(Terminé) Retrouvailles ⊹ Madeleine.

Sophie était touchée par les remarques de sa grande soeur. Elle était touchée de savoir, qu'aujourd'hui, elle voyait les efforts que Sophie, enfant, avait tenté de faire pour prouver aux siens qu'elle pouvait changer et être sage. Il était vrai que ses proches avaient eu tendance à lui reprocher ses mauvais comportements, sans toujours la féliciter de ses efforts, mais elle les comprenait, aujourd'hui. Sophie n'avait pas été une enfant facile, ni avec sa mère, ni avec Madame de Fleurville. Elle était même plutôt du genre incontrôlable et insupportable. « Vous ne saviez plus quoi faire de moi et je le comprends. » Après tout, elle s'était parfois montrée vraiment avec le pire des comportements et il était parfois difficile de savoir comment réagir face à tel comportement. « Ne parlons pas d'elle, tu veux bien ? » Demanda Sophie, comme une prière, en réprimant un frisson à son évocation.

A la place, elles parlèrent de la petite Catherine qui semblait avoir des points communs avec la petite Sophie - pauvre Madeleine, donc. Sophie faisait preuve d'une impatience incroyable, presque surhumaine et Catherine semblait être le même genre de petite fille. « Mais imagine un peu si elle est pire que moi ? » Plaisanta Sophie en croisant les bras, l'air sérieux. « Je suis certaine que tu sauras lui apprendre la patience, comme tout le reste. » Madeleine était douce et avait tout ce qu'il fallait pour être une excellente mère, Sophie en était persuadée. Avec patience et douceur, elle apprendrait à la petite Catherine à se contrôler et à être davantage patiente.

Sophie, après avoir tout préparé, avait tendu le lait chaud à la petite fille qui le but avec hâte, tout en en renversant partout, ce qui fit éclater de la rire la jeune femme. « Ce n'est qu'une tache, ce n'est pas bien grave. » C'était quelque chose qu'elle répétait souvent à Camille, lorsque George se tachait - ce n'était pas elle qui devait frotter pour les retirer, alors elle trouvait cela drôle. « Je reviens. » Et, en un instant, après un passage dans l'armoire contenant les produits, Sophie était de retour avec plusieurs produits. « J'ai la fâcheuse tendance de tacher mes vêtements moi aussi. La nourriture m'attaque, je n'y peux rien. » Précisa-t-elle, pour se justifier, en souriant. « Alors, j'ai plusieurs produits. Tiens. » Elle lui tendait les quelques flacons et bouteilles, à Madeleine de se débrouiller avec puisque, généralement, Sophie tentait de mélanger les différents produits pour cacher au maximum sa bêtise, ce qui n'avait pas toujours le résultat attendu, évidemment.

Les mots de Madeleine faisaient beaucoup de bien à Sophie. Elle était rassurée, quelque part, d'entendre qu'elle n'avait pas été qu'un monstre insupportable pour sa famille. Elle avait conscience d'avoir été une enfant bien difficile et avec qui il avait fallu faire preuve de beaucoup de patience, mais savoir qu'on ne lui en voulait pas était rassurant. « C'est vrai. » Elle avait connu des périodes bien difficiles, la pire ayant été celle qui avait suivi son départ de France pour l'Amérique. Elle avait perdu sa mère, son oncle et sa tante dans un naufrage et avait cru perdre son cousin. Elle avait survécu et son père s'était remarié à Fichini. Puis il était mort à son tour et il l'avait laissé avec ce monstre. Heureusement, l'histoire avait plutôt bien fini pour Sophie. Elle avait trouvé une vraie famille et avait retrouvé son cousin. Que serait-il advenu d'elle autrement ? Elle n'en savait rien et elle ne préférait même pas y penser. « C'est grâce à vous tous que j'ai pu devenir celle que je suis. » A leur mère, à Camille et à Madeleine. A la patience de tous leurs amis et de sa famille. Grâce à eux, elle avait pu se reconstruire et apprendre à être heureuse, sans craindre la vie ou ce qui pouvait lui arriver.

