Sweet Little Things

enfin un cas !

Après cette entrevue, je m’étais rendu dans mon bureau, pour confier quelques tâches à mon équipe.
Un nouveau cas. Il y avait longtemps que ça n’était pas arrivé !
J’avais planté un peu le décor : gamine de 15 ou 16 ans (plus ou moins, mais en fait, on s’en foutait pas mal de son âge), accompagné d’un père tendu comme un string, tellement prévenant que je me demandais s’il ne m’avait pas présenté sa gonzesse en me disant que c’était sa fille pour que ça passe mieux au niveau de la paperasse et compagnie.

« Ça a commencé il y a quelques semaines. Ils ont fait tous les tests possibles, mais ils n'ont rien trouvé. » Je savais bien que mon équipe allait refaire tous les tests, on avait tendance à ne pas trop faire confiance aux résultats obtenus ailleurs : il y avait tellement de gens incompétents dans le monde que des résultats foireux n’étaient jamais surprenants.

Je me déplaçais jusqu’au tableau blanc et, saisissant le feutre, je lançais :

« C’est parti ! Diagnostic différentiel : qu’est-ce qui peut faire perdre la vue à une ado qui semble en bonne santé ? j’vous préviens, elle aimerait bien guérir pour finir sa série Netflix cette semaine. »
Fallait toujours que j’ajoute quelques commentaires ou quelques conneries, mais ça, tout le monde autour de moi y était habitué.

D’ailleurs, je trouvais que j’avais été vachement sympa jusque là avec la gamine et son soit disant père.
Les premières hypothèses avancées furent vite écartées. C’étaient celles que j’avais émises plus tôt, d’ailleurs.

Je fis signe à un de mes larbins, alias un interne, de s’occuper des tests pendant que je retournais dans mon bureau. Je n'avais pas le temps de jouer à la babysitter. S'il y avait quelque chose à trouver, les tests parleraient d'eux-mêmes.

« Cameron, allez questionner la patiente. Entre nanas, ça devrait passer.»

Vu la tendance des patients à mentir, c’était plus simple d’envoyer quelqu’un qui allait peut-être arriver à lui tirer les vers du nez.

« Chase, occupez-vous du père. »

Je voulais éclaircir cette affaire. Si c’était un pédophile, il fallait quand même qu’on fasse ce qu’il fallait.

« Et puis entre deux, faites aussi… Une IRM, une ponction lombaire, et vérifiez si elle n'a pas été exposée à des toxines. Oh, et faites-lui faire un test de grossesse, juste pour être sûr.»

Vu la tronche de mes sous-fifres, j’eus un haussement d’épaules avant d’ajouter :
« Oui, j'ai déjà vu des filles enceintes à 12 ans. Alors à 15 ou 16… C'est le monde dans lequel on vit. »

Je comprenais que la gamine avait peur, bien sûr. Tout le monde aurait la trouille à sa place. Et personne ne voulait garder une vue d’aussi mauvaise qualité qu’une citrouille pourrie.

Je passai les heures suivantes à mon bureau, les pieds sur le bureau, une balle anti-stress à la main, à attendre les résultats des tests. Je n'aimais pas attendre, mais c'était une partie nécessaire de mon travail.

Après une série interminable de tests et d'analyses qui me semblèrent aussi longues qu'une nuit sans fin, les résultats étaient enfin là. Ils ne montraient rien. Aucune anomalie, aucune toxine, rien. Rien qui puisse expliquer pourquoi cette gamine perdait la vue. C'était frustrant et fascinant à la fois. Peut-être que j'avais été trop rapide à juger ce cas comme ennuyeux.

« Génial, une énigme,» marmonnai-je pour moi-même. « j’adore les énigmes. »

Je retournai à la chambre, déterminé à résoudre ce cas, peu importe ce qu'il en coûterait.

« Très bien. On va devoir creuser un peu plus, » dis-je, en regardant autour de la chambre, espérant trouver un indice, n'importe quoi qui pourrait m'aider à résoudre ce cas.

