((AU)) Once a redneck always a redneck - [Billy]

Une cannette de bière particulièrement merdique à la main, Billy était installé depuis une bonne heure au fond de sa chaise pour observer les interactions entre ses voisins. Depuis que ces derniers avaient fait l’acquisition d’une piscine presque flambant neuve à l’exception des bouts de scotch raccommodant les nombreux trous présents dans le plastique, le blond y trouvait bien souvent davantage de divertissement que devant un quelconque programme à la télévision. Écouter les dernières rumeurs et prétextes de disputes entre les concernés était devenu son activité favorite au point où raconter leur vie en y rajoutant ses petites appréciations personnelles était devenu son passe-temps préféré de la journée lorsque Kai était finalement disponible pour l’écouter. Aujourd’hui, pourtant, le plus jeune comprit rapidement qu’il n’en aurait probablement pas le loisir. La façon dont il entendait l'extrémiste s’acharner sur l’antenne parabolique se trouvant sur le toit de leur habitation le fit grimacer, troublant de toute évidence sa quiétude. Par instinct de survie, il n’oserait évidemment jamais se plaindre ouvertement mais la distraction du plus âgé lui permettait au moins de pouvoir évacuer d’une manière à peu près saine sa frustration. « Ça fait des semaines que c’merdier déconne sans arrêt, ça n’m’étonne même pas qu’elle ait finalement rendu l’âme. » Répondit-il avec lassitude lorsque l’enragé sembla s’adresser à lui, bien qu’il pouvait tout autant s’agir d’une simple question rhétorique. Dans tous les cas, il dut se mordre l’intérieur de la joue pour éviter de lui faire remarquer que l’appareil aurait probablement eu davantage de chances de continuer à fonctionner s’il avait été traité avec davantage de considération ; connaissant la nature de son aimé, il aurait probablement fini par subir le même sort que l’antenne. Antenne, ou plutôt restes de cette dernière, qui finit d’ailleurs par lui atterrir pratiquement sous le nez qu’il s’empressa de froncer. Encore une fois, l’américain parvint pourtant à retenir un commentaire las et il ne put rapidement que s’en remercier en voyant la manière dont leur voisin prit la première saucée distribuée aujourd’hui. Cette soirée promettait d’être longue.

Alors qu’il s’apprêtait à sortir le grand jeu pour essayer d’apaiser les nerfs de son cher et tendre, Hargrove se figea à peine redressé sur ses jambes. Comment cette gonzesse pouvait-elle être suicidaire au point de venir leur traîner à nouveau dans les pattes après la façon dont elle avait été reçue la dernière fois ? Pour n’importe qui y compris lui qui ne se considérait pas comme étant la personne la plus brillante de ce monde, ça aurait semblé être une mauvaise idée… mais pas pour Émilie Roberts, de toute évidence. « ‘Finir par croire que tout c’luxe constamment dégueulé au visage du monde leur fait perdre des neurones à ces connards. » Marmonne-t-il d’ailleurs dans la barbe qu’il n’a pas, écrasant sa cannette de 8.6 désormais vide d’un geste désinvolte avant de shooter dedans pour l’envoyer en direction du mobil-home du malheureux Léo.  S'il avait été seul, probablement ce dernier se serait-il permis de ressortir pour lui faire une réflexion et cela aurait-il viré à la joute verbale. En ayant Kai complètement à bout de nerfs en guise de chien de garde ? Impossible qu'il s'y risque - et forcément, le merdeux ne pouvait qu'en tirer profit.

