[TERMINÉ] papa don't preach (viserys)

Lorsque son collègue était venu lui rapporter son entrevue avec quelqu'un ayant le même nom de famille qu'elle, Rhaenyra avait tout d'abord pensé à Daemon. Il était après tout la seule personne de sa famille qu'elle avait reconnu ici et ça ne l'aurait pas étonnée plus que cela qu'une autre personne du bureau le croise pour x ou y raison - après tout, si ses démêlées avec l'autorité étaient les mêmes que dans leur monde, savoir qu'il avait affaire à la police ne serait pas une grande surprise. Sa curiosité l'avait évidemment conduite à poser davantage de questions et c'était là que les choses s'étaient corsées : le descriptif plus détaillé du physique de l'homme combiné à l'endroit où il l'avait croisé ne pouvait absolument pas coller à son premier soupçon.

Durant toute la journée, elle avait cogité malgré sa raison qui tentait désespérément de lui souffler de ne pas avoir trop d'espoir. C'était une situation où les risques de déception étaient non négligeables mais la coïncidence lui semblait presque trop grosse que pour pouvoir véritablement en être une. Si elle avait revu son oncle ici et son ancienne belle-mère en plus des Velaryon, pourquoi ne pourrait-elle pas y retrouver son père ?

Une fois libérée de ses obligations, sa destination avait été claire : l'atelier de menuiserie dont elle avait sans peine obtenu les coordonnées. Sans perdre davantage de temps, l'ancienne héritière avait conduit jusqu'à destination et ce fut finalement une fois sa voiture garée devant l'enseigne et la musique de son autoradio éteinte que les premiers doutent vinrent faire leur apparition, profitant du silence qui s'était installé. Etait-ce réellement une bonne idée de vouloir renouer ? Les responsabilités liées au trône avaient toujours semblé si difficiles à porter que peut-être son père, en admettant qu'il se trouve réellement dans ce bâtiment, se portait mieux dans cette nouvelle vie où rien ne le rattachait au passé. Peut-être avait-il réussi à se reconstruire, à finalement faire le deuil de sa mère ? Peut-être même avait-il une autre famille ici, une où elle n'avait pas sa place. Sa vie à Westeros avait basculé en l'espace de quelques semaines, alors elle ne pouvait qu'essayer d'imaginer ce que trois ans pouvaient avoir apportés comme lot de changements.

Le regard rivé sur la vitrine, la Targaryen prit finalement une profonde inspiration. S'il ne voulait pas la voir, elle n'aurait qu'à tourner les talons et prétendre que tout ça n'avait jamais existé... mais laisser passer l'occasion de potentiellement revoir le père qu'elle chérissait tant était inconcevable. Peu importe le temps écoulé, il ne pourrait pas avoir changé au point de ne même plus vouloir d'elle, n'est-ce pas ? Le cœur battant la chamade, elle retire finalement ses clés du contact avant de se diriger vers la porte d'entrée qu'elle ouvrit d'un mouvement presque trop brusque.

« Bonjour ? avait-elle finalement réussi à articuler d'une voix à la fois hésitante et étranglée, tentant d'attirer l'attention d'une quelconque présence humaine susceptible de la renseigner. »

VISERYS&RHAENYRA

Presque quatre ans sans entendre le ton de sa voix et elle l’aurait reconnue entre mille. Dés l’instant où elle avait entendu ces quatre petits mots semblant presque étouffés en provenance de l’arrière-boutique, son cœur s’était emballé. Il était ici. Lui, pour qui elle avait craint maintes fois depuis son arrivée ici en songeant à la possibilité qu’il soit toujours à Westeros, entouré des mêmes vipères qui s’affairaient quotidiennement à lui empoisonner l’esprit. Que lui serait-il arrivé sans Daemon et elle pour pouvoir veiller sur lui en gardant un œil sur Otto, pour ne citer que lui ? Otto à qui il finissait par pardonner les pires offenses, Otto qui aurait fini décapité avec n’importe quel autre monarque se rendant compte de ses machinations et qui parvenait toujours à abuser de sa bonté pour non seulement se faire pardonner mais aussi retrouver des places de choix à la première occasion ? À cet instant précis, elle sentit la pression retomber. Que ce soit lui ou qui que ce soit d’autre, personne ne pourrait s’en prendre à lui ici. Les enjeux n’étaient plus les mêmes : ici, il n’y avait pas de guerre de pouvoir avec un trône dont il ne pouvait s’émanciper. Et à en juger par l’endroit où elle le trouvait, il semblait avoir trouvé sa voie.