Il y avait des décorations d'Halloween partout dans l’hôpital, une chauve-souris en plastique accrochée au plafond, un chaudron en papier mâché dans un coin, et un balai de sorcière posé contre le mur. Rien d'utile. Et au moins, ici, il n’y avait pas ces petits gadgets articulés qui poussaient des cris bizarres à tout moment.

« Tu as touché à quelque chose d'étrange récemment ? Une plante, un animal, quelque chose qui sort de l'ordinaire ? Réfléchis bien, c’est important. » Je soupirai, frustré.
Les patients ne me facilitaient jamais la tâche.

«Très bien. Je vais devoir y réfléchir. Ne bouge pas, » dis-je en quittant la chambre, laissant derrière moi une patiente et son père, à qui j’adressais tout de même quelques mots : « Écoutez, je vais être honnête avec vous. Je n’ai aucune idée de ce qui arrive à votre fille. Les tests ne montrent rien. Alors oui, c’est intrigant. Et oui, je vais trouver ce que c'est. Parce que c'est ce que je fais. »

Je savais que j'allais devoir résoudre ce cas, et vite. Non pas parce que je me souciais particulièrement de Mary, mais parce que c'était un défi. Et je n'aimais pas perdre. Surtout pas contre une maladie.

En cette journée grise où la pluie ne semblait avoir d'autre but que de noyer le monde, je me retrouvai dans l’hôpital avec en tête tout ce qui concernait cette gamine… C'était le genre de cas qui aurait normalement excité ma curiosité, mais aujourd'hui, je n'étais pas d'humeur. Peut-être était-ce à cause de l'ambiance morose ou de cette décoration Halloween qui envahissait chaque recoin de l'hôpital.

Je quittai la chambre, déterminé à résoudre ce cas, non pas parce que je me souciais particulièrement de Mary, mais parce que j’avais besoin de prouver que je pouvais le faire. Après tout, c'était mon job, et j'étais foutrement bon dans ce que je faisais.

Les heures passèrent, puis les jours. Je consultai des articles médicaux, discutai avec des collègues, et réalisai même quelques expériences en laboratoire. Rien. C'était comme chercher une chauve-souris en plein jour. Elle était là, quelque part, mais restait désespérément hors de vue.

Finalement, alors que je commençais à perdre espoir, une idée me traversa l'esprit. C'était un coup de poker, mais après tout, c'était mon style.

« On va commencer par des antifongiques. » Si ça se trouvait, la fille avait touché quelque chose qui comportait des germes et des champignons… c’était une possibilité d’explication. Et au moins si les antifongiques ne changeaient rien, c’était une piste qu’on allait pouvoir supprimer.

Sweet Little Things

enfin un cas !

Je m'étais aventuré dans les méandres de ce nouveau mystère médical comme un enfant explore une maison hantée—avec une fascination morbide, bien sûr, mais aussi avec une légère impatience. L'adolescente dans la chambre, Mary, devenait aveugle, et personne ne savait pourquoi. Après avoir échoué à trouver une explication rationnelle dans ses antécédents médicaux, je décidai qu'il était temps de jouer un peu plus crûment avec la réalité. Peut-être même bousculer un peu la vérité, si nécessaire.
Les premiers résultats des tests étaient revenus vides de sens. Rien. Pas une trace d'infection, pas de toxines, pas de lésions. Juste un grand vide médical où je m'attendais à trouver des réponses. Alors que mon équipe piétinait avec leurs hypothèses erronées, moi, je savais qu'il fallait chercher ailleurs. Le problème ne résidait pas dans ce qui était visible, mais dans ce qui ne l'était pas.
Je quittai mon bureau avec une légère grimace de satisfaction tordue sur mes lèvres. « Allons voir notre petite patiente, » dis-je à personne en particulier, juste pour briser le silence assourdissant de mon bureau. Mes pas résonnaient dans le couloir désert, chaque tapement de ma canne sur le sol carrelé ajoutant une sorte de ponctuation dramatique à mes pensées.
En entrant dans la chambre de Mary, je constatai que Paul, son père ou du moins son tuteur auto-proclamé, était assis à ses côtés. L'homme semblait épuisé, portant le poids de ses préoccupations comme une armure rouillée. La gamine, quant à elle, était accrochée à son téléphone portable comme si c'était un talisman contre le mal qui la rongeait.

