Les hôtels pour animaux de compagnie, je n’avais jamais vu ça ailleurs que sur Terre. Et c’était une bonne idée, en fait : cela coûtait sûrement un certain prix, mais ça permettait aux humains de confier leurs animaux à des personnes en qui ils pouvaient avoir confiance pour prendre soin de leurs amis sur pattes. C’était bien mieux que de les abandonner, parce que ça, ça se voyait un peu trop souvent, quand même. Dans certains pays, il y avait même plusieurs villages remplis de chiens et de chats errants… Mais c’était peut-être aussi le signe que la population devait penser à survivre elle-même avant de pouvoir envisager de s’occuper d’animaux.

K-9 était un modèle mis à jour et assez autonome, en temps normal. Je le gardais pour quelque temps, parce que je savais bien que Sarah Jane Smith ne tarderait pas à arriver. Enfin, la notion de temps, c’était relatif, car deux minutes pour moi, cela faisait parfois quelques mois pour les êtres humains.

Quand je rencontrai le propriétaire de l’hôtel, je lui expliquai rapidement les raisons de ma présence ici et puis, je me tus, tout sourire.
« Juste « Le Docteur ». C’est mon nom. »
Tous les humains me demandaient toujours la même chose. C’était étrange, alors qu’ils se contentaient bien souvent d’un pseudonyme quand il s’agissait d’auteurs, d’acteurs ou d’artistes… ou même pour eux discuter sur Internet. C’était contradictoire et fascinant. Comme les êtres humains.

« K-9 est dans une période où il a besoin de présence, de caresses, de moments de complicité. Il pourra réparer tous vos appareils électriques et électroniques, mais vous devrez gagner sa confiance. »

K-9 restait près de mes jambes, très près. Encore un peu et il allait se frotter contre moi, comme le faisaient les chats. Pourtant, c’était un chien. « Je pense qu’il a besoin de jouer avec de vrais animaux. » Je lui grattouillais l’arrière de la tête, un geste qu’il semblait aimer de plus en plus.

Je relevais les yeux sur le visage de l’être humain qui gérait l’hôtel « Le Joyeux Niffleur ». Ce nom m’intriguait un peu et j’étais du genre à ne pas pouvoir tenir ma langue quand je pensais à quelque chose. « Vous êtes monsieur Niffleur, alors ? »

Puisque mon nom lui semblait étrange, je devais bien lui faire comprendre que le sien aussi. Et pourtant, j’avais déjà entendu bien plus bizarre, mon préféré étant Bannakaffalatta, ce cyborg qui était un véritable héros dont le sacrifice avait permis de sauver des tas de vies lorsque le vaisseau de croisière appelé Titanic avait été sur le point de sombrer en détruisant tout sur son passage. On ne jugeait pas les gens à leur nom, dans mon monde, et c’était bien mieux.

« Vous avez déjà eu un appareil électronique autonome ? » Je changeais de sujet comme je respirais, c'était vrai, mais c'était comme cela que défilaient mes pensées, alors, je les suivais.

Les humains avaient de plus en plus d'objets électroniques qu'ils pouvaient programmer pour réaliser leurs tâches selon un horaire et selon des objectifs précis. « K-9 a une conscience. C'est quelque chose qui n'existe pas dans les robots traditionnels. Mais il est capable d'affection et d'empathie. C'est ça qui le rend si attachant ! »

K-9 s'était approché des jambes de l'homme et il semblait le respirer, comme pour voir si son odeur lui était familière.
K-9 : "Affirmatif !"

Le chien-robot venait de prononcer son mot favori, de sa petite voix robotique.

Je faisais toujours le même effet aux gens, lorsque je me présentais. S’appeler « Le Docteur », ça ne leur semblait jamais suffisant. Mais je n’avais pas l’intention de m’infiltrer où que ce soit, aujourd’hui, alors, pas besoin de sortir mon papier psychique et un titre quelconque associé à mon nom d’emprunt favori : John Smith.

Cependant, la question que me posa l’homme n’avait rien à voir avec mon nom, vraiment, enfin, si, mais plutôt sur la manière de l’écrire sans faute. C’était sympathique de sa part de vouloir faire les choses aussi correctement.
« Oui, oui, une majuscule… C’est pour votre registre, je suppose ? »
Je posais souvent des questions, moi aussi, j’adorais ça, surtout quand on me donnait des réponses. Alors… quand on m’en posait, je faisais ce que moi j’aimais qu’on fasse avec moi dans le même genre de situation.

