À l'instant où mes pieds foulèrent de nouveau cette plage, je fus saisi par la singularité du moment. Quatre mois déjà, et chaque jour était un rappel que rien ici ne tenait du hasard, ni même de la destinée ordinaire des marins échoués. Les souvenirs flottaient comme des goélettes à l'horizon, toujours visibles, jamais atteignables.
Chaque semaine, depuis que les vents et les courants m'eurent jeté sur ce rivage, je revenais m'asseoir sur la même étendue de sable. C'était là que j'avais repris conscience, le visage tourné vers une lune rouge, inquisiteur céleste dans un ciel qui n'avait jamais semblé si étranger. La mer murmurait des promesses et des menaces, et le vent apportait des murmures de liberté mêlés à des chants de solitude.
À mes côtés, rien que les traces effacées de mes pas précédents. Rasputin manquait à l'appel, lui qui d'ordinaire aurait trouvé le moyen de transformer ce calme plat en une tempête de dangers et d'opportunités. Mais sans lui, l'île offrait une paix troublante. Une communauté de visages et de voix venus de tous les horizons, vivant ensemble comme si la couleur, la langue ou l'origine n'étaient que des détails sans conséquence.
Chaque rencontre était un miroir de ma propre perplexité; je voyais des gens lutter, aimer, échanger sans jamais se soucier du lendemain. Cela m'intriguait et, quelque part, me rassurait. Ils m'avaient accepté parmi eux, un étranger sans passé ni promesse, juste un homme qui, comme eux, cherchait à comprendre sa place dans ce puzzle cosmique.
Un soir, alors que la lune arborait sa teinte écarlate et que je dormais, une figure s'approcha de moi en songe. Son pas était mesuré, son allure celle d'un homme qui connaît bien la mer. "Corto, tu ne trouves pas cela étrange, toute cette harmonie forcée?" Sa voix, basse et rauque, trahissait une méfiance née de nombreuses trahisons et de batailles oubliées.
Je tournai vers lui un regard empreint de cette même suspicion habituellement voilée par l'habitude du danger. « Peut-être, » répondis-je en scrutant le reflet rougeâtre qui dansait sur les vagues, « mais parfois, le mystère est un vieux compagnon de voyage plus fiable que la vérité évidente. »
Il s'assit à côté de moi, partageant le silence que seul le ressac osait interrompre. "Et si c'était un piège ? Si tout cela n'était qu'une mise en scène pour nous garder dociles ?" Sa question n'était pas dénuée de sens. Dans ce monde de pirates, d'exilés et de marchands d'armes, la confiance était une monnaie aussi rare que précieuse.
Je jouai distraitement avec un coquillage, symbole de notre conversation. « Alors nous jouerons le jeu jusqu'à découvrir qui tire les ficelles. Et à ce moment-là, » je laissai le coquillage retomber dans le sable, "nous déciderons de jouer selon nos propres règles. »[/b][/color]
La nuit tombait, et avec elle, une fraîcheur que seul le vent du large apporte. Nous partagions une bouteille de rhum, les yeux perdus vers l'horizon où la mer et le ciel se confondaient dans une étreinte sombre et profonde.
"Que proposes-tu ?" demanda-t-il après un long moment. Sa question était un pont jeté par-dessus le tumulte de nos pensées.
« Demain, » commençai-je, ma voix portant le poids d'un plan encore non formulé, « nous commencerons par comprendre ce qui lie ces gens. Qui ils sont, d'où ils viennent, ce qu'ils veulent. Et surtout, pourquoi personne n'a tenté de quitter cette île. »
Il acquiesça, le regard fixé sur les vagues qui, comme nos pensées, ne cessaient de se briser et de se reformer. "Et ensuite ?" insista-t-il, cherchant une assurance dans mes mots.
« Ensuite, nous trouverons le chemin du retour, que ce soit par la mer, par la ruse ou par l'épée. Mais pour cela, nous devons être prêts à affronter bien plus que la mer ou le vent. Nous devons être prêts à déjouer le destin lui-même. »
Nous restâmes ainsi, deux ombres contre le crépuscule, jusqu'à ce que les étoiles prennent place dans le ciel. Chacune d'elles semblait un guide potentiel, un secret à découvrir, un voyage à entreprendre. Dans cette immensité, notre conversation avait tissé un lien, un début de réponse à ce puzzle insaisissable.
