Are you still glad? [Jaime & Myrcella]

En jetant un coup d’œil à son emploi du temps, Myrcella ne put retenir un soupir d’agacement. Déjà qu’elle n’avait pas pu saquer ce prof durant toute l’année passée et qu’elle était convaincue que l'aversion était réciproque, il fallait qu’elle se le coltine à nouveau durant douze mois supplémentaires. Et en plus, rien que la journée d’aujourd’hui comportait quatre heures en sa compagnie et il n’était même pas noté précisément à quel local avait lieu le cours, deux possibilités étant situées aux opposés l’un de l’autre ayant été indiqués sur la feuille avec un point d’interrogation. You-pi.

Se mordant l’intérieur de la joue pour tenter de contenir son agacement en se rappelant que d’ici quelques temps elle n’aurait plus à fréquenter ce détestable individu, l’étudiante plaqua un sourire de circonstances sur ses lèvres en se dirigeant vers l’accueil pour y demander le renseignement dont elle avait besoin sans prêter d’attention particulière aux autres personnes croisées sur sa route. Après tout, elle n’était aucunement d’humeur à sympathiser avec quiconque. L’homme qui était devant elle dans la file n’attira pas particulièrement son regard alors que ses yeux étaient rivés sur l’un des prospectus collés sur la vitre pour une recherche de tutorats afin d’aider les nouveaux élèves en difficulté. Peut-être que ce serait une possibilité supplémentaire de se faire un peu de sous qu’elle devrait considérer – surtout que ça lui permettrait de connaître de nouvelles têtes. Ses pensées semblèrent s’interrompre brutalement lorsqu’elle entendit la voix de l’inconnu, ses sourcils se fronçant automatiquement. C’était impossible. Après autant de temps, son esprit avait pourtant aussitôt fait la corrélation.

« Père.  »

Oubliés les tabous et secrets d’autrefois : ici, personne ne pourrait les reconnaître et les juger. Et dans tous les cas, elle aurait peut-être été un peu trop bouleversée que pour y prêter attention même si ça avait été  possible. Ce n’était définitivement ni le lieu ni le moment mais elle ne put s’empêcher de se précipiter contre lui, tentant d'effacer cet air coupable de son visage. Bien qu’elle ne l’ait pas vécu de son point-de-vue, la plus jeune ne pouvait que le comprendre : ça devait être terrible de voir son enfant s’éteindre au creux de ses bras en étant complètement impuissant. Car à ses yeux c’était ce qu’il avait été : impuissant. Avec toute la volonté du monde, il n’aurait rien pu changer au sort probablement planifié pour elle déjà bien avant qu’il ne vienne avec l’intention de la récupérer. Dorne avait simplement décidé de sacrifier une jeune fille pour venger la mort d’autres enfants. Par conséquent, elle ne le considérait absolument pas comme responsable de ce qui s’était passé autrefois. Pas plus que Trystane ou sa mère – bien que son ambition ait grandement contribué à l’animosité que bon nombre de maisons avaient commencé à ressentir à leur égard. Les seules personnes qu’elle pouvait rationnellement blâmer étaient La Montagne, son grand-père et bien évidemment Ellaria elle-même. Comment avait-elle pu considérer cette femme comme une mère d’adoption durant toutes ces années pour finalement terminer de la sorte ?

« Qu’est-ce que tu es venu faire ici ? »

Qu’est-ce qu’il avait fait depuis qu’il était arrivé ? Sa mère était-il avec lui ? L’un de ses frères avait-il été retrouvé avant elle  ? Qu’étaient-ils devenus après ce qui s'était passé ? Il y avait tellement de questions qu’elle avait à lui poser, mais elle doutait que le secrétariat de l’université soit le meilleur endroit pour s’y adonner.

« On devrait peut-être aller à la cafétaria. Il ne devrait pas y avoir grand monde à cette heure et on y sera un peu plus à l’aise qu’ici pour discuter de tout ça.  »

Pando

Combien de fois ne s’était-elle pas demandé s’il pensait parfois toujours à elle au cours de ces trois dernières années ? Sans s’imaginer qu’il se trouvait peut-être quelque part ici et même en le pensant toujours à Westeros, il lui était arrivé fréquemment de se questionner quant aux retombées qu’avaient pu avoir sur lui le dernier moment qu’ils avaient passé ensemble. Lui avait-il fallu du temps pour s’en remettre ou l’avait-il accepté aisément en décidant simplement d’accuser la fatalité et en craignant uniquement la réaction de Cersei lorsqu’elle apprendrait la nouvelle ? A en juger par l’émotion que reflétait son visage actuellement, la petite lionne avait sa réponse.