Les deux soeurs finirent par changer de conversation. Sophie ne voulait pas gâcher son après-midi en évoquant sa belle-mère et les souvenirs qu'elle lui inspirait. Heureusement, Catherine savait comment faire. Ainsi, elle tacha sa robe et les deux femmes se concentrèrent sur cela. « Elle perd toujours et je gagne. » Assura Sophie, fière, lorsqu'elles parlèrent de cette nourriture qui cherchait à se défendre de Sophie lorsqu'elle se tachait. Mais là n'était pas la question, alors, armée de tous ses produits, Sophie avait observé Madeleine retirer la tache du vêtement de sa fille. « Comment, tu ne frottes pas ton linge toi-même pour le nettoyer ? » Souffla-t-elle, pour plaisanter. Elle non plus. Sophie avait beaucoup de mal avec toutes les inventions modernes, mais elle savait se servir des choses qui lui facilitaient grandement la vie - fainéante, avant tout. « Et si je te faisais visiter la maison ? » Demanda-t-elle en se levant soudainement, changeant totalement de conversation. « Oh et il faudra que tu m'invites chez toi aussi, que je découvre où tu vis. » Et, impolie, elle s'invitait désormais chez sa soeur.

Sophie ignorait ce qu'elle aurait pu devenir sans la famille de Fleurville pour la recueillir et l'aider. Grâce à elle, elle avait pu connaître une vie plus tranquille, plus douce. Loin des brutalités et des privations de sa belle-mère, Sophie s'était assagie et avait beaucoup appris sur elle-même. Elle avait été heureuse. Vraiment. Sa mère adoptive et ses soeurs avaient été un vrai soutien pour elle, elles avaient été patientes et à l'écoute. Qui avait cette chance ? Certainement pas tout le monde. Sophie en avait pris conscience et chérissait sa famille plus que tout autre chose. « C'est vrai, ce que j'ai pu me disputer avec Marguerite. » Ajoutait-elle, en rejoignant Madeleine dans son rire. « Il faut dire qu'elle avait son caractère, elle aussi. » Sophie était fautive, parfois, mais Marguerite avait eu un sacré caractère, il ne fallait pas l'oublier. « Mais c'est vrai que l'on s'amusait bien tous ensemble. » Admettait-elle, perdue dans ses pensées un instant, un sourire tendre prenant place sur ses lèvres. « Lorsque nous étions tous réunis. Après le retour de Paul, avec Jean et Léon... Je crois que ce sont mes meilleurs souvenirs. » Ces souvenirs où ils étaient tous présents, tous là, tous heureux.

La discussion avançait. Les deux femmes discutaient de tout et de rien, jusqu'à en arriver au linge puisque la petite Catherine avait eu la merveilleuse idée de tacher sa robe. Pour plaisanter, Sophie n'avait pu se retenir d'émettre un jugement sur le fait que Madeleine ne lavait plus le linge à la main - et elle le comprenait mieux que quiconque. Sa fainéantise remerciait l'inventeur de la machine à laver plus que n'importe qui d'autre. « Certaines avancées technologiques sont une bénédiction. » Souffla-t-elle amusée. Si Sophie en refusait beaucoup, elle en acceptait d'autres avec un plaisir certain, surtout lorsque cela lui facilitait la vie.

Impatiente et incapable de rester en place, comme toujours, Sophie avait fini par se redresser pour proposer à Madeleine une visite de sa maison. Aussitôt, presque, Sophie s'était invitée chez Madeleine, en précisant qu'elle devrait aussi voir où sa soeur vivait. Très rapidement, Sophie montrait la cuisine, la salle à manger, le salon et le jardin, au rez-de-chaussée, avant de monter dans les chambres. Elle présenta les différentes pièces qui se présentaient à elle, avant de se diriger dans sa chambre. « Regarde ce que j'ai avec moi. » Avait-elle dit en s'asseyant sur son lit pour ouvrir le petit tiroir de sa table de chevet afin d'en sortir le mouchoir de sa mère et le petit carnet que Jean lui avait offert, heureuse de pouvoir montrer ces reliques de leur passé.

La vie de Sophie n'avait pas toujours été facile, loin de là même, mais elle avait fini par être heureuse avec la famille de Madeleine. Elle avait fini par trouver sa vraie famille. Ces souvenirs-là faisaient partie des meilleurs que Sophie pouvait avoir. Ceux où ils étaient tous réunis, tous ensemble, à profiter de chaque instant. Ceux où ils étaient heureux, ceux où ils riaient et s'amusaient comme jamais. Oui, ces souvenirs, Sophie les chérissait et les chérirait toujours avec beaucoup d'amour. « On finira par être tous réunis, ici aussi. » Souffla Sophie, comme une promesse, comme si elle était capable de la tenir elle-même en retrouvant chaque personne de leur vie d'autrefois.