Cette nuit-là, sous la lune rouge, je ne trouvai pas le sommeil. Mes pensées naviguaient entre les étoiles et les vagues, entre le mystère de l'île et la promesse d'un plan audacieux. Et au cœur de cette nuit sans fin, je compris que, peu importe les réponses que demain apporterait, le voyage valait déjà toutes les questions du monde.
***
La plage était méconnaissable ce matin-là. À la place du sable fin que mes pieds connaissaient si bien, une jungle impromptue s’était dressée, comme un mirage venu des profondeurs de la mer ou échappé d’un rêve éveillé. J'avançais, étonné, à travers cette végétation luxuriante qui n’avait pas sa place ici, sur le sable autrefois nu et docile. Des lianes épaisses s'enroulaient autour de mes poignets comme pour m'accueillir ou me retenir, et de grandes feuilles palmées frémissaient sous la caresse d'un vent qui semblait tout aussi surpris que moi par cette transformation nocturne. J’étais à la fois captivé et méfiant, car dans ma vie, la beauté soudaine avait souvent été le prélude à des révélations plus sinistres.
Je m'enfonçai plus profondément dans ce labyrinthe végétal, le regard scrutant les moindres mouvements. Chaque pas éveillait le parfum frais de la verdure nouvelle, une odeur trop intense pour une végétation née d’une seule nuit. C’était comme si l’île avait décidé de changer de peau sans prévenir ses habitants.
Soudain, un craquement sous un buisson attira mon attention. Je m'approchai, la main sur la poignée de mon couteau, prêt à tout éventuel danger. C'est alors qu'un petit singe jaillit, aussi surpris que moi, ses petits yeux brillants fixés dans les miens avant qu'il ne disparaisse dans un éclat de feuilles vertes.
« Pas possible, » murmurai-je. La faune et la flore semblaient conspirer pour redéfinir les règles de cette île mystérieuse. Mon esprit travaillait, tentant de tisser des liens entre cette croissance impossible et les autres étrangetés de l'île. Était-ce une expérience, une magie ancienne, ou simplement la nature qui reprenait ses droits d'une manière que la science peinerait à expliquer?
Je décidai de suivre un sentier de lianes, peut-être instinctivement créé ou peut-être tracé par quelque résident nocturne de cette nouvelle jungle. Au bout de quelques minutes, je trouvai une clairière où la lumière du soleil filtrait à travers un dôme de branches entrelacées. Au centre, une source d'eau claire jaillissait, formant un petit bassin naturel où nageaient des poissons colorés.
C'était un tableau à la fois paisible et irréel, qui incitait à la réflexion. Assis au bord de l'eau, je laissai mon esprit vagabonder. « Que se passe-t-il ici ? » me demandai-je à voix haute, espérant presque une réponse du murmure du vent ou du chant des oiseaux exotiques qui commençaient à remplir l'air de leurs mélodies curieuses.
Je passai des heures à observer, à écouter, et à réfléchir. Peu à peu, une théorie prenait forme dans mon esprit, un fil d'Ariane que je pourrais suivre. Peut-être cette île n'était-elle pas simplement un morceau de terre perdu dans l'océan, mais un lieu de test, un domaine où des forces inconnues mesuraient la résilience, l'adaptabilité ou même la complaisance de ses visiteurs infortunés.
« Que faites-vous ici ? » Une femme était là, au milieu de toute cette végétation et sa présence m’intrigua aussitôt.
Tout paraît innocent, le marchand qui vends ses fruits et légumes vous encourageant à goûter la fraîcheur d’une mangue par cet été, les enfants qui tournent autour des passants en jouant à un jeu que je ne connais pas, les rires et brouhahas d’une foule habituée à se retrouver sur la place de ce monde impossible et pourtant si réel. Je ne suis pas née dans un univers pareil, si bien des lieux des Terres de l’Ouest partagent la bienveillance apparente des gens qui m’entourent, je refuse d’accepter que le Ténébreux n’a pas une sphère d’influence dans ce domaine curieux.
