper le bras de sa fille, lui disant qu’elle était attendu, et de l’autre bras, il avait attrapé Sophie, ajoutant qu’elle était la bienvenue. Sabrina avait essayé de se défaire, mais son père semblait doté d’une force surhumaine, la serrant assez fort pour qu’elle ne puisse s’échapper. La blonde lança un regard à Sophie, avant de lui dire, télépathiquement, qu’elle était désolée une fois encore. Le père de Sabrina lâcha Sophie avant de lui indiquer un siège, comme si elle était attendue à ce mariage, alors qu’elle n’était même pas de ce monde. Puis il ramena Sabrina jusqu’à Harvey. Sabrina venait de se conduire dans un piège et avait entraîné Sophie avec elle.

Sabrina était terriblement têtue. Trop. Pire encore que Sophie dans ses pires moments. La sorcière refusait d'entendre les mises en garde de son amie, elle refusait d'être, au moins, prudente. Non, elle ne voyait que la joie d'avoir retrouvé sa famille. La joie d'être chez elle, parmi les siens. Sophie la comprenait, dans le fond, elle n'était pas insensible et elle imaginait sans difficulté le bonheur de son amie. Néanmoins, rien n'était réel. Sophie ne pouvait en attester, évidemment, mais elle avait ce mauvais pressentiment et cette impression que tout n'était qu'une sorte de pièce de théâtre où chacun jouait un rôle.

Sophie tentait vainement de la ramener à la réalité. Elle tentait de lui faire comprendre que rien n'était réel ou, qu'en tout cas, quelque chose n'allait pas. Ce père n'était pas celui qu'elle connaissait, cette robe ressemblait étrangement à une robe de mariée et l'ambiance était étrange, angoissante, presque. « Alors, raconte-moi ! Il est revenu ? Revenu d'où, Sabrina ? » Il était mort, certainement, alors comment pouvait-il être là, pour l'attendre, l'accueillir ? Non, rien ne faisait sens. « Et pourquoi tu portes cette robe ? Comment tu expliques qu'ils t'attendaient alors que tu n'étais même plus de ce monde ? » Tentait désespérément Sophie, mais déjà son amie était partie rejoindre son père avec un j'arrive pour toute explication. Néanmoins, cette fois-ci, Sophie avait cru lire une sorte d'inquiétude sur le visage de Sabrina. L'euphorie semblait retomber peu à peu. Sabrina reprenait conscience de la réalité et de ce qui était en train de se passer, Sophie en était certaine - ou elle voulait l'être pour se rassurer.

Sabrina questionnait son père à propos de détails dérangeants, mais il ne répondait rien. Elle le força donc à se stopper pour répéter ses questions et, ainsi, obtenir des réponses. Enfin, ce dernier lui offrit une réponse : Sabrina s'apprêtait à se marier avec cet Harvey. Aussitôt, l'attitude de Sabrina changea et elle se tourna vers Sophie pour lui souffler qu'elle était désolée, qu'elle avait raison - comme bien souvent, mais personne ne l'écoutait jamais - et elle lui demandait d'aller se cacher. Sophie se sentit soudainement prise d'une violente angoisse. Se cacher ? Où ça ? Elle ne connaissait pas cette maison et la maison était pleine de monde. Puis, elle n'allait pas pouvoir se cacher indéfiniment. Qu'allait-elle faire si Sabrina avait des problèmes ?

Sophie n'avait pas eu le temps de prendre la moindre décision que le père de Sabrina lui avait empoigné le bras afin de l'obliger à les suivre. Contrairement à la sorcière, la jeune femme ne se débattit pas. Elle savait que c'était inutile et elle préférait qu'on ne se méfie pas d'elle, si elle se montrait douce et obéissante. Par télépathie, la sorcière s'excusait, une fois encore. Sophie, tout en s'installant bien sagement sur le siège qu'on lui avait indiqué, lui répondit que ce n'était rien et qu'elles allaient s'en sortir. Toute la question était de savoir de quoi elles devaient se sortir, en revanche.

Sophie observait les gens autour d'elle : elle ne connaissait, évidemment, personne. Tous semblaient porter de faux sourires sur les lèvres, tous semblaient jouer une jolie comédie où chacun avait sa place, son rôle. Personne ne semblait s'étonner de sa présence, comme si elle avait toujours appartenu à cet univers. Univers qui pouvait lui être hostile de bien des façons. Combien des sorciers étaient là, autour d'elle ? Elle n'avait aucune chance de s'en sortir si les choses tournaient mal. « Que se passe-t-il, Sabrina ? » Souffla-t-elle, en pensée afin de se préparer à ce qui allait se passer et à ce qu'elle allait devoir potentiellement faire.

Sabrina était tellement heureuse de retrouver son père en vie. Tellement heureuse de savoir que toute sa famille, que tous ses amis étaient là. Tellement, qu’elle était aveuglée par tant de joie. Une joie qui l’empêchait de voir tous les détails étranges qui auraient dû l’alerter et lui dire de fuir le plus loin et le plus vite possible. Mais comment lui en vouloir ? Contrairement à ce qu’elle montrait, la sorcière n’avait pas toujours été heureuse. Sa famille lui manquait terriblement depuis qu’elle était arrivée dans cet autre monde et elle vivait très mal leur absence. Alors forcément, elle agissait avec son cœur et non sa tête. Et à côté, il y avait cette pauvre Sophie. Détachée, sentimentalement, de toutes les personnes qui se trouvaient ici, elle avait remarqué tout ce qui n’allait pas. Sabrina lui avait dit que son père était revenu, alors bien évidemment, elle lui demandait d’où est-ce qu’il revenait. La rousse avait sans doute compris qu’il revenait d’entre les morts et Sabrina ne lui confirma même pas puisque son amie avait enchaîné avec d’autres questions. Pourquoi est-ce qu’elle portait cette robe ? Bonne question. Très bonne question même. Sabrina n’avait pas encore remarqué ce changement vestimentaire. Pourquoi portait-elle la robe de mariée de sa mère ? Là, elle mettait le doigt sur quelque chose d’intéressant. En revanche, lorsqu’elle évoquait le fait que son père était en train de l’attendre alors qu’il ne savait même pas qu’elle allait arriver, Sabrina pouvait trouver mille raisons. Après tout, ils étaient sorciers, peut-être que son arrivée avait été provoqué, peut-être avait-elle était annoncée… Mais la question de la robe de mariée avait intrigué Sabrina, qui s’empressa d’aller questionner son père, qui bien évidemment restait silencieux. La sorcière l’avait forcé à s’arrêter pour le questionner encore sur ce mariage, sur la présence d’Harvey… Pourquoi devait-elle se marier avec lui ? Elle ne l’aimait plus. Il n’était plus qu’un ami pour elle. Celui qu’elle aimait, c’était Nicholas. Il était hors de question de se marier avec son ex petit ami.

Tout était plus clair dans l’esprit de Sabrina. Ce cauchemar, celui qui avait été provoqué par Batibath, il était en train de se reproduire, à quelques détails prés. Par télépathie, Sabrina avait demandé son amie d’aller se cacher. Elle refusait de la mettre en danger par sa faute, pas de cette façon. Mais avant que la rousse ne puisse faire quoi que ce soit, le père de Sabrina avait attrapé le bras de Sophie, avant de dire qu’elle était conviée au mariage. La blonde s’était alors excusée auprès de son amie. Elle était désolée de l’avoir mise dans cette situation.