« Alors, Mary, » lançai-je, brisant le silence avec ma voix un peu trop enjouée pour l'ambiance pesante de la pièce. « Tu es encore en train de chercher des réponses sur Google ? Tu sais, Internet est à la médecine ce que les astrologues sont à la NASA. Amusant, mais inutile. »

Elle leva les yeux vers moi, son regard voilé par une peur à peine contenue. Son père me lança un regard réprobateur, mais je l'ignorai. Après tout, il n'était pas celui qui risquait de devenir aveugle.

« Nous devons parler de ce qui est réellement en train de se passer ici, » continuai-je en m'approchant de son lit. « Tu deviens aveugle, et aucun de ces idiots avec leurs diplômes encadrés n'a la moindre idée de pourquoi. Mais moi, je vais découvrir ce que c'est. »

Je m'assis sur le bord de son lit, dépliant une jambe avec précaution tout en appuyant ma canne contre le matelas.
« Dis-moi, tu as mentionné que tu venais d’une autre époque. Une époque où la médecine n’était pas aussi avancée qu’aujourd'hui. On parle de quelle époque exactement ? »
Elle hésita un peu, puis me répondit.

« Fascinant, » dis-je avec un sourire narquois. « Donc, tu n’as jamais été exposée à certaines choses que nous considérons comme courantes ici. Virus, bactéries, produits chimiques… On pourrait même dire que tu es une espèce de fossile médical vivant. Intéressant. »

Je me tournai vers Paul.
« Et toi, papa, tu veux bien m’éclairer sur le pourquoi et le comment de cette histoire de voyage temporel ? Parce que, franchement, si je dois croire que ta petite fille a traversé le temps, autant y aller jusqu'au bout. »

Paul hésita un moment, mais finit par hocher la tête. Je lui posai là une question piège, il y avait dans cette ville des tas de gens qui venaient de partout dans le monde et de toutes sortes d’époques.
Je fronçai les sourcils, jouant avec ma canne. « Donc, il est tout à fait plausible qu'elle ait été exposée à quelque chose dans son voyage. Quelque chose qui a mis des décennies à se manifester. »

Je me levai brusquement, attrapant ma canne avec un geste fluide.
« Très bien, nous allons procéder à des tests un peu plus... inventifs. Oublions les protocoles et les lignes directrices. On va chercher quelque chose d’inattendu. Peut-être un virus dormant, une bactérie rare, ou même une maladie neurologique qui ne se manifeste que chez les voyageurs temporels. »

Mary cligna des yeux, essayant de comprendre si je plaisantais ou si j'étais sérieux. Je pouvais presque entendre ses pensées rebondir contre les murs de son crâne, cherchant une logique dans tout ça. Je me penchai vers elle, une étincelle malicieuse dans les yeux.
« Crois-moi, Mary, je n’ai jamais été aussi sérieux de ma vie. »

Je sortis de la chambre en claquant la porte légèrement derrière moi, me dirigeant vers la salle de réunion où mon équipe de sous-fifres—oups, collègues—m'attendait.
« Très bien, les enfants, » annonçai-je en entrant, « on va devoir sortir le grand jeu. On cherche quelque chose de rare, quelque chose de dormant, quelque chose qui pourrait faire perdre la vue à une ado victorienne. Des idées ? »

Foreman, toujours aussi stoïque, haussa un sourcil.
« Un virus ou une bactérie qui n'existe plus aujourd'hui, peut-être ? Quelque chose qu'elle aurait ramené avec elle, comme un passager clandestin dans le temps ? »
« Bingo ! » dis-je, frappant du poing dans ma main libre. « On va faire un panel complet pour les maladies exotiques, les virus endormis, les bactéries qui dorment. Et pendant que vous y êtes, testez aussi pour les parasites extraterrestres. On ne sait jamais. »