Je ne suis pas du genre à ne pas faire preuve de vigilance; sans accès à la Source et en l’absence de Lan, je me dois d’être prudente. Je me pose dans un coin de la place du marché et commande un thé avant de feuilleter l’un des ouvrages qui semble populaire chez certaines personnes que j’ai observées. Un passage attire mon attention, refusant de me demander comment je peux même comprendre les caractères imprimés sur le papier: “J'ai cherché, cherché quelque chose. Un petit détail. Quelque chose qui m'aurait échappé. Quelque chose qui expliquerait pourquoi ces horribles choses sont arrivées. A chaque fois que j'entrevois une réponse, elle disparaît ! C'est à vous rendre fou !". Je referme le livre d’un claquement sec, la frustration gagnant rapidement à la lecture de ces mots. Je me lève, décidée à échapper au sentiment de familiarité que cet écrit à instillé en moi, l’agacement et l’impression de n’arriver à rien ayant bientôt raison de moi.
Je n’ai pas dû marcher bien longtemps, mais lorsque le brouhaha de la foule s’éteint, l’écho naturel reprend le dessus. D’un quartier commercial, je découvre une étendue de sable fin, contrastant impitoyablement l’environnement de pierre et d’urbanisme que j’ai laissé derrière moi. Quelque part, le panorama se dévoilant à moi me conforte: l’image d’une plage est l’un des derniers souvenirs que j’ai des Terres avant d’avoir fini ici, le jour où j’ai retrouvé une part de moi-même avant de la perdre à nouveau. Serrant ma main au cœur, je partage un moment pour songer à Lan, curieuse de savoir où il se trouve et priant la Lumière de le retrouver prochainement; quelque chose me dit qu’il n’est pas loin, mais le Lien est muet ici, rompu au même titre que mon accès à la Source. Le soleil frappe fort, j’entends déjà mon Lige m’encourager à prendre soin de moi alors que je reste là à observer l’horizon, imaginant le mirage de la Tour ainsi que l’écho des navires Seanchan. Un dur souvenir, si je considère que peu après l’annonce du retour du Dragon je me suis retrouvée ici…
Machinalement, je recommence mes mouvements, espérant contre tout espoir de parvenir à glaner un soupçon du Pouvoir duquel je suis à nouveau arrachée. Je me concentre, je ferme les yeux, et je perçois la présence de la Source sans parvenir à l’étreindre, m’arrachant un soupir frustré.. Un grondement sourd se fait entendre avant même que je ne pose les yeux sur la plage à nouveau, le soleil étant subitement absorbé par un orage aussi soudain que suspicieux. La chaleur tombe brusquement, et de lourdes gouttes de pluie m’encouragent à trouver refuge dans une petite caverne en bord de plage. Essayer de rentrer par des intempéries pareilles serait inconscient, je me fais donc confortable pour la nuit. Au réveil, en revanche, c’est comme si j’avais basculé dans un nouvel univers: le sable fin a disparu, remplacé par une verdure dense et luxuriante, le va et vient des vagues remplacés par un silence pesant que je n’ai jamais entendu qu’à l’Oeil du Monde. Très vite, une autre forme d’incertitude s’empare de moi et je tâche tant bien que mal à me frayer un chemin dans cette végétation impossible, espérant retrouver la sécurité d’une foule animée. Ma tenue se déchire, et je trébuche à plusieurs reprises mais ce n’est que lorsqu’une voix retentit que je m’arrête enfin et fait face à l’homme qui vient d’apparaitre, défiante et refusant de montrer toute faiblesse.
La jungle impromptue qui s'était dressée sur la plage pendant la nuit me rappelait que dans ce monde étrange, rien n'était figé, rien n'était stable. J'avais progressé à travers la végétation luxuriante, chaque pas une incursion dans l'inconnu. Les lianes et les feuilles me donnaient l'impression d'être un explorateur en territoire inexploré. Et maintenant, face à cette femme énigmatique, mes instincts me disaient de rester sur mes gardes. Ses mots résonnèrent dans l'air lourd de la jungle. « Je pourrais vous poser la même question. » Sa voix était calme, mais une tension sous-jacente trahissait une méfiance bien ancrée. Je l'observai un moment, évaluant la situation. Son apparence dénotait une certaine noblesse, une assurance rare dans ce monde déconcertant. Ses vêtements, bien que déchirés, parlaient d'un passé autrefois prospère, et ses yeux portaient la marque de quelqu'un qui avait vu bien des choses.