«  Père.  »

Lâche finalement la plus jeune lorsqu’elle parvint à sortir de sa torpeur alors qu’il arrivait devant elle. Avant qu’elle n’ait totalement le temps de reprendre ses moyens, il l’attirait dans une étreinte qui lui fit instantanément monter les larmes aux yeux. Ce genre de gestes n’avait pratiquement pas sa place de là où ils venaient, encore moins en public avec positions hiérarchiques qu’ils occupaient. Et pourtant, elle mentirait si elle tentait de prétendre que ça ne lui faisait pas réellement beaucoup de bien de pouvoir se le permettre désormais.

«  Je n’ai jamais cessé d’espérer que tu sois ici…  confessa-t-elle d’une voix émue, oubliant l’espace d’un instant les différends qu’ils avaient pu avoir par le passé.  J’ai essayé tellement de fois de te retrouver sans jamais y parvenir… j’avais fini par penser que tu étais toujours coincé là-bas… »

VISERYS&RHAENYRA

Aux yeux de la Targaryen, son père a toujours eu une place particulière. Là où beaucoup de pères se contentaient d'engendrer une descendance sans jamais prendre la peine de réellement s'en occuper, laissant bien souvent cette tâche aux gouvernantes, lui s'était toujours particulièrement impliqué lorsque ça la concernait. Probablement ses autres enfants ne pouvaient ils pas se vanter d'avoir hérité de la même attention, mais elle ne s'en était jamais particulièrement souciée. A ses yeux, ces gamins avaient déjà bien trop accaparé son attention et celle de tout le royaume que pour prendre la peine de se soucier d'eux également.

Ce type de démonstrations d'affection ont beau ne pas être véritablement monnaie courante, la jeune femme se retrouve à pratiquement fondre dans l'étreinte. Depuis qu'elle est arrivée ici, Rhaenyra avait su être forte. Accepter ce qui lui arrivait, son arrivée dans ce nouveau monde et cette seconde chance qui semblait s'offrir à elle avait pratiquement été un jeu d'enfant - parce qu'elle avait essayé de ne pas se poser trop de questions. Sa curiosité avait été mise à rude épreuve plus d'une fois, mais elle avait rapidement compris qu'elle ne trouverait aucune réponse parvenant à la satisfaire. Alors, elle avait décidé de commencer à vivre pour elle ; parce que c'était ce qui était attendu ici, et ce que cette époque semblait préconiser. Là où dans son monde natal elle n'était considérée que comme une façade, presque une future poulinière de luxe pour fournir des futurs héritiers royaux lorsqu'elle aurait trouvé l'élu partageant sa couche, celui-ci lui permettait d'exister en tant qu'individu à part entière.

« Et toi, comment vas-tu ? »

Au premier coup d'œil, il lui semble plutôt en bonne forme - même mieux que lorsqu'elle l'a vu la dernière fois. L'étrange maladie dont il était atteint et pour laquelle aucun mestre ne semblait détenir un remède miracle semblait l'épargner, ou en tout cas n'en voyait elle aucune trace apparente ; ses mains semblaient entières au même titre que le reste de son être.

« Je n'ai aucune idée de ce qui a pu me conduire me conduire ici non plus… mais ce monde n'est effectivement pas si désagréable, une fois qu'on y est habitués. »

Sa question la fige instantanément. Etait-il au courant de quelque chose qu'il n'était pas censé savoir ? Ses souvenirs de la dernière soirée passée à Westeros étaient encore particulièrement vifs dans son esprit, peut-être un peu trop. Le peuple avait dû parler ; en dépit de son accoutrement pour rejoindre le bordel, il n'avait pas été difficile de la reconnaître une fois à l'intérieur de celui-ci. S'agissait il d'une question piège pour tester son honnêteté ou se questionnait il réellement à ce sujet ? Hors de question de prendre le risque. Connaissant son père, il n'aurait jamais approuvé la relation ambiguë qu'elle entretenait avec Daemon - et même si son pouvoir était limité ici… prendre le risque de trop en dire pourrait certainement lui porter préjudice.

