Tapotant de ses doigts fins la vitrine sur laquelle elle s'appuie, Ahmanet observe avec dédain la foule de curieux s'agglutinant autour de l'attraction du mois. Le musée, et ce malgré les contestations de la femme, avait grandement insisté pour que cette récente découvert soit la pièce maîtresse de l'exposition sur les momies et les sarcophages actuellement présente dans le département de l'Égypte antique. Grotesque, lorsque l'ont sait que les sous-sol du muséum regorgeaient de pensionnaires bien plus intéressants et anciens que ce vulgaire serviteur datant de Nectanebo. Et si Ahmanet aurait facilement pu faire plier le conseil en exposant de véritables arguments, travailler ici n'était finalement qu'une façon habile de cacher sa véritable nature et de conserver un œil sur toutes les bizarreries liées à son époque et susceptibles d'arriver dans celle actuelle. Entre d'autres termes, batailler au sujet d'un sarcophage insignifiant n'était pas l'une de ses priorités pour le moment. Sans compter qu'une exposition de la sorte - sarcophage ouvert au public - valait mieux sur ce genre de momies mineures plutôt que de beaucoup plus archaïques et précieuses. Les gens - la plupart en tout cas - ne s'intéressaient que très peu à l'histoire de ce corps flétri, n'approchant que pour le spectacle et cette curiosité morbide qui animait curieusement les Hommes. Aussi, et sans doute pour son plus grand plaisir, rares pouvaient être les interactions qu'Ahmanet avait avec le public, tout comme il était rare, d'ailleurs, de la voir traîner trop longtemps dans cette aile-ci du musée lorsqu'il était ouvert et ce, bien qu'il s'agisse de son département de prédilection. C'était aussi l'une des raisons pour laquelle elle avait pris la tête de ce secteur : déléguer. Car, outre le fait de pouvoir avoir la main basse sur absolument presque tout ce qui s'apparentait à l'Égypte Antique sur l'île, Ahmanet était bien contente de confier ses besognes aux autres il fallait bien l'admettre, surtout lorsqu'il s'agissait d'interagir avec les groupes de visiteurs. Néanmoins, elle mettait un point d'honneur à passer ici plusieurs fois par jour, ne serait-ce qu'en coup de vent.. Passer, dans l'espoir qu'un visage familier fasse son appariation au détour d'un couloir, d'une statuette, d'un sarcophage.. Car, même si Nick l'avait rejetée, même si son esprit belliqueux était parvenu à contenir Seth et à le repousser, la princesse savait qu'il ne pourrait en être ainsi définitivement. Le Dieu du Chaos était bien trop fort pour cela et ce, malgré toute la bonne volonté du monde dont l'humain qu'elle avait choisi pourrait faire preuve. Ahmanet ignorait si Nick était présent sur l'île, elle ignorait même si il servait toujours de réceptacle au Dieu Seth, étant donné qu'en arrivant ici, elle, n'avait pas pu recouvrer sa force et ses pouvoirs tout de suite. Peut-être même que, le fait d'être propulsé dans cet étrange endroit avait complètement annihiler l'essence du Dieu à l'intérieur de l'homme, peut-être que Nick n'était plus que Nick : un humain insipide et sans intérêt désormais... Elle soupire à cette pensée, la brune, tout en massant sa tempe gauche du bout de ses doigts. Rien n'était perdu et elle le savait car, malgré ces cinq années passées ici sans le moindre signe de la présence de Seth elle sentait que quelque chose changeait peu à peu. Ahmanet recouvrait un peu plus chaque jours ses pouvoirs et sa force d'antan et, même si elle n'aspirer qu'à dominer au côté de son Dieu, la force qui lui avait été offerte demeurait toujours bien présente. A aucun moment, les dons n'avaient été repris. A aucun moment, Ahmanet ne s'était sentie abandonnée. Seth était bel et bien présent, quelque part, là.. ici.. Dans cette vie, ou dans la prochaine. Sous les traits de Nick, ou de quelqu'un d'autre...
« T'es pas cap d'y aller, et de la toucher. » Des chuchotements à peine dissimulés l'extirpe de sa rêverie alors qu'un petit groupe de jeunes passe juste à côté d'elle. Elle hausse un sourcil, observe la bande d'un air suspicieux jusqu'à ce qu'ils ne s'arrêtent pile en face du sarcophage ouvert. L'après-midi avait filé et il ne restait que quelques visiteurs seulement dans le hall Antique. De nouveau murmures s'élèvent, plus discrets cette fois. Ahmanet ne parvient que très difficilement à entendre autour de quoi le sujet de conversation gravite, même si le fait qu'ils se soient rapprochés de la momie en scrutant les alentours comme si ils s'apprêtaient à faire le casse du siècle l'avait relativement bien mise sur la piste. Outrepassant les écriteaux "interdit de toucher", l'un des ados se pencha au dessus du vieux corps et, d'une main tremblante vint approcher ses doigts du visage crispé par l'effroi de la momie. Ahmanet ne pu réfréner un léger sourire malicieux. Quel dommage qu'elle ne puisse jouir de son pouvoir nécromantique en cet instant car, réveiller ce serviteur afin de coller une peur bleue à ces profanateurs aurait été une belle leçon qu'ils n'auraient pas été prêts d'oublier. Mais malheureusement pas de nécromancie possible et, même si la demoiselle n'avait finalement que très peu de sympathie pour l'antiquité jonchant là, elle se devait d'intervenir - ne serait-ce que par plaisir d'effrayer une bande de garnements. Albashar Al'aghbia'² Siffle-t-elle entre ses dents dans un égyptien ancien parfait, fronçant les sourcils à l'instant même où les doigts du plus téméraire frôlèrent les lèvres embaumées du serviteur momifié. Si Ahmanet s'approcha à grandes enjambées, bien décidée à corriger les cinq trouble paix, une silhouette masculine non loin du sarcophage vint lui couper l'herbe sous le pied, s'interposant avant elle. L'intervention de l'homme en question la laissa dubitative et curieuse, tant et si bien qu'elle se coupa nette dans ses mouvements à quelques centimètres à peine d'eux..