Au sujet de K-9, l’homme se montrait rassurant. IL allait lui donner tous les soins et toute l’attention nécessaires. Ça semblait parfait, tout ça !
Il m’invita même à venir voir le moment où les chiens allaient jouer ensemble. J’ignorais qu’il y avait des horaires pour ce genre de choses. C’était instructif de discuter avec lui… et j’adorais apprendre des tas de choses.
« Je ne savais pas que c’était comme dans les écoles, avec des récréations et des horaires… C’est une bonne organisation, ça doit fonctionner du tonnerre ! »

J’appris le nom de mon interlocuteur un instant plus tard. Rolf Scamander. Effectivement, ça n’avait rien à voir avec le mot « Niffleur ». Son métier m’était inconnu, pourtant, j’avais vu beaucoup de choses dans toute ma vie…

« Ravi de vous connaître, Rolf Scamander ! Désolé, je ne savais pas du tout ce qu’était un niffleur… ni un magizoologiste, en fait. J’ai voyagé dans beaucoup de mondes parallèles, et dans beaucoup d’époques, mais je n’en ai jamais croisé … Vous êtes mon premier magizoologiste ! » Il parlait de créatures magiques. Je ne voyais pas vraiment à quel genre d’animaux il pouvait faire référence, mais quand j’y réfléchissais un peu, c’était surtout des races non humaines, mais pas vraiment animales non plus qui retenaient mon attention lors de mes voyages… « Je ne connais pas de créatures magiques… Peut-être que vous aimeriez rencontrer des crabes à rêves… Ce sont des gros crabes gris qui sautent au visage et aspirent le cerveau des gens. Ou les judoons, ils ressemblent à des rhinocéros humanoïdes et sont complètement accro à la justice…»Mais ils avaient une manière un peu brutale d’appliquer la loi.

J’avais beau réfléchir, je ne connaissais pas de créature extraterrestre qui ressemblait à ce niffleur dont il m’avait parlé. Mais l’univers était si grand… et il y avait tellement de mondes parallèles ! Il n’était pas impossible qu’il en reste des coins ou des recoins où je n’étais pas encore allé…
Je l’écoutais attentivement, enregistrant toutes les informations.

« Oui, un four à micro-ondes, c’est parfait ! Peut-être même que K-9 pourrait vous l’améliorer. Il est doué pour ça. » L’homme semblait intéressé par la conception de K-9. Et moi, j’aimais beaucoup la curiosité. Alors j’étais tout à fait partant pour alimenter la sienne. « Au début, le premier chien-robot a été conçu comme un ordinateur-chien, sur un astéroïde en orbite de Titan. En l’an 5000. Mais ce modèle-ci est… vraiment unique. C’est moi qui l’ai amélioré et mis à jour, il y a quelque temps. Il permet de sauvegarder à peu près tout ce qui fonctionne avec un peu de courant électrique… comme le courant qui circule naturellement dans le cerveau humain, par exemple. »

Car oui, le cerveau avec son réseau de neurones se rapprochait beaucoup de câbles électriques qui passaient leur temps à faire circuler des atomes chargés électriquement. La différence de potentiel électrique entre l’intérieur du neurone et l’extérieur était le résultat de ces transferts… une tension électrique qui était à la base de l’activité électrique neuronale.
« Votre grand-père est passionné de technologie ? Si ça peut vous faire plaisir, vous pouvez lui présenter K-9, ça ne me dérange pas du tout. »

Il avait, cela dit, utilisé un terme que je ne connaissais pas. Moldus. Il y avait donc des moldus et des gens qui utilisaient la magie. Donc, les moldus n’avaient pas de magie. Mais ils avaient l’électricité et l’électronique. « Vous utilisez la magie, alors ? » C’était quelque chose qu’on voyait sur certaines planètes… Comme la Terre, à certaines époques.
Je respirai un grand coup, comme pour analyser l’odeur qui flottait autour de Scamander, puis je plissai les yeux et le regardai un peu plus intensément : « Vous ne ressemblez pas aux Carrionites… Vous êtes humain… »