« Vous avez raison, » dis-je finalement, en esquissant un sourire énigmatique. « Je m'appelle Corto Maltese. Je suis un marin, un voyageur... et parfois, un explorateur de mystères. » Je laissai un instant de silence s'installer, évaluant sa réaction. « Et vous, qui êtes-vous pour vous aventurer seule dans cette jungle apparue du jour au lendemain ? »
Sa méfiance se lisait dans son regard et j’aurais été bien cabotin d’en user pour m’amuser. Je n’aurais rien eu à gagner à faire cela, de toute façon, alors j’enchainais, histoire de lui montrer que je n’étais pas un ennemi ni un conspirateur ou que sais-je… « Vous n'êtes pas la seule à chercher des réponses. Cette île... elle semble jouer avec nous, nous tester. Chaque jour, je découvre quelque chose de nouveau et d'incompréhensible. »
Je souris de nouveau, cette fois avec une chaleur sincère. « Disons que nous avons plus de chances de comprendre ce mystère à deux. »
Les sons de la nature, d'abord étrangement silencieux, commencèrent à se manifester, comme si la jungle elle-même reprenait vie autour de nous. « Voyez, écoutez… sentez… Nous ne sommes pas dans une jungle normale. Quelque chose cloche. »
Partout où j’avais voyagé, la nature suivait les mêmes règles. C’était la loi de la vie, la loi du plus fort, l’évolution… tant de théories qui pouvaient tout expliquer… du moins, auparavant. Car sur cette île, j’avais la sale impression que ce n’était pas pareil, que l’île en elle-même avait ses propres règles et qu’elle nous forçait à les découvrir à la dure.
« Vous voulez qu’on avance ensemble ? Au moins, s’il y a du danger, un de nous deux aura une chance de survie… » Je ne me faisais pas d’illusion, en réalité, en cas de danger, la règle de base était le chacun pour soi.
Chaque feuille, chaque ombre semblait nous observer, attendant de voir ce que nous ferions ensuite. Mais malgré l'incertitude, je sentais une étrange excitation grandir en moi. Ce mystère, cette quête, c'était exactement ce dont un homme comme moi avait besoin. Une aventure nouvelle, un défi à relever. Sans savoir ce que nous risquions de découvrir, si elle acceptait de me suivre, je songeais que j’aurais peut-être dû emporter un peu plus que mon paquet de cigarettes et une boîte d’allumettes. Une arme aurait sans doute pu être la bienvenue, mais à part mon couteau, je n’avais rien qui pourrait vraiment servir à nous défendre. Peut-être pourrions-nous tailler des branches pour avoir des javelots ou des lances, mais… transporter cela dans une jungle peut-être bienveillante me semblait un peu pathétique. Avec tout cela, je m’allumais une cigarette. Je ne pouvais pas m’empêcher de faire cela, geste aussi habituel que rassurant. Il s’agissait d’une habitude bien ancrée en moi et je ne me passerais d’elle pour rien au monde. « Vous en voulez une ? »
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PRETTYGIRL
(623 mots)
Moiraine Damodred
▿ Ton univers : La Roue du Temps (livres & série)
▿ Date de naissance : 17/09/1979
▿ Age : 45
▿ Métier : tête de mule - Aes Sedai - conseillère
▿ Quartier : elle fréquente principalement les Campagnes pour l'instant, mais elle va et vient de quartier en quartier
▿ Dons/capacités/pouvoirs :
▿ Lien du Champion
▿ Tissage (Feu)
▿ Pseudo : dustywings
▿ Avatar : Rosamund Pike
▿ Copyright : Aslaug (avatar); sauf si crédité autrement, les modèles de RP sont des presets de airpéger.fr
L’homme se présente à moi, exultant d’une assurance qui -honnêtement- faisait plaisir à voir. Il m’observe, je lui retourne l’attention et au final nous passons une minute ou deux à nous jauger du regard. Je dois avoir l’air maligne, avec le pan de ma jupe déchiré et le souffle coupé… Peu importe, je refuse de jouer les demoiselles en détresse, si j’ai été en mesure de m’infiltrer au coeur de la Souillure en compagnie de Rand ce n’est pas une jungle soudaine et mystérieuse qui allait m’arrêter.
