De merveilleuses retrouvailles - Kenna

 

Depuis quelques semaines, quelques mois. Mary commençait à vivre de nouveau. Ayant compris que sa cousine n’était peut-être pas celle qu’elle croyait, elle avait pris la décision de la laisser un peu plus tranquille. Son fils était plus important que tout et la brune avait décidé de lui consacrer le plus de temps possible. Cette seconde chance à ses côtés ne devait pas être gâchée. Mais sa prise de conscience, ne concernant pas que James. Il concernait également sa vie professionnelle. Il était vrai que ces derniers temps, Mary ne s’était plus vraiment consacrée à sa salle de réception. C’était pourtant quelque chose qu’elle aimait. Quelque chose qui lui rappelait la vie à la cour et par conséquent, c’était quelque chose de rassurant pour elle, quelque chose de familier. Le fait de l’avoir presque abandonné en disait long sur Mary et sur la peur qu’avait causé sa cousine dans sa vie. La brune ne prenait plus autant de plaisir à vivre tout simplement. Son plaisir, sa vie, tout cela était passé au second plan n’ayant presque plus d’importance pour elle. Parce que tout ce qui importait, c’était James, sa présence auprès de lui, son amour pour son enfant, la survie de celui-ci et sa propre survie.

Depuis quelques jours, Mary organisait un bal pour une cliente. Tout devait être parfait, tout jusqu’à la tenue de la cliente de l’ancienne reine. Très exigeante, elle ne trouvait rien de parfait à se mettre. Mary avait donc acceptée de l’accompagner dans les boutiques présentes sur sa liste. Une petite dizaine tout au plus. Cela allait sûrement lui prendre la journée. Heureusement, Mary se faisait conduire par l’un de ses chauffeurs personnels, afin de finir cette interminable journée au plus vite. En fin de journée, la jeune femme n’avait toujours pas trouvé ce qu’elle cherchait. Il ne restait plus qu’une boutique sur la liste, la brune n’avait donc plus qu’à espérer que ce soit la bonne. N’ayant pas envie de recommencer une journée comme celle-ci, où elle passait son temps à s’efforcer de sourire pour satisfaire une cliente des plus… désagréables.

Une fois devant la dernière boutique, Mary poussa la porte, laissant sa cliente entrer la première. Soupirant au passage, avant d’entrer à son tour. Mary n’avait pas envie de perdre de temps ici, elle avait hâte de retrouver son fils et de laisser cette cliente. Tenant à se débarrasser d’elle une minute, elle lui proposa de l’attendre, pendant qu’elle allait chercher la personne qui tenait la boutique. Et sans attendre de réponse, la brune s’était éloignée, se faufilant jusqu’à l’arrière-boutique, sans se soucier de si elle avait le droit d’être là ou non. Et en une seconde, cette horrible journée s’était transformée en l’une des plus belles journées que ce monde lui avait offert. Kenna… La jeune femme était de côté, mais Mary en était certaine… presque. Cette jeune femme ressemblait comme deux gouttes d’eau à son amie. « Kenna... » lâcha-t-elle alors, immobile, un sourire aux lèvres et la voix emplie de joie.

 

Cette journée était interminable pour Mary. La jeune femme n’avait plus qu’une seule envie : rentrer chez elle. Sa cliente était des plus insupportables et la brune se retenait pour ne pas l’envoyer balader. Prenant sur elle, l’ancienne reine était alors rentrée dans cette dernière boutique, espérant qu’elle soit signe de la fin de son calvaire. Et ce fut même encore mieux que ce qu’elle espérait. Un simple regard avait changé cette insupportable journée en une merveilleuse journée. Celle où elle avait retrouvé quelqu’un à qui elle tenait beaucoup. Une ancienne amie qu’elle n’avait pas revue depuis des années. En entrant ici, Mary ne s’attendait pas à retrouver Kenna. Après tout, elle avait perdu espoir de les revoir un jour, elle, ses autres amies, François, Catherine… Mary était certaine d’être coincée avec sa cousine dans ce monde. Elle était seule avec son enfant et sa cousine depuis trois longues années. Comment pouvait-elle s’attendre à retrouver d’autres personnes ici ? Cela ne pouvait que lui redonner le sourire et l’espoir de retrouver toutes les personnes qu’elle avait aimé. Mais cela lui confirmait bien une autre chose, tous ses ennemis d’autrefois pouvaient être là eux aussi. Elle qui craignait que certains d’entre eux soient déjà dans les parages.

