Surprise ! ⊹ Hans.

Comme plusieurs fois par mois, Anna se rendait chez une vieille dame qui vivait à quelques rues de chez elle. Elles s'étaient rencontrées par hasard et Anna lui avait proposé son aide pour porter ses courses qui semblaient bien lourdes. Depuis des mois qu'elle ne comptait pas, la jeune femme rendait donc service à cette personne en lui faisant quelques courses ou en l'aidant dès que possible. Elles s'entendaient bien et Anna prenait toujours beaucoup de plaisir à l'aider. Parfois même, elles prenaient le temps de discuter, de jouer aux cartes ou de partager un repas. Anna partageait toujours tous ces moments avec un plaisir sincère et elle répondait toujours présente aux appels de cette personne. Elles se rendaient service mutuellement, elles se tenaient compagnie et elles riaient bien toutes les deux.

Aujourd'hui, il était prévu qu'elle lui ramène quelques courses en fin d'après-midi, après un passage à la bibliothèque pour travailler un peu sur ses cours. Anna était donc rentrée chez elle pour déposer son sac et était partie faire ces quelques courses avant de retrouver son amie. Comme à son habitude, elle toqua et entra lorsqu'on l'y autorisa. Elle salua la femme qui attendait dans le canapé et, avant d'avoir le temps de se rendre à la cuisine pour ranger les courses, elle l'invita à s'asseoir quelques instants. Anna ne voulant pas la contrarier s'installa donc pour échanger quelques mots avec elle. La première chose qu'elle évoqua fut - une fois de plus - son petit-fils. Longtemps elle lui avait parlé de sa disparition depuis qu'ils étaient dans ce monde et d'à quel point il lui manquait. Aujourd'hui, il était de retour. Anna n'avait pas encore eu l'occasion de rencontrer ce miracle malgré toutes les fois où elle le lui avait demandé, néanmoins elle semblait connaître ce petit-fils parfait qu'elle lui décrivait sans cesse comme si elle l'avait vu une bonne centaine de fois déjà.

Ce jour-là, le fameux petit-fils était présent et elle voulait absolument qu'elle le rencontre. Anna insista longtemps pour ne pas le déranger, mais la mamie impatiente qu'elle était voulait montrer qu'elle l'avait retrouvé et ne lui laissa finalement pas le choix. Elle cria donc à travers la maison pour le faire venir jusqu'au salon. Si Anna s'attendait simplement à un moment gênant où elle ne saurait pas quoi dire à cet inconnu, ce fut un tout autre sentiment qui s'empara d'elle au moment où elle croisa ses yeux. Lorsque l'homme avait fait irruption au milieu de ce salon, le regard de la rousse bloqua sur lui un court instant. Elle croyait rêver ou elle voyait mal peut-être ? Ça ne pouvait pas être vrai ! Cet homme ne ressemblait en rien au portrait de l'homme idéal dépeint par la vieille dame durant tous ces mois. Pourtant, une petite voix au fond d'elle lui hurlait qu'elle ne se trompait pas du tout et qu'elle avait bien cet imbécile de prince - et ex-fiancé qui avait prévu de la laisser mourir avant d'assassiner sa soeur pour ne rien arranger - face à elle. Elle se leva alors d'un bon, ne mettant pas plus de quelques secondes à comprendre qu'il se faisait passer pour un petit-fils qu'il n'était pas, trahissant ainsi la confiance de cette pauvre femme, et lui lança un simple : « Vous ! » tout en le désignant du doigt, la voix emplie de colère - et de surprise, il fallait bien avouer qu'elle ne s'attendait pas à ça. Elle aurait pu retrouver Kristoff ou Olaf ou n'importe qui d'autre, mais il fallait évidemment qu'elle tombe sur lui.

Anna s'attendait à passer cette visite comme toutes les autres : elle déposait les courses, elle échangeait quelques mots avec elle, elle faisait parfois une partie de cartes puis Anna rentrait chez elle. Cette fois-ci, la vieille dame avait insisté pour lui présenter ce petit-fils dont elle lui parlait tant et qu'elle avait enfin retrouvé. Gênée, Anna avait longtemps refusé, prétendant ne pas vouloir le déranger. Ce n'était pas qu'elle ne voulait pas le rencontrer, simplement que lui dirait-elle ? La rousse voulait s'éviter un moment gênant aujourd'hui. Pourtant, son amie ne lui laissa pas le choix et appela ce fameux petit-fils. Ce dernier débarqua rapidement et aussitôt Anna se figea sur place, se redressa et le désigna du doigt avec un simple vous plein de colère et de mépris.

Cet idiot de prince était là, lui aussi. Non seulement il était dans cette ville, mais il ne fallait pas longtemps pour comprendre qu'il était en train de trahir la confiance de cette pauvre femme en se faisant passer pour ce qu'il n'était pas. Un véritable talent chez lui ! Son sourire stupide - qu'elle aurait aimé effacer en se jetant sur lui - et sa réponse l'agacèrent au plus haut point. Anna gardait néanmoins un minimum de calme, du moins jusqu'à ce que la soi-disant grand-mère de cet homme quitte la pièce pour les laisser se rencontrer, ne remarquant pas le malaise qui avait envahi la pièce.

