(terminé) Feu de camp | Love Stories / Horror Stories | Clarke

Clarke n'était pas du genre à se poser pour discuter des choses qui n'allaient pas. Elle était du genre à agir. Pourtant, elle ne pouvait nier le bien fou qu'elle ressentait en racontant une partie de son histoire, en parlant de sa fille ou en demandant des conseils à une parfaite inconnue, rencontrée par hasard à une fête d'Halloween. Clarke restait particulièrement discrète sur son passé parce qu'elle savait qu'il était sombre et qu'elle serait considérée, par beaucoup, comme un monstre pour tous les horribles crimes qu'elle avait commis. Tous n'étaient pas capables de remettre les choses dans leur contexte et de comprendre qu'elle ne venait pas d'un monde comme celui-ci, mais d'un monde où il fallait se battre à chaque instant pour sa vie, pour survivre et ne pas mourir. Bien sûr, cela n'excusait pas ses crimes, mais cela permettait de les expliquer. Clarke n'avait jamais commis ses erreurs par plaisir de faire du mal, elle les avait faites par nécessité, par obligation, parce qu'il n'y avait rien d'autre à faire sur le moment, dans sa situation. Et elle s'en voulait. Elle s'en voulait d'être responsable de la mort de centaines d'innocents. Elle s'en voulait d'avoir sacrifié tant de vie, d'avoir tué de ses propres mains, mais qu'aurait-elle pu faire d'autres ? Regarder les siens mourir ?

Ses crimes la hantaient. Ceux dont elle se souvenait et ceux dont elle n'avait gardé aucun souvenir. Elle ne s'en souvenait pas, mais la culpabilité n'avait pas disparu, elle. Bellamy lui avait raconté certaines choses, sans entrer dans les détails et lui en avait refusé d'autres. Il était le seul à pouvoir lui donner ses souvenirs, mais elle n'arrivait pas à en exiger autant de lui. Il était si malheureux et leur relation était si bancale. Alors, elle cherchait un conseil sincère auprès de sa nouvelle amie. Fallait-il qu'elle l'oblige à parler ? En avait-elle le droit ? A sa réflexion, la jeune femme confirma d'un hochement de tête. Elle ne prétendrait jamais le contraire, leur situation, à tous les trois, était bien plus que difficile. Attentivement, Clarke écoutait chacun des mots de Love. Selon elle, les secrets et les mensonges n'étaient jamais une bonne chose et ils finiraient par les détruire. Puis, elle avait poursuivi en lui rappelant que ce qu'elle avait fait, même sans s'en souvenir, la hantait déjà. L'ignorance ne semblait donc pas être la solution pour Clarke.

La jeune femme était restée silencieuse durant un certain temps, réfléchissant aux mots de Love. Elle avait appuyé ses bras sur ses genoux et sa tête reposait sur ses mains, croisées. Elle regardait au loin, droit devant elle, sans rien voir, complètement perdue dans ses pensées. « J'ai peur, Love. Peur que la vérité soit pire encore que l'ignorance. » Lui avoua-t-elle, dévoilant des faiblesses qu'elle ne dévoilait jamais, habituellement. « Il me répète que je suis forte, mais je ne me sens pas forte. » Et elle craignait que la vérité, impossible à supporter, ne la détruise plus que l'ignorance ne le faisait déjà. « Je te raconte que j'ai fait des choses horribles - et je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça, c'est stupide n'est-ce pas ? De raconter ça à une inconnue ? - et tu restes là, à m'écouter. » Elle était impressionnée et surprise, étonnée. Pourquoi ne prenait-elle pas la fuite ? « T'es de bons conseils, tu sais ? » Ajouta-t-elle, comme si elle n'était pas en train de parler du fait qu'elle était un monstre. « Je... Merci. » Que pouvait-elle dire d'autres, après tout ? « Je ne peux pas l'obliger à me raconter notre histoire, mais je peux essayer de le convaincre que ça me fait plus de mal que de bien de tout ignorer. » Avait-elle terminé par dire, après les conseils avisés de Love.