Chase se tourna vers moi, l'air sceptique. « Vous pensez vraiment que c'est ça, House ?»
Je lui lançai un sourire ironique. « Non, Chase, je ne pense jamais. Je devine. Maintenant, bougez-vous et faites votre boulot. »
Je me tournai pour sortir de la salle, mais Cameron m'arrêta avec une question silencieuse dans ses yeux. « Quoi, Cameron ? Tu veux un autographe ou quelque chose ? »
« Non, » répondit-elle calmement. « Je veux juste savoir… si on ne trouve rien, qu’est-ce qu’on fait ? »

Je m'arrêtai, réfléchissant un instant. « Si on ne trouve rien, alors nous continuerons à chercher. Parce que c'est ce que nous faisons. Nous ne laissons jamais tomber un cas tant qu'il y a encore une chance, aussi minime soit-elle, de découvrir la vérité. Maintenant, allez-y.»

Je sortis finalement, me dirigeant vers mon bureau avec un sourire satisfait. Ce cas devenait de plus en plus intéressant. Peut-être que, cette fois, je n'allais pas m'ennuyer après tout.


Quelques jours avaient passé depuis que j’avais lancé mon équipe sur la piste des maladies rares et des infections exotiques. On avait testé Mary pour tout ce qui pouvait provoquer des symptômes aussi bizarres, et jusqu'ici, rien. C’était comme si la science s'amusait à jouer à cache-cache avec moi, mais je n’étais pas d’humeur à perdre. Le mystère restait entier, et Mary, elle, continuait de perdre sa vue. Chaque jour, un peu plus.

L’ambiance à l’hôpital était tendue. Les décorations d’Halloween, déjà lugubres, semblaient encore plus sinistres sous la lumière grise et froide de ce début de novembre. Les murs suintaient presque la peur et l’inquiétude. Je détestais cette atmosphère. Je m’installai dans mon fauteuil, les pieds sur le bureau, les yeux fixés sur le plafond, le plafond fixé sur moi, et je lançai la balle anti-stress en l’air. C’était une belle balle, d’un jaune criard, qui semblait briller d’un éclat sourd, provocateur.

« Rien sur les tests de Lyme, » annonça Foreman en entrant brusquement. « Rien sur les infections exotiques non plus. »
« Évidemment, » grognai-je. « Parce que ce serait trop facile, n’est-ce pas ? Et Dieu sait qu’on n’est jamais là pour la facilité. On est ici pour souffrir, errer dans l’incertitude et se nourrir de notre frustration. Et au passage, sauver quelques vies. »

Chase se glissa dans la pièce à sa suite. « On pourrait essayer une biopsie du nerf optique. Peut-être qu’on trouverait quelque chose là. »
« Une biopsie du nerf optique ? » Je ricanais « Pourquoi pas lui arracher un œil tant qu’on y est ? » Je lançai ma balle dans sa direction, qu’il esquiva de justesse. « Non, on n’ira pas jouer à ça. Pas encore. On est à la recherche de quelque chose de plus… subtil. Une menace cachée. Un tueur en sommeil. »

Cameron entra à son tour, le regard dur. « On a testé toutes les maladies connues qui pourraient causer ce genre de symptômes. La scarlatine qu'elle a eue dans son enfance est bien soignée, les résultats le confirment. Rien d’anormal. Mais elle continue de décliner. »

Je me redressai lentement, sentant mes muscles crier en protestation. « Très bien, alors. On va essayer autre chose. Et si ce n’était pas une maladie active ? Et si c’était quelque chose de plus insidieux ? Une réponse immunitaire, une inflammation subaiguë ou même une réponse autoimmune qui aurait été déclenchée par son voyage dans le temps. »

Foreman fronça les sourcils. « Vous suggérez qu’elle pourrait avoir une sorte de réaction immune retardée ? Une inflammation neurologique ?»