Les deux femmes avaient fini par visiter la maison. C'était un endroit que Sophie aimait particulièrement. Il ne ressemblait pas à ce qu'elles avaient connu autrefois, mais Sophie y était bien. Elle avait appris à y faire sa vie. Plutôt grand. Plutôt agréable. Elle avait eu de la chance d'avoir une telle maison, elle en avait conscience. Au fil de la visite, Sophie parlait, expliquait. Puis, elle avait fini par conduire sa soeur dans sa chambre. Elle s'était installée sur son lit puis avait ouvert le tiroir de sa table de chevet pour en sortir le mouchoir que sa mère lui avait brodé. Elle l'avait tendu à sa soeur, pour que cette dernière puisse le tenir, voir ce souvenir auquel Sophie tenait tant. Puis, elle sortit le carnet de Jean et le tendit également à Madeleine. Sophie était si heureuse d'avoir pu conserver ces souvenirs de leur passé. « C'est vrai. » Souffla-t-elle, en souriant tendrement à ce souvenir. Elle se souvenait de ce jour où elle avait perdu le mouchoir de sa mère. Elle s'était sentie si mal d'avoir perdu le dernier cadeau de celle-ci. « J'aurais été si triste si je l'avais réellement perdu. » Souffla-t-elle, en souvenir de ce moment. « Le dernier cadeau de ma mère et le premier cadeau de Jean. J'ai été plutôt chanceuse en arrivant ici. » Admettait Sophie en pensant à ces cadeaux que la ville lui avait faits - bon, en échange elle lui avait volé une partie de sa mémoire. « J'ai mon alliance, aussi. » Souffla-t-elle en tendant la main, consciente de la chance qu'elle avait. « Tu n'as pas été séparée de Catherine, c'est l'essentiel. » Elle comprenait, bien sûr, que jamais elle n'aurait supporté d'être séparée de sa fille, c'était une évidence. « Tu es heureuse ? » Demanda soudainement Sophie en l'observant avec sérieux et inquiétude. Elle espérait que oui, elle espérait que la présence de son enfant, malgré ce monde étrange, lui avait permis de trouver le bonheur.

Sophie était plutôt optimiste quant au fait de retrouver sa famille, un jour, au grand complet. Il lui arrivait parfois de perdre espoir, mais elle voulait y croire. Après tout, elle avait déjà retrouvé ses soeurs, n'était-ce pas la preuve que tout pouvait arriver ? Qu'il était possible que, comme elles, le reste des gens qu'elle aimait se trouvait quelque part, ici ? Il fallait y croire et se montrer patient - même si la patience n'avait jamais été le point fort de Sophie. « Ce jour-là, laissez-moi organiser ça. » Souffla-t-elle, un sourire aux lèvres. S'il y avait bien quelque chose que Sophie adorait faire, c'était ça : organiser des retrouvailles et préparer des surprises. Elle s'y était essayée à plusieurs reprises, tant ici que chez elle, et elle était plutôt fière du résultat à vrai dire.

Pour le moment, elles se retrouvaient toutes les deux et Sophie en profitait. Après avoir discuté et échangé sur de nombreux sujets, Sophie lui avait fait visiter la maison dans laquelle elle vivait depuis qu'elle était ici. Les deux femmes terminèrent par la chambre de Sophie. Cette dernière lui montra alors le mouchoir de sa mère et le carnet de Jean. Deux objets auxquels elle tenait tout particulièrement. « Je suis tellement heureuse que ces objets m'aient suivie jusqu'ici. Ils m'ont beaucoup aidée. » Peut-être que certains trouveraient ça stupide, après tout, ce n'était que des objets, mais pour Sophie, ils avaient une importance toute particulière et il lui avait permis de se raccrocher à quelque chose dans ses pires moments.

Sophie, quelque part, avait eu beaucoup de chances. Elle avait vite retrouvé Camille et elle avait eu ces choses auxquelles elle tenait tant. Madeleine avait eu la chance de se retrouver ici avec son enfant, quant à elle. Sophie n'avait pas encore d'enfant, mais elle comprenait, malgré tout, à quel point il aurait été difficile pour Madeleine de vivre sans sa fille. Sophie s'inquiétait alors pour sa soeur. Etait-elle heureuse, malgré ce que cette ville lui avait pris ? Il n'y avait rien qui comptait davantage pour la jeune femme que le bonheur des gens qu'elle aimait. « Il reviendra peut-être un jour. Ne perds pas espoir. » Tentait-elle de réconforter sa soeur. « Ou peut-être que tu rencontreras quelqu'un d'autre. » Sophie ne savait pas à quel point Madeleine était attachée à son époux ou si elle envisageait un jour de refaire sa vie, mais c'était une hypothèse. Pour sa part, elle s'était jurée de ne pas refaire sa vie si elle ne retrouvait pas Jean, mais les années passant, peut-être aurait-elle changé d'avis ? « Je suis certaine que tu finiras par obtenir tout ce que tu mérites dans la vie. Catherine et toi serez heureuses. » C'était une évidence pour Sophie. Elle ne permettrait jamais que le contraire arrive et, à sa façon et avec ses moyens, elle ferait tout pour que ce soit toujours le cas.

