Une lune rouge, ardente comme le feu et aussi meurtrière, sûrement. Une lune dont dont le monde parlera bientôt, ôtant chaque personne de son chez lui, une lune venant détruire tout équilibre qui pouvait encore exister en ce bas monde. Une lune que personne n'oubliera jamais. Une lune que je n'ai jamais pu voir... Un astre qui n'a pas réussit à traverser la carapace de la fleur dans laquelle j'étais endormie depuis si longtemps... A défaut de pouvoir m'en sortir, peut-être que cette lune avait décidé de prendre tout sur son passage, y compris mon cocon protecteur, cette fleur qui me permettait d'être tenue éloignée de ce monde qui n'a jamais voulu de moi. Moi Malenia, la déesse de la Putréfaction écarlate, malédiction incurable en apparence qui détruit tout sur son passage. Moi cette combattante maintenant légendaire, capable de fendre le fer avec n'importe qui et n'ayant jamais connu une seule défaite. Moi cette déesse maudite qui n'a jamais eu pour seul objectif de protéger le seul être qui comptait pour moi : Miquella, mon frère. Lui qui m'a promis de trouver un remède, lui qui n'est jamais revenu... Une vie, si on peut le dire, pleine de malheur et d'injustice que d'ici quelques instants je vais oublier. Le sommeil dans lequel j'étais plongé avait certainement eu une incidence avec la lune rouge à tel point que fusionnés tous les deux plongea non pas mon corps ou mon esprit dans l'oubli mais plutôt ces nombreux souvenirs douloureux. Ou serait-ce parce que dès lors que mes pieds ont foulé cette nouvelle terre, j'ai perdu mes pouvoirs qui faisaient de moi ce que j'étais ? La Putréfaction avec eux d'ailleurs.

Ces souvenirs qui pouvaient m'être si chers s'étaient envolés alors que la fleur qui me protégeait commençait lentement à s'ouvrir ou plutôt à faner... Tapie sur le mélange moelleux des feuilles, encore endormie, je n'entendais pas ce qui se passait autour de moi. La lune avait décidé de me faire apparaître ici dans cette grande forêt qui longeait la ville. Une forêt, ce qui devait sûrement ressembler le plus à mon environnement, à mon monde... La nuit était noire, la lune rouge s'était lentement évaporée après avoir accompli ses terribles méfaits. Seuls quelques piaillement d'oiseaux pouvaient s'entendre à quelques mètres, des oiseaux encore apeurés et perturbés de ce qui s'était passé. Moi ? Mes yeux étaient toujours fermés. Mais plus les minutes avançaient, plus ma fleur se battait contre le temps, contre cet environnement qui ne pouvait supporter ses pouvoirs. Jusqu'au moment où elle explosa.

                 

Dans un dernier élan de magie, sûrement, la lumière qui en jaïssait avait éclairé une bonne partie de la forêt dans laquelle j'avais débarqué bien malgré moi. Un court instant, cette lumière était si forte, si réelle... Mais l'instant d'après, à peine le temps de cligner des yeux, cette vie et cette magie disparurent simultanément. Les feuilles foulant le sol avec un bruit sourd et mort à la fois. De ma libération en découlait une vingtaine de papillon aux couleurs blanches et rosées. Des papillons qui, dès lors qu'ils sont sortis de la fleur, tombèrent à même le sol au même moment dans un bruissement qui me poussa à me réveiller. Brusquement, d'une aspiration que je ne pus calmer alors que mes yeux se baladèrent avec tant de vitesse sur tout ce qui m'entourait. Où étais-je exactement ? et surtout... Qui suis-je ?  « Miquella... » Avais-je soufflé alors que mon coeur était si lourd que je pensais qu'il exploserait bientôt. Je ne le savais pas encore mais ce prénom, j'allais l'oublier à peine quelques secondes après l'avoir prononcé. Mon frère avait disparu de ma mémoire ainsi que tout ce que j'avais pu vivre auparavant. Je n'étais plus personne.

Je me recroquevillais alors, mes bras autour de mes genoux sans avoir la force de me relever. Mes yeux sont apeurés, des yeux qui n'ont pourtant jamais connu la peur jadis. Mais c'est une nouvelle vie qui m'attend. Une vie humaine et bien loin de connaître la triste vérité. Tout mon corps tremble, peut-être est-ce parce que la lune rouge était si cruelle qu'elle m'avait privée de mon armure que je chérissais tant, représentant à elle seule ma puissance disparue ? Ou peut-être parce que nous étions en janvier et que la saison est froide et que peu accueillante. Sûrement un mélange des deux car sur moi je n'ai que ma longue cape rouge sang qui ne m'a jamais quitté, même ici. Mon corps frêle d'humaine n'est pas capable de survivre ici, seule... Mais je suis toujours incapable de bouger, les yeux rivés sur les cadavres des nombreux papillons autour de moi. Pourtant, au loin ou alors proche d'ailleurs, j'entends des bruits. Des pas foulent le sol froid de la forêt. Je ne suis pas seule ? Même si cette idée pourrait me rassurer, je me contente de fermer les yeux, espérant peut-être que le froid me rendrait à mon monde, à mon être... A la personne que j'étais.  