« Re bingo ! » répondis-je en pointant un doigt vers lui. « Peut-être que son système immunitaire réagit à quelque chose qu’il considère comme étranger. Peut-être même que c’est quelque chose qui fait partie d’elle-même.  »

Chase hocha la tête, l’air pensif. « On pourrait faire une ponction lombaire pour vérifier s'il y a une inflammation dans le liquide céphalorachidien.»
« Génial, Chase, » dis-je en me levant. « Vous êtes enfin utile. Allez-y, faites-le. Et faites aussi un électroencéphalogramme pour vérifier toute activité anormale dans son cerveau. »

Ils se mirent en mouvement, et je retournai dans mon bureau, réfléchissant à cette nouvelle hypothèse. Un cas aussi étrange ne pouvait qu’avoir une cause étrange, quelque chose que nous n'avions pas encore envisagé.
Quelques heures plus tard, alors que je m’étais installé pour regarder une vieille cassette de soap opera en noir et blanc—parce que, soyons honnêtes, même les médecins géniaux ont besoin de distraction—Cameron revint, le visage tendu.
« House… »  dit-elle en s’arrêtant dans l’embrasure de la porte.   « Le liquide céphalorachidien de Mary montre des signes d’inflammation. On a trouvé des protéines, mais pas de globules blancs. C’est étrange. »
Je hochai la tête, mon esprit tournant déjà à plein régime. « Très bien. Continuez les analyses. Faites un panel complet pour les auto-anticorps. Si c’est une réponse autoimmune, ça devrait se montrer quelque part. »
« Et si ce n’est pas ça ? » demanda-t-elle, les yeux fixés sur moi avec une intensité presque déconcertante.
Je souris, sans aucune joie. « Alors, on continuera à chercher. Parce qu’elle va continuer à devenir aveugle, et tant que ça continue, je continuerai aussi.  »

Les jours passèrent, les tests s’enchaînèrent. Les résultats restaient incertains, flous. Rien ne cadrait parfaitement avec une condition connue. C’était le genre de cas qui aurait pu pousser un médecin ordinaire au bord de la folie. Mais moi, je n’étais pas un médecin ordinaire. Je savourais chaque instant de cette lutte contre l’inconnu. C'était comme une partie d'échecs avec la Mort elle-même, et je refusais de perdre.

Puis, un matin, tout changea. J'étais assis dans mon bureau, jonglant avec ma canne, lorsque Chase entra, l'air essoufflé et excité.   « House ! On a quelque chose ! »
« Ne me dis pas que t’as enfin trouvé le point G de Cameron… » répondis-je avec un sourire narquois. « Parce que franchement, j’en ai assez de tes interruptions presque sans intérêt. »
Il agita un dossier devant moi. « Non, sérieusement, regarde ça. Il y a une augmentation des anticorps dans le liquide céphalorachidien. Et pas n’importe lesquels. Des anticorps contre des neurones ! »
Je m’arrêtai, les yeux rivés sur le dossier. « Cela signifie…  »
« Cela signifie qu’elle a probablement une méningo-encéphalite virale, » Je fixai Chase, son visage s’illuminant d’une rare satisfaction. « Une forme rare qui attaque les cellules nerveuses, causant des symptômes neurologiques progressifs comme la perte de vision. Et ça pourrait aussi expliquer pourquoi les autres tests sont normaux. »

Je me levai brusquement, saisissant ma canne d’un mouvement sec. « Très bien, préparez-vous à traiter pour une méningo-encéphalite. On commence avec des antiviraux et des stéroïdes, immédiatement. Et priez pour que ça marche. »

Je me dirigeai vers la chambre de Mary, sentant l’adrénaline pulser dans mes veines. Si nous avions raison, il y avait encore de l’espoir pour elle. Mais si nous avions tort… Eh bien, cela signifierait que nous serions de retour à la case départ, avec une vie de plus en danger et le temps qui jouait contre nous.
J’entrai dans la chambre sans frapper, comme d’habitude. Paul leva les yeux, son visage un mélange de peur et d’espoir. Mary, pâle et fatiguée, me regarda avec des yeux voilés de désespoir.
« Nous pensons savoir ce que tu as, » dis-je sans préambule. « Une méningo-encéphalite virale. C’est rare, c’est sérieux, mais c’est traitable. Nous allons commencer immédiatement. » Je haussai les épaules. « Et si ça ne marche pas, on continuera de chercher. Mais pour l’instant, c’est notre meilleure chance. Et la seule chose à faire est d’essayer »

Je me tournai vers l’infirmière à côté de moi et hochai la tête.
« Commencez le traitement. »

Sweet Little Things

enfin un cas !