Edward lâcha Sophie près d’un siège, le seul siège vide de la salle, comme si la rousse était elle aussi attendue. Puis il apporta Sabrina auprès d’Harvey. La sorcière était tant inquiète que mal à l’aise. Tout était tellement faux. Tous jouaient un rôle. « C’est une sorte de piège Sophie. Toutes ces personnes jouent la comédie, ils me veulent du mal... » Sabrina n’eut pas le temps de terminer, puisque l’on s’adressait à elle. Son ‘’mariage’’ avec Harvey venait de commencer. Sabrina n’avait pas eu le temps de tout dire, pourtant le reste aussi avait de l’importance.

Depuis que Sabrina était entrée dans la vie de Sophie, cette dernière était chamboulée de toute part. Il ne se passait plus grand-chose qui ne soit pas lié indirectement à son amie. La magie était désormais partout autour d'elle - pour quelqu'un qui n'y connaissait rien avant d'arriver dans ce monde, c'était parfois assez compliqué à comprendre et supporter. Sabrina n'était pas toujours responsable directement de ce qui se passait - comme à cet instant, elle était autant la victime que Sophie - mais, bien souvent, tout était lié à la sorcière, d'une façon ou d'une autre. Ici, elles étaient chez Sabrina. Ici, elles revivaient un moment passé ou un moment qui aurait pu se passer ou elle ne savait quoi, mais qui avait un lien avec Sabrina. Une Sabrina si heureuse de retrouver les siens qu'elle n'écoutait pas les mises en garde de Sophie et qui s'aventurait dangereusement vers un énorme problème.

Evidemment, Sophie n'avait aucune certitude, aucune preuve. Elle n'avait rien d'autre que des suppositions, des impressions, des pressentiments. Sabrina ne se préoccupait d'aucun d'eux. Elle laissait sa joie parler. Enfin jusqu'à comprendre que quelque chose n'était pas normal. Enfin, la sorcière se réveillait et réfléchissait plutôt que de se laisser porter par ses émotions. Malheureusement, elle le faisait trop tard. Bien trop tard. Son père l'entraînait vers ce qui ressemblait à une cérémonie et Sophie était contrainte de les suivre. Cette dernière n'avait opposé aucune résistance pour paraître totalement inoffensive - ce qu'elle était, d'ailleurs, que pouvait-elle faire contre une salle remplie de sorciers ?

Sabrina s'excusait de l'avoir mêlée à une telle situation. Sophie ne lui en voulait pas vraiment. Elle était en colère, un peu, mais elle comprenait. Son désir d'être rentrée et de retrouver les siens avait été plus fort que tout le reste. Puisque les deux femmes étaient séparées, l'une assise sur une chaise, l'autre partie se marier, elles communiquaient via la télépathie de Sabrina - une chose formidable que la jeune femme avait découvert et qu'elle adorait utiliser. Cette fois-ci, l'utiliser était plus une nécessité vitale qu'un jeu. Sophie cherchait à comprendre ce qui était en train de se passer et elle interrogeait donc son amie. Amie qui ne lui en avait pas appris beaucoup plus - si ce n'était que c'était un piège et que ces gens lui voulaient du mal, ce que Sophie avait déjà compris depuis de longues minutes - puisqu'un mariage était en train de commencer. Vraiment ? Ils étaient en train de la marier ? Pourquoi ? Qu'était-ce que ce piège exactement ? « Que dois-je faire ? » Paniquait Sophie qui ne comprenait pas de quel genre de piège il s'agissait.

« Arrêtez ! » Se mit-elle à crier en se redressant - elle aurait pu attendre la fameuse question de celui qui s'opposait à cette union, mais elle n'avait pas le temps de plaisanter et surtout, elle avait agi sans réfléchir une seule seconde. Puisque Sophie n'avait pas réfléchi, elle se retrouvait là, debout, avec tous les regards tournés vers elle. D'accord, là, elle paniquait clairement. Après un moment de silence, la jeune femme avait repris, hésitante. « J'ignore à quel petit jeu vous êtes en train de jouer, mais laissez-la tranquille. » Sophie essayait de se montrer autoritaire, mais nul doute qu'elle n'impressionnait personne. « Sabrina, tu es la sorcière la plus puissante que je connaisse... » Et la seule aussi, ça aidait. « Et... J'ignore ce que ces personnes te veulent... » Cette fois-ci, elle s'adressait à Sabrina et ignorait toutes les personnes autour d'elles - étaient-elles seulement réelles ? « fais leur comprendre que nous devons partir. » Parce que dans l'esprit de Sophie, d'un coup de baguette magique - façon de parler, Sabrina, pour le plus grand malheur de Sophie, n'en possédait pas - Sabrina pouvait réveiller ses gens ou leur faire comprendre la vérité et, alors, enfin, elles pourraient trouver un moyen de rentrer dans leur nouveau chez-elles, celui où elles vivaient depuis presque quatre ans.

Sabrina aurait dû comprendre dès le départ que quelque chose n’allait pas. Cet instant était tellement improbable. Elle aurait tout de suite dû deviner que cela n’avait rien de réel. Mais le bonheur de l’instant avait fait qu’elle ne remarque rien. Ou plutôt cela avait fait qu’elle ne veuille rien remarquer. Mais à cause de son inaction, elle se retrouvait coincée, avec Sophie, dans un endroit qui ressemblait étrangement à celui de son rêve avec Batibat. Sans oublier que le contexte était le même, à quelques détails près. Peut-être aurait-elle dû écouter Sophie, pour une fois. Maintenant, elle ne savait pas comment prendre la fuite. Sans oublier qu’elle n’était plus seule dans cette histoire, puisque Sophie était, très certainement, en danger elle aussi.

La panique commençait à envahir Sabrina qui ne savait pas comment agir. Elle préférait taire sa magie, car en cas d’échec, toutes les personnes présentes ici, découvriraient son secret. Et la première fois, c’est qui avait causé sa sentence. C’est parce qu’ils savaient qu’elle était une sorcière qu’elle s’était retrouvée à devoir endurer une terrible souffrance.

Lorsque Sophie lui demanda ce qu’elle devait faire, Sabrina ne prit pas le temps de lui répondre. Ce n’était pas qu’elle ne voulait pas, mais son esprit était trop absorbé par ce qui était en train de se passer. Et pourtant, elle aurait dû se reconcentrer sur son amie un instant. Juste le temps de répondre à sa question. Au moins, elle n’aurait pas eu à sortir la seule phrase qu’elle ne devait pas dire. Bien évidemment, elle avait cru bien faire. En disant qu’elle était une sorcière, elle l’encourageait et essayait peut-être d’effrayer l’assemblée. Mais tout le contraire se passa. Le regard d’Harvey avait soudainement changé. Tout comme l’ambiance. Cette fois-ci, Blackwood n’avait pas eu le temps de prononcer cette fameuse phrase. Et le père et le frère d’Harvey n’avaient pas eu le temps d’interrompre la cérémonie. Les phrases d’Harvey différaient légèrement elles aussi, il n’accusait pas Sabrina de lui avoir avoué son secret, mais il reprochait à Sabrina de l’avoir avoué à Sophie. Ajoutant, encore, que si elle n’avait rien dit, il n’y aurait eu aucun problème. Et tout en prononçant ces mots, les mains de celui qui fut autrefois son petit ami, s’étaient resserrées autour de la gorge de Sabrina. Et les humains eux, pendant ce temps, criaient qu’elle était une sorcière et la famille d’Harvey, elle, ordonnait sa mort. Les proches de Sabrina, quant à eux, restaient impassibles, comme s’ils se fichaient du sort de la sorcière. En sachant ce qui l’attendait, la blonde avait jetée un dernier regard à son amie, avant de lui dire une nouvelle fois qu’elle était désolée.