« C'est… particulièrement vague. Je me rappelle d'une soirée vaguement agitée, peut-être durant des festivités quelconques. Et une fois rentrée dans ma chambre, je me suis mise au lit et… c'est le trou noir. » Un mélange de vérité et de mensonge était probablement la meilleure des solutions pour tenter de paraître crédible sans trop en dire. « Et toi ? De quoi te rappelles tu ?   »

VISERYS&RHAENYRA

Si Rhaenyra estime qu'en tant qu'humain, son père possède probablement bien plus de qualités qu'elle n'en aura jamais. En dépit de ça, elle a toujours été aux premières loges pour se rendre compte que son éternelle bonté combinée à sa position l'ont toujours rendu particulièrement vulnérable. Ici, il pouvait au moins se permettre de vivre librement. L'espace d'un instant, elle se permet même de se laisser aller à rêvasser un peu. Dans cet univers et grâce aux nombreux progrès de la médecine, sa mère aurait-elle survécu ? Auraient ils fini comme dans les films les plus clichés et les moins réalistes qui passaient à la télévision, ayant droit à leur "happy ending" ? Rien de toute cette histoire avec Alicent ne se serait produit, ses demis frères et sœurs desquels elle ne connaît l'identité que via des informations grapillées à droite et à gauche depuis son arrivée ici n'existeraient même pas et probablement bon nombre de problèmes n'auraient jamais vu le jour. Idyllique. Et irréalisable désormais, surtout.

Ses mots lui font aussitôt écarquiller les yeux. Qu'elle parvienne à partager à nouveau une table le temps d'un repas avec ceux qu'elle considère pour la majorité comme de véritables vipères lui paraît déjà particulièrement surprenant, mais alors la manière dont il qualifie Daemon retient encore davantage son attention. Son époux. Et ses petits enfants, qu'elle imagine naturellement comme étant les leur. Gagnerait elle suffisamment en pouvoir au fil des années pour pouvoir finalement imposer sa volonté au point de marier l'homme qu'elle avait toujours imaginé son père lui refuser ou s'étaient ils conduits comme les deux effrontés qu'ils étaient pour obtenir ce qu'ils souhaitaient ?

« J'ai épousé… Daemon. » Elle répète à son tour, de toute évidence quelque peu prise de court même si elle réalise à la façon dont son cœur rate automatiquement un battement qu'elle apprécie définitivement la manière dont ces quelques mots sonnent. « Comment ? » Il n'est peut-être pas la personne approuvant le plus cette union, mais il semble en tout cas s'être suffisamment fait à cette idée que pour lui en parler à peu près ouvertement.  Et dans tous les cas, ce n'est pas comme si elle avait le principal intéressé sous la main pour le questionner directement.

Un simple petit hochement de tête lui répond lorsqu'il lui énonce les quelques souvenirs de ce qu'a été sa dernière nuit à Westeros. A l'exception de cette histoire d'âge et de santé à laquelle l'ancienne héritière ne pouvait évidemment pas compatir, les quelques bribes d'information lui revenant de cette soirée étaient étrangement similaires à celle qu'elle avait elle-même vécue.

« Je n'ai aucune idée de comment tout ça a pu se produire mais… au final, on est pas si mal ici, si ? »

Ses yeux parcourent brièvement la pièce, observant un instant bon nombre des pièces présentes et de toute évidence réalisées par ses soins. Bien qu'elle vienne tout juste de le retrouver, elle n'a pas besoin de plus pour savoir qu'il est définitivement beaucoup plus dans son élément qu'il n'a pu l'être dans sa première vie. Et la concernant, elle mentirait en prétendant que ce n'était pas également le cas. Ici, la Targaryen avait réellement l'impression de vivre pour elle et de n'être responsable que de ses propres actes plutôt que d'être considérée simplement pour un nom de famille.

« Où est-ce que tu vis ? J'ai cherché tant de fois le moindre signe susceptible de me donner une indication sur ce que tu étais devenu et je n'ai jamais rien trouvé… »

VISERYS&RHAENYRA

La relation entre Daemon et elle avait toujours beaucoup fait parler. La réputation de leur famille n'aidait en rien les mauvaises langues à s'amenuiser : les unions entre cousins avaient toujours été monnaie courante au sein de la lignée, mais la position particulière du peuple vis-à-vis de son oncle n'avait pas particulièrement aidé à faire accepter une potentielle union. Beaucoup, son père y compris, avaient semblé considérer que son intérêt à son égard n'était provoqué que par l'accession au trône l'y rattachant et que sa condition de femme amourachée l'empêchait de voir clair dans son jeu. Elle avait toujours eu l'optimisme - ou la naïveté, de penser qu'elle lisait plus aisément en lui qu'eux tous réunis.

