Et bon appétit, bien sûr + Molly.

Depuis son arrivée dans cet étrange endroit, Sophie devait s'habituer à toute sorte de choses. Dehors, pour se déplacer, les gens utilisaient des voitures sans chevaux. Pour communiquer, les gens utilisaient de drôles d'appareil. Sophie avait essayé, notamment pour le travail, mais elle fut rapidement effrayée par ces minuscules appareils bruyants et l'objet trônait désormais dans un tiroir. Il n'y avait pas que ça, mais la liste était trop longue. Sophie passait plus de temps enfermée, à déléguer les tâches, qu'autre chose, tant le monde extérieur tel qu'il était lui semblait dangereux. Pourtant, elle avait réussi à se lier avec certaines personnes, notamment des voisins qu'elle allait souvent voir pour demander de l'aide. Ce soir, elle avait décidé d'inviter Molly, elle l'avait aidé une fois avec l'appareil bruyant et depuis, elles étaient amies. Enfin, Sophie supposait qu'elles l'étaient. Sophie avait donc invité la jeune femme à venir dîner, oubliant au passage qu'elle n'avait jamais fait la cuisine de toute sa vie. Depuis son arrivée, elle se nourrissait principalement de biscuits, de bonbons et de choses à réchauffer dans un four, qu'elle faisait toujours brûler ou qu'elle mangeait à moitié cru. La seule fois de sa vie où elle avait préparé quelque chose, elle avait préparé du thé avec de l'eau des chiens et du blanc à argenterie, autant dire que ses amis n'avaient pas apprécié. Lorsqu'elle était allée faire les courses, une chose qu'elle avait assimilé dans ce monde, elle avait rempli de choses diverses son caddie, incapable de savoir quoi choisir. Rentrée chez elle, elle avait donc assemblé différents aliments, espérant obtenir un résultat correct : c'était bien comme cela qu'on faisait, non ? Après avoir allumé son four en tournant le bouton jusqu'au bout, elle y avait déposé un rôti dans un plat, sans eau, sans assaisonnement, sans rien. Elle avait ensuite préparé des sortes de petites galettes qui devaient servir d'entrée. Elles étaient censées être moelleuses et tendres, mais elles étaient à la fois dures, immangeables et pleines de morceaux dus aux grumeaux. Sans s'en inquiéter plus que ça, elle avait déposé les galettes sur la table avec des boissons et attendait patiemment que son amie arrive, heureuse de passer un moment avec quelqu'un qu'elle appréciait.

Les petites galettes déposées sur la table avec des sodas, Sophie attendait patiemment l'arrivée de son amie. Si elle n'était pas en retard, elle avait pourtant l'impression d'attendre depuis une éternité. Elle fut heureuse d'entendre toquer à la porte et se précipita vers cette dernière afin de l'ouvrir. A peine la porte fut-elle ouverte, que Sophie attrapa le bras de son amie pour la conduire jusqu'au salon tout en discutant. « Molly ! J'avais hâte que tu arrives ! » Précisa-t-elle. « C'est la première fois que je prépare un repas pour quelqu'un, j'espère que tu aimeras... J'ai tout préparé toute seule, je ne me suis aidée de rien ! » Lança-t-elle en désignant de sa main les galettes déposées sur la table, pas peu fière d'elle. Elle n'avait pas encore laissé parler Molly tant elle était bavarde et pas toujours bien élevée. « Qu'est-ce que c'est ? » Demanda-t-elle enfin en désignant la boite que Molly tenait dans ses mains. La curiosité de Sophie prenait toujours le dessus et il lui arrivait bien souvent de poser des questions alors que ça ne se faisait pas forcément. Enfin, Sophie se disait que si molly apportait quelque chose, c'était forcément pour le dîner de ce soir, il y avait bien peu de chances pour que Molly aime juste, par plaisir, promener une boite vide dans tout le quartier.