¹ fossile ² stupides humains
death is but the doorway to new life we live today, we shall live again in many forms shall we returns
Ce musée est, à mon sens, un lieu d'une fascinante curiosité. J'ai d'ors-et-déjà consacré plusieurs journées de mon temps libre à en étudier les différentes ailes. Contrairement à beaucoup de visiteurs, je ne me contente pas de passer dans chaque salle pour observer vaguement les expositions et lire à la hâte quelques écriteaux sans rien en retenir. Je prends mon temps, pour observer chaque pièce d'histoire, et juger silencieusement de son authenticité.
Aujourd'hui, mes pas m'ont mené jusqu'au département de l'Egypte antique. La collection est particulièrement intéressante à mes yeux, puisque venant d'une époque que je n'ai pas réellement connue. Le règne des pharaons avait pris fin en l'an 30 avant le Christ, suite à l'expansion de l'Empire Romain, et j'étais alors trop jeune pour avoir eu l'occasion de voyager dans ces contrées.
J'observe donc la collection avec beaucoup d'intérêt et de respect, prenant le temps de lire chaque écriteau et panneau explicatif. C'est d'autant plus simple qu'à cette heure de l'après-midi, peu de visiteurs sont encore dans le musée. Il subsiste cependant un groupe d'adolescents qui s'amasse autour d'un petit bijou d'histoire : une momie, exposée à sarcophage ouvert, datant du premier siècle avant le Christ - comme moi.
La conversation des jouvenceaux est navrante de stupidité, mais on ne peut en vouloir à leur jeunesse : à cet âge, ils cherchent leurs limites et veulent prouver qu'ils sont plus forts qu'ils ne le sont. Je m'approche tout de même, au cas où l'un d'eux se décide à appliquer l'idée idiote qui leur est venue en tête. Il est hors de question qu'ils abîment cette merveille historique. Et bien m'en a pris, car un de ces abrutis approche sa main et s'apprête à profaner le corps qui n'a rien demandé. D'un geste vif, je lui attrape le poignet, le tiens fermement et le fixe tout en disant, en détachant bien chaque mot :
« Retire ta main. »
Ma voix est calme, mais autoritaire. L'adolescent a un instant d'étonnement, puis il jette un coup d'œil à ses amis et semble trouver dans leurs regards attentifs un soupçon de courage imbécile. S'il écarte le bras, m'incitant à le lâcher, il me provoque en me répondant avec insolence.
« Oh ça va, c'est juste une vanne , j'fais rien d'mal ! - C'est de la profanation, et c'est sévèrement puni par la loi. Ta jeunesse n'excuse pas tout. »
Nouvel étonnement, cette fois partagé par l'ensemble du groupe : en effet je ne semble pas être beaucoup plus âgé qu'eux. Le téméraire imbécile se rapproche de sa bande, et ensemble ils reviennent à la charge, avec une rhétorique plutôt navrante.
« Nan mais mec tu t'prends pour qui ? - Ouais, t'abuses, on veut juste s'amuser un peu ! - C'est bon lâche nous bouffon ! - Tu vas faire quoi, le dire à ta mère ? »
Du coin de l'œil, je remarque une autre silhouette tout près de nous, mais je ne me tourne pas pour l'observer. Je fais rempart de mon corps entre les cinq idiots et le sarcophage, nullement impressionné par leur petit numéro. Mon regard est fixé sur eux et j'ai un léger sourire lorsque je leur réponds.
« Ma mère est morte il y a des siècles. Je suis aussi vieux que cette momie et tout à fait en mesure de défendre son intégrité. Alors approchez la encore, que l'un de vous ose encore la toucher, et je lui arrache la main. »
A nouveau ils ont l'œil hagard, mais je suis semblerait-il suffisamment convaincant pour qu'ils ne prennent pas le risque de vérifier si je dis la vérité ou non. Ils râlent dans la barbe qu'ils n'ont pas encore puis tournent les talons et sortent de la salle, non sans que le premier idiot ne me montre rapidement son majeur tendu.
L'incident est clos et sera vite oublié. Je lève les yeux au ciel puis me tourne enfin vers la silhouette près du sarcophage. Il s'agit d'une jeune femme, à la peau légèrement hâlée et aux longs cheveux noirs. Elle porte sur sa tenue un badge du musée. Oh. Je fais un pas pour m'écarter de la momie et pouvoir mieux me positionner face à l'employée du musée, à une distance poliment acceptable.
« Veuillez excuser mon intervention, mais ces jeunes gens s'apprêtaient à détériorer le serviteur de Nectanebo. Je n'avais pas forcément l'intention de mettre ma menace à exécution. »
️ VANKA
Al'uhfuriu ﴿ Godric
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