« … L'amour a ses raisons. »

Elle se gardait bien d'émettre le moindre jugement ou de simplement donner son avis sur la situation qui lui était exposée parce qu'elle connaissait suffisamment le prince vaurien pour savoir que c'est totalement le genre de choses dont il était capable. L'animosité qu'il avait toujours exprimée à l'égard de Rhea Royce, bien que Rhaenyra n'ait jamais complètement réussi à se l'expliquer et qu'elle ait fini par penser que la seule chose l'ayant réellement déclenchée découlait de cette union qu'il n'avait pas choisie, avait toujours été annonciatrice du pire. En revanche, apprendre ses propres fiançailles à Laenor lui fit écarquiller les yeux : en dépit de l'attachement profond qu'elle vouait à son cousin, s'imaginer attachée avec celui-ci d'une telle manière lui paraissait complètement irraisonné.

« Laenor et moi ? »

Pour quelqu'un d'habituellement si loquace, l'ancienne princesse se retrouvait presque bouche bée. L'union de Laena et Daemon ne la surprenait pas plus que ça : compte tenu de leurs statuts respectifs, il n'y avait rien de particulièrement inattendu. A cet instant, la blonde avait l'impression d'être spectatrice d'une vie qu'elle n'avait finalement jamais réellement vécu et le coup final lui fut d'ailleurs porté en apprenant la mort de Laenor et les événements l'ayant suivie. Le sous-entendu était particulièrement lourd et à l'heure actuelle, ses pensées se rapprochaient davantage de la crise existentielle que d'une simple discussion entre un père et sa fille s'étant perdus de vue depuis désormais bien trop d'années.

« Je n'aurai jamais accepté de faire périr quelqu'un pour une histoire telle que celle-là… Il doit s'être passé d'autres choses, ou tout ça ne peut être qu'un malentendu… »

Comment aurait-elle pu changer au point d'accepter de sacrifier un innocent dans le simple but de s'unir à Daemon ? En connaissant les tendances de celui ayant visiblement été son époux, ce n'était d'ailleurs même pas comme si elle aurait eu besoin d'en arriver à de telles extrémités pour pouvoir fricoter avec son oncle ou quiconque d'autre sans que celui-ci ne s'interpose. Quelque chose clochait ; quelque chose sur lequel elle n'arrivait pas pleinement à mettre le doigt mais qui suffirait probablement à la troubler considérablement pour les prochaines semaines au minimum. Particulièrement touchée, il lui fallut d'ailleurs une longue minute pour réussir à reprendre véritablement contact avec la réalité et revenir au moment présent. Peu importe la raison pour laquelle ils se trouvaient ici, cet univers leur offrait la possibilité d'éviter de commettre les mêmes outrages que ceux ayant visiblement été réalisés dans leur monde initial. Et si elle ignorait combien de temps elle pourrait résister à l'attrait éternel qu'elle ressentait envers Daemon dès qu'elle et celui-ci se retrouvaient dans la même pièce, elle savait en tout cas qu'elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour éviter à son cousin de trouver la mort dans les mêmes circonstances que ça n'avait visiblement été le cas la première fois.

« Oh ça doit te changer de Port Réal, indéniablement. »

Lui qui lui avait toujours semblé porter des responsabilités trop lourdes pour lui, éternellement entouré de vipères et semblant toujours si frêle dans un environnement pourtant si royal que la salle du trône lui apparaissait, peut-être pour la première fois, comme étant finalement à sa place. Pourtant, au lieu de s'extasier sur cette constatation qui lui faisait particulièrement chaud au cœur, ce fut cette histoire de famille qui fit remonter en elle les souvenirs de quelques retrouvailles vécues depuis son arrivée ici - l'une d'entre elle l'ayant troublée plus qu'elle ne l'aurait pensé.