« Après tout ce temps ? »

Sa voix se brise malgré elle, se demandant désormais depuis combien de temps il arpentait tous les lieux susceptibles d’accueillir des personnes de sa tranche d’âge dans l’espoir de pouvoir la retrouver. Le voir aussi déstabilisé ne peut que la faire esquisser un petit sourire bien qu’elle évite de le lui faire remarquer, bien placée pour savoir que tout le monde dans la famille possède son petit ego – et que les démonstrations sentimentales en public ne sont pas franchement leur fort.  C’est également l’argument qui la pousse à lui proposer d’aller s’installer dans un endroit où ils pourraient discuter à l’abri des oreilles indiscrètes, consciente que beaucoup de sujets devraient certainement être évoqués et ne se voyant pas le faire en face du secrétariat de son établissement scolaire.

« J’aurai dû me douter que s’il y avait bien une personne qui serait susceptible de remuer ciel et terre pour espérer nous retrouver, ce serait elle. »

Prenant une bouchée de la part de cake qu’elle s’était servie en arrivant, elle vient poser brièvement son index contre ses lèvres le temps de mâcher avant d’acquiescer légèrement. Être la première de la fratrie à être retrouvée avait quelque chose d’aussi réconfortant que d’amer et pendant quelques secondes, elle garde le silence pour emmagasiner l’information tout en se demandant jusqu’à quel degré d’honnêteté elle pouvait aller avec lui comparé à sa mère.

« Pouvoir passer beaucoup plus de temps avec maman, Tommen et toi sonne réellement comme un rêve éveillé et je pense toujours ce que je t’ai dit ce jour-là quant au fait que je suis heureuse que tu sois mon père mais… » Elle se mord l’intérieur de la joue un court instant, espérant qu’elle n’allait pas le braquer avec ses prochains mots mais décidant de jouer cartes sur table. « Je ne pense pas que je pourrai à nouveau cohabiter sous le même toit que Joffrey ou même que j’arriverai à feindre la tolérance avec lui un jour. Trop de choses se sont passées que pour réussir à faire table rase de toutes les atrocités qu’il a pu commettre en salissant notre nom. »

Pando

Voir que Jaime la conforte dans son opinion de Joffrey est plus réconfortant qu’elle ne l’aurait pensé. Du côté de sa mère, Myrcella sait qu’il sera inutile d’essayer de prêcher : s’il y a une personne qui a toujours vu Joffrey comme étant pratiquement un descendant des Sept au point de fermer les yeux sur toutes les atrocités qu’il était susceptible de dire ou de faire, c’est bien elle. Aussi, il n’y a rien de bien surprenant à ce qu’elle veuille le retrouver dans ce monde également – d’autant plus qu’elle imagine sans mal l’état dans lequel Cersei avait dû se retrouver suite à sa perte prématurée. Désormais, l’adolescence sait qu’elle pourra désormais compter sur au moins un allié (et pas des moindres) contre l’adversité que représenterait inévitablement son aîné si celui-ci refaisait un jour surface et ça suffisait

L’espace d’un instant, ses sourcils se froncent lorsqu’il parle d’un hypothétique petit frère alors qu’il lui avait dit quelques instants plus tôt qu’elle avait été la première dont il ait réussi à retrouver la trace. Ses yeux s’écarquillent lorsqu’il se montre un peu plus clair, étant loin d’avoir imaginé cette possibilité. C’était pourtant presque logique, en y pensant : ses parents avaient ici enfin l’occasion de pouvoir vivre la vie qu’ils avaient probablement toujours espérée. Avoir un enfant était bien souvent une étape importante dans la vie d'un couple et le leur avait été si chaotique qu'ils avaient certainement sauté sur l'occasion de rattraper le temps perdu – impossible pour leur unique fille de les blâmer pour ça. Un petit sourire doux peint son visage lorsqu’il établit un contact entre eux et sa main vient serrer légèrement la sienne, comprenant qu’il a certainement besoin d’être rassuré quant à sa réaction.

« Les félicitations sont de mises du coup, jeune papa. » S’amuse-t-elle avec un petit sourire, quelque peu touchée de le voir enfin occuper ce rôle qui lui revient de droit. « Quel âge a-t-il ? »

Après tout, il pouvait autant s’agir d’un bambin que d’un nourrisson s’ils étaient ici depuis aussi longtemps qu’elle. Dans tous les cas, ce petit était un véritable espoir pour l’ensemble de la famille. Une possibilité d’arranger les choses et d’offrir à un Lannister un avenir digne de ce nom, pour essayer de réparer ce à quoi avaient ressemblé leurs vies d’antan – bien qu’elle ignorât encore pour l’instant le funeste sort qui avait été réservé à Tommen et ses géniteurs après sa propre disparition.