« Ta plaisanterie est vraiment étrange, Molly. » Se sentit obligée de préciser Sophie. Ce qui ne l'avait pas, au passage, empêché de sourire à la plaisanterie, mais elle tenait à lui préciser le fond de sa pensée. Elle n'avait pas forcément l'habitude de ce genre d'humour, même si elle s'y était faite facilement. Laissant ça rapidement de côté, Sophie reprit la parole pour préciser qu'elle avait fait ce repas seule et sans aucune aide extérieure. Elle en était vraiment fière, après tout, c'était la première fois qu'elle réussissait ça. Puis, finalement, elle avait trouvé ça plutôt simple. Ne suffisait-il pas simplement de mélanger des ingrédients les uns avec les autres pour obtenir un résultat ? C'est en tout cas la pensée de Sophie après avoir tenté ce dîner dont elle était si fière. « J'espère vraiment ! Je sais qu'il n'y a pas de honte à demander, mais c'est juste que je voulais prouver que je pouvais. » Se sentit-elle obligée de préciser à nouveau. Elle avait besoin de montrer qu'elle pouvait faire des choses, qu'elle n'était pas la petite Sophie qui ne faisait que des bêtises.

Laissant ça de côté, elle avait remarqué la boîte que son amie tenait. Sophie, curieuse comme toujours, ne put s'empêcher de demander ce que c'était. Elle prit les gâteaux que lui tendait son amie, pressée d'ouvrir pour voir. « Oh tu sais que tu n'es pas obligée de ramener quelque chose, j'ai tout ce qu'il me faut ! Mais c'est vraiment gentil. En plus, j'adore les gâteaux. » précisa la gourmande. En effet, si Sophie devait citer un de ses plus grands défauts, en plus de la curiosité, ce serait la gourmandise. Elle ne résistait jamais très longtemps à une sucrerie. « C'est gentil. C'est bien plus petit qu'à Rean, mais je suis toute seule ici alors ça me suffit. » Pour Molly, la comparaison était impossible. En effet, son amie n'avait jamais mis les pieds dans le château dont elle parlait. Alors oui, Sophie vivait dans une grande maison, beaucoup trop grande pour elle avec beaucoup de pièces inutilisées, mais en comparaison, c'était petit. Elle était ravie de savoir que sa maison plaisait, toujours heureuse de recevoir un compliment. Après avoir déposé les gâteaux sur la table basse, les deux jeunes femmes s'installèrent sur le canapé. Sophie avait versé un soda à la jeune femme sans lui demander si elle en voulait et avait fait de même. Comme souvent, puisque la boisson était sucrée, Sophie l'avala d'une traite. « Pas vraiment. Je connais surtout des voisins, en fait. J'ai perdu tous mes amis, toute ma famille aussi... J'ignore où ils sont en réalité. » Jean, son mari. Paul, son cousin. Camille et Madeleine, ses soeurs et amies. Et tous les autres. Ils avaient tous disparu. Molly allait peut-être la prendre pour une folle, peut-être avait-elle tort de se confier de la sorte à une inconnue. « Et toi, tu connais du monde ? » s'interrogea Sophie, curieuse.

A la réponse de son amie quant à son humour, Sophie se contenta de hausser les épaules en souriant. Au fond, peu importe, elle était amusante, c'était tout ce qui comptait. Sophie préférait nettement sa compagnie à celle des gens ennuyeux qui ne parlaient que de choses intelligentes et sérieuses, sans jamais chercher à plaisanter. A la suite, les deux femmes discutèrent des capacités en cuisine de Sophie. Cette dernière avait voulu montrer de quoi elle était capable sans demander d'aide à personne. A moins d'avoir un don, il était certainement stupide de croire qu'elle pouvait cuisiner parfaitement sans aide et sans jamais l'avoir fait, mais pourtant, elle, elle le croyait. Elle se mit donc à sourire à la réponse de son amie. Il était courant de vouloir montrer de quoi on était capable. C'était très certainement un comportement normal.