Je suis une…
L’instinct de ne pas totalement être honnête colle à moi comme un bouclier depuis mon arrivée dans cet univers étrange mais si je ne suis pas en mesure de me l’approprier, le Pouvoir Unique me tient toujours aux Trois Serments. C’est d’ailleurs ainsi que j’ai réalisé la présence de la Source dans ce monde, même si je ne peux m’en servir. Je suis physiquement incapable de mentir et briser un Serment porte un trop lourd tribut pour m’encourager d’essayer.
Mon nom est Moiraine Damodred, de la Maison Damodred de Cairhien. Et la raison de ma présence ici ne regarde que moi..
Je le toise un peu du regard, mon éducation noble remontant à la surface alors que je lui réponds une vérité qui n’aura probablement pas le moindre sens à ses yeux. Malgré tout, j’observe sa réaction lorsque je m’explique, essayant de déceler une étincelle de reconnaissance dans ses yeux lorsque je mentionne le nom de ma Lignée ou encore de la capitale (et nation) sur laquelle la famille a longtemps régné. Non. Rien. Pas un soupçon trahissant qu’il ait conscience de quoi je parle. Je ne suis pas sûre de si ça me rassure ou non. Disons que nous avons plus de chances de comprendre ce mystère à deux. Je ricane légèrement, sans malice, à entendre ses mots. Sans avoir la moindre idée d’où commencer à chercher, ou alors une collection d’écrits qui chronique l’histoire de l’île et ses éventuelles métamorphoses, c’était comme si nous recherchons une aiguille dans une meule de foin. Il m’a fallu 20 ans de quête pour découvrir l’identité du Dragon Réincarné, je n’étais certainement pas prête à passer autant de temps à me demander pourquoi le sable fin s’était soudainement transformé en verdure et les crabes en singes hurleurs.
La dernière fois que quelque chose de similaire s’est déroulé, le deuxième Âge s’est achevé et le monde qui a suivi n’a plus jamais été le même.
La Dislocation du Monde a littéralement enterré l’ ge de Légendes sous le poids des rumeurs de leurs présence: les bouleversements géologiques et climatiques ont duré plusieurs siècles, des mers se sont déplacées ou évaporées. Le monde est revenu à une existence plus primitive, avec une population dramatiquement amoindrie.
Je doute… Non, j’espère que ça n’a rien de comparable. Nous n’aurions pas énormément de chances d’y réchapper.
...l’un de nous deux aura une chance de survie. Et je ne doute pas sur qui il mise. Mais au moins, il semble assez honnête pour m’arracher un sourire avant que je ne déclare qu’il n’a pas à s’inquiéter pour moi. J’ai beau ne pas être en compagnie de Lan, je ne suis pas sans défense et si j’ai encore cette envie d’atteindre la Source qui me démange, la dague que je garde sur moi en toute occasion ne risque pas de passer inutile si besoin est. Nous nous retrouvons dans une petite clairière dans l’environnement autrement étouffant de cette jungle, et je me permet de m’asseoir un instant contre un rocher. Il est inutile de s’enfoncer à tête baissée dans le bois, il fallait avant tout identifier où aller.
J’imagine que vous n’avez pas de compas sur vous, marin? Non pas qu’un sextant puisse être d’une grande aide en ce moment, surtout si loin des mers mais avoir une idée de la direction à prendre aurait… p.. aurait pu aider.
Je tousse, le souffle entrecoupé par une fumée qui émane ses lèvres de Corto peu après qu'il ait inspiré sur un rouleau enflammé.
Non merci. Qu’est-ce que c’est que c’est horreur?, la question m’échappe avant que je ne puisse contrôler mes idées, la fumée me piquant aux yeux et me poussant à me détourner de l’homme.
La jungle n'avait rien de commun avec celle que j'avais déjà traversée dans mes voyages, celle-ci semblait vivante, changeante, comme si elle jouait un rôle dans un mystère plus grand encore que ce que nous pouvions comprendre. Moiraine, à la stature noble et au regard acéré, ne laissait rien transparaître de ses pensées, mais je sentais en elle une force, une détermination qui ne pouvait être ignorée. C'était une femme qui avait vu bien des choses, qui avait vécu ce que peu d'autres pouvaient concevoir. Et pourtant, ici, sur cette île, tout semblait incertain, même pour quelqu'un comme elle.