« Je n'ai pas eu de nouvelles d'elle non plus, je n'aurai jamais pensé que ce soit possible qu'elle… » Le reste de ses mots s'étouffe dans sa gorge mais elle sait qu'il l'aura comprise : comment aurait-elle pu penser que les morts également pouvaient avoir droit à leur rédemption ici ? Pourtant, ce n'était pas d'elle dont elle souhaitait parler aujourd'hui. « J'ai rencontré quelqu'un ici, il y a quelques semaines désormais. Un type qui avait été arrêté pour une banalité et qui me semblait presque trop familier sans pour autant réussir à le resituer. J'ai appris qu'il s'appelait Aemond… ça te dit quelque chose ? »  

VISERYS&RHAENYRA

Rhaenyra connaissait suffisamment son cousin pour savoir que, quoi qu’il advienne, leur union serait vouée à l’échec — ou plutôt que celle-ci ne serait pas aussi fertile qu’espéré. Pourtant, elle ressentit un véritable mais surprenant soulagement à l’idée de savoir qu’il aurait été son promis si les choses s’étaient déroulées différemment. Quoi que doté d’un appétit qu’elle ne saurait jamais combler et ce même avec la meilleure volonté du monde, le Velaryon était un homme bon et respectable avec qui l’entente avait toujours été au beau fixe. La perspective de l’épouser avait sans aucun doute été bien plus attrayante que celle d’être éternellement liée à cet imbécile de Jason Lannister ou potentiellement pire encore. Pour cela, elle pouvait s’estimer heureuse : Viserys lu avait toujours laissé le choix du roi. Bien que sa manière d’insister quant aux devoirs qu’elle se devait d’accomplir vis-à-vis du royaume ait toujours été source de conflits entre le père et sa fille, il lui avait toujours laissée avoir son mot à dire. Et concernant ce type de sujets, c’était un avantage tout sauf négligeable.

« Nous n’avons jamais eu de difficultés à nous comprendre… »

Et peut-être même auraient ils réellement réussi à s’épanouir chacun de leur côté en dépit d’une union officielle purement platonique, qui sait. Si Viserys le disait, elle ne pouvait que le croire : après tout, il en savait beaucoup plus qu’elle sur la question.

« Je ne peux qu’aisément l’imaginer. »

Rhaenys, à ses yeux, représentait d’autant plus une menace que Corlys. En plus d’être une véritable dragonne jusqu’au bout des ongles, sa rancune était tenace et sa franchise souvent décapante avait maintes fois réussi à déstabiliser l’ancienne héritière à l’époque où elles étaient appelées à se fréquenter assidûment. Son tempérament aurait fait d’elle une souveraine certainement particulièrement réputée et juste au sein des Sept Couronnes, mais elle était définitivement le type d’adversaires que Rhaenyra n’aurait jamais souhaité affronter. Encore moins si c’était pour une histoire de présumé homicide à l’égard de son propre fils.  

« Aemond, oui… »

Sa manière de réagir immédiatement à la mention de ce prénom la crispa immédiatement. De toute évidence, ses suspicions n’étaient pas injustifiées. Et la confirmation lui fit légèrement serrer les dents, d’une manière presque mécanique. Elle aurait pu et peut-être dû être heureuse à l’idée que son père ait finalement hérité des fils dont il avait tant rêvé mais elle en était bien incapable. L’arrivée d’Aegon dans sa vie avait déjà été un véritable affront qu’elle avait tenté de digérer — tant par l’identité de sa mère que par sa nature de mâle qui, elle l’avait directement su, fragiliserait sa place d’héritière aux yeux du royaume. Apprendre qu’en plus de ça il n’avait pas été le seul à pouvoir lui faire davantage d’ombre n’était, par conséquent, pas particulièrement une bonne surprise.

« C’est donc comme ça que les choses se sont déroulées à l’époque… »

Ses mots, tout juste murmurés, trahissaient qu’elle était particulièrement songeuse. Elle leur en avait voulu, particulièrement à Alicent : comment celle qui s’était prétendue meilleure amie depuis toutes ces années avait elle osé lui planter un tel poignard dans le dos ? Son père, toutefois, n’avait pas été épargné. De toutes les femmes qu’il aurait pu choisir, il avait fallu qu’il choisisse celle qui aurait dû rester hors de portée. Mais naturellement, si les autres propositions reçues avaient concerné des gamines de douze ans…

« Je me rappelle de ce mariage… tout semble clair jusqu’au premier anniversaire d’Aegon, à peu près. Mais je ne savais pas ce qui avait pu te conduire à la choisir elle plutôt qu’une autre. »

C'était à peu près tout ce que la blonde pouvait se rappeler à l'heure actuelle, ce qui était relativement peu - surtout compte tenu de ce que les années lui avaient réservé. Quoi qu'il en soit, sa position se raidit légèrement à la mention de son demi-frère.