Il y avait fort à parier que Clarke se demanderait pourquoi elle avait fait toutes ces confidences à une parfaite inconnue lorsqu'elle ouvrirait les yeux, le lendemain matin. Mais, ce soir, même si elle se questionnait, elle se sentait mieux d'avoir pu parler de Madi, de sa mémoire défaillante et des souvenirs difficiles - mais inexistants. En Love, Clarke trouvait une confidente. Elle avait l'impression qu'elle pouvait la comprendre mieux que personne - sentiment étrange envers une personne dont elle ne savait rien. « Plus encore lorsque cette inconnue ne semble pas effrayée par notre part sombre. » Affirma Clarke en lui lançant un regard et un sourire en coin. Combien aurait fui en entendant certaines de leurs révélations - qui pourtant ne comportaient pas beaucoup de détails, par rapport à la réalité ? « Tu diras ça à mes amis, si un jour je les retrouve. » Ce n'était pas vraiment le moment de plaisanter, mais elle tentait de dédramatiser. Elle savait que les siens, ses amis, sa famille lui avaient souvent reproché les pires décisions qu'elle avait pu prendre - parce que personne d'autres ne voulait prendre ces horribles décisions pour la survie du plus grand nombre - et certains ne la voyaient que par ces décisions, en oubliant la femme qu'elle était en dehors des guerres qu'on lui avait imposées, en dehors des décisions qu'on lui avait imposées. Ils n'avaient pas accepté que dans leur monde, c'était mourir ou survivre et que pour survivre, il fallait faire des sacrifices terribles. « ça m'a déjà aidée. » Assura Clarke. Peut-être qu'elle n'obtiendrait pas de réponses de son meilleur ami, mais lui avoir parlé, avoir cherché des conseils auprès d'elle l'avait déjà beaucoup aidé.

Alors, Clarke prenait les conseils de la jeune femme avec plaisir. Bien sûr, elle ne pouvait pas obliger Bellamy à tout lui raconter, mais elle pouvait lui expliquer le mal que cela lui faisait de ne pas savoir. Peut-être, alors, que la vérité serait pire que l'ignorance, peut-être qu'elle ne réussirait pas à s'en remettre, mais, au moins, elle saurait et elle ne se poserait plus toutes ces questions qui lui pourrissaient la vie. A la proposition de la jeune femme, Clarke ne put s'empêcher de sourire, tout en lui jetant un nouveau coup d'oeil. « Attends-toi à me voir débarquer à n'importe quelle heure pour goûter à ces merveilles. » Clarke avait pris goût à la bonne nourriture depuis qu'elle était dans ce monde et elle avait pris goût aux pâtisseries de Love à l'instant où elle avait croqué dedans. Néanmoins, et heureusement pour elle, la jeune femme n'était pas vraiment du genre à débarquer n'importe quand et régulièrement. « J'suis pas franchement l'amie de l'année, ni même la confidente dont tout le monde rêve... » Affirma-t-elle, presque amusée. « mais si tu as besoin de parler de ton fils ou de n'importe quoi d'autres, je t'écouterai. » Clarke était plus douée pour donner des ordres, diriger les opérations et protéger les siens, mais elle se sentait prête à prêter une oreille attentive à cette mère éplorée, tout comme elle, elle l'était.

Clarke n'avait pas à se plaindre. Autrefois, dans son monde, elle avait connu de véritables amitiés - du genre où il fallait se sauver la vie en permanence, ça renforçait forcément les liens - mais elle avait aussi connu la solitude. En dehors de ces périodes où elle s'était réellement retrouvée seule, physiquement, il y avait eu toutes ces fois où on lui avait reproché des décisions qu'on l'avait forcée à prendre, par la force des choses, parce que personne n'était capable de le faire. Alors, bien sûr, ils avaient fini par lui pardonner - elle le supposait, d'après les souvenirs et les flous qu'elle avait conservés - et tout le monde ne lui avait pas toujours tout reproché, et heureusement, mais ça ne rendait pas les choses plus faciles pour autant d'être jugée pour ce qu'on supposait avoir été obligée de faire - d'autant lorsqu'on se le reprochait déjà bien assez soi-même.

Aujourd'hui, Love ne semblait pas se préoccuper de la part la plus sombre du passé de Clarke. C'était agréable parce que Clarke avait l'impression de pouvoir lui parler plutôt librement - même si elle n'avait pas raconté ses pires actions, par précaution. « Merci. » Souffla-t-elle simplement. Que pouvait-elle répondre d'autres ? Elle était heureuse de savoir qu'elle pouvait compter sur quelqu'un de nouveau, quelqu'un capable de comprendre que les pires décisions n'étaient pas toujours prises par les pires personnes, capable de comprendre que dans certains cas désespérés, il fallait être capable de faire les pires sacrifices - d'autant plus dans un monde si différent de celui-ci où il était question de survie et non pas de vie. Alors oui, elle ne pouvait que la remercier parce qu'elle était une parfaite inconnue et qu'elle avait été une oreille attentive - plus que certaines personnes qu'elle connaissait depuis son arrivée ici. Peut-être que cette rencontre ne mènerait à rien, ou peut-être pas. Clarke avait l'intuition qu'elles se comprenaient et qu'elles se reverraient parce que c'était presque nécessaire. Il était si rare de trouver quelqu'un capable d'écouter. Et, de son côté, même si Clarke n'était pas l'amie de l'année, elle ferait tout ce qu'elle pourrait pour être une oreille aussi attentive. Elles partageaient toutes les deux la pire des peines : elles ignoraient si leur enfant allait bien. Et, rien que pour ça, elles auraient besoin de se revoir - Clarke en avait besoin en tout cas. « On se revoit bientôt. » Affirma alors Clarke, sûre d'elle, avant que leur chemin ne se sépare.