« En tout cas, tu sais désormais que si vous avez besoin de quelqu’un de confiance pour le garder lorsque vous voulez passer un peu de temps ensembles… » Lui propose-t-elle d’un air entendu, pensant que sa mère ne devait pas être du genre à confier son petit dernier hormis en cas d’extrême nécessité. « Comment est-ce que vous vous êtes arrangés jusqu’à présent, d’ailleurs ? L’un de vous travaille et le second le garde ? Ou bien tu as réussi à convaincre mère de confier la prunelle de ses yeux à un parfait inconnu après lui avoir collé une épée sous la gorge pour l’avertir de ce qu’il risquait en cas de faux-pas ? »

Pando

Si elle a toujours voué une affection toute particulière à celui qu’elle avait autrefois considéré simplement comme son « oncle » et que leur dernière entrevue avait mit la lumière sur beaucoup de tabous dont ils n’avaient jamais eu l’occasion de parler auparavant, ce n’était qu’aujourd’hui que la jeune femme réalisait à quel point elle avait encore besoin d’apprendre à le connaître. Pour elle et en dépit de sa réputation de Kingslayer, il avait toujours été cet admirable chevalier en armure dorée qui semblait presque être l’ombre de sa mère. Un exemple à suivre pour tous les jeunes garçons du royaume et l’homme sur le passage duquel toutes les jouvencelles se retournaient en gloussant, s’imaginant probablement avoir une quelconque chance de finir à son bras un jour. L’oncle toujours si proche et pourtant lointain, avec lequel elle n’avait jamais vraiment eu l’occasion de construire une véritable relation pour des raisons qu’elle n’avait comprises qu’en grandissant : la ressemblance physique de ses frères et elle-même avec le concerné aurait probablement été trop évidente en dépit du lien de parenté les unissant. L’oncle et le père qu’elle se retrouvait à désormais devoir découvrir loin des carcans imposés par leurs titres de naissance. Ça allait définitivement leur demander un temps d’adaptation à tous les deux.

« C’est probablement mieux pour tout le monde. »

Si la modernité de cette époque avait révolutionné beaucoup de choses concernant les mentalités parfois un peu étriquées de leur temps, notamment au niveau de la condition des femmes, la sexualité semblait rester un sujet particulièrement tabou et les quelques réactions qu’elle avait pu entendre à l’université à l’occasion de l’étude de l’une ou l’autre œuvre quelque peu débridée l’avait confortée dans l’idée qu’ici non plus, cette union ne serait pas tolérée.

« Ce sera un plaisir de faire sa connaissance et de vous retrouver officiellement également. » Pendant un instant, elle garde le silence en pondérant la question qui lui brûlait les lèvres avant de la poser. « Tu crois que Mère ne sera pas trop déçue de me retrouver moi en premier plutôt que Joffrey ? »

Myrcella n’avait aucun doute sur l’amour sincère que Cersei pouvait lui porter, autant à elle qu’à ses frères. Néanmoins, elle ne pouvait que se demander où irait son allégeance si son frère aîné venait également à être retrouvé un jour : lors de leur première vie, il avait toujours eu un rôle privilégié en tant qu’héritier. Et s’il y avait une personne qui avait toujours tenté de justifier chacune de ses atrocités, c’était bien leur mère.

« Toujours en binôme, hm ? »

Un sourire amusé étire ses lèvres alors qu’elle imagine sans mal ce à quoi doivent ressembler leurs débats en cour d’assises. Si toute personne l’ayant connue s’accordait à dire que Cersei aurait été un homme redoutable à Westeros, sa fille était particulièrement bien placée pour avoir une pensée presque émue à l’égard des malheureux se retrouvant dans son collimateur dans le cadre d’une affaire où elle devait officier en ayant son meilleur allié présent dans la même pièce.

