Soit elle avait définitivement trop abusé des petits cocktails au rhum de Jack, soit il s’était passé quelque chose d’autre, mais Gothel ne pouvait définitivement pas croire qu’elle se trouvait réellement face à un lapin blanc qui avait rendez-vous avec une reine. Le seul monde où les lapins croisaient une reine, c’est lorsqu’ils étaient un de leurs festins dans leurs assiettes. En regardant le lapin se sauver en gémissant sur son retard, elle préféra s’en aller dans l’autre direction, mais au bout d’un moment, elle ne put que constater qu’elle était complètement perdue. Formidable, ça ne pouvait pas être pire.

Elle venait à-peine de se formuler ces mots dans sa tête qu’elle sut qu’elle se trompait. Cette tête de chat flottant au dessus de la branche d’un arbre, à un carrefour était sans-doute le couronnement de cette affaire sordide. Lorsqu’il la salua aimablement, elle remit en question la perplexité qui lui était venue en constatant la présence de cette tête pour répondre au chat qui parlait visiblement la langue des humains. Ca pouvait donc être pire comme premier contact. Elle avait au moins un être vivant pouvant lui donner quelques renseignements à défaut d’être crédible. Mais rien ici ne semblait l’être.

« Bonjour, je ne sais pas qui vous êtes mais je me nomme Gothel. Pourriez-vous me dire où nous sommes ? »

La réponse qu’elle reçut lui sembla plutôt obscur et le galimatias du chat la convainquit qu’il était complètement fou. Il ne lui apporterait rien. Ceci étant acquis, elle allait donc devoir réfléchir à une direction à emprunter pour trouver la sortie de cet endroit incongru. Entendant un bruit derrière elle, elle se retourna et dévisagea la personne qui s’avançait dans sa direction en ignorant savamment les pitreries du chat qui s’était mis à chanter un curieux air qui lui disait vaguement quelque chose, tout en étant certaine de ne jamais l’avoir entendue. Peut-être une autre version. Ou ce chat inventait.

Elle n’arrivait pas à décider si le nouveau venu était un homme ou une femme, mais il avait belle allure et elle sentit que ça ne lui déplairait pas de marcher un moment derrière cet individu, le regard vissé sur son arrière-train. Souriant sournoisement à ses propres pensées, la psychologue s’écarta un peu pour ne pas gêner l’avancée de la personne et lui permettre de prendre connaissance de la présence du chat qui chantonnait toujours en, Gothel venait de s’en apercevoir, disparaissant et réapparaissant en dépit de toute logique. Soupirant, elle s’adressa à son partenaire de voyage du jour.

« Bienvenue au pays des fous, qui que vous soyez ! »

Elle avait le sang chaud, cette nouvelle venue. Et pas dans le bon sens. A-peine arrivée et elle avait déjà l’arme au poing. Gothel n’était pas contre le fait de se défendre et de s’armer quand c’était nécessaire. Elle n’avait jamais hésité à contourner un peu la loi quand c’était utile pour obtenir ce qu’elle voulait. Mais elle n’allait pas spontanément menacer une personne qu’elle rencontrait d’une arme. Cela dit, cela venait peut-être aussi du fait qu’elle rencontrait principalement des enfants et que ce n’était pas forcément la meilleure approche pour une séance de psychothérapie. En l’occurrence, elle accueillait pourtant la personne avec bienveillance.

Était-ce un homme ? Était-ce une femme ? Gothel n’en était pas sûre, mais elle avait l’intuition qu’il ou elle avait une belle paire de fesses. Elle ne pourrait en juger que quand la personne se retournerait, mais elle en était persuadée. Elle la salua avec un ton un peu ironique. Après s’être confrontée à ce chat, elle ne pouvait faire autrement que de penser qu’il avait quelque chose de fou, mais les conséquences ne se firent pas attendre. La menace lui apparut comme primordiale à contrecarrer et le seul moyen était encore de ne pas entrer dans le jeu de la personne.

« Shrödinger ? Qui ça ? Le chat ? Mais le chat de Shrödinger n’est qu’un exercice de pensée, il n’existe pas, et je ne crois pas que ce soit cette… chose. »

Difficile de trouver meilleure dénomination pour un animal qui apparaissait et disparaissait et qui racontait des histoires complètement absurdes. De toute façon, elle n’avait rien à voir avec lui et elle ne voyait pas pourquoi elle devrait être la cible de cette personne alors qu’elle venait juste d’être envoyée là sans plus d’informations et de sens. Mais peut-être que tout ici était dépourvu de sens, y-compris cette personne. Elle se souvenait bien d’avoir vu dans un dessin-animé pour enfants un chasseur qui tirait sur des gamins. Tout semblait possible ici. Le plus urgent était de détourner le danger d’elle, avant tout.