« Et ont-ils réussi ? » Si la jeune femme était moins effrontée, probablement aurait-elle baissé la tête. À la place, elle se contenta de soutenir farouchement son regard. L’émotion des retrouvailles était désormais particulièrement loin alors qu’elle avait semblé à son apogée seulement quelques courts instants plus tôt. « Ont-ils réussi à te convaincre de m’évincer en faveur d’Aegon ? »

VISERYS&RHAENYRA

« Quelque chose que j’aurai pourtant mieux été placée que quiconque pour comprendre. »

Sauf qu’au lieu de laisser à son amie faire son deuil de la mère qu’elle venait tout juste de perdre dans des circonstances abominables, Alicent s’était empressée de rentrer dans les petits papiers de son père pour sécuriser sa propre position. Malgré les années s’étant écoulées depuis celle-ci, Rhaenyra n’avait jamais réussi à véritablement accepter la seconde union de son père. Le bonheur de ce dernier était bien évidemment important à ses yeux et elle était consciente que la perte d’Aemma avait laissé sur lui également des traces indélébiles que même le temps n’arriverait pas réellement à effacer. Qu’il ait réussi à trouver un semblant de paix et d’harmonie avec celle à laquelle elle avait autrefois eu toute confiance, ayant été sa partenaire de jeu et sa compagne de jeunesse durant bien des années, ça, elle ne l’accepterait probablement jamais. Loin d’être au courant de toutes les manigances que les Hightower avaient pu faire pour grimper progressivement les échelons au sein de la hiérarchie sociale, ce soudain rapprochement et cette union sortie de nulle part lui était toujours apparue comme étant particulièrement suspecte — en plus de représenter un véritable coup de poignard dans le dos. Cela dit, il s’agissait également de la première fois que l’ancien souverain lui détaillait la manière dont les choses s’étaient déroulées à l’époque, lui donnant une autre vision que celle à laquelle elle s’était toujours cantonnée. Ne possédant pas la rancœur qui n’aurait pu qu’être sienne si les événements étant survenus après la mort du principal concerné étaient présents dans sa mémoire, elle pouvait même presque le comprendre. Pas l’approuver, non. Mais simplement mettre un peu d’eau dans son vin.

« Otto a toujours représenté la plus grande menace planant sur notre famille. »

Et ça, ce n’était pourtant pas faute d’avoir tenté de le mettre en garde. Tour à tour et de maintes manières, ils avaient tous essayé mais Viserys était resté sourd aux plaidoyers de tout le monde. Sa main était, selon lui, une personne loyale qui défendait simplement les intérêts du royaume comme elle était supposée le faire. Foutaises. Une grimace passa brièvement sur son visage au souvenir de l’expression mêlant impassibilité et insupportable suffisance du patriarche Hightower. Grimace pouvant toutefois s’appliquer également à la suite de ses mots, cependant.

« Je présume que les goûts de chacun dans la famille ont toujours été sujets à beaucoup de controverse. »

En dépit de son amertume quant au sujet Alicent, la plus jeune trouvait toutefois moyen d’essayer de tourner la situation à son avantage tout en prenant la température de son paternel quant à cette union future qu’il lui avait révélée. Daemon et elle s’étaient mariés. Plus ces mots raisonnaient dans son esprit, plus elle en appréciait la teneur. L’opportunité de pouvoir simplement les savourer lui fut cependant très vite enlevée : dès le moment où sa position hiérarchique par rapport au trône fut brièvement abordée, la dragonne se braqua.

« Ils ont essayé ? »

En deux minuscules mots, ses soupçons quant à l’implication d’Alicent dans toute cette histoire étaient remontés en flèche. Otto restait bien évidemment le principal instigateur de tout cela, mais Rhaenyra avait soupçonné dès l’instant où Viserys lui avait évoqué sa future union avec celle qu’elle fit l’erreur d’autrefois considérer comme une meilleure amie que celle-ci n’était pas qu’un simple pion dans le jeu de son géniteur. Le fait qu’elle ne lui ait même pas révélé de sa propre bouche qu’une union avec son propre père avait été envisagée lui resterait toujours en travers de la gorge, également. Bien qu’ayant considéré durant des années qu’elles n’avaient pas de secrets l’une pour l’autre, cet acte plus que tous les autres encore avait creusé entre elles un profond et certainement irrémédiable fossé. Au moins, ici, les décisions de l’une avaient l’avantage de ne plus concerner du tout l’autre.

