Le réveil venait de sonner et j’étais à peine prête à quitter mon lit. Le cerveau encore embrumé par le sommeil, je tapais sur le réveil en question pour continuer ma nuit… Au bout de quelques secondes, je fronçais les sourcils, me demandant pourquoi j’avais mis ce réveil en route. Et là, cela me revint : mon rendez-vous… Je me précipitai en dehors du lit, prise de panique d’avoir fait trop longtemps prolongé ma nuit. Il ne fallait pas que je sois en retard, ce rendez-vous était crucial pour moi, il me fallait cette publicité pour être un peu plus connue et reconnue. Je voulais mettre en avant un boulot qui m’avait demandé pas mal d’heures de travail. Depuis quelques temps, je m’étais diversifiée, je n’étais plus seulement illustratrice de livres pour enfants mais aussi pour livres adultes - j’avais déjà fait une séance d’information sur le sujet à la Rose éternelle - mais j’écrivais moi-même les livres pour enfants maintenant. Du moins, j’essayais de créer un univers autour de mes dessins. Le temps était venu pour moi d’exorciser mes vieux démons - ou plutôt mes démons puisque je n’ai pas vu les années passées entre le moment où j’étais à l’asile et le moment où j’étais dans cette ville - et pour cela, j’avais écris mon histoire. Celle qui m’avait valu d’être enfermée dans cet asile, cette histoire dont je ne sais plus si elle est réelle ou pas. Quoiqu’il en soit, toute cette imagination, je l’avais couchée sur le papier et créé le monde imaginaire d’Alice.
Je fus très rapide pour me préparer, je n’avais pas pris le temps de petit-déjeuner, je n’en avais plus. Je savais que je ne serais pas d’humeur très charmeuse sans un petit-déjeuner mais je patienterais jusqu’à la fin de mon entretien. Je me souvenais d’une jeune femme très agréable lors de ma première séance à la librairie et je ne doutais pas que cette mauvaise humeur ne viendrait pas perturber notre entretien. J’arrivais juste à temps, la librairie était vide, elle m’avait certainement fait venir à l’avance pour être là pour l’ouverture aux clients. Je toquai à la porte deux trois coups et vis la jeune femme assise à un bureau, je tentai d’ouvrir la porte et celle-ci n’opposa pas de résistance.
« Bonjour ! Je peux entrer ? »
Je demande discrètement, espérant que je le pouvais… Je n’aimais pas être impolie, même si cela m’arrivait très souvent. J’avais une fâcheuse tendance à ne pas toujours avoir les bonnes manières comme le disait souvent mère.
Quand je suis arrivée chez la libraire, je me sentais bien, le stress montait mais c’était du bon stress. J’étais fière de ce que j’avais développé, j’étais fière d’avoir pu mettre sur papier la vie de la petite Alice que j’étais. Ou plutôt celle que je me souvenais avoir été, celle qui était intrépide et prête à sauter dans un trou de terrier pour découvrir un monde merveilleux. J’étais heureuse et fière de ce projet, je savais qu’il avait du potentiel mais je savais moins comment le vendre. Comme à mon habitude, je serais sincère et honnête, je mettrais mes tripes à l’air pour essayer de convaincre la directrice. Si cela ne fonctionnait pas, c’est que nous n’avions pas les mêmes atomes crochus et la même envie. Pourtant, connaissant un peu la jeune femme pour avoir une fois travaillé avec elle pour un autre livre d’illustrations, je savais qu’on serait sur la même longueur d’ondes. Mon stress n’était donc que du stress positif, celui qui m’aiderait à aller de l’avant et à bien expliquer ce qu’est mon livre.
Quand j’arrive, il n’y a personne et cela va de soi, il est encore tôt que pour ouvrir un commerce. Je m’avance timidement, je vois Belle à son bureau et j’ose m’approcher pour lui demander si je peux entrer. Evidemment, elle m’invite à entrer et je m’assieds en face d’elle puisqu’elle m’invite à y prendre place. Comme la première fois où je l’avais vue furtivement, elle semblait toujours aussi accueillante et souriante.
« Bonjour, très bien et vous ? »
Lui demandais-je à mon tour. Mon stress ne grimpait pas, je connaissais mon sujet sur le bout des doigts et une fois de plus, je me disais que si cela devait se faire, cela se ferait entre nous deux. Mais cette simple question me met un peu plus à l’aise immédiatement. C’est bête mais cette question donne déjà un peu confiance quant à la suite de l’entretien.
« Oui, voici le premier exemplaire justement ! »
Lui dis-je en lui tendant le premier livre que j’avais fait éditer rien que pour moi – et pour justement le présenter aux premiers libraires. Ayant décidé de m’auto-éditer pour l’instant, je devais moi-même trouver comment me faire connaitre et surtout, moi-même sortir l’argent pour faire imprimer mes futurs bouquins. Dès qu’elle me demande comment je décrirais mon ouvrage, je suis aux anges, mon visage s’illumine et je commence à lui répondre :
« Il s’agit de l’histoire d’une petite fille d’une famille noble du début des années 1900 ! Elle se retrouve propulsée dans un monde merveilleux où les animaux parlent avec elle, où les fleurs chantent des chansons et où un jeu de cartes peignent des roses blanches en rouge et sont les gardes de la reine de Cœur ! Entre autres ! »
Dis-je en souriant, tout cela semble illogique mais mon livre avait ce côté un peu illogique, propre aux récits fantastiques et merveilleux.
« Enfin, ça semble ne pas avoir de sens mais c’est une plongée dans un monde féérique et un peu fou qui feront rêver les enfants, je le crois sincèrement ! »
Il fallait quand même que je rajoute un petit quelque chose pour éviter de passer pour une folle dont le récit n’avait ni queue ni tête et donc, qui aurait été inintéressant pour la jeune femme.