J’aimais bien sa manière de me mettre en confiance. Et j’avais tendance à y croire. Je considérais qu’à la base, les êtres humains étaient plutôt des êtres en qui je pouvais avoir confiance. Quel était l’intérêt de mentir ou de fomenter des plans ?
D’ailleurs, le comportement de l’homme était plutôt positif et bienveillant, K-9 avait l’air content.
« C’est magnifique ! Vous êtes génial ! Cet endroit est génial… » Les humains étaient géniaux, de toute façon, je le savais depuis toujours. « Oui, pour la journée… normalement, ça ne devrait pas prendre plus de temps que ça… Mais on ne sait jamais… En tout cas, quand K-9 aura besoin d’un peu d’énergie, il trouvera ce dont il a besoin. Si vous le laissez quelques instants avec le four à micro-ondes, il aura ce qu’il faut. »

L’homme me proposa de me faire un dessin de niffleur mais j’étais bien obligé de repousser cette offre pour le moment. Mais j’imaginais cette créature comme un petit animal mignon, comme l’homme me l’avait dit… J’imaginais une sorte de chaton, mais avec des mains pour chaparder des bijoux et les ranger dans une sorte de petit sac à dos.

« Peut-être tout à l’heure, quand je reviendrai chercher K-9 ? » Je pourrais même lui dessiner la version de niffleur qui était dans mon esprit… ou lui dessiner des créatures extraterrestres pour lui montrer un peu à quoi cela ressemblait.

Le mode de fonctionnement de cet hôtel pour animaux semblait avoir été pensé dans les moindres détails. Je trouvais que c’était plutôt bien organisé et que la manière dont les animaux étaient traités ici était exemplaire. Mais je n’avais rien vu par moi-même pour le moment.
« Vous avez une belle petite équipe, c’est formidable ! » Je n’avais pas souvent eu l’occasion d’avoir un animal à moi, mais j’avais pu faire un constat valable dans tous les lieux et toutes les époques : « Celui qui n’aime pas les animaux peut difficilement aimer les autres gens. »
Alors j’avais en face de moi, d’après ma théorie, ce que l’on pouvait appeler un vrai philanthrope. Il m’expliqua, d’ailleurs, que les animaux… c’était une passion qui perdurait dans sa famille depuis plusieurs générations. Comme une maladie héréditaire, mais qui n’était pas une maladie.

« Un monde magique ? Mais un monde parallèle, n’est-ce pas ? Votre monde n’est pas le même que celui-ci… ni que le mien… Vous avez pu passer de l’un à l’autre ? »

Plus je discutais avec cet homme, plus je le trouvais sympathique. Il était aussi loquace que moi et que nous avions beaucoup de choses à partager. C’était tout simplement génial ! Une très belle rencontre !
« De la poudre de cheminette ? Qu’est-ce que c’est ? Et vous voyagiez comment dans votre monde ? » Encore quelque chose que je ne connaissais pas… Moi qui adorais apprendre et découvrir, c’était parfait ! « J’ai une sorte de véhicule… Une machine à voyager dans l’espace et le temps… Le TARDIS… Temps à relativité dimensionnelle inter-spatiale. » Mais je me doutais bien que cela ne devait pas signifier grand-chose pour lui. « C’est une sorte de cabine qui peut se matérialiser et se dématérialiser… et il est plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur.» J’aurais pu en parler pendant des heures : le TARDIS était immense, il y avait un tas de pièces, de salles, de cales, de ponts… Mais ma pièce préférée était et restait toujours le poste de pilotage. « Il fonctionne principalement à l’énergie temporelle… Et il peut matérialiser des salles qui peuvent lui faire regagner de l’énergie. »

Les techniques de son monde comme les technologies du mien, c’était magique. Mais ce qu’il me disait de son grand-père et de ce qu’il avait en commun avec lui, c’était magique aussi.
« Intéressant… Votre grand-père doit être quelqu’un de très agréable compagnie ! J’aimerais beaucoup le rencontrer, je pense. »

Rolf était ouvert d’esprit, nous discutions très facilement, lui et moi, c’était un flux naturel et impossible à feindre.
« Les Carrionites. Ce sont des aliens qui ressemblent à des sorcières, des humanoïdes femelles. Elles utilisent les mots pour manipuler l’univers. Un peu comme des formules magiques… Elles ont fait pas mal de dégâts dans le passé, mais elles ont été vaincues et enfermées dans une boule de cristal. » Grâce à Martha, William Shakespeare et moi-même, mais ça, je ne l’ajoutais pas.