Immobile et souriante, la brune prononça alors le prénom de son amie. Quand Kenna se retourna, elle reconnut immédiatement son amie et vint lui prendre le visage avant de l’enlacer. Mary partagea alors cette étreinte avec bonheur. Kenna était bien réelle. Ce n’était pas un mirage. Après de longues secondes d’étreinte, la brune se détacha de son amie. Pour ne pas perdre le contact, Mary vint attraper chacune des mains de Kenna. « Tu m’as tellement manqué. » dit-elle un large sourire aux lèvres. Pour Mary, cela faisait bien plus de trois ans qu’elle ne l’avait pas vu. Kenna était partie après avoir appris qu’elle était enceinte et n’avait jamais revu Mary après cela. « Tu es seule dans ce monde ? » En posant cette question, Mary faisait bien évidemment référence à son enfant. Mais bien évidemment, elle avait aussi l’espoir de l’entendre dire qu’elle avait retrouvé Lola, Greer, Bash, François ou n’importe qui d’autre qu’elle aimait.

 

Retrouver Kenna était une merveilleuse surprise. Elle lui avait tellement manqué pendant toutes ces années d’absence. Et visiblement, Mary lui avait également manqué. Après tout, c’était tout à fait normal. Avec Greer, Lola, Aylee, toutes les amies étaient très proches les unes des autres. C’était comme si elles faisaient toutes parties de la même famille.

Forcément, retrouver une nouvelle personne de son monde ici lui faisait se poser des questions. Est-ce que Kenna était seule ici ? Ou avait-elle retrouvé d’autres de leurs amis ? De leurs ennemis ? Avait-elle retrouvé une autre des dames de compagnie de Mary ? Bash ? François ? Catherine ? N’importe qui, qui venait de leur monde. Et Mary avait presque retrouvé l’espoir de retrouver les siens pendant un court instant. Mais Kenna était seule, elle n’avait revu personne avant Mary. Enfin… Elle n’était pas vraiment seule. Quand Kenna avait quitté la France, la jeune femme était enceinte. Et voilà qu’elle était avec son enfant dans ce monde. Un petit garçon prénommé Simon. Quand Kenna lui tendit une photo, la brune s’en empara aussitôt, avec une pointe de tristesse. En voyant cette photo, Mary réalisait tout le temps qu’elle avait perdu avec ses amies. Elle s’était, pendant longtemps imaginée que ses enfants et ceux de ses dames de compagnie grandiraient ensemble, deviendraient eux-mêmes amis… Et voilà que le petit Simon avait trois ans et que Mary ne l’avait pas vu une seule fois. James lui avait récemment fêté ses quatre ans et Kenna ne l’avait jamais vu. « Il te ressemble tellement. » dit-elle alors avec un sourire, en rendant la photo à la mère. « Moi… Je n’ai retrouvé qu’une seule personne dans ce monde. Ma cousine Elizabeth. Tu ne la connais pas, mais crois-moi, ce n’est pas une bonne nouvelle pour moi. » Mary préférait ne pas entrer dans les détails pour le moment, elles venaient tout juste de se retrouver et Mary avait envie de profiter de ces retrouvailles, sans avoir à évoquer les mauvaises choses tout de suite. « Et j’ai aussi un petit garçon. Il s’appelle James et il a eu quatre ans la semaine dernière. » dit-elle avec le sourire, le même sourire qui apparaissait à chaque fois qu’elle parlait de son petit garçon. Mary avait elle aussi des photos de son petit garçon dans ses affaires, des tonnes qu’elle ne quittait jamais. Elle en prit une au hasard avant de la tendre à son amie. « J’ai hâte que nos deux garçons se rencontrent, je suis certaine qu’ils s’entendront à merveille. Et James serait sûrement ravi d’avoir un ami avec qui jouer à la maison. » Il fallait bien avouer que Mary était très méfiante, alors il n’y avait que très peu de gens qui entrait chez elle. Les seules personnes à entrer étaient ses hommes de main, la nourrice de James et quelques exceptions.