« Tu es gourmande alors, comme moi. » Avait conclu logiquement Sophie. « J'ai vraiment hâte de les manger ! » et si elle n'écoutait qu'elle, elle en aurait déjà goûté un, mais on lui avait suffisamment répété que le dessert, c'était le dessert et en présence d'autres personnes, elle respectait cela. Si elle avait été seule, des gâteaux, il ne resterait déjà rien. Mais ce sujet fut mis de côté pour parler de la maison de Sophie. Grande selon son amie, petite en comparaison avec là d'où elle venait. « Tu me feras visiter un jour ? » Demanda Sophie curieuse et loin de s'inquiéter du fait que ça ne se faisait pas. Elle aimerait tellement pouvoir faire visiter Rean à Molly, mais au fond d'elle, quelque chose lui disait que ça n'arriverait jamais. Tout comme retrouver ceux qu'elle aimait, elle commençait à douter. Enfin, parfois. Elle se sentait si seule dans ce nouveau monde et elle n'y comprenait tellement rien. « Londres ? Je viens de France, moi. J'ai l'impression d'être bien loin de chez moi. Tu es venue ici comment ? Enfin, pourquoi ? » demanda Sophie après avoir écouté son amie. « C'est quoi exactement comme métier ? » Elle n'y comprenait pas grand chose. « Tu n'es pas mariée ? » Dans le monde de Sophie, il était rare qu'une fille de l'âge de Molly ne soit pas mariée, bien qu'elle ne soit pas vieille, mais suffisamment pour devoir être mariée. « Sers-toi si tu veux. » Dit Sophie avant que Molly ne réponde. Rien de mieux qu'écouter en mangeant. Sophie prit une des galettes et y croqua, mais la texture et le goût étaient... étranges, mauvais même.

Sophie, qui était très curieuse, avait hâte de visiter la maison de Molly. Il lui importait peu qu'elle soit grande ou non, elle voulait juste connaître l'endroit où vivait son amie. Aux yeux de Sophie, cette maison n'était pas spécialement grande. Bien sûr, elle n'avait rien à voir avec toutes les petites maisons qui entouraient le château de Réan auparavant, elle était bien plus grande, mais elle était également bien plus petite que le château dans lequel elle avait grandi. Continuant de parler de l'endroit où elles vivaient ou avaient vécu, elles parlèrent de leur endroit d'origine et de leur arrivée ici. « Oh oui, c'est très différent d'ici... Tout y est très différent ! » Elle n'imaginait pas qu'en France les choses avaient changé aussi, évolué. Dans son esprit, tout devait y être comme avant. « Oh... » souffla-t-elle, presque déçue par la réponse de Molly. Elle était arrivée ici par choix, elle ne pourrait donc pas lui expliquer ou lui en dire davantage sur cet étrange monde. « Je ne me souviens pas de pourquoi je suis venue... Ni comment. » lâcha-t-elle comme un aveu face à son amie. « Je ne comprends pas pourquoi j'aurais tout quitté sans raison... » Devenait-elle folle ? Son amie la prendrait peut-être pour une folle avec de tels aveux, c'était un grand risque qu'elle prenait en se confiant.

Toujours curieuse, Sophie se questionna sur le métier de Molly, n'y comprenant pas grand chose. « Oh, c'est... étrange ! » Dit-elle, à moitié étonnée, à moitié intriguée. D'autant plus que dans son monde, à son époque, ce genre de métier exercé par une femme semblait improbable, mais ici, Sophie avait compris que ça n'avait rien d'exceptionnel, que les femmes avaient gagné une liberté qu'elles n'avaient pas à l'époque. Toujours dans l'optique d'en savoir plus sur sa voisine, Sophie continuait en lui demandant si elle était mariée. Sa réponse l'avait étonnée et ça devait certainement se lire sur le visage de Sophie. « Pourquoi n'as-tu épousé personne d'autre, encore ? » Curiosité, encore. « Bien sûr... Enfin, je crois. Tout est confus dans mon esprit, mais je suis certaine d'avoir épousé Jean. Je crois... » Dit-elle en fixant son annulaire gauche qui portait une bague. Elle était peinée de parler de Jean, de ne pas l'avoir près d'elle. Elle était peinée de ne plus se souvenir. Alors, pour changer d'humeur, elle proposa à Molly de se servir en galette. Sauf que ça n'avait ni le goût, ni la texture qu'elle espérait. « Tu aimes ? » Dit-elle en reposant le reste de la galette sur la table. « Ça n'a pas le goût que j'espérais... » avoua-t-elle, déçue de son échec.