Aussitôt seuls, Hans reprit la parole. Évidemment qu'il l'avait reconnue, lui aussi. Sa réaction l'avait prouvé. Les poings de la jeune femme se serrèrent tandis qu'elle tentait de contrôler la colère qui montait en elle. Le non-plaisir était réciproque, il pouvait le dire ! Elle aurait aimé ne jamais avoir à revoir cet homme. Pas après ce qu'il avait fait. Silencieuse, elle l'observait boire ce stupide verre d'eau, faisant comme si cette situation n'avait rien d'anormal. A sa question, elle n'attendit pas pour se rapprocher de lui, l'envie de lui mettre son poing dans la figure était grande, mais elle se contenta pour l'instant de s'approcher de lui pour lui montrer qu'il ne l'impressionnait pas et qu'elle ne le laisserait pas faire. « Tu plaisantes ? » Dit-elle froide, abandonnant le vouvoiement, lorsqu'il lui demanda ce qu'il y avait de nouveau pour elle. Il se moquait d'elle et ça ne l'énervait que davantage. « Pourquoi est-ce que tu te fais passer pour son petit-fils ? Imagine la peine de cette personne lorsqu'elle apprendra la vérité ! » Lança-t-elle, en désignant d'un signe de la tête l'autre pièce, où était la femme. Elle se doutait qu'il se moquait bien de ce que cette pauvre femme ressentirait, mais n'éprouvait-il vraiment jamais aucun remord ? « Ça t'amuse de jouer avec les sentiments des gens ? Tu n'as pas changé ! » Lui cracha-t-elle. Anna était joyeuse et souriante en général, il n'y avait qu'en sa présence - après tout ce qu'il avait fait, rien de surprenant - qu'elle était capable d'une telle colère et d'une telle perte de maîtrise d'elle-même. Il fallait dire qu'il le méritait bien et que la rousse n'avait pas eu le temps de se préparer à cette rencontre. Si elle avait d'abord su qu'il était en ville, peut-être aurait-elle eu le temps de se contrôler et de se calmer, mais sous l'effet de surprise, impossible. Et il devait s'estimer heureux de ne pas s'être pris un coup. Pas encore, du moins.

Ce type avait un don extraordinaire et incroyable pour mettre Anna hors d'elle. Il avait cette capacité à être détestable. Comment avait-elle pu croire un seul instant qu'elle l'aimait ? Il avait un don pour jouer avec les gens et leurs sentiments. Il manipulait comme personne. Il faisait voir aux gens ce qu'ils voulaient voir. Cet homme ne méritait rien d'autre que son mépris et sa colère.

Il jouait si bien avec les gens qu'il était capable de retourner la situation. Il était celui qui trahissait la confiance de cette pauvre dame, mais Anna serait la responsable de son malheur si elle lui avouait tout ? C'était n'importe quoi et, pourtant, une petite part d'Anna culpabilisait de briser les rêves de cette personne en lui annonçant la vérité. Comment pouvait-il être aussi monstrueux ? Manipulateur ? « Tu joues avec elle, Hans ! N'essaye pas de jouer au chevalier qui vient en aide à une pauvre dame ! Et ne me fais pas passer pour celle qui briserait tous ses rêves. Ça ne fonctionne plus. » C'était insupportable cette façon qu'il avait de rendre tout juste à ses yeux. « Je n'ai pas besoin de lui dire. Disparais de sa vie ou je te fais arrêter ! Ça ne doit pas être bien difficile de prouver que tu n'es pas son petit-fils ! » Elle ne se laissait pas avoir. Elle essayait du moins. Il ne la piégerait plus. Il abusait de la confiance de cette vieille dame en lui soutirant de l'argent et si Anna ne connaissait pas grand chose aux lois de cette ville, elle supposait que l'acte était punissable. Elle l'espérait du moins.

Proche de lui, son sourire stupide, son regard sûr de lui, sa voix... Tout l'agaçait profondément. Alors lorsqu'il lui demanda si elle avait changé, elle ne retint plus cette colère qui envahissait chaque parcelle de son être depuis qu'elle l'avait croisé et laissa son poing partir sur son nez. « Ça répond à ta question ? » S'agaça-t-elle en secouant le poing, douloureux. Souvenir de leur dernier entretien, ce coup devait lui rappeler que non, elle n'avait pas changé. Pas comme il l'entendait, du moins. « Ne joue pas à ça avec moi. Je ne me laisserai plus avoir ! Tu n'as pas changé, tu es toujours ce petit prince stupide, ce petit prince de rien, ce petit prince insignifiant que même ses frères rejetaient. » Anna se découvrait tout autrement avec lui. Naïve, elle l'était. Il avait raison. Mais elle l'avait été une fois de trop avec cet homme. Elle ne se laisserait plus convaincre de rien. C'était un homme mauvais et elle ne le laisserait pas rester ici avec cette pauvre femme, inconsciente de la supercherie. « Maintenant que je sais que tu es là et ce que tu fais, je ne te lâcherai plus. Tu peux oublier toutes tes petites manipulations. » S'il fallait qu'elle passe son temps à le suivre, à le faire suivre ou à faire échouer ses plans, elle le ferait. Elle savait de quoi il était capable et il était hors de question qu'il sème des victimes dans toute la ville parce qu'elle ne réagissait pas.