La situation était en train d'échapper aux deux femmes. Elles se retrouvaient piégées, dans un décor que Sophie ne connaissait pas, et elles ignoraient tout de ce qui était en train de se passer - enfin, Sophie, en tout cas, Sabrina semblait comprendre peu à peu les choses, mais ne lui disait rien. Leur discussion silencieuse s'était stoppée. Sabrina ne lui avait pas répondu. Désespérée, prise par la panique, affolée, Sophie s'était levée pour mettre fin à cette mascarade. Elle avait crié de tout arrêter, elle avait supplié Sabrina d'agir, elle avait menacé les invités en rappelant à quelle puissante sorcière ils avaient affaire. Ils ne pouvaient pas la forcer à faire ça.

Après les mots de Sophie, les choses s'accélèrent, mais pas de la bonne manière pour elles. Les invités, le futur marié, tous changèrent d'expression. Sophie comprenait quelle erreur terrible elle venait de faire, mais comment aurait-elle pu se douter que tous ces gens, des amis, de la famille, des proches de Sabrina ignoraient tout de sa véritable nature ? Harvey reprochait à Sabrina d'avoir avoué sa véritable nature à Sophie. Mais pourquoi ? Ils ne se connaissaient même pas, qu'est-ce que cela pouvait-il bien changer pour lui ? Sophie sursauta à l'instant où elle vit les mains de cet homme étrangler son amie. Elle restait là, figée, sur place, incapable de réagir. Et que pouvait-elle faire contre une foule en colère ? Les gens hurlaient, réclamaient la mort de Sabrina. Sophie pleurait silencieusement, paniquait. Elle ne pouvait pas laisser une telle chose se produire, même si le regard de Sabrina semblait vouloir tout dire.

Sophie s'était alors précipitée vers la famille de Sabrina - ceux qu'elle supposait être sa famille, après les descriptions que Sabrina en avait fait et parce qu'ils étaient les seuls à ne pas réclamer sa mort, mais juste à observer silencieusement la terrible scène. « Aidez-la, je vous en supplie ! Vous ne pouvez pas la laisser mourir, elle vous aime. Pitié, aidez-la ! » Tentait de convaincre Sophie, en vain. Malgré ses mots et ses pleurs, ils ne réagissaient pas. « Réagissez ! Faites quelque chose. » Criait-elle, toujours en vain. Alors, puisqu'ils ne bougeaient pas, Sophie, sans réfléchir, avait voulu se précipiter vers Sabrina, avant d'être retenue par la foule, qui l'empêchait de s'approcher. « Utilise tes pouvoirs pour le repousser, Sabrina. Libère-toi et va te mettre à l'abri. » Le nom du pouvoir que Sabrina possédait - la télékinésie - ne lui revenait pas, mais elle le connaissait pour avoir vu Sabrina s'en servir à plusieurs reprises. Il fallait qu'elle s'en serve pour repousser cet Harvey et se libérer de sa prise. Sophie refusait de voir la sorcière mourir aujourd'hui et elle refusait de mourir avec elle. Elles rentreraient dans leur nouveau chez elles, en vie et en pleine santé. Il le fallait.

Sabrina n’arrivait plus à réfléchir comme elle le devait. Son cauchemar était en train de recommencer. Sauf que cette fois-ci, elle risquait vraiment d’y laisser la vie. Les humains de la pièce hurlaient, réclamant la mort de la sorcière. Harvey, lui, avait déposé ses mains autour de son cou, serrant de plus en plus fort, l’emmenant vers son objet de torture. Rien qu’à y penser, Sabrina avait encore l’impression de sentir les piques lui rentrer dans la peau. Elle ne voulait pas revivre cela. Mais personne n’avait l’intention de l’aider. Sa famille ne bougeait pas, elle observait la scène sans même tenter de la sauver. La première fois, ils avaient agi de la même façon. La seule personne qui essayait de l’aider, c’était Sophie. Et c’était aussi à cause de ses paroles que la blonde se retrouvait dans cette situation. C’était elle qui avait dit devant toute cette assemblée qu’elle était une sorcière. Harvey, cette fois-ci, ne semblait pas être au courant. Sabrina ne lui en avait sans doute jamais parlé. C’est pour cela qu’il lui avait reproché d’en avoir parlé à Sophie. Si la sorcière avait gardé le silence, Sophie n’aurait jamais su et donc, elle n’aurait jamais pu trahir son secret. Mais Sabrina n’y était pour rien. Sophie avait appris qu’elle était une sorcière lorsqu’elle s’était retrouvée toutes les deux, en plus d’Arthur, bloquées dans un supermarché à cause d’un tremblement de terre. Sabrina, avec ses pouvoirs, avait pu les sortir de là, alors, oui, elle avait trahi son secret. Mais elle n’avait jamais regretté. Avec Sophie, elle était libre, elle pouvait parler magie, utiliser ses pouvoirs, avoir des objets occultes… C’était beaucoup mieux ainsi. Bien évidemment, la rousse ne savait pas tout d’elle, mais elle en savait déjà beaucoup. Et même si cela lui coûtait la vie aujourd’hui, elle ne pouvait en vouloir à son amie. En prononçant ces mots, elle ne pouvait pas savoir que Sabrina se retrouvait dans une telle situation. Elle avait simplement voulu l’aider. Et comment deviner qu’ils n’étaient pas au courant. Comment deviner qu’ils iraient jusqu’à tenter de lui ôter la vie parce qu’elle était une sorcière ?

Sophie cherchait de l’aide auprès de la famille de Sabrina. Elle les suppliait, leur criait de lui venir en aide, mais personne ne bougeait. Ils étaient tous là, immobile, impassible, à observer la scène. Ils ne réagissaient même pas alors que leur fille, leur nièce, leur cousine, leur camarade, leur amie était sur le point de se faire tuer sous leurs yeux. Sophie pouvait hurler, ça ne changeait rien. Rien du tout. Alors la rousse avait lâché l’affaire. Elle avait tenté de rejoindre Sabrina. Elle voulait sans doute l’aider à se défaire de l’emprise d’Harvey, mais la foule l’en avait empêché. Sabrina n’arrivait pas à se défaire elle-même de l’emprise d’Harvey. Elle observait Sophie, elle la voyait essayer de l’aider du mieux qu’elle pouvait. Sabrina était désolée pour elle. La sorcière avait compris qu’avec toute cette foule, elle n’arriverait pas à s’en sortir. Elle allait laisser Sophie seule avec eux tous, mais elle était humaine, elle avait une chance de s’en sortir vivante. Sabrina l’espérait en tout cas. Télépathiquement, la sorcière s’était excusée auprès de son amie. Elle s’excusait de ne pas l’avoir écouté. Elle s’excusait de l’avoir entraîné ici. Elle s’excusait de la laisser seule ici, avec toute cette foule en colère.

Mais Sophie savait comment redonner de l’espoir à Sabrina. Elle savait comment lui redonner confiance et comment la forcer à se reconcentrer pour s’en sortir. Sabrina était une sorcière, si elle n’avait pas la force de se libérer, elle pouvait utiliser ses pouvoirs pour se libérer. Et elle devait faire vite, puisqu’elle n’était plus qu’à quelques pas de cet objet qui lui avait causé tant de douleur autrefois. Les yeux de la sorcière s’étaient tournés vers celui qui fut autrefois son petit ami. Après un léger souffle – souffle qui commençait d’ailleurs à lui manquer – elle avait lâché les bras d’Harvey et s’était concentrée pour l’envoyer le plus loin possible. Ça avait fonctionné, Harvey s’était retrouvé plusieurs mètres plus loin. Les bras de Sabrina s’étaient posés sur ses cuisses, elle avait besoin de reprendre son souffle, quelques secondes au moins. Harvey hurlait qu’elle était une sorcière et qu’elle devait mourir, la foule était bien plus énervait que quelques secondes plus tôt, mais au moins, la blonde était libre. Avant de se faire attraper par deux hommes, la sorcière avait pris la fuite, attrapant Sophie au passage. Et sans perdre de temps, elle s’était téléportée avec son amie. Elles n’étaient pas allées bien loin. Seulement à l’étage, dans la chambre de Sabrina, mais c'était déjà mieux que rien. « Ils ne vont pas tarder à nous retrouver. » Sophie le savait sans doute aussi bien qu’elle. Les deux amies devaient trouver un moyen rapide pour se protéger.