 

Maintenant que Mary savait que son amie était avec son petit garçon, elle avait envie que James et Simon deviennent amis. Comme les deux mères étaient amies. Et mieux encore, Kenna et Mary étaient comme deux sœurs. Et forcément, Mary s’imaginait que si les deux garçons grandissaient ensemble, ils allaient eux aussi se considérer comme deux frères. L’ancienne reine savait qu’elle pouvait tout dire à son ancienne dame de compagnie. Même tout ce qui concernait sa cousine. « Oui, je t’en avais déjà parlé. » Surtout quand Henry avait tout fait pour que Mary s’affiche avec les armoiries de l’Angleterre. Mais Kenna ignorait tout de ce qui s’était passé avec Elizabeth après son départ de France. « Merci. » Ce prénom était celui de son demi-frère. Et Mary avait voulu lui rendre hommage en prénommant son petit garçon ainsi. « Il a encore le temps. » dit-elle avec le sourire. Il était encore très jeune et surtout Mary n’était pas impatiente de le voir partir pour faire sa vie. Mary fit ensuite part de son désir, celui de faire se rencontrer les deux garçons. Et visiblement, Kenna n’était pas contre. Mary le savait, son amie ne s’y serait pas opposée. « Tu peux peut-être venir dîner à la maison ce soir ? Mon chauffeur attendant devant, on peut aller chercher Simon et après vous venez tous les deux à la maison. » Mary serait sincèrement contente de voir son amie et son fils venir dîner chez elle. « Enfin, tu n’es pas obligée d’accepter. Je comprendrais que tu ne puisses pas venir. » Kenna avait peut-être des choses de prévues et Mary ne voulait pas bouleverser l’emploi du temps de son amie.

Avec toute cette joie, Mary avait totalement oublié sa cliente qui l’attendait dans l’autre pièce. Elle s’excusa alors auprès de Kenna, lui signalant qu’elle revenait immédiatement. Puis elle expliqua gentiment à sa cliente qu’il y avait un imprévu et qu’elle ne pouvait pas trouver ce qu’elle cherchait aujourd’hui. Bien évidemment, la cliente avait pesté, mais elle avait fini par partir. Honnêtement, Mary ne savait pas si elle allait la revoir, mais ce n’était rien. Elle n’avait pas besoin de cette cliente. « Me revoilà. Alors tu es partante ou pas ? » dit-elle en souriant, ne forçant pas la main de son amie.

 

L’enthousiasme de Kenna faisait plaisir à voir. Mary était contente de retrouver son amie, sa joie de vivre, son sourire et sa bonne humeur. Et elle était encore plus contente de savoir que tout cela n’allait normalement plus la quitter. Ce monde lui avait offert une ancienne amitié et l’ancienne reine avait peur qu’elle finisse par la lui reprendre. Persuadée d’être condamnée à devoir souffrir éternellement. À peine Mary avait-elle posé la question que la brune s’était empressée de fermer la boutique, laissant son téléphone de travail ici pour ne pas être dérangée. En un rien de temps, les deux jeunes femmes étaient à l’extérieur. « Mon chauffeur est par là. » dit-elle accompagné d’un geste de la main, en direction de la voiture en question. En voyant les deux femmes arriver, le chauffeur était descendu pour leur ouvrir la porte. Mary laissa Kenna s’installer la première, avant de monter à son tour après avoir remercié son chauffeur d’un signe de tête et d’un sourire. Même dans ce monde, Mary était bien entourée, elle avait toujours du monde qui travaillait pour elle, ne sachant plus vraiment comment faire autrement.

« Où est Simon ? » demanda-t-elle alors simplement à son amie. Pour aller le chercher, il fallait bien indiquer une adresse au chauffeur. Une fois celle-ci donnée, la voiture se mit en route. « Tu as eu des problèmes de mémoire à ton arrivée ici ? » Cette question n’avait rien d’anodine. Mary avait toujours douté de la sincérité de sa cousine à propos de son amnésie. Et elle en doutait encore, seulement, elle se demandait parfois si sa cousine avait vraiment pu oublier certaines choses, ou si d’autres personnes dans ce monde avaient vraiment pu oublier leur passé, rien qu’en arrivant ici. « Non, oublie. On discutera de ça plus tard. » Ce n’était pas le moment. Mary voulait vraiment profiter de ces retrouvailles en oubliant un peu tous les problèmes qu’elle rencontrait avec sa cousine. « Tu verras; la maison est très grande. Il y a de la place pour accueillir tout un château. » Mary n’avait pas tout à fait tort. Elle habitait dans l’une des plus grandes maisons de la ville. Bien trop grande pour elle et son fils seuls. Certains de ses employés vivaient là-bas eux aussi, notamment ceux qui étaient là pour sa sécurité, mais ils étaient totalement à part de là où vivaient Mary et James. Et en prononçant ces mots, Mary avait une petite arrière-pensée. Elle aimerait vraiment pouvoir revivre comme autrefois, à la cour de France. Avec toutes les personnes qu’elle aimait à ses côtés.