« Je n’en sais pas plus que toi. J’ose simplement espérer qu’à défaut de la loi, elle aura eu assez de respect pour ta dernière volonté que pour honorer ta décision. »

Loin d’ignorer la véritable guerre civile qui en avait suivi le décès de son père, événement dont la simple évocation parvint à lui serrer le cœur, elle connaissait toutefois suffisamment le positionnement de certains pour savoir que cette éternelle question de succession ne se sera probablement pas déroulée sans encombres. L’entendre pourtant, lui, prendre le blâme des erreurs du passé la força à venir poser une main sur la sienne pour tenter de lui apporter un semblant de réconfort.

« Tu n’as été ni un mauvais père ni un mauvais mari. Tu as fait du mieux que tu as pu et c’est déjà beaucoup plus que la majorité des hommes… »

VISERYS&RHAENYRA

Transportée de joie à l’idée de retrouver le père pour lequel elle s’était fait un sang d’encre durant des années, Rhaenyra n’en oubliait toutefois pas moins les nombreux conflits ayant rythmé leur relation au fil du temps. Si, au même titre que lui, elle ignorait encore bon nombre de manigances faites à son encontre par ceux qui furent plus tard baptisés le camp des verts, les quelques éléments dont sa mémoire était encore apte à se souvenir ne lui permettaient déjà certainement jamais d’oublier intégralement les affronts ayant été commis. De nature aussi volcanique que rancunière, elle savait qu’affirmer avec certitude que rien ne les séparerait de nouveau relevait d’une utopie qu’elle ne pouvait décemment pas promettre.

« Je l’espère également. »

Pour elle comme pour lui, l’avenir seraient déterminants mais les mots déjà prononcés paraissaient déjà avoir réussi à modifier l’ensemble de l’atmosphère de la pièce. Ce qui avait d’abord été de touchantes retrouvailles familiales devenait désormais une occasion de faire ressurgir un douloureux passé perçu différemment par les deux protagonistes. En dépit du contexte bien différent de celui d’antan dans lequel ils évoluaient désormais, la moindre phrase mal perçue par l’un suffirait sans aucun doute à raviver les ressentiments de l’autre.

« Ce n'est pourtant pas faute d'avoir été plusieurs à essayer de te faire ouvrir les yeux sur la question… »

Tant Daemon que moi, s’abstint t-elle de préciser en étant toutefois consciente qu’il comprendrait aisément l’allusion : l’un comme l’autre étaient maintes fois rentrés en conflit avec Viserys simplement à cause de la main de celui-ci. Homme aveuglé par le pouvoir au point d’en étouffer les membres de sa propre famille sous le poids de son ambition, Otto représentait à n’en pas douter la tête pensante du nid de vipères ayant établi ses quartiers à la capitale.

« Criston ? »

Naturellement, ce nom ne pouvait que lui être familier — au même titre que celui de Jason dont l’association avec son ennemi la surprenait moins. Le chevalier et elle avaient pourtant, dans son souvenir, toujours entretenu d’excellents rapports au point où elle devrait même reconnaître avoir brièvement eu un petit faible à son égard. Rien de bien sérieux, encore moins compte tenu du fait qu’il était tenu à ses obligations et ne pourrait jamais être considéré comme un potentiel parti et qu’elle n’était à l’époque encore qu’une jouvencelle découvrant tout ce qui était lié à l’attrait, mais son physique avantageux et ses manières chevaleresques avaient réussi à attirer son attention à l’époque de leur rencontre. Attention qui avait bien vite été monopolisée par Daemon, dont l’ombre avait toujours plané au-dessus d’elle y compris lorsqu’il se retrouvait exilé à l’autre bout du territoire, mais tout de même.  Les opportunités que leur relation n’évolue jamais de la manière dont celle-ci avait évolué eurent beau être nombreuses, celles-ci n’étaient pas parvenues à être suffisantes — et Rhaenyra elle-même ignorait à quel point Criston lui-même pouvait être concerné par cette affirmation. Quoi qu’il en soit, en l’absence de certains éléments, apprendre que celui-ci avait également rejoint les verts ne la déçut que vaguement : la loyauté était une qualité aussi rare d’antan que maintenant et l’écrasante majorité des gens avaient un prix. Eux avaient simplement dû trouver le sien.