Les gens criaient et réclamaient la mise à mort de Sabrina. Sophie paniquait. Que devait-elle faire ? Ou, plutôt, que pouvait-elle faire ? Elle avait l'impression d'être une petite fille impuissante, face à une situation qui la dépassait. Elle avait l'impression d'être cette petite fille qui tirait désespérément sur le bras d'un adulte qui ne prêtait aucune attention à ce qu'elle essayait de dire. Les supplications de Sophie ne changeaient rien, ils restaient tous stoïques, immobiles face à la situation qui se déroulait sous leurs yeux. Harvey étranglait Sabrina et l'entraînait vers une drôle de machine, qu'elle ne connaissait pas. Alors, désespérée, Sophie avait tenté de rejoindre Sabrina, mais la foule l'en avait empêchée. Elle pleurait. Elle avait peur. Non, elle était terrifiée. La crainte de voir ce qui pouvait se passer ensuite l'envahissait et la faisait, tout naturellement, paniquer. Ce mariage n'avait rien d'un mariage. Il ne s'agissait pas d'une belle fête où les musiciens jouaient un joli air et où tout le monde s'impatientait de goûter à la pièce montée - immonde, à l'ananas, ce qui aurait beaucoup amusé Sophie et ce qui l'aurait fait beaucoup se plaindre, comme à son habitude - tout en devant supporter le plat immonde de légumes qui précédait, avant que l'on ne tourne un film - ça se faisait, dans ce monde, paraissait-il - que l'on regarderait tous dans les prochains jours pour se souvenir des moments mémorables de la soirée. Non. Il s'agissait juste d'un énième cauchemar. Ce n'était pas le premier que la ville leur infligeait, et ce n'était certainement pas le dernier, mais Sophie, plus que les autres fois, se sentait impuissante. Peut-être parce qu'elle était entourée de gens hostiles qu'elle ne connaissait pas, là où, en général, elle se retrouvait seule avec une ou deux personnes ?

Sophie se moquait bien des excuses de Sabrina, elle ne lui en voulait pas - ou peut-être un peu de ne pas l'avoir écoutée, mais il y avait plus urgent à régler. Ce voyage vers le passé de Sabrina risquait de les tuer. C'était sur ce point qu'elles devaient se concentrer. Alors Sophie tentait de réfléchir - mais elle n'était ni une sorcière, ni un super-héros, munie d'une cape et de pouvoirs capables de l'aider. Elle ne pouvait pas atteindre Sabrina et personne ne voulait l'aider. Par télépathie, elle incitait donc la sorcière à repousser son petit ami. Elle avait ce pouvoir, Sophie l'avait déjà vu s'en servir. Elle devait prendre la fuite, même si Sophie devait rester coincée ici - pas de manière permanente, espérait-elle, malgré tout, elle comptait bien rentrer chez elle.

Sabrina l'avait écoutée. Elle avait repoussé Harvey - qu'elle avait envoyé loin devant elle - puis, elle s'était donnée une seconde pour retrouver son souffle. La foule hurlait, s'énervait plus encore. Sophie aurait donné n'importe quoi pour obtenir le silence et faire que cette foule disparaisse. Pour échapper à un nouvel assaut, Sabrina s'était échappée, mais elle avait pris le temps d'attraper Sophie au passage - qui était soulagée, elle devait l'avouer. Leur parfaite synchronisation - elles s'élançaient l'une vers l'autre, en même temps - avait permis que personne ne puisse les empêcher de se toucher. Ainsi, en un rien de temps, Sabrina les avait téléportées.

Sophie croyait qu'elles rentreraient, mais elles étaient dans une chambre inconnue - et, au style de la pièce, elle savait qu'elle était dans la chambre de Sabrina, ce qu'elle aurait pu trouver amusant en d'autres circonstances. Cette dernière avait raison, en un rien de temps, ils allaient les retrouver. Elles devaient trouver une solution et des réponses à leurs questions - si seulement c'était une chose possible. Comment faire, néanmoins ? Sophie ne connaissait rien à ce monde. Elle n'avait qu'une envie, se réfugier entre les coussins qui trônaient sur le lit de Sabrina pour oublier ce qui était en train de se passer. Pourquoi la situation n'était-elle pas inversée ? Pourquoi ne s'étaient-elles pas retrouvées dans le monde de Sophie ? Elles auraient pu admirer les beaux paysages qu'offraient la Normandie, s'amuser à trouver, dans de vieux cartables et de vieilles malles, ce que Sophie aimait lorsqu'elle était enfant ou jouait avec les coussins pleins de plumes qui traînaient sur chaque lit pour batailler. Oui, chez elle, elles auraient été en sécurité. Sauf qu'il fallait faire avec la situation actuelle. Sophie réfléchissait donc, pensait à toutes les possibilités qui s'offraient à elles. « Pourquoi réagissent-ils comme ça ? Ta famille, tes amis... Pourquoi ils te font ça ? » Paniquait alors Sophie, qui se posait mille questions. « Tu ne peux pas nous téléporter ailleurs ? On ne peut pas rentrer chez nous ? » Supplia-t-elle, alors, désespérée et apeurée.

Sabrina voulait rentrer chez elle. Elle voulait retrouver les siens, mais pas comme ça. Ce monde n’avait rien à voir avec son vrai monde. Toutes les personnes ici étaient hostiles, dangereuses et ne souhaitaient qu’une seule chose, que l’on exécute la sorcière. Ce moment Sabrina l’avait déjà vécu lors d’un cauchemar provoqué par le démon du sommeil. Elle se souvenait précisément de tout ce qui s’était passé et les choses étaient en train de se reproduire. Sabrina allait de nouveau finir dans cette machine de torture. Mais il y avait une chose qui était différente. Une chose qui n’était pas là la première fois. Sophie était là. Elle était là pour lui donner la force et le courage de se défendre. Sabrina pouvait se libérer de l’emprise d’Harvey. Elle devait essayer. La sorcière avait donc réuni toute la force qui lui restait pour pousser Harvey. Et même si elle n’y croyait pas, elle avait réussi. Elle s’était libérée de l’emprise d’Harvey.

Après une seconde - juste le temps de reprendre son souffle - Sabrina et Sophie étaient de nouveau réunies. Sans perdre de temps, la sorcière avait prononcé la formule leur permettant de se téléporter. Bien évidemment, la blonde avait cru pouvoir rentrer chez elle ou s’éloigner plus que cela. Mais finalement, sa formule les avait conduites dans sa chambre. Tout le monde se trouvait à l’étage du dessous, ils n’étaient qu’à quelques mètres des deux femmes. En quelques minutes seulement, elles seraient retrouvées et cette fois-ci, elles allaient y rester, parce que ces choses allaient les empêcher d’être de nouveau réunies et Sabrina refusait de partir sans son amie. « Ce n’est pas réel. Ce n’est pas vraiment ma famille, ni mes amis qui se trouvent là. Nous ne sommes pas retournés dans mon monde, mais dans mon cauchemar. » Ni sa famille, ni ses amis n’auraient réagit de cette façon face à Sabrina. « Non, je n’y arrive pas. Je ne peux pas, mes pouvoirs sont comme… affaiblis ici. » Elle les possédait toujours, mais ils ne semblaient plus puissants. « La première fois, j’ai réussi à me réveiller et j’ai fini par quitter la maison. Mais nous ne sommes pas en train de dormir. » Alors comment sortir de ce cauchemar ? C’est comme si ce cauchemar était devenu réalité.