« Quoi qu’il en soit, je n’ai rien à voir avec ce zouave. Je viens d’être parachutée ici, je ne sais même pas comment. Alors si vous voulez vous battre avec un sourire qui flotte dans le ciel, grand bien vous en fasse, je m’écarte », lança-t-elle en faisant un pas de côté, mais la créature avait disparu.

La personne se présente. Integra, un nom de femme. Enfin, Gothel le supposa. La disparition du chat semblait avoir calmé le danger immédiat et il était peut-être temps d’essayer de trouver la sortie de cet endroit. Du moins, avant que quelqu’un ne se fasse tuer.

« Gothel, je m’appelle Gothel. Je suis enchantée de faire votre connaissance, Integra. Si vous acceptez de ne pas me tirer dessus, nous pourrions nous allier pour sortir de cet endroit, qu’en pensez-vous ? »

Donc, cette femme venait d’un endroit où il y avait un chat fantomatique et dangereux du nom de Shrödinger et qui n’était pas qu’une simple pensée mais un vrai danger public. Elle venait d’un Pays des Merveilles version hard, ou quoi ? Déjà que l’original n’était pas forcément enviable avec cette reine qui voulait systématiquement vous couper la tête. En tout cas, qui que soit ce chat dangereux du monde d’origine de sa partenaire improvisée, il était plus que probable que ce chat là n’ait rien à voir. Il avait l’air et l’attitude fous du Chat de Cheshire iconique, mais sans malveillance à priori.

« Je doute que l’on soit chez vous, et si tel est le cas, je dois vous avouer que votre monde serait très étrange. En tout cas, je peux vous assurer qu’on n’est pas chez moi. »

Elle regarda tout autour d’elle. Définitivement, ce décor n’appartenait pas à son monde d’origine, ou alors dans un coin qu’elle n’avait jamais fréquenté. Elle se sentit soulagée en constatant que la nouvelle arrivante baissait son arme. Enfin un peu moins de danger, il y avait assez de chaos pour ne pas en rajouter une couche. Elle la regarda un peu en biais quand elle mentionna son envie de fuir de là le plus rapidement possible. Qu’elle se rassure, c’était bien l’envie de Gothel également. Elle n’avait pas l’intention de s’éterniser si elle pouvait l’éviter.

« Je vous remercie. Je n’ai aucune raison de chercher à vous menacer. A priori, nous sommes dans la même galère et il vaut mieux s’entraider. J’ai comme l’impression que les gens d’ici ne nous seront pas d’une grande aide », commenta-t-elle avec un regard à l’endroit, maintenant vide, où s’était tenu le chat. « A dire vrai, je ne sais pas comment je me suis retrouvée là. Je buvais un verre et l’instant d’après , j’étais ici. Un peu comme l’arrivée dans la ville en fait, je suppose que c’est un phénomène similaire. Cela dit, j’espère qu’on ne va pas rester coincée là trois ans. Je suis peut-être psy, mais c’est moi qui vais devenir folle au milieu de ces huluberlus. »

Quitte à être coincée loin de chez elle, la ville de la lune rouge était sans-doute moins complexe pour s’y intégrer et garder un esprit à peu près lucide. Elle réfléchit à ce qu’elle avait vu avant ce chat étrange qui semblait déchaîner la colère et la rage meurtrière de sa partenaire de drame. Elle pouvait la comprendre, cela dit. Elle avait envie de lui couper la tête, même si ça semblait difficile de la séparer de son corps dans la situation actuelle. Elle se décida à partager ce qu’elle avait vu avant de l’écouter lui partager son expérience à son tour.

« J’ai vu un lapin de retard, mais je l’ai laissé partir de son côté. Cet endroit me fait penser au Pays des Merveilles, mais si tel est le cas, nous sommes mal. C’est un lieu pétri de chaos. »

Elle n’avait pas tort sur le fait qu’il était pressant de sortir de ce traquenard. En revanche, elle n’appréciait pas réellement son ton. Elle voulait prendre les rênes, très bien, mais Gothel n’avait pas l’intention de s’en laisser conter. Elle n’était pas la seule à avoir des choses à faire et puis, elle n’avait pas besoin de lui faire savoir aussi franchement que sa compagnie ne lui était pas agréable. Ce n’était peut-être pas réellement ce qu’elle venait de dire, mais cela y ressemblait tout-de-même trop au goût de la psychologue. Si elle avait eu l’occasion de lui montrer ce dont elle était capable, nul doute que la fuite ne serait plus sa priorité.