« Finalement, cet endroit n'est peut-être pas plus mal. Si au départ ça m'a semblé presque insurmontable de m'acclimater ici... peut-être que c'est simplement une seconde chance que les dieux ont accepté de nous accorder. Un monde qui nous convient mieux, peut-être même, non ? »

Pando

Bien qu'elle voue une affection éternelle à l'égard de sa mère en dépit des erreurs qu'elle avait pu commettre et de sa nature impitoyable qu'elle ne connaît que trop bien sans en avoir pour autant été un jour victime, Jaime a toujours été le parent en lequel elle savait qu'elle pouvait le plus s'identifier. Enfin, du moins cela avait-il été le cas lorsqu'elle avait finalement appris le véritable lien les unissant. Beaucoup de choses étaient devenues plus claires, comme le fait qu'elle se soit toujours questionnée sur la façon dont quelqu'un d'aussi fourbe que Cersei et d'aussi brutal que Robert avait pu produire des enfants tels que Tommen et elle-même. En rajoutant Jaime à l'addition, tout s'était soudainement expliqué - surtout lorsqu'elle s'était mise à l'observer un peu plus attentivement. Loin de la simple image du cavalier doré arrogant et manquant cruellement de scrupules qu'il pouvait renvoyer auprès des autres maisons, sa sensibilité et ses éternels dilemmes moraux l'avaient aidée à le comprendre encore bien plus qu'elle ne l'avait initialement pensé.

« Je suis étrangement à peu près convaincue que l'un de ces deux critères a davantage influencé l'opinion publique que l'autre... »

Cette fois, c'est à son tour de lui lancer un regard rempli de sous-entendus alors que la manière dont ses sourcils se soulèvent légèrement ne laissent aucun doute face à sa propre opinion. Les monarques étaient, certes, toujours plus exposés que le reste du royaume aux éventuels complots et autres dangers en tout genre ; elle avait silencieusement assisté à bien assez de discussions émanant de Robert pour le savoir. Pourtant, concernant Joffrey, elle a toujours été convaincue que le nombre de personnes espérant le voir tomber était étrangement bien plus conséquent après les événements s'étant déroulés avec Ned Stark. Pour une simple pseudo démonstration de pouvoir, il avait décidé de se mettre l'entièreté du Nord à dos. Comme si ce peuple n'était déjà pas réputé pour être l'un des plus indomptables en temps normal…

La révélation concernant sa mère l'émeut plus qu'elle ne l'aurait cru. Parce qu'à ses yeux, la principale concernée avait évidemment dû être effondrée à la mort de Joffrey et la sienne bien peu de temps après n'avait fait que de remuer le couteau dans la plaie, bien évidemment, mais elle n'aurait jamais imaginé qu'elle avait été finalement plus atteinte pour elle que pour son frère aîné. Etant l'unique fille, elles avaient pourtant autrefois entretenu une relation qu'elle considérerait presque comme étant privilégiée. Pour tout un tas de sujets, elles ne pouvaient après tout que se comprendre ; car la mère était passée par les étapes que la fille devrait vivre un jour, le rôle des femmes n'étant qu'un éternel recommencement dans cet univers. Aussi, elle se contente de baisser un peu les yeux et de déglutir avec difficulté, ayant définitivement du mal à taire complètement ses ressentis de la sorte.

« Est-elle… plus apaisée, ici ? »

Cette question pourrait vouloir tout et rien dire, au point où la lionne n'est même pas certaine que son interlocuteur comprendra exactement où elle veut en venir. Ce qui l'inquiète particulièrement, c'est de retrouver une Cersei remplie d'aigreur et d'envies de revanche au point où elle finirait certainement par précipiter leur perte en tentant à tout prix de les en protéger. Une Cersei encrée dans sa paranoïa, qui se préoccuperait tout autant de remettre la main sur ceux les ayant autrefois offensés que sur les autres membres de la famille.

« Visiblement, le destin a décidé pour nous que toute possibilité de l'être n'était pas encore perdue. »

En opposition au sujet précédent, celui-ci parvient à finalement lui faire esquisser de nouveau un petit sourire ; parce qu'elle ne demande rien de mieux. De pouvoir enfin créer un lien avec lui, d'avoir enfin véritablement l'occasion de connaître ce qu'est une véritable relation paternelle avec quelqu'un se souciant véritablement d'elle en tant que personne plutôt qu'en simple pion pour asseoir davantage sa souveraineté comme ça avait probablement toujours été le cas avec Robert. Semblant soudainement reprendre conscience du temps qui avait dû s'écouler depuis leur arrivée ici, elle sort brièvement son téléphone de son sac pour jeter un coup d'œil à l'heure qui s'y affiche avant de l'y remettre, son regard se portant à nouveau sur son géniteur.

« Vu l'heure, je pense qu'il n'est même plus la peine que j'envisage de me rendre au cours de cet après-midi. Et dans tous les cas… il n'était pas particulièrement important. » Peut-être vaut-il mieux le préciser, simplement pour éviter d'avoir éventuellement droit à la première remontrance parentale après s'être tout juste retrouvés. « Tu es attendu quelque part ou ça part en petit après-midi père/fille improvisé ? Le choix ne dépend plus que de toi, désormais. »

Pando