 

D’un signe de tête, la brune répondit à son amie. Oui, Mary était bien entourée dans ce monde également. Et ce n’était pas parce qu’elle l’avait choisi. Pas vraiment. Dans ce monde, Mary ne se sentait pas plus en sécurité que dans son monde. Ici, il y avait Elizabeth, celle qui l’avait enfermé pendant dix-huit années, celle qui l’avait privée de son garçon, celle qui l’avait conduite à la guillotine. Et la reine en était certaine, sa cousine n’était pas sa seule ennemie présente dans ce monde. Knox était sans doute là. C’était en tout cas ce qu’elle pensait. Persuadée, que c’était lui qui avait orchestré toute cette histoire avec Mary et Elizabeth, celle où les deux femmes s’étaient retrouvées enfermées dans cette maison sans issue, craignant pour leur propre vie. Mary le savait sa vie d’avant n’était pas entièrement terminée. Ses ennemis étaient peut-être toujours dans les parages.

Kenna indiqua alors l’adresse de l’assistante maternelle. Le chauffeur s’exécuta aussitôt pour emmener les deux femmes à destination. Puis commença à parler de l’amnésie. Elle avait besoin de savoir si sa cousine pouvait dire vrai. Seulement, l’ancienne reine n’avait pas envie de gâcher ce moment de retrouvailles avec son amie. Mais il fallait la comprendre. Kenna et elle étaient proches, elles s’étaient toujours tout confié. Alors Mary avait envie de lui parler d’Elizabeth. Depuis qu’elle l’avait retrouvé, Mary ne s’était jamais confié à propos d’elle. Elle ne faisait pas assez confiance aux autres pour cela. Elle n’avait personne avec qui en parler. La seule personne avec qui elle aurait pu en parler, c’était Sophie, sa voisine et amie, mais elle refusait de la mêler à tout cela.

« J’ai des tas de choses qui cassent à la maison. Mais dans le pire des cas, j’enverrai quelqu’un nous acheter de la glace pour le calmer et l’empêcher de détruire toute la maison. » Dit-elle avec un large sourire. « James est plutôt calme lui. Il essaie parfois de défier mon autorité, mais il sait que je ne cède pas facilement. Enfin, ça dépend des moments. » Mary n’aimait pas refuser quoi que ce soit à son enfant et elle avait les moyens de lui offrir tout ce qu’il voulait. Alors généralement, elle le faisait. James n’était qu’un enfant et comme tous les enfants, il faisait des bêtises. Lorsqu’il ne le faisait pas exprès, Mary ne pouvait rien lui dire. Mais lorsqu’il le faisait volontairement, alors il se faisait gronder et malgré ses suppliques Mary ne cédait pas avant d’avoir obtenu un pardon. Bien heureusement, cela n’arrivait que très rarement. « Il n’a pas vraiment l’habitude de voir du monde à la maison, en dehors des employés. Alors il risque d’être timide au début, il risque de ne pas trop vouloir s’approcher de Simon, mais ça ne durera qu’un temps. Après, il ne voudra plus le lâcher. Et comme il est très joueur, il voudra que son ami reste avec lui pour s’amuser le plus longtemps possible. » James était habitué à la présence des employés, des personnes s’occupant du ménage chez elle, de la nourrice de James, là depuis quasiment son arrivée dans ce monde… Mais les invités se faisaient très rares chez Mary qui préférait n’accueillir personne, mais Kenna faisait exception. Avec elle, tout était différent. En France, elles avaient vécu dans le même château. Et puis elles étaient amie, presque comme des sœurs, alors elle avait sa place chez Mary.

Après quelques minutes, le chauffeur s’excusa auprès de Mary et Kenna, puisqu’il était en train de les interrompre dans leur conversation, mais il devait leur indiquer qu’il était arrivés chez l’assistante maternelle qui gardait Simon.