Les deux femmes étaient cachées dans la chambre depuis quelques minutes à peine, mais les choses qui ressemblaient à ses amis et à sa famille étaient en train de monter les marches, elles étaient là, plus très loin de la porte. « Vite, ils arrivent, on doit trouver un moyen de se cacher. » Sabrina réfléchissait, mais elle n’avait plus vraiment le temps. « La maison de poupée. » Ça semblait être la meilleure - et la seule - option pour le moment. « Viens Sophie, on doit entrer là-dedans. » Dit-elle en désignant la maison de poupée, celles où elle avait déjà envoyé les enfants Blackwood afin de les protéger. Cette cachette était provisoire, mais elle pouvait leur laisser le temps de réfléchir à un moyen de partir et d’être en sécurité.

Sophie se sentait inutile dans ce genre de situation. Comment pourrait-elle réagir face aux sorciers qui se trouvaient dans cette pièce ou face à cette foule de mortels en colère ? Non, elle ne pouvait rien faire. Alors, elle tentait de donner de la force à Sabrina. Suffisamment de force pour que cette dernière se libère et se défende. Sabrina était puissante. Sabrina avait des pouvoirs. Sabrina était une sorcière. Elle pouvait y arriver. Elle pouvait survivre. Elle pouvait se battre. Sophie voulait y croire plus qu'en n'importe quoi d'autre.

Et Sophie avait eu raison de croire en son amie puisqu'elle avait pu se défaire de la prise qu'avait cet homme sur elle. Miraculeusement, les deux femmes avaient pu se rejoindre et se toucher pour que la sorcière puisse les téléporter ailleurs. Sophie aurait aimé que son amie les emmène loin d'ici, qu'elles retournent chez elles ou, au moins, qu'elles quittent cette maison. Sauf qu'elles se retrouvaient dans la chambre de Sabrina. Les autres n'étaient qu'à quelques mètres. Des mètres qu'ils allaient parcourir en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire et... Qu'adviendrait-il d'elles, cette fois-ci ? Allaient-elles se téléporter indéfiniment ? C'était impossible.

Paniquée, Sophie bombardait son amie de questions. Pourquoi agissaient-ils tous ainsi ? Pourquoi s'en prenaient-ils à elle ? Sabrina ne pouvait-elle pas les conduire plus loin ? Sabrina lui expliquait donc que ce n'était pas réel et qu'il ne s'agissait pas réellement de ses proches. Néanmoins, ce n'était pas cette information qui était la plus perturbante dans le discours de la sorcière. Non, c'était qu'elles étaient dans son cauchemar. Qu'est-ce que cela voulait dire exactement ? Et ses pouvoirs étaient trop affaiblis pour disparaître plus loin. D'accord, donc là, autant dire que Sophie paniquait comme elle n'avait jamais paniqué parce qu'elle ne comprenait absolument rien. « Peut-être que l'on dort et qu'on ne le sait pas, non ? C'est possible ? Et comment je peux être dans ton cauchemar ? Ça n'a aucun sens ! Comment est-ce possible ? » Ces informations dépassaient largement ce que Sophie était capable de supporter et d'apprendre. La magie, elle s'y était faite, mais pas à ce point-là. « Si nous sommes dans un cauchemar, on ne peut pas mourir, n'est-ce pas ? Puisque rien n'est réel ? C'est logique, non ? » Là, elle tentait surtout de se rassurer, mais elle y voyait également une certaine logique. Mourir dans un cauchemar ne signifiait par mourir réellement, alors elles ne risquaient pas grand-chose en réalité, si ?

Le bruit dans les escaliers leur indiquait qu'elles allaient bientôt être rejointes par la famille de Sabrina. Génial, elles n'avaient déjà plus le temps pour élaborer un véritable plan. Sophie essayait de trouver quelque chose, comme le disait Sabrina, mais que pouvait-elle faire ? Elle ne connaissait rien à ce monde ou à cet endroit. Alors qu'elle était en train de paniquer, en sentant le danger s'approcher, Sabrina s'écria pour évoquer la maison de poupées. Quoi, la maison de poupées ? Qu'est-ce que cela voulait dire précisément ? Elle allait questionner son amie, mais elle eut les réponses avant. « Comment veux-tu que l'on entre là-dedans ? » S'exclama-t-elle en observant, incrédule, la maison que son amie désignait. Avait-elle le pouvoir de les faire rétrécir pour qu'elles puissent entrer là-dedans ou devaient-elles simplement toucher cette maison pour y entrer comme par magie ? Autant dire que Sophie était complétement dépassée par les événements et qu'elle n'y comprenait plus rien.

Sophie se questionnait à propo de l’endroit où elles étaient. Sabrina avait bien parlé d’un cauchemar, parce que tout se rapprochait de son cauchemar, pourtant, elles étaient bien dans la réalité. Sabrina le sentait. Elle avait simplement l’impression que son cauchemar était devenu réel. Et si la première fois, l’engin de torture n’avait laissé aucune marque, elle savait que cette fois-ci, il lui aurait été fatal. « Nous ne sommes pas réellement dans mon cauchemar. Pas vraiment. » Dit-elle songeuse. Après une seconde de réflexion, elle reprit alors. « J’ai déjà vécu des situations similaires par le passé. » Avec Sophie, mais cette dernière ne s’en souvenait pas, puisque sa mémoire avait été effacée par la sorcière afin de préserver son secret. « Je suis en train de revivre un événement de mon passé et comme tu étais avec moi quand j’ai été envoyé ici, tu t’es retrouvé là, toi aussi. Mais je t’assure que tout est réel. S’il nous arrive quelque chose ici, il nous arrivera quelque chose pour de vrai. » Sabrina ne prenait aucune pincette pour expliquer les choses à Sophie, mais elles n’avaient pas le temps de discuter de cela. D’abord trop euphorique, puis trop inquiète à l’idée de mourir, Sabrina n’avait pas songé à ce qui était en train de se passer. Elle ne s’était pas dit qu’elle était encore en train de revivre un retour vers le passé. Mais maintenant qu’elle se souvenait, elle savait qu’elles n’avaient plus qu’à attendre.

La foule avait compris où les deux femmes étaient allées se réfugier, alors rapidement, elle s’était dirigée vers la chambre de la jeune femme, prête à terminer ce qu’elle avait commencé. Sabrina avait beau réfléchir, elle ne savait pas où elles pourraient se cacher. La foule était trop proche de la porte pour fuir par là, les fenêtres étaient trop hautes pour sauter et elle ne pouvait pas compter sur sa magie pour sceller la porte ou pour les téléporter ailleurs, puisque cette dernière semblait être étrangement affaiblie ici. La seule solution était de se téléporter à l’intérieur de la maison de poupée. C’était leur seule chance, mais il fallait espérer que Sabrina est assez de pouvoirs pour les téléporter toutes les deux.