Elle refusa ma cigarette d'un ton empreint de dédain, ce qui me fit sourire en coin. J'avais l'habitude de ce genre de réactions, mais son aversion pour cette simple habitude trahissait une vie de discipline et de rigueur. Une Aes Sedai, ai-je pensé en l'observant. Le terme venait de ma mémoire, tiré des légendes d'un monde différent du mien, un monde où la magie et la manipulation des forces invisibles étaient monnaie courante. Mais ici, sur cette île, même ces forces semblaient déconcertées, incapables de suivre leur cours habituel.
Je m'accroupis, laissant ma main effleurer le sol humide et fertile de cette clairière que nous avions trouvée. Je cueillai une fleur et commençai à en retirer les pétales un à un... « Un peu... beaucoup... passionément... à la folie... Pas du tout. Au moins c'est clair. » Ce petit jeu d'amoureux m'avait toujours semblé surfait, mais je m'y prêtais pour détendre un peu l'atmosphère. Les bruits de la jungle étaient omniprésents, mais ils semblaient provenir de tous côtés, comme si cette nature elle-même nous observait, pesant chaque geste que nous faisions. J'avais vu des lieux enchantés auparavant, des forêts mystérieuses où l'esprit de la nature semblait bienveillant, mais ici, c'était différent. L'île était une entité en elle-même, une force que je n'avais pas encore comprise.
« Un compas ? Non, malheureusement. J'ai appris à naviguer avec les étoiles, mais sous ce couvert, même elles sont invisibles. » J'avais l'habitude de m'en remettre à mon instinct, à ce sixième sens qui m'avait sauvé plus d'une fois. Mais ici, je devais admettre que j'étais aussi perdu qu'elle, malgré mon sourire qui ne quittait jamais mes lèvres. Je tirai une nouvelle bouffée de ma cigarette, le tabac se consumant lentement dans l'air lourd. « L'île... elle ne veut pas que nous partions, c'est certain. Mais elle nous montre la voie, d'une manière ou d'une autre. » Je me relevai, époussetant machinalement mon pantalon, comme si ce geste pouvait chasser les pensées sombres qui s'accumulaient dans mon esprit.
« La dernière fois que quelque chose de similaire s’est déroulé, disiez-vous... » Sa référence à un événement cataclysmique, la fin d'un âge, avait résonné en moi. J'avais entendu des histoires semblables, dans des ports lointains, racontées par des marins ivres ou des sages au crépuscule de leur vie. Des mondes qui changent, qui se plient sous la volonté d'une force supérieure. Mais ce n'étaient que des légendes, des histoires pour effrayer les jeunes mousses ou pour donner matière à réflexion lors des longues nuits en mer.
Pourtant, cette île avait un parfum de vérité dans ses mystères. Je pouvais presque sentir les vestiges d'une ancienne puissance, une magie oubliée qui se réveillait, comme un dragon qui s'étire après un long sommeil.
« Alors, Moiraine Damodred, de la Maison Damodred de Cairhien, » repris-je en laissant ces noms exotiques glisser sur ma langue comme un vin rare, « si cette île est véritablement le prélude à quelque chose de plus grand, nous devrions peut-être commencer par comprendre ce qu'elle veut de nous. »
Je lui jetai un regard en coin, cherchant à capter une réaction, une infime indication qu'elle partageait mes pensées. Mais son visage restait impassible, sculpté dans le marbre de la noblesse et de la discipline. Elle n'était pas le genre à se laisser deviner facilement, et cela rendait notre échange d'autant plus intrigant. Je continuais à parler, mais cette fois-ci avec une gravité que je réservais rarement.
« Les anciens disaient que les lieux avaient une mémoire. Que les événements qui s'y sont déroulés y laissent une empreinte, un écho. Peut-être devrions-nous chercher ces échos, écouter ce que cette jungle a à dire. » Mon regard se perdit un instant dans les ombres mouvantes des arbres, comme si j'attendais qu'une réponse vienne des profondeurs de cette terre.
