S’il y avait bien une chose que ton ancien monde t’avait appris, ce fût que les rencontres étaient prédestinées ; ou, au moins, en donnaient l’impression. Tu t’adaptais aisément à de nouveaux environnements, ainsi il ne t’avait pas fallu longtemps pour trouver ta place dans cette nouvelle vie, avec l’aide de tes deux nouveaux gardiens légaux. Les bleus qui parsemaient ton corps à ton arrivée n’avaient pas été aisés à justifier ; les souvenirs de la violence policière que tu avais subit en salle d’interrogatoire s’entremêlaient avec d’autres, flous et incomplets jusqu’à l’apparition de la lune rouge, rendant ainsi presque impossible de leur offrir une chronologie complète. Les substances illicites que l’on t’avait injecté dans cette même salle n’avaient pas dû aider.

Ils avaient été rapidement compréhensifs, lorsque tu avais expliqué tant bien que mal le Metaverse, les Personae, les Palaces... Tu leur avais également narré quelques exploits de ton groupe d’amis, l’injustice subit aux quotidiens, la corruption des adultes de n’importe quel milieu social. Cela t’avait manqué, de ne pas venir en aide à autrui. Tu avais tenu jusqu’à tes dix-neuf ans ; malgré le danger que représentait jouer les justiciers, sans les pouvoirs d’un démon pour t’épauler, tu travaillais à recréer un groupe, sans en faire part à tes « parents ». Peut-être que, si tu souhaitais réellement leur cacher, il aurait été plus judicieux de ne pas utiliser le même nom que par le passé – mais c’était un parfait moyen de savoir si tes amis étaient également présents en ville. Les Phantom Thieves, composé pour le moment d’un unique membre, commençaient à se faire une place dans les médias et l’opinion publique. Tu ne te faisais cependant pas d’inquiétude : ce n’était qu’une question de temps avant que d’autres personnes décident de lutter contre le crime durant leur temps libre.

Tu profitais aujourd’hui d’une journée de repos pour rendre visite aux deux adultes excentriques qui avaient partagé ton quotidien. Un léger sourire étira tes lèvres, tandis que tu entrais dans la demeure, tout de suite apaisé par les lieux que tu ne connaissais pas depuis longtemps, néanmoins ravi de nommer « chez toi ». Tel que tu t’y attendais, Missy s’était empressée de venir à ta rencontre afin de t’enlacer.

- Bonjour, Missy.

Tu les nommais uniquement « maman » et « papa » lorsque tu étais d’humeur particulièrement espiègle – surtout pour les réactions de Twelve. Tu avais toujours trouvé amusant de provoquer soupires et râlements, l’autre homme te rappelant Sojiro, celui qui t’avait accueilli lorsque tes vrais parents t’avaient envoyé vivre seul à Tokyo. Tu préférais ne pas trop penser à eux, de peur d’éprouver une mélancolie à laquelle il n’y avait de solution. Plus sobrement, mais non moins affectueusement que la courte embrassade que tu avais offerte à Missy, tu avais hoché la tête à l’attention de Twelve.

- Et bonjour, Twelve. Je vais bien merci, j’espère que vous aussi.

Tu déposas ton sac et ton manteau sur le canapé, avant de laisser tes chaussures à côté de ce dernier. La coutume japonaise demandait qu’on les retire dans le vestibule, mais il fallait croire que trois années étaient suffisantes pour faire disparaitre une partie importante de ton éducation. Une fois fait, tu te laissas entrainer dans la véranda, regrettant que Missy ait déjà tout préparé ; ou tu aurais proposé ton aide. Tu avais toujours des difficultés à seulement mettre les pieds sous la table, néanmoins tu avais plus têtu que toi en face. Sans commentaire donc, tu pris place sur ta chaise attitrée.

- Quoi de neuf ?

Tu écoutais les confidences de Missy quant à ce qui se tramait en ville avec intérêt. Tu allais évidemment mettre ton nez dans ces affaires, et empêcher tout politicien corrompu d’accéder au pouvoir. Personne n’avait rejoint officiellement ton groupe, tu n’avais pas retrouvé tes amis, néanmoins tu avais réussi à te faire d’importants alliés. Tu croyais en tes projets de créer une ville où chacun pourrait mener sa vie librement, sans crainte.  

-Merci Twelve, ce sera formidable. J’ai hâte de passer une soirée avec vous.

Amusé de la réaction de l’autre homme, tu faisais confiance à Twelve pour gâter ton chat. Tu imaginais déjà ton petit appartement rempli d’arbres et de jouets. Ce n’était pas bien grave ; Chat t’avait déjà fait comprendre que tu habitais chez lui, et non l’inverse. Tu fus amusé lorsqu’ils déclarèrent que tu tenais tel trait de l’un ou l’autre parent adoptif, appréciant qu’ils te considèrent comme un véritable fils. Puis, tu ne pouvais les contredire : tu partageais des similitudes avec eux. Vous vous étiez bien trouvé.

-Je l’amènerai avec moi la prochaine fois.

Promis-tu. Tu désirais pouvoir balader Chat à l’extérieur de l’appartement, et l’amener chez ici était une bonne occasion de l’habituer à sortir. Et puis, Twelve serait heureux de voir le félin.

-Je vous aiderai à faire une chambre. On pourrait réaménager la mienne si jamais, j’ai seulement besoin d’un lit pour dormir.

Dans ton ancien monde, tu avais seulement un vieux matelas et une couette dans un grenier. Tu n’avais jamais été difficile et étais capable de t’endormir n’importe où. A la question de Missy concernant ta vie amoureuse, tu ne pouvais t’empêcher de passer nerveusement une main contre ta nuque. Il n’y avait eu que quelques flirts, et occasions non-saisies qui auraient pu se solder en relations sérieuses. Difficile de trouver du temps libre, entre ton travail de barista, et tes activités nocturnes qui demandaient de rigoureuses planifications.

-Pas grand-chose de ce côté-ci. Je suis juste faible face aux chats qui ont besoin d’un toit.

Si jamais être barista ne te plaisait plus – et tu en doutais -, tu t’imaginais aisément travailler dans un refuge.