« Une formule nous fera rétrécir et entrer à l’intérieur. » Dit-elle simplement en ne prenant pas le temps de lui expliquer plus de choses, parce qu’elles manquaient tout simplement de temps. « Mais il faut qu’on cache la maison de poupée, il faut la mettre en sécurité pour ne pas qu’ils nous trouvent. » Sabrina ne savait pas s’ils allaient penser à chercher là, elle ne savait même pas s’ils pouvaient les faire sortir de cette petite maison, mais elle ne voulait prendre aucun risque. « Dans le placard. » Dit-elle à Sophie, lui indiquant le placard en question du doigt. Pendant ce temps, la blonde s’était occupée de barricader la porte, sans magie, histoire de ralentir un peu la foule, afin de leur laisser le temps de se cacher. « Donne-moi tes mains. » Il fallait garder le contact pour ne pas être séparée et pour être certaine que tout se passe bien, surtout que la magie de Sabrina était faible.

Après une courte formule, les deux femmes s’étaient bel et bien retrouvées à l’intérieur de la maison. « Ça a marché. » Lâcha Sabrina, l’air joyeux, heureuse d’avoir réussi, parce qu’une seconde plus tard, elles auraient été démasquées par les personnes qui venaient de forcer la porte de la chambre. « Bienvenue dans ma maison de poupée Sophie. » Dit-elle alors à son amie, un léger sourire aux lèvres. « Et maintenant, il faut aller dans la chambre d’Ambrose. » En espérant que tout y soit, y compris les répliques des livres qui se trouvaient vraiment dans sa chambre.

Sophie ne comprenait rien. Les explications de Sabrina l'embrouillaient plus qu'elles ne l'aidaient. Avec ses maigres moyens et ses insignifiantes connaissances, elle essayait d'émettre des hypothèses et de déduire des choses logiques. Mais pouvait-on vraiment déduire des choses logiques d'une situation aussi improbable et incroyable ? Certainement pas. Sophie perdait simplement son temps parce qu'elle avait besoin de mettre des mots et des raisons sur ce qui était en train de se passer. Son esprit, trop rationnel, avait besoin de tout ça.

Sabrina tentait de lui expliquer ce qu'elle savait ou ce qu'elle pensait savoir, parce qu'après tout, elle n'était sûre de rien, elle non plus. La sorcière lui parlait d'un cauchemar avant de lui affirmer qu'elles n'étaient pas vraiment dans son cauchemar. Elles l'étaient, oui ou non ? D'après Sophie, si elles étaient dans un cauchemar - aussi insensée puisse lui paraître ces hypothèses - elles ne risquaient rien. On ne mourait pas dans ses cauchemars, n'est-ce pas ? Mais selon Sabrina, ce n'était pas un véritable cauchemar. Ce n'était pas la première fois que la sorcière vivait ça et elle pensait donc avoir une explication plausible, après réflexion. Elles étaient retournées dans un moment du passé de Sabrina. Sophie n'était là que parce qu'elle avait eu le malheur de se retrouver en présence de Sabrina, au mauvais moment. Lorsque Sabrina ajouta que s'il leur arrivait quelque chose, tout serait réel, Sophie frissonna. Elles revivaient un cauchemar de la sorcière, sans pour autant être dans un cauchemar ? C'était assez compliqué à imaginer. « On va mourir. » Ajouta alors tristement la jeune femme, imaginant qu'elles étaient perdues, incapables de se défendre face à cette horde de gens en colère.

La preuve, elles n'étaient là que depuis deux minutes et, déjà, cette foule les avait retrouvées. Elle était là, prête à les attaquer. Elles étaient coincées. Sabrina ne pouvait pas se téléporter indéfiniment dans la maison, ils finiraient, de toute façon, par être partout. Sabrina proposa alors quelque chose : se cacher dans la maison de poupées. Sophie était surprise et effrayée. Comment comptait-elle faire ça ? C'était impossible et ça dépassait bien trop tout ce en quoi elle croyait.

Enfin, ça aurait été impossible si Sabrina n'avait pas été une sorcière - même si Sophie le savait depuis un certain temps, il fallait toujours qu'elle intègre ce que son amie était capable ou non de faire. Il suffisait d'une formule pour les faire rétrécir et entrer, donc. « Ça fait mal ? » S'inquiétait la rousse qui, évidemment, ne comprenait pas que cette maison existait en dehors de tout et qu'il n'y avait rien de douloureux puisque les choses étaient plus compliquées que simplement rétrécir. L'expliquer ne servirait à rien, puisqu'elle ne comprendrait pas, de toute façon. Alors, autant se concentrer sur l'essentiel et, l'essentiel, c'était cacher cette maison pour se protéger, avant d'y pénétrer. Sophie paniquait et ne trouvait pas. Elles n'avaient plus de temps. Ainsi, dès que Sabrina indiqua le placard à Sophie, cette dernière attrapa précautionneusement leur seul moyen de survivre pour l'y déposer.

La maison cachée, elle avait refermé la porte du placard et avait donné ses mains à Sabrina, comme cette dernière le lui avait demandé. Sophie était silencieuse et attendait que Sabrina finisse de prononcer sa formule. Sans qu'elle ne remarque quoi que ce soit, elle s'était retrouvée à l'intérieur de cette maison. « Je suis vraiment à l'intérieur de la maison de poupées ? » Il lui fallait une seconde pour digérer et comprendre une telle information. Sabrina, elle, était heureuse, Sophie était perdue. C'en était beaucoup trop pour elle. « Comment des livres auraient pu être reproduits à l'identique ? C'est impossible, c'est beaucoup trop petit et... » Quelque chose s'éveilla en elle, elle se stoppa et ajouta : « Oh, cette maison est magique ? » Ce n'était certainement pas une maison de poupées ordinaire comme Sophie avait pu avoir dans son enfance, non, sans doute était-elle une réplique magique de la véritable maison de la sorcière. « Alors, je te suis. » De toute façon, elle ne pouvait pas faire grand-chose d'autre que suivre.

Fuir dans la maison de poupées semblait être la meilleure idée. Les invités étaient déjà arrivés jusqu’à la porte de la chambre de Sabrina, par conséquent, les deux amies ne pouvaient pas passer par là. Elles ne pouvaient pas non plus passer par la fenêtre parce qu’il n’y avait aucune issue par-là et qu’en sautant, elles risquaient de se blesser. Il restait bien la magie, mais Sabrina semblait incapable de s’en servir correctement. Elle n’était même pas certaine de pouvoir se téléporter avec Sophie à l’intérieur de la maison de poupée. Puisqu’en effet, lorsqu’elle avait voulu se téléporter ailleurs avec son amie, elle n’avait pas réussi à aller plus loin que dans sa chambre.

« Non, tu ne sentiras rien. » Sabrina était déjà entrée dans cette maison, elle savait qu’on ne ressentait aucune douleur en changeant de taille ou en entrant à l’intérieur, Sophie n’avait pas d’inquiétude à avoir. N’ayant plus le temps de réfléchir à une meilleure solution, Sabrina attrapa Sophie et avait récité une formule. Quelques secondes plus tard et elles étaient fichues. À peine étaient-elles à l’intérieur de la maison miniature, que les invités étaient entrés dans la chambre de la jeune sorcière. Et ce n’était sans doute qu’une question de temps avant que l’on ne comprenne que les deux amies s’étaient réfugiées ici. Alors elles ne devaient pas perdre de temps. Cette maison était une réplique, presque identique à leur véritable maison, alors il y avait la chambre d’Ambrose au grenier. C’était là-bas que les deux femmes devaient se rendre. Le cousin de Sabrina avait tout un tas de bouquins sur tout un tas de sujets différents, il y avait forcément quelque chose qui pouvait les aider à l’intérieur. « Oui Sophie, tu es vraiment à l’intérieur de la maison de poupée. » Sabrina comprenait la réaction de son amie. Il devait être difficile de croire à une telle chose, pourtant, elles y étaient bien enfermées. « Tu as compris. » Lâcha-t-elle simplement, afin de répondre à la question de Sophie. Oui, cette maison était magique, voilà pourquoi les livres avaient pu être reproduits à l’identique.