« Rhaenys aurait été une reine exceptionnelle. »

Approuva t-elle tout d’abord, ne pouvant évidemment que prendre le parti de cette femme qui, en dépit des conflits les ayant opposées (bien souvent à cause de la confiance en elle parfois arrogante de la plus jeune), forçait l’admiration. La manière dont elle avait été radiée de la liste des héritiers simplement à cause de son sexe lui était toujours apparue comme étant injuste et, bien que tentant de s’auto-convaincre notamment face à la principale concernée que son sort serait différent, Rhaenyra avait plus d’une fois redouté de finir à la même place. Être une seconde « Reine qui ne le fut jamais » aux yeux de tous ne lui faisait décidément nullement envie.

« Mais… avec Corlys pour régner à ses côtés en tant que consort et compte tenu des liens solides vous unissant, cela ne fait aucun doute qu’elle aurait voulu t’accorder une place importante dans sa cour. » Elle s’interrompit, un sourire compatissant s’initiant sur ses lèvres. « Peut-être aurait t-elle même eu l’idée de te nommer main du Roi et aurais tu haï au moins tout autant cette position. »

VISERYS&RHAENYRA

«  Il ne pourra au moins plus s’accorder le luxe d’influencer grand monde ici…  »

S’épancher sur la loyauté du Hightower ne faisait pas partie des plans de la plus jeune, encore moins au cours de retrouvailles initialement touchantes ce qui ne voulait pas dire pour autant qu’elle ne tirait pas une certaine satisfaction au déroulé des événements. Ici, aucun d’eux n’était quelqu’un : le trône n’avait plus aucune valeur, leur présumé sang royal non plus. Otto, en admettant qu’il ait également atterri ici, ne représentait plus qu’un individu lambda parmi les autres. Comme chacun d’eux, finalement. Les révélations quant aux agissements de Cristian la surprirent en revanche tout particulièrement, d’autant plus que celui-ci s’était toujours conduit de manière très chevaleresque à son égard d’aussi loin qu’elle puisse s’en souvenir. Il y avait parfois eu de sa part quelques mots, des menaces lancées en l’air qui avaient davantage eu pour effet de la faire sourire que de l’inciter à une quelconque méfiance à son égard, mais rien de plus que cela. Elle pouvait même se vanter d’être celle lui ayant permis d’accéder à un poste aussi prestigieux et envié que celui auquel il avait atterri. Que souhaitait t-il donc de plus et qu’est-ce qui avait pu le conduire à vriller d’une telle manière ? Si elle-même le savait…

«  Je ne les pensais effectivement pas aussi proches.  »

La question lui brûlant les lèvres fut retenue de justesse, bien que son propre visage fut certainement suffisante pour la trahir en plus de ces longues secondes uniquement ponctuées d’un silence assourdissant. Pour quelqu’un connaissant les remous qu’elle avait causés dans un passé dont les souvenirs lui faisaient défaut, ce soupçon aurait presque pu être risible. À ses yeux et compte tenu des lacunes imposées à sa mémoire, toutefois, elle était totalement légitime. L’étrange triangle composé de Viserys, Alicent et Cristian combiné au caractère politique de l’union de deux d’entre eux ne pouvait qu’éveiller les soupçons aux yeux de l’ancienne héritière. Il y avait définitivement quelque qui clochait et les mots qui suivirent ne servirent finalement que de diversion momentanée : elle cogiterait forcément dessus à plus d’une reprise dans les jours à venir, c’était une certitude. Acquiesçant distraitement quant au type de souveraine qu’aurait été Rhaenys, ses pensées avaient presque réussi à prendre complète possession de son être lorsque la sonnerie de son téléphone la ramena soudainement sur terre. Une échappatoire bien échue.

«  Il va falloir que je file.  » Lança t-elle après avoir jeté un un coup d’œil au prénom s’affichant sur l’écran tout juste sorti de sa poche, reconnaissante d’avoir une échappatoire lui permettant d’aller cogiter sur tout ce qu’elle venait d’apprendre – et loin de penser qu’elle n’était encore qu’au début de ses surprises. «  Tu as un numéro auquel je pourrai te joindre ou même une adresse à me fournir ? Ce sera plus facile que de revenir m’initier sur ton lieu de travail.  »

VISERYS&RHAENYRA