Naturellement obéissant lorsqu'il s'agit de son époux, Billy s'exécuta et se dirigea en direction du salon où était fièrement suspendu au mur l'une de leurs carabines de chasse. Des éclats de voix lui parvenaient depuis l'autre côté de la maison mais il ne s'en inquiéta pas vraiment, que du contraire ; tant qu'il perdait son temps à parlementer, cela prouvait que Kai n'avait pas encore réellement agi. Pour éviter d'éventuelles représailles bien qu'il espérait ne pas en arriver à une fin aussi funeste, l'ancien habitant d'Hawkins vérifia que l'arme demandée était bel et bien chargée et prête à l'emploi avant de revenir dans la même pièce que les deux ennemis jurés. Une partie de lui tentait de le convaincre que laisser l'homme aux cheveux bleus accomplir sa pulsion lui permettrait peut-être de passer une soirée un peu plus calme mais... la raison parvint tout de même à lui revenir lorsqu'il réalisa que ce serait à lui d'agir.  « Oh, honey, cette grognasse ne mérite pas qu'on se salisse les mains sur elle, tu ne crois pas ? » Tenta-t-il alors de commencer à négocier, réalisant rapidement que ses mains transpiraient plus que de raison autour de l'arme. Enivré par les quantités d'alcool régulièrement ingurgitées, son cerveau tentait pourtant d'évaluer quelle situation était la plus risquée : recourir au meurtre et espérer que leur façon de tout dissimuler leur empêcherait de subir des retombées ou laisser partir une femme issue des beaux quartiers qu'ils venaient de menacer avec une arme à feu ? En plus de son état d'alcoolémie presque constant, les incessantes supplications mêlées à quelques petits bruits de panique de la jeune femme rendaient d'autant plus difficile toute tentative de véritable concentration. « Par contre, ta gueule toi, j'm'entends pas penser ! » Lui assèna-t-il en tentant d'y mettre autant de froideur et de menace que son compagnon, bien qu'il se savait naturellement plus enclin à la négociation et par extension à la faiblesse. « Si j'le fais... t'as au moins d'quoi t'assurer qu'personne nous tombera dessus ? » Marmonna-t-il ensuite, les doigts désormais presque tremblants alors qu'il ignorait encore lui-même s'il tentait de gagner du temps ou s'il serait réellement prêt à le faire en fonction de la réponse lui étant fournie.

KAI&BILLY

Moins impulsif que son compagnon, Billy n'en restait pas moins une personne réputée dans le voisinage pour être instable. De plus, bien que ces tendances ne se soient auparavant jamais particulièrement marquées dans sa vie quotidienne, le contact de Kai avait réussi à faire ressurgir une partie de lui particulièrement influençable. En digne suiveur, la parole de son compagnon avait tendance à être perçue comme une véritable parole d'évangile qu'il ne remettait que très peu en question - bien que ça ne lui empêchait pas d'essayer, de temps à autre, d'apaiser ses pulsions meurtrières. Quelquefois, il y parvenait. D'autres, il avait l'impression de parler à un mur. Aujourd'hui faisait décidément partie de la seconde catégorie et à ce constat, un frisson lui parcourut l'échine. Cette histoire allait mal tourner et il allait en être, au mieux, le témoin impuissant ; au pire, l'un des principaux instigateurs.

Bien qu'il tentait de ne rien laisser paraître, son anxiété avait toujours été particulièrement difficile à dissimuler et les micro-expressions de son visage le trahissaient amplement. Agir lui-même ne faisait pas partie de ses habitudes ; généralement, il se contentait d'être le spectateur silencieux des actes de son petit ami. Celui qui, de temps à autre, se retrouvait à faire le nettoyage derrière lui comme si cela pourrait alléger sa conscience de ne pas avoir bougé le petit doigt. Il était bien conscient que ça ne le rendait pas moins coupable mais au moins, cela lui donnait un semblant de tranquillité d'esprit lui permettant de réussir à fermer l'œil une fois la nuit tombée. « Elle ne mérite pas qu'on se donne autant de mal pour son cas... » Rempli de désillusions, le blond essayait encore de négocier une porte de sortie pour l'audacieuse, aussi vaine sa tentative soit-elle. La maigre partie raisonnable de lui en était pourtant consciente : ils n'avaient plus réellement d'autre choix que de l'éliminer. Leurs agissements étaient déjà suffisamment graves que pour les incriminer et la justice ne faisait pas de cadeau à des gens tels qu'eux.