Sophie avait des objets auxquels elle tenait plus que tout parce qu'ils étaient le symbole de son passé et des gens qu'elle aimait. C'était donc tout naturellement qu'elle les avait montrés à sa soeur. Soeur qui connaissait tout aussi bien ces objets pour les avoir déjà vus. Alors, elle comprenait parfaitement à quel point Sophie pouvait y tenir. « Ce sera un peu comme si nous étions chez nous, alors. » Affirma la rousse quand Madeleine lui proposa qu'un jour, lorsqu'ils seraient tous réunis, ils réunissent les objets de leur passé. Ce serait ainsi comme s'ils étaient chez eux, quelque part. C'était très symbolique, mais Sophie aimait beaucoup ça. Et elle avait hâte de voir ce jour arriver.

Sophie avait eu de la chance, mais Madeleine ne devait pas perdre espoir. Un jour aussi, elle retrouverait les gens qu'elle aimait et elle voulait croire qu'elle retrouverait son mari. Et si elle ne le retrouvait pas, peut-être finirait-elle par trouver quelqu'un d'autre ? Quelqu'un qui saurait l'aimer et qu'elle aimerait ? Madeleine était encore très jeune, elle avait encore tout le temps pour ça devant elle. Sophie comprenait la réponse de sa soeur pour partager son point de vue. Il serait difficile pour Sophie de s'imaginer avec un autre que Jean parce que le mariage était sacré à ses yeux et qu'elle était sa femme pour toujours. Mais aucune des deux ne pouvait prévoir ce que l'avenir leur réserverait. « Laissons les choses se faire et nous verrons bien. » Rétorqua Sophie pour toute réponse. Pourquoi dire qu'on ne ferait pas ou qu'on ferait telle ou telle chose ? Seul l'avenir pourrait leur dire avec certitude ce genre de choses. Et Sophie était certaine d'une chose, Madeleine obtiendrait tout ce qu'elle méritait d'obtenir et elle serait heureuse, parce qu'elle le méritait, tout comme Catherine. « Ça va aller. » Souffla-t-elle alors, souriante et tendre, pour rassurer sa soeur quant à leur futur.

Sophie appréciait particulièrement ce moment qu'elle passait avec sa soeur. Ce que ça avait pu lui manquer de discuter ainsi. Bien sûr, elle pouvait le faire avec Camille, mais elle aimait le faire avec ses deux soeurs. Ce n'était jamais la même chose. Alors, elle profitait de chaque instant avec bonheur. Et alors qu'elle tentait de rassurer sa soeur à propos de leur avenir ici, dans ce monde, des bruits de pas se firent entendre dans le couloir. La petite Catherine avait décidé qu'il était temps qu'on s'occupe d'elle et elle avait interrompu les deux soeurs. Sophie observait la petite en souriant, elle ne la connaissait pas encore, mais elle savait qu'elle l'aimerait autant qu'elle aimait Georges parce que c'était déjà le cas tout au fond d'elle.

Pleine de chocolat, la petite réclamait un besoin visiblement urgent. « Bien sûr ! » Répondit simplement Sophie à Madeleine lorsque cette dernière lui demanda d'accompagner la petite fille jusqu'aux toilettes pour qu'elle puisse satisfaire son besoin. La jeune femme s'était donc redressée pour attraper la main de Catherine et l'accompagner. En chemin, Sophie n'avait pas pu s'empêcher d'échanger et de discuter avec la petite, même si cette dernière n'était pas bien bavarde - heureusement, Sophie l'était suffisamment pour deux. Puis, après être passée par la salle de bain, la nièce et la tante étaient revenues vers Madeleine. « Et voilà ! Et pas un accident. » Et puis même si ça avait été le cas, ça n'aurait pas eu la moindre espèce d'importance. Les enfants en avaient parfois et c'était parfaitement naturel. Il fallait laisser le temps aux plus jeunes de grandir, à leur rythme et sans les presser. « J'en ai profité pour retirer tout ce chocolat qu'elle avait sur le visage. » Précisa-t-elle en souriant. « Elle me ressemble beaucoup sur ce point aussi, je mange beaucoup trop vite et il n'est pas rare que j'en mette partout. » Du côté de Sophie, il s'agissait de la gourmandise qui lui jouait de mauvais tour, du côté de cette petite, son âge l'expliquait bien plus facilement.