Puisque Sophie était désormais prête, elles allaient pouvoir rejoindre la chambre d’Ambrose. La blonde se mit alors à courir pour sortir de la pièce dans laquelle elle était et avait grimpé les escaliers aussi vite que possible avant de pousser la porte de la chambre de son cousin. Une fois à l’intérieur, la sorcière fut soulagée de voir que tout était à la bonne place. « Les livres sont là. » Dit-elle en désignant la bibliothèque du doigt et sans perdre un instant, elle s’était avancée jusqu’à cette dernière. La sorcière jeta un coup d’œil aux titres des livres et en attrapa un qui lui semblait convenir à la situation. Une fois le livre posé sur la table, elle l’avait ouvert, mais rien. Elle avait beau tourner les pages, il n’y avait absolument rien, le livre était totalement vierge. Comment est-ce que cela était possible ? « Quoi ? » Lâcha-t-elle dans un premier temps, perdant la lueur d’espoir qui était apparu lorsqu’elle était entrée dans cette maison. « Non, ce n’est pas possible. » Lâcha-t-elle ensuite avant d’attraper un nouveau livre. « Non, non, non. » Ce livre était vierge lui aussi, tout comme les cinq livres qui ont suivi. « Ce n’est pas possible, il y a bien un livre intact. » Et ce livre allait être celui qui allait les faire sortir d’ici, c’était évident, en tout cas, Sabrina voulait y croire. « Sophie, aide moi à chercher, il y a bien un livre encore intact. » Répéta-t-elle avant de reprendre ses recherches.

Tout autour de Sophie l'effrayait. Ces gens qui s'apprêtaient à les attaquer et qui leur voulaient du mal, cet endroit qu'elle ne connaissait pas, l'idée d'être rapetissée pour être enfermée dans une maison de poupée... Sophie avait beau connaître l'existence de la magie, elle avait toujours beaucoup de mal avec certaines choses et il lui fallait toujours un certain temps pour intégrer ce que Sabrina s'apprêtait à faire. Rien de tout ça n'avait fait partie de sa vie auparavant et rien n'était naturel à ses yeux. Sabrina tentait alors de la rassurer : elle ne sentirait rien. Elle serait envoyée dans cette maison miniature sans la moindre douleur. C'était déjà ça - mieux valait voir le bon côté des choses dans ce genre de situation.

A peine furent-elles entrées dans cette maison que les proches de Sabrina pénétrèrent dans sa chambre. Une chance pour elles de ne plus - vraiment - y être. Sophie devait se faire à l'idée d'être enfermée dans une maison de poupées. Ce n'était pas si facile à accepter tant tout ça lui paraissait invraisemblable. Tout comme le fait que cette maison n'avait rien d'une banale maison de poupées. Non, elle était magique. Ce qui expliquait pourquoi Sabrina espérait trouver des répliques des livres d'Ambrose dans cet endroit. Sans un mot de plus, Sophie avait suivi la sorcière, en courant, jusque dans la chambre de son cousin. Il n'y avait pas de temps à perdre.

Sabrina, sans perdre de temps, avait attrapé un livre, puis un autre et encore un autre. Chacun était vide. Pas un mot. Pas une ligne. Rien. Sophie, quant à elle, assistait désespérée à ce spectacle. Elle voyait Sabrina perdre tout espoir, elle la voyait désespérée et craindre le pire. Et ça, ça la terrorisait. Si même Sabrina n'avait plus d'espoir, que feraient-elles ? Que deviendraient-elles ? Pourtant, elle continuait à se battre. Elle ne comptait pas baisser les bras, même s'il fallait ouvrir chaque livre que cette maison contenait, même s'il fallait feuilleter chaque page. Elle demandait alors à Sophie de l'aider, pour aller plus vite. « Et s'il n'y a rien ? » Demanda-t-elle, sans vouloir la désespérer davantage. Ce n'était pas son but, mais elle préférait être réaliste et savoir si la sorcière avait un plan de secours - encore un.

Malgré tout, Sophie avait attrapé un premier livre puis avait enchaîné, en déposant ceux déjà feuilletés d'un côté. La jeune femme était particulièrement silencieuse, ce qui était plutôt exceptionnel, mais elle n'avait plus le coeur à discuter. Tout ce qu'elle voulait, c'était trouver une solution et rentrer chez elle et puisque ces livres étaient peut-être son dernier espoir, elle préférait se concentrer et espérer.

Il n’y avait pas de temps à perdre, les deux femmes devaient trouver un moyen de quitter cet endroit. Toutes ces personnes n’étaient que fictives, elles n’étaient pas réellement sa famille, ses amis. Toutes ces personnes avaient bien l’intention de lui faire du mal, de l’éliminer. Sabrina était une sorcière et toute cette assemblée était au courant, il avait réclamé sa mort, ils la poursuivaient avec cette même intention. Et puisque Sophie était en sa compagnie, puisqu’elle avait fui avec elle, puisqu’elle avait essayé de l’aider, elle allait certainement subir le même sort que la sorcière. Voilà pourquoi elles avaient fini à l’intérieur de cette maison de poupée. Les pouvoirs de Sabrina étaient étrangement limités. Elle n’avait pas réussi à se téléporter bien loin, elle avait tout juste réussi à s’éclipser dans sa chambre, alors elle n’avait pas vu d’autres solutions que la maison de poupée, puisque la foule était déjà bien trop proche.

Une fois à l’intérieur, les deux amies devaient faire vite, elles devaient se rendre dans la chambre d’Ambrose pour fouiller ses livres. Son cousin avait tellement de bouquins qu’il y avait forcément une solution à leur problème. « Il y aura forcément quelque chose, Sophie. » Sabrina se voulait rassurante, mais elle n’était pas totalement convaincue elle-même. Les deux femmes commencèrent donc à fouiller les livres. Mais les livres fouillés se cumulaient et elles n’avaient toujours rien trouvé. La situation semblait désespérée. SI elles ne trouvaient rien, alors qu’allaient-elles faire ? Si la foule fouillait la chambre de Sabrina, ils allaient finir par tomber sur cette petite maison et si la famille de la sorcière était là, alors ils n’allaient pas hésiter à leur dire qu’elle y était certainement cachée avec Sophie. « Il n’y a rien. » Lâcha-t-elle après avoir fouillé le dernier livre. « Et de ton côté ? » Sophie n’avait sans doute rien trouvé, sinon, elle se serait empressée d’en parler à Sabrina, mais la sorcière gardait un infime espoir, peut-être que son amie avait trouvé quelque chose et avait préféré attendre pour lui en parler.