« Si je le pouvais, croyez bien que je vous renverrais d’où vous venez dans la minute, mais ce n’est pas en mon pouvoir. Vous n’êtes pas la seule à avoir un rendez-vous important », commenta-t-elle en consultant sa montre. « Cela dit, si elle ne s’est pas décalée avec ce voyage étrange, il me reste un peu de temps, fort heureusement. »

Elle rebondit sur son opinion selon laquelle elle préférait encore la ville d’où elles avaient été enlevées que cet endroit sordide. Mais Gothel tiqua sur la remarque. Avait-elle donc tellement l’air d’être folle. Elle haussa un sourcil et ne put totalement empêcher sa voix d’avoir un petit accent indigné. Elle n’était pas irritable, merci bien, mais il y avait tout-de-même des choses qui méritaient d’être traitées avec un rien de délicatesse, au moins un peu plus que ce qu’elle était en train de faire. En voilà une qui ne s’embarrassait pas de bonnes manières, en tous les cas, et Gothel pinça les lèvres.

« Psychologue, Madame, psychologue. Je suis spécialisée dans l’enfance. Il faut bien que quelqu’un s’occupe de ces pauvres orphelins qui ont été envoyés loin de chez eux et de leur famille. Et un enfant m’attendra sous peu à mon cabinet. Voilà pourquoi il me faut rentrer rapidement. »

Elle n’avait pas sincèrement pensé être prise de folie, mais la réaction brutale de la femme lui fit penser que c’était peut-être bien elle qui n’avait pas toute sa tête. Il n’était pas question qu’elle se laisse éliminer aussi facilement. Mais elle pensa qu’il valait mieux désamorcer le conflit et elle la suivit calmement sans sourciller.

« Ce ne sera pas nécessaire. C’était une façon de parler. Je suis venue de l’autre côté, personnellement, mais je ne pense pas que ça change grand-chose, alors autant suivre votre instinct. Pour votre information, le Pays des Merveilles, dans le conte d’Alice, est un monde fantasmagorique dont tous les habitants semblent avoir perdu la raison. Rien n’y a de sens, et il est difficile d’y trouver de l’aide, car les personnes de bonne volonté vous aideront en faisant n’importe quoi et ceux de mauvaise volonté voudront vous tuer. Autrement dit, à part vous et moi, nous ne pouvons nous fier à personne. »

Elle proposa de repartir dans la direction d’où elle était venue, arguant que son entrée pouvait bien être la sortie. Gothel en serait ravie, même si elle ne voyait pourquoi cela se produirait. Cela dit, ce n’était pas plus improbable que le contraire.

« Faisons. Vous prenez la tête ? »

Même si elle n’aimait pas être dirigée et qu’elle avait tendance à toujours vouloir garder le contrôle de la situation, elle devait reconnaître que cette femme gérait. Elle n’était pas prête à lui laisser l’entier contrôle de ses actions, mais tant que ses décisions ne seraient pas dangereuses ou mauvaises, elle pouvait lui laisser un peu l’impression que c’était elle qui était aux commandes. De plus, elle lui reconnaissait un certain degré de maîtrise supérieur au sien, donc si elle devait prendre les décisions, elle aurait le contrôle. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne prenne les choses en main.

Elle ne connaissait pas l’histoire d’Alice dans les moindres détails, mais elle en savait assez pour savoir que même si les choses ne leur paraissaient pas hostiles dans ce monde, elles l'étaient plus qu'on ne pourrait le croire. Il ne fallait se fier à rien et certainement pas aux propos des gens, la plupart avaient complètement perdu la tête. Elle pouvait au moins parier que la femme avec qui elle vivait cette mésaventure avait un peu davantage de bon sens et que, à elle, elle pouvait se fier dans une certaine mesure. Gothel ne se fiait jamais totalement à quelqu'un, à de rares exceptions prêtes.

« Voilà qui est avisé », répondit-elle donc simplement, persuadée que cette femme avait pris sa meilleure décision.