« Si le changement est imminent, alors il y a forcément un signe, une trace. Quelque chose que nous pouvons trouver pour nous guider. » Je me redressai pleinement, prêt à affronter ce qui viendrait ensuite, car une chose était sûre, l'attente n'était pas une option.
« La jungle nous a déjà beaucoup dit, mais nous devons être prêts à entendre ce qu'elle murmure encore. » Mon ton était devenu plus déterminé, comme si en formulant ces mots, je traçais une route invisible à travers cet enchevêtrement de mystères. Le mystère s'épaississait autour de nous, mais c'était dans ces moments que je me sentais le plus vivant, que l'incertitude devenait une compagne fidèle, et que chaque pas me rapprochait un peu plus de la vérité.
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PRETTYGIRL
(858 mots)
Moiraine Damodred
▿ Ton univers : La Roue du Temps (livres & série)
▿ Date de naissance : 17/09/1979
▿ Age : 45
▿ Métier : tête de mule - Aes Sedai - conseillère
▿ Quartier : elle fréquente principalement les Campagnes pour l'instant, mais elle va et vient de quartier en quartier
▿ Dons/capacités/pouvoirs :
▿ Lien du Champion
▿ Tissage (Feu)
▿ Pseudo : dustywings
▿ Avatar : Rosamund Pike
▿ Copyright : Aslaug (avatar); sauf si crédité autrement, les modèles de RP sont des presets de airpéger.fr
Je tousse, étouffée par la brume opaque qu’il semble prendre un malin plaisir à faire échapper de ses lèvres. Ce n’est pas inconnu d’avoir des gens qui apprécient ces herbes à fumer, j’ai toujours mon propre stock dans mes quartiers à Cairhien après tout, mais ça fait si longtemps que je n’ai pas participé à l’acte que mes poumons ont oublié ce que c’était. Et puis, sa fumée à lui semble moins herbale, plus âcre, agressant ma capacité à respirer normalement. Je me détourne, m’éloigne un peu de lui avant de me retourner et lui faire face lorsque sa voix s’élève doucement dans l’air qui nous sépare, ignorant évidemment l'inconfort qu'il semble imposer sur notre tranquilité. Je me demande s'il l'a fait exprès, et je l'observe d'un regard un peu plus critique: il semble chantonner, marmonner quelque chose tout en arrachant les pétales d’une fleur qu’il a cueillie non loin.
Un peu… beaucoup… passionnément… à la folie… pas du tout. Au moins c’est clair.
Clair? Clair?! En quoi est-ce que son incantation pouvait-elle avoir quoi que ce soit de clair, je me demande en le regardant d’un air probablement ahuri. Bien trop souvent, les gens de ce monde font des choses et oublient tout simplement que tout le monde n’est pas familier avec leur coutume.
Est-ce que cet exercice de divination est supposé nous informer de ce qu’il se passe par ici ? Je pose les mains sur mes hanches dans cette attitude qui amuse Lan mais qui en agace tant d’autres chez moi, à la fois amusée par l'inaptitude de son sortilège et exaspérée par le temps qu’il nous fait perdre.
J’ai appris à naviguer, qu’il dit. Parfait, je soupire d’impatience avant de me détourner de lui et faire mon possible pour ne pas le comparer au dernier marin qui a croisé mon chemin. Celui qui avait accepté de me retrouver dans les hauteurs de la demeure de Verrin pendant ma convalescence pour m’apporter des rumeurs et des presque trésors d’horizons lointains. Il tire sur sa cigarette avant de m’observer calmement avec un sourire qui m’agace de plus en plus; je n’aurais d’ordinaire pas été si prompte à la confrontation, mais mon incapacité à puiser dans la Source me met sur la défensive. Il se lève, me fait part d'un bout de pseudo sagesse avant de finalement soulever ce que j’ai laissé échapper; ce que je n’ai pas dit, en revanche, c’est que la dernière fois que le monde s’est métamorphosé, la quasi totalité de la population y a laissé la vie. De ce fait, je préfère ne pas trop comparer les deux situations, au moins aussi longtemps que possible. Entretenir la possibilité que la transformation de la topographie actuelle ait la même source est aussi effroyable que inquiétant, et je n’ai pas encore remis la main sur le Dragon pour pouvoir dire d’affronter quelque puissance néfaste de cet univers.