Sophie était heureuse de voir sa soeur et sa nièce, ensemble. La mère aimait terriblement son enfant, c'était une évidence qui sautait aux yeux. Et, face aux difficultés de son enfant, il était évident qu'elle se dépassait et qu'elle faisait tous les efforts nécessaires et possibles. C'était beau à voir. « Très fières, oui. » Reprit Sophie, alors que Madeleine assurait à sa petite fille qu'elles étaient toutes les deux très fières d'elle et de son petit exploit. Il était important de l'encourager et de lui montrer qu'elles étaient fières de chacun de ses efforts, pour lui donner envie de recommencer, sans lui mettre la moindre pression pour autant.

Sophie en avait profité pour retirer le chocolat que la petite fille avait sur la bouche, ce qu'elle signala à sa soeur. Elle n'avait pas pu s'empêcher d'ajouter que la petite et elle se ressemblaient beaucoup : elles mangeaient trop vite et n'importe comment. C'était un point commun amusant - mais particulièrement agaçant pour les autres, dans certains cas. « J'en suis certaine ! On s'entend déjà très bien. » Même si elles se connaissaient à peine, Catherine semblait plutôt à l'aise avec Sophie - c'était en tout cas ainsi que Sophie le ressentait - et elle était persuadée que ce lien ne ferait que grandir avec le temps. « Je viendrai avec plaisir, bien sûr ! J'ai hâte de découvrir l'endroit où tu vis. » Sophie était curieuse par nature, alors ça n'avait rien d'étonnant. Et puis, elle avait envie de découvrir l'univers de sa soeur pour avoir l'impression qu'elles n'avaient jamais été séparée - et, sans doute, s'incrusterait-elle régulièrement comme elle le faisait avec cette pauvre Camille. « Ce serait merveilleux ! Et les enfants seraient si heureux de se rencontrer, de s'amuser. Sans parler de nous, ce serait comme autrefois ! » Sophie s'émerveillait déjà de cette idée. Une idée qui se concrétiserait parce qu'elle ferait tout pour, en tout cas.

Sophie avait hâte. Hâte de voir ses liens devenir plus grands et plus forts avec sa soeur et la fille de celle-ci. Hâte de retrouver un semblant de la vie qu'elles avaient autrefois. Hâte de partager des moments aussi beaux et inoubliables que ceux d'autrefois, où toute la famille serait réunie. Oui, elle avait hâte. Terriblement hâte, même.

En attendant, elle devait accepter ce qui la peinait : quitter sa soeur et sa nièce. Ce ne serait pas pour longtemps, elles se rendraient très vite visite, mais Sophie était attachée à sa famille et elle les retrouvait à peine. Elle aurait aimé pouvoir être irraisonnable et les garder près d'elle pendant des heures. Des jours. Toujours, même. Elle aimerait tellement que tout soit comme auparavant. Cependant, elle devait se montrer raisonnable - et même si la raison ne faisait pas partie du vocabulaire de Sophie, elle se devait de faire un effort pour ne pas être particulièrement insupportable avec Madeleine, qu'elle retrouvait tout juste.

Alors, elle poussa un léger soupir, qu'elle voulait discret, avant d'ajouter - heureuse tout de même d'entendre sa soeur lui dire qu'elle voulait qu'elles se voient vite et qu'elles se téléphonent, même : « Oh, bien sûr, oui ! Toi aussi, tu peux m'appeler ou passer ici, quand tu le souhaites ! » Elle lui offrirait sans doute un double des clés, comme à toute sa famille - parce qu'elle voulait qu'ils soient ici chez eux. « Je n'y vais pas souvent, mais j'apprécie ça, oui. Oh et je connais de très bons restaurants aussi ! Et des endroits où se promener qui sont magnifiques ! Je suis certaine que tu adoreras, tout comme Catherine. » Sophie s'imaginait déjà tout ce qu'il serait possible de faire en famille. « Je te raccompagne à la porte. » Parce qu'elle était bien élevée et parce qu'elle voulait profiter, encore, de quelques minutes avec sa famille.