L'échange d'informations ne dérangeait pas la brune, dans la mesure où tout ce qu'elle fournissait pour l'instant, c’étaient des informations connues de tous ou, tout du moins, tout ceux qui avaient lu le roman ou vu une de ses adaptations. Depuis ces dernières années, la psychologue pour enfants s'était fait fort de découvrir une grande quantité d'informations au sujet de la culture infantile du monde moderne. Elle avait du retard sur la question, compte tenu de ses origines. Mais la connaissance était le contrôle et elle avait pris soin de la cumuler.

« Vous avez totalement raison. La plupart des personnes qui vivent ici ne sont pas douées de raison. Leur faire confiance est aussi imprévisible que de rythmer sa vie aux décisions d'un tir de dé. »

Cela pouvait plaire à certaines personnes qui rêveraient sans doute de faire un tour au pays des merveilles, mais le chaos n'était pas sa tasse de thé. Elle préférait les choses sur lesquelles elle pouvait avoir la maîtrise, c'était bien plus facile à gérer. Malheureusement, tout ici défiait un quelconque espèce de contrôle. Gothel avait l'intuition que son interlocutrice lui ressemblait assez pour que cette perspective ne la réjouisse pas davantage que ce n'était le cas de la psychologue. Elle lui demanda un résumé du conte et encore une fois, si elle n'avait pas pour habitude de répondre aux moindres exigences de ses interlocuteurs, elle estima que se le remémorer ne serait pas une mauvaise chose pour elle non plus.

« C'est l'histoire d'une enfant, mais je doute que nous la croisions ici, car cela semble être l'univers tel qu'il existe dans le conte et non l'histoire telle que nous la suivons. Cette fillette suit un lapin blanc qui l’entraîne dans ce monde par son terrier. Elle y rencontre différents personnages plus fous les uns que les autres dont le Chat de Cheshire n'est qu'un exemple. Les plus notables sont le Chapelier Fou et le Lièvre de Mars, qui prennent le thé, quel que soit le moment où on les rencontre, la Reine de Cœur qui veut couper la tête d'à peu près tout le monde et ce fameux chat qui se balade et apparaît et disparaît au fil du récit. Elle ne s'en échappe qu’à la toute fin, alors qu'elle court dans le labyrinthe et en se réveillant. Je doute que ça nous aide malheureusement. »

La brune se sentit légèrement agacée par le fait que la femme ne semblait pas lui demander son avis, mais il fallait savoir choisir ses combats. La droite ou la gauche n'était pas à ce point important pour que cela vaille la peine de se chamailler. Elle ne comptait pas manifester une quelconque soumission, mais elle avait envie de rentrer à la maison et tant que le comportement de cette femme ne desservirait pas son objectif, elle voulait bien l'écouter. Elle lui jetait évidemment des discrets coups d'œil, pour s'assurer, comme elle le lui avait signalé, qu'elles ne s'éloignaient pas l'une de l'autre.

« Vous semblez habituée à gérer les situations de crise », fit-elle remarquer pour pousser l'autre à se confier. La connaissance était le contrôle.

L'œuvre originelle se terminait par une fuite dans le labyrinthe jusqu'à une porte qui menait à la fin de l'aventure lorsque Alice se réveillait. Il n'était pas complètement exclu de penser que le retour dans leur monde se ferait de cette façon, mais cet endroit était si chaotique qu'elle ne pouvait en être sûre. La seule chose dont elle était certaine, c'était qu'il ne valait mieux pas accepter de laisser la reine de cœur leur couper la tête. Elle ne serait pas autrement surprise d'apprendre que c'était une sentence de mort pour elles aussi. Elle préférait éviter cela, tant pour elle que pour Integra.

« je ne peux pas en être sûre, mais c'est par le labyrinthe que l'œuvre originelle se terminer et il est raisonnable de penser que c'est de cette façon aussi que notre mésaventure se conclura. En cela nous permet, en tout cas, d'avoir une piste et sur laquelle nous pouvons travailler. Il faut bien commencer par une hypothèse."

Un personnage qui portait un gâteau ? Elle doutait que ce soit le Lièvre ou le Chapelier, qui ne bougeaient généralement pas de leur table de thé. Donc il devait se rendre au château. Château dont les jardins donnaient accès au labyrinthe. Oui, c’était une bonne idée, même s’il fallait faire preuve de prudence. Aller au château voulait dire de rencontrer la Reine de Cœur au risque de se faire couper la tête. Il fallait probablement prendre ce risque pour trouver la sortie. Gothel n’en était pas heureuse mais elle avait conscience qu’elle n’avait pas le choix, elle allait devoir suivre ces indices.