Alors, Moiraine Damodred… J’essaie une fois encore d’appeler à la Source et de Tisser quelque chose de simple, en vain, lorsque sa voix me ramène à la réalité. Je ne suis capable que de quelques étincelles, et si c’est bien plus que ce que j’ai hérité après avoir affronté Ishamael, j’ai l’impression de reprendre le statut de novice, à manquer faire exploser la cuisine de notre manoir par ma magie incontrôlée. Je m’agace moi-même, et la tonalité suave de la voix de l’autre homme ne m'aide certainement pas à garder mon calme. Cet univers me rends nerveuse, et je déteste le sentiment. Si Lan était présent, il aurait déjà posé sa main contre mon bras dans un effort de m'apaiser, mais en son absence je n'ai que l'homme devant moi pour dire de faire l'affaire. Et je suis loin de vouloir lui faire confiance. Je roule des yeux avant de les baisser vers les siens, m’interdisant la moindre option de repos tant que cette situation étrange n’est pas sous contrôle.
Vous pensez sérieusement entendre l’île vous murmurer ce qu’elle désire? J’allais rire de ce concept avant de réaliser l’hypocrisie de ma conviction, puisque je suis la première à avouer avoir foi en la Roue qui tourne et qui fait revenir les Âges de ce monde, influant sur la vie de tous de manière inexorable. Ou peut-être de tous les mondes. Est-ce qu’accorder une puissance surnaturelle à un lieu est si extravagant que ça? D’où je viens, la moindre transformation des Terres n’a qu’une seule origine, l’hubris de l’homme et la souillure du Saidin à la Déchirure du Monde. J'ose espérer que nous n'avons pas affaire à une situation similaire, parce qu'à écouter l'île ou non, je peux vous garantir de ne pas avoir le moindre moyen de nous en sortir. Je teste un peu ses réactions à annoncer ces termes étranges, toujours pas totalement convaincue qu’il ne soit pas un Ami du Ténébreux destiné à me tromper et entraver mes efforts pour rétablir l’ordre sur les Terres de l’Ouest.
Et quand bien même pouvons-nous trouver ‘quelque chose pour nous guider’, qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas pour nous faire disparaître une bonne fois pour toutes. Vous savez, il y a une cause très simple au fait de penser entendre la forêt, la plage, le monde entier vous parler: la Folie entretenue au coeur de certains hommes, la magie corrompue qui a finit par nous ruiner. Je regarde à nouveau les pétales de fleur étalés au sol, tout en essayant de me souvenir si le sortilège qu’il a énoncé plus tôt trouve écho dans les écrits de Verrin, ou de n’importe quelle autre Soeur de la Tour. Je caresse l’air d’une main, essayant d’agripper les fils d’énergie qui allaient me permettre de Tisser, mais depuis mon arrivée en ce monde rien ne semble plus fonctionner comme il faut.
Mais si l’homme est là pour me nuire, il me faut un moyen de me défendre.
Je fais un nouveau mouvement de poignet, et puis je le ressens enfin. Le Pouvoir. Pas nécessairement le fil que j'aurais préféré invoquer, mais c'était certainement mieux que rien: le feu n'a jamais été mon élément favori, mais j'ai pu abattre une flotte entière de Seanchan la dernière fois que je l'ai manié..
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De quelles terres disiez-vous être, marin? Un nouvel élan de suspicion et de prudence s'empare de moi, accueillant ses airs rêveurs et philosophiques avec la dureté et l'instinct d'une personne ayant passé vingt ans à errer en n'ayant pas fait confiance au premier minois "prêt à aider" qui se présente. Si l'homme s'avère être un survivant de la flotte que j'ai détruite pour protéger Falme... ses vêtements ne laissent pas supposer, mais il aurait pu les avoir volé sans trop de tracas. Des étincelles oranges commencent à scintiller autour de mes mains, liées par des filaments d'un pouvoir que je redécouvre, léger assez pour ne pas paraître trop menaçante mais suffisamment clair pour ne pas laisser le moindre doute sur ma capacité à ne pas me laisser faire.
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Sea breeze & forest wind|| ft. Moiraine Damodred
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