Il m’avait fallu quelques jours de tests, de conjectures et d’hypothèses pour finalement parvenir à une théorie plausible. Et bien sûr, comme tout dans ma vie, ça devait être à moitié crédible. Rien de bien traditionnel pour cette petite Mary, à moins que l'idée d'une méningo-encéphalite virale soit la dernière tendance en matière de maladies exotiques. Mais, tant qu’il y avait une chance d’arrêter l’évolution de sa cécité, on irait jusqu’au bout.

Ce matin-là, je me glissai dans sa chambre, traînant ma canne avec la nonchalance que d’aucuns qualifiaient d’arrogance, mais qui n’était qu’un bouclier contre cette ordinaire médiocrité que je méprisais tant. Paul était là, observant Mary d’un air soucieux, comme un père regardant sa fille avant une grande bataille. Il m’observa aussi, l’air épuisé, mais avec cette lueur d’espoir qu’ont les gens lorsque la science pourrait, par un coup de génie, réparer l’irréparable.

Je m’appuyai contre le mur, les bras croisés. « Alors, comment ça va, Mary ? Tu te sens un peu moins comme une relique du passé ? » lançai-je d’un ton acerbe.

Mary me regarda, ses yeux déjà affectés par cette étrange maladie, cherchant un point de repère que je savais illusoire. « Si cette théorie sur ta méningo-encéphalite tient la route, tu pourrais retrouver une partie de ta vision. Ou, soyons réalistes, tu pourrais devenir un cas médical fascinant d’une maladie en voie de disparition. Quoi qu’il en soit, tu ne finiras pas tes jours comme un simple chapitre oublié de l’histoire médicale. »

Paul prit une inspiration, prêt à poser une question, mais je levai la main pour l’arrêter. « Oui, il y a des risques. Oui, elle pourrait rester comme ça. Ou pire, ça pourrait empirer. Mais vois-tu, la médecine n’est pas faite pour les âmes délicates. Elle est brutale, un combat constant entre le corps et les choses qui essaient de le détruire. Ce n’est pas une promenade bucolique où l’on cueille des fleurs et où l’on se questionne sur le sens de la vie.  »

Je m’approchai du lit, fixant Mary. « Maintenant, tu veux savoir si ce traitement va marcher, n’est-ce pas ? Eh bien, sache que dans notre jargon, ‘espérer’ est souvent synonyme d’‘échec’. Alors nous n’espérons pas ici. Nous agissons. Et toi, tu vas subir ce traitement, parce que c’est la seule chose à faire. »

Elle me regarda, la peur perçant à travers son masque de résilience. Parfait. Si elle avait peur, ça signifiait qu’elle comprenait l’enjeu.
Je pris une chaise, m’assis, et continuai, sans même chercher à apaiser l’atmosphère.
« Tu as mentionné être née en 1865, une époque où les médecins saignaient encore les patients pour guérir la fièvre. C’est amusant, parce que maintenant, nous avons des traitements capables de manipuler le système immunitaire, des thérapies que les médecins de ton temps auraient qualifiées de sorcellerie. Mais ce que tu traverses ? C’est presque du même ordre. Une maladie qui attaque de façon si insidieuse que même avec tous nos outils modernes, on n’arrive pas à la cerner totalement. Elle peut sommeiller un moment, puis se réveiller d'un seul coup et reprendre de plus belle. »

Je fis un geste vers Paul, comme pour indiquer qu’il pouvait enfin parler.
« La vérité, c’est que chaque corps réagit différemment. Le traitement pourrait bloquer l’inflammation et laisser sa vue telle quelle, ou elle pourrait regagner un peu de vision. Mais il est aussi possible qu’on n’arrête que temporairement le déclin. Dans ce cas, il faudra chercher autre chose. Et croyez-moi, j’ai des idées de tests que même les vieux sorciers de votre temps n’oseraient pas imaginer. »

Mais je n'étais pas certain de pouvoir rendre la vue à Mary. Ce n'était pas le genre de choses qu'on résolvait facilement et sa cécité avait avancé petit à petit, de façon insidieuse, pire qu'une blague de Cuddy.