Accablé par la pression, le Hargrove ne tardait pas à hausser le ton. Ayant toujours été particulièrement mauvais pour prendre des décisions dans ce type de circonstances, son esprit lui refusait catégoriquement la possibilité de peser le pour et le contre. Evidemment, il n'était pas dénué de coeur et c'était bien ça qui était à la source de tous ses problèmes actuels : il ne pouvait pas presser une détente et ôter la vie d'une nana s'étant simplement trouvée au mauvais endroit au mauvais moment.  Contrairement à son partenaire, le fait que la victime désignée soit de sexe féminin lui causait justement davantage de problèmes. Pas qu'il se considérait comme un féministe des temps modernes, étant d'ailleurs plutôt du style à rire au nez de celui qui oserait sous-entendre une telle chose le concernant, mais la désagréable impression que le combat n'était pas égal ne le quittait pas. Probablement aurait-il pu, dans d'autres circonstances telles qu'un règlement de compte particulièrement épineux, agir sans faire preuve d'une quelconque miséricorde. Mettre ses principes de côté en oubliant que l'affrontement n'aurait jamais pu être équitable à cause du simple fait que seul l'un des deux parti possédait une arme. Là, en revanche...

Et naturellement, le gourou en profitait pour distiller son poison. Il connaissait suffisamment son sujet que pour savoir la manière dont il devrait appuyer pour y parvenir sans véritable difficulté. Sans hésitation ou honte quelconque, le trentenaire parvenait à le prendre par les sentiments et à utiliser le lien les unissant pour le pousser à accomplir sa volonté, à embrasser le même dessein que lui. « Oui, je le sais... » Aisément ébranlable, son interlocuteur acquiesçait désormais avec docilité. Ses mots n'étaient quoi qu'il en soit pas un véritable mensonge : leurs traces avaient jusqu'à présent été suffisamment bien couvertes que pour leur permettre d'être toujours en liberté. Hélas, le plus jeune ne pourrait même pas utiliser cet argument pour réussir à apaiser sa conscience plus tard : il n'était pas assez rationnel à cet instant que pour atteindre un raisonnement pourtant aussi simpliste que celui-là. Tout ce qui comptait était ce ton doux, réconfortant et diablement efficace avec lequel Kai s'adressait à lui, parvenant d'une manière plutôt spectaculaire à faire taire les quelques doutes subsistant dans sa caboche. Lentement, sa prise se raffermit autour de l'arme, son doigt venant effleurer la détente en dépit des tremblements qui ne semblaient pas vouloir le quitter. La nouvelle prise de parole de la malheureuse le força à porter une nouvelle fois son regard dans sa direction, croisant brièvement le sien. Juste une fraction de secondes avant qu'il ne détourne le regard, trop couard que pour être capable de l'affronter. Kai ne lui pardonnerait jamais s'il faisait preuve de lâcheté. Pourtant, l'attachement si fort qu'il éprouvait à son égard ne suffisait pas pour empêcher sa vue de se brouiller sous l'effet des larmes envahissant ses yeux.  « Je suis... » Le dernier mot, pourtant évident, adressé à la jeune femme resta bloqué dans sa gorge, refusant catégoriquement d'en sortir. Son imprudence était purement de sa faute, ils n'avaient fait que réagir en conséquence. Probablement devait elle être un parent particulièrement médiocre pour exercer une profession telle que celle-là, de toute manière. En admettant que le couplet concernant son enfant soit véridique, probablement celui-ci se porterait il mieux sans elle. Du moins est-ce qu'il tentait de se dire lorsque, quelque peu contraint par l'exaspération de son compagnon, il se retrouvait à agir, fermant résolument les yeux comme si ce geste suffirait à l'empêcher d'affronter l'acte abominable qu'il venait de commettre.

Aussitôt, l'entièreté de son corps sembla secouée de spasmes. Le contenu de son estomac remonta si soudainement qu'il en fut le premier surpris, le déversant aussitôt à ses pieds tout en se pliant en deux sous la violence de l'assaut. Comme si celle-ci venait de le brûler, il balança l'arme au sol sans le moindre égard à son encontre juste avant de se laisser tomber à genoux, ses jambes refusant visiblement de continuer à le porter après ce qu'il venait de faire.

JOSH&SAM