« Faisons cela, mais méfiance. S’il se rend au château, nous risquons de croiser des personnes non seulement folles mais meurtrières. Je conçois que vous n’en ayez pas peur, mais il faut demeurer méfiant. Je ne dispose pas d’armes, comme vous, et même si je suis capable de me défendre, la force du nombre pourrait être contre nous. »

Gothel comprenait parfaitement l’idée d’être élevée selon le principe que la faiblesse n’était pas permise. Elle ne s’autorisait pas réellement de se montrer faible, elle-même. C’était obligatoire quand on était une femme seule, qui n’avait aucun appui, surtout quand il fallait, en plus, élever une enfant. Comment avait-elle protégé Raiponce des menaces ? Elle n’en avait guère de souvenirs, mais peu importait. Elle se souvenait d’elle grande et adulte, donc elle avait réussi et c’était là l’essentiel. En tout cas, si cette femme dirigeait un pays, elle devait savoir ce que cela voulait dire de se battre.

« Je comprends. Cela donne de grands atouts pour se battre et affronter les obstacles que ce genre de situations procure. Vous n’avez pas eu une vie facile, mais au moins, vous savez réagir à-présent. Pour ma part, j’ai aussi dû apprendre à me débrouiller. J’ai toujours vécu seule, avec ma fille à élever. Quand vous n’avez personne pour vous épauler dans la vie, il faut bien apprendre à se protéger, soi et les siens. »

S'il y avait bien une chose qui ne plaisait pas à Gothel, c'était d'être considérée comme une personne incapable de se défendre. Elle avait clairement un profil de femme du monde et son métier de psychologue pour enfant n'était pas vraiment symbole de combat acharné, mais elle avait toujours fait ce qui était nécessaire pour n'avoir personne à craindre. Elle l'admettait bien volontiers, elle ne savait peut-être pas autant se battre que des personnes comme cette femme qui le faisaient constamment, mais cela ne faisait pas d'elle une femme sans défense.

« Aucun problème », assura-t-elle.

Elle n'avait pas d'armes sur elle, mais sa nouvelle camarade d'action sortit un revolver qu'elle semblait accepter de lui prêter. Elle commença même à lui en expliquer l'usage. Cela agaça un peu Gothel qui détestait qu'on la prenne de haut de cette façon, mais elle se contenta de regarder la femme de travers jusqu'à ce qu'elle en ait fini avec son explication. Il ne servait pas à grand-chose de l'interrompre pour lui faire comprendre qu'elle n'allait pas se tirer une balle dans le pied. Elle le saurait bien assez vite et tant pis si elle perdait son temps. Elle n'avait qu'à éviter de juger au premier regard.

« Je sais me servir de ça, merci beaucoup. C'est gentil de me le prêter parce que je n'en avais pas. »

Elles suivirent un individu pour le moins étrange et par chance, se dirigèrent vers le labyrinthe alors que tout était calme. Cela aurait pu avoir quelque chose de réconfortant mais ça inquiétait plutôt la psychologue, qui était d’avis que cela sentait le calme avant la tempête. Quand elles rencontrèrent une procession au détour d'un couloir, elle posa la main sur le bras de Integra afin de lui intimer la plus grande précaution. La situation était sur le point de se compliquer d'une manière dont elle n'avait pas idée. Même si aucune des deux ne pourrait avoir à craindre quoi que ce soit, puisqu'elles savaient se battre, elle aimait autant ne pas se confronter à la folle coupeuse de tête.

« Prenez garde, je crois que voilà le convoi de… »

Elle n'eut pas le temps de terminer que se fit aussitôt entendre l'annonce de la présence de la reine, suivi de près par l'arrivée du convoi. Il ne fallut qu'une seconde à la folle majesté pour se rendre compte de la présence de deux individus armées, et les conséquences ne se firent pas attendre. Le cri ordonnant qu'on leur coupe la tête fut le moment où elle comprit que la situation était en train de dégénérer. Il valait mieux sortir de la portée de ces individus avant qu'il ne soit trop tard où il était certain que six balles ne suffiraient pas.

« Malheur ! Il est trop tard. Déguerpissons avant qu'ils nous attrapent. »

En tirant sur les gardes les plus proches et en essayant de limiter ses munitions, elle entraîna Integra à travers les couloirs du labyrinthe en espérant pouvoir semer les gardes de la reine. Où que cette sortie puisse être, elles devaient la trouver rapidement si elles voulaient sortir de cette histoire en un seul morceau.