Sabrina s’était laissé tomber sur le lit d’Ambrose un instant. Elle avait besoin de temps pour réfléchir, besoin de plus de magie pour agir. « J’ai peut-être une idée. » Lâcha-t-elle en se redressant. « Suis-moi. » Dit-elle en se relevant et en courant jusqu’à l’entrée. « Je peux peut-être nous faire passer à travers le miroir. » Comme ça avait déjà été fait par le passé. « Si je concentre assez de magie, je peux peut-être ouvrir un portail. Il nous conduira peut-être dans l’entrée de ma vraie maison. » Pouvait-elle vraiment dire qu’il s’agissait de sa vraie maison ? Cet endroit n’avait, visiblement, rien de réel. « Une fois dans l’entrée, on pourra sortir de la maison et fuir la foule. » C’était leur dernière chance. Sabrina devait réussir. « Tu es prête ? »

Une foule qui réclamait leur mort, une maison de poupées, des livres sans le moindre mot... Sans Sabrina, jamais Sophie n'aurait eu à vivre ce genre d'expérience. C'était une certitude. Et si elles ne réussissaient pas à trouver une solution rapidement, Sophie ne vivrait plus jamais aucune expérience, qu'elle soit mortelle ou surnaturelle. Et, justement, Sophie le craignait. En effet, les livres n'allaient pas les aider puisqu'ils étaient vides. Sabrina essayait bien de la rassurer, en lui assurant qu'il y aurait bien quelque chose quelque part, mais elle avait beaucoup de mal à le croire.

Tous les livres y passèrent. Absolument tous. Jusqu'au dernier. Rien. Il n'y avait rien. « Rien non plus. » Souffla la jeune femme pour répondre à la question de son amie, qui venait de faire le même constat de son côté. Alors que Sabrina se laissait tomber sur le lit, Sophie restait là, immobile, à réfléchir. La pauvre n'était d'aucune aide dans ce genre de situation, mais... elle essayait. Heureusement, la sorcière venait d'avoir un éclair de génie. Elle s'était redressée brutalement, avait demandé à Sophie de la suivre et s'était mise à courir vers l'entrée. Sophie suivait, sans dire un mot, ayant peur d'être déçue à nouveau.

Les deux femmes se retrouvèrent devant un miroir. Sabrina pensait pouvoir les faire passer à travers. « Vraiment ? » S'étonna-t-elle. Et, en même temps, elle était déjà passée dans une maison de poupées, alors est-ce qu'un miroir était plus étonnant ? Pour cela, elle devait réunir suffisamment de magie, de force, pour ouvrir un portail qui les conduirait dans la véritable entrée et plus celle de cette maison miniature. Si ça fonctionnait, elles s'enfuiraient à l'extérieur et éviteraient ainsi la foule meurtrière. « Et si ça ne fonctionne pas ? » Auraient-elles d'autres solutions ? « Et si la porte est fermée ? » Sabrina aurait-elle les moyens de l'ouvrir ? « Si on se retrouve au milieu de cette foule ? » Sophie avait peur, alors elle n'arrêtait plus de parler. « D'accord, je suis prête. » Elle ne l'était pas, mais il n'y avait pas d'autres choix parce qu'elle ne comptait pas passer sa vie ici, dans cette fausse maison. Alors, elle allait prendre son courage à deux mains et allait laisser Sabrina tenter son expérience.

Sabrina pensait être en sécurité dans cette maison de poupée, au moins durant un temps. Elle pensait pouvoir trouver des informations utiles et importantes dans les livres qu’avait Ambrose. Seulement, elle avait beau fouiller les livres, elle ne trouvait rien, absolument rien. Et visiblement, Sophie n’avait pas plus de chance. Génial, elles étaient donc condamnées à vivre dans cette maison de poupée jusqu’à ce que la foule quitte la maison ou jusqu’à ce qu’elle les trouve et en finisse avec la sorcière et celle qui l’avait aidé. Ne sachant plus quoi faire, étant à court d’idée, la blonde s’était laissée tomber sur le lit d’Ambrose. Sophie, quant à elle, restait immobile. La pauvre était tombée dans un drôle de monde, ressemblant en de nombreux points à celui de son amie, mais il était bien plus dangereux pour Sabrina et par conséquent pour Sophie. Et elle n’était qu’une mortelle, elle n’avait aucun pouvoir, aucun moyen d’aider réellement. Sabrina était la seule à pouvoir les sortir de là, alors elle ne pouvait pas baisser les bras, elle ne pouvait pas abandonner et rester là, allongée à ne rien faire. Elle devait réfléchir, trouver une nouvelle idée et si elle échouait, elle devait encore chercher et elle devait le faire jusqu’à avoir trouvé la bonne solution.

Après quelques minutes de silence et de réflexion, Sabrina avait eu une idée. Les miroirs. Ils pouvaient servir de porte, de passage. Si les deux femmes se rendaient dans l’entrée de la petite maison, elle allait sans doute y trouver un miroir. Le même miroir que dans l’entrée de la grande maison. Puisque Sabrina avait grandi là, elle était automatiquement connectée à ce miroir, pas besoin d’objet lui appartenant ou de quelque chose dans ce genre pour établir la connexion, puisque ce miroir était à elle aussi, tout comme cette maison. Pour ne pas laisser Sophie dans l’ignorance, Sabrina prit un bref instant pour lui expliquer son plan. Face à ce plan, Sophie était étonnée, pour une mortelle, il devait être compliqué de comprendre que l’on pouvait passer à travers ce miroir et s’en servir comme un portail entre deux endroits. « Oui, il faut juste que je crée un portail entre les deux miroirs. C’est un jeu d’enfant. Il faudra juste qu’on touche le touche pour entrer à l’intérieur et ressortir de l’autre côté. » Sabrina ne pouvait pas prendre plus de temps pour lui expliquer, mais elle devait juste comprendre que c’était possible et pas très compliqué, pour le reste, elle devait se contenter de suivre Sabrina. « Ça fonctionnera. Et si la porte est fermée, on fera la même chose dans le sens inverse pour revenir ici. Ne t’en fais pas. » Il n’y avait aucune raison pour que cela ne fonctionne pas. Leur seul risque était, en effet, de tomber au beau milieu de la foule qui pouvait se trouver dans l’entrée de la grande maison actuellement, mais normalement, lorsque la connexion entre les deux miroirs allait être établis, Sabrina et Sophie allaient pouvoir voir à travers le miroir de l’entrée de la grande maison des Spellman, ainsi, elles allaient pouvoir s’assurer qu’il soit vide avant de s’y rendre.

Sabrina avait attendu l’accord de Sophie avant de commencer son sortilège. Après quelques incantations, le sort était lancé et réussis, puisqu’à travers le miroir, elles ne voyaient plus leur reflet, mais l’entrée de la maison des Spellman. Puisqu’à travers le miroir, elles pouvaient voir que l’entrée était libre, elles pouvaient emprunter le passage sans trop de risque – parce que malgré tout, il y avait toujours un risque, elles pouvaient se retrouver piégées de l’autre côté avec la foule qui se trouvait en dehors du champ de vision du miroir ou avec n’importe quel autre problème sur les bras. « On y va. » Dit-elle pour prévenir Sophie, la laisser se préparer en une seconde à ce qui allait se passer. La sorcière attrapa le bras de son amie et doucement, elle tendit le sien vers le miroir. En l’espace d’une seconde à peine, les deux femmes avaient quitté la maison de poupée et s’étaient retrouvées au milieu de l’entrée de la grande maison. « Ça a fonctionné. » Dit-elle enthousiaste, maintenant, il fallait savoir si la porte d’entrée allait s’ouvrir et surtout, il fallait encore savoir ce qui les attendait derrière. « Allez, on doit se dépêcher, on doit ouvrir la porte. » Dit-elle en tenant toujours le bras de Sophie. La foule n’était pas loin, elles devaient se dépêcher de quitter la maison. Par chance, la porte d’entrée s’était ouverte sans aucune difficulté et par chance, encore, il ne se cachait rien de mal derrière elle, aucun piège, aucune menace, juste leur monde, leur nouveau monde, leur maison, leur chez elle. Elles avaient réussi à fuir la foule, elles avaient réussi à vaincre la ville et à rentrer saine et sauve.