J'ai froid. Si froid... Et je me sens faible, beaucoup plus faible que je ne voudrais l'être. Serait-ce cette condition d'humaine qui semble être si lointaine que ce que j'ai connu par le passé ? Ou serait-ce autre chose ? Je ne le saurais probablement jamais. Plus les secondes avancent et plus le temps semble long, mes souvenirs flous jusqu'à disparaître entièrement. Quelques vagues informations flottent pourtant toujours dans mon esprit mais rien de vraiment clair, rien qui semble réel. Je ressens un profond désarrois et une solitude que rien ni personne ne pourrait combler pour le moment. Je n'ose pas regarde ce qui se passe autour de moi, si la fleur est maintenant complètement fanée, je ne suis sûrement pas prête à affronter ces papillons ayant perdus la vie, ces papillons qui étaient auparavant un prolongement de moi-même... Mais tout ça est derrière moi, enfoui jusqu'à ce qu'on parvienne à les réveiller.  Je ne bouge pas, seul mon corps tremble sous le vent frais voire glacial de ce mois de janvier. Non... Je ne bouge pas, je n'y arrive pas, je n'ose pas.

Cette tranquillité ou plutôt solitude est pourtant soudainement brisée par une voix. Une voix féminine mais morte de peur. Une voix que j'aurais peut-être si je parvenais à faire sortir ne serait-ce qu'un mot de ma bouche. Je prends beaucoup de temps avant de finalement relever difficilement la tête afin de croiser le regard apeuré de la jeune femme. Je ne sais plus qui je suis, je ne sais pas pourquoi je suis ici maintenant mais le fait de voir la même peur dans ses yeux que dans les miens me pousse à penser que je ne suis pas seule. Non... Elle est avec moi, dans la même situation. Si ça devrait me rassurer un peu, mon regard se perd un instant sur les alentours, je croise les insectes vides de toute vie et mon coeur se serre brusquement. Je ne me rends d'ailleurs même pas compte qu'une larme coule sur ma joue, une larme incontrôlable au point que je nie son existence. Ai-je tué ces papillons ? Suis-je un monstre ? Je suis certaine que l'inconnue qui se trouve là devant moi doit le penser et je ne pourrais la contredire... Ne sachant définitivement pas ce qu'ils ont subis. Mes doigts viennent se crisper sur ma cape alors que mon souffle est lent, de la buée sortant de mes lèvres à chaque instant.

« Je... » Je n'arrive pas à prononcer plus de mots pour l'instant, encore sous le choc. Je relève mes yeux vers la jeune femme et je remarque alors ses vêtements tâchés de sang. Etrangement, la vue du sang ne m'effraie en aucun cas, comme si je l'avais côtoyé toute ma vie sans même m'en rappeler. Mais elle ne semble pas du tout à l'aise et surtout, elle a l'air blessé. J'ai la chance de semble intacte, même sûrement trop par rapport à mon passé mais heureusement je ne me souviens pas de tout ça... Ce que je sais, c'est qu'elle est perdue autant que moi et qu'il faut que je la rassure quant au fait que je ne compte pas lui faire de mal. Mais je sais qu'aucun mot ne peut encore sortir, il me faut simplement un peu de temps. Je rassemble alors mes forces afin de me de m'avancer un peu, finissant à genoux face à la jeune inconnue. D'un geste tremblant, je viens lui tendre ma main. C'est peut-être stupide... Elle a autant besoin d'aide que moi mais je ne sais pas comment la rassurer autrement qu'en faisant un geste vers elle, un geste doux, pur que celui d'une main tendue qu'elle pouvait choisir de prendre ou non. Mes yeux croisèrent une nouvelle fois ses yeux apeurés mais les miens se voulaient rassurants, forts d'un certain espoir. Si je n'arrive pas à parler, je laisse mon regard croiser le sien, laissant mes yeux parler pour moi. Je ne remarque d'ailleurs pas que cette main est humaine alors que l'autre a pris une autre forme. Une prothèse, qui ressemble que légèrement à celle que j'avais chez moi... Mais mon esprit semble en faire abstraction. Pour l'instant.