Il parla de baguette magique et ça me faisait penser, un peu, à mon tournevis sonique. Quant à son fidèle compagnon, le « botruc », ce fut mon tour d’arquer un sourcil… Un petit être vert sortit de la poche de mon interlocuteur pour venir voir ce qui se passait. Je chaussais mes lunettes pour me pencher un peu sur cette petite créature.
« Oh ! Il est mignon ! On dirait un animal-végétal ! »

Le reste des consignes était mis au point et il ne resterait donc plus grand-chose à discuter sur le séjour de K-9 en ce lieu. Je pris la carte de Rolf et, songeant que c’était peut-être une coutume de son monde, je sortis ma carte pour la lui donner également. « En cas de souci, vous pouvez me joindre facilement à ce numéro. Et si jamais vous avez un souci technologique, informatique, ou autre et que K-9 n’est pas chez vous, vous pouvez m’appeler aussi ! »

Je n’étais pas spécialement à la recherche de réparations à faire, mais il était normal, à mon avis, de proposer mes services aussi.
« Parfait, alors ! On se revoit en fin de journée, Rolf Scamander ! »

« Parfait ! C’est un échange de bons procédés qui me semble très intéressant !»
Peut-être pourrais-je lui montrer une projection hologramme de certains aliens qui méritaient le détour… A moins que… si je modifiais quelque peu les logiciels de casques de réalité virtuelle, il devait y avoir moyen de montrer certaines choses, aussi, le tout serait d’encoder dans le système des éléments que j’avais pu sauvegarder au fur et à mesure…

C’était intéressant de découvrir l’histoire de ce monde qui dut être caché depuis le Moyen Âge. J’avais eu l’occasion de voir quelques chasses aux sorcières lors de voyages, mais… « J’ai toujours cru que c’était une façon pour les puissants de l’époque de se débarrasser de penseurs libres et de gens différents, donc dérangeants… »
Maintenant qu’il me disait cela, ça se tenait. Et c’était une raison suffisante pour que tout un pan de la population humaine décide de vivre en se cachant aux yeux de ceux qui les auraient jugés différents.

Les moyens de transport de ce monde camouflé m’intéressaient aussi, bien sûr. Cela n’avait rien à voir avec la technologie humaine ni avec la technologie alien. C’était de la magie, purement et simplement. Et la magie, c’était très difficile à comprendre et à expliquer.
« Et cela ne fonctionne pas ici ? J’ai pu remarquer qu’il y a pas mal de choses qui coincent un peu sur cette île… » J’avais moi-même un excellent exemple de cela, bien sûr. « Le TARDIS, oui c’est mon vaisseau… Mais ici je ne peux pas remonter dans le temps comme avant… Pas moyen de quitter l’île, pas moyen de revenir plus loin que trois ou quatre ans en arrière… »
Il me parla de documentaires télévisés et je souris. Les vaisseaux qu’imaginaient les humains dans les reportages ne ressemblaient en rien à mon TARDIS. C’était d’ailleurs ce qui rendait mon vaisseau si discret…
« C’est un peu différent… En fait, le TARDIS ressemble plutôt à une cabine bleue. Normalement, j’aurais dû pouvoir lui faire changer d’apparence, mais il y a eu un petit souci technique et le TARDIS a gardé l’apparence d’une cabine de police anglaise des années 1950… Je me suis habitué, avec le temps. » C’était arrivé il y avait bien longtemps, bien avant que j’aie fait cette régénération-ci… J’avais voyagé dans la Préhistoire et le circuit Caméléon avait été endommagé. « Mais même après la réparation du circuit Caméléon, le TARDIS a gardé cette apparence… Je suppose que c’est son vêtement préféré ! Ce n’est pas un vaisseau purement mécanique ou électronique… Une partie, son cœur, est vivante… C’est un peu un être hybride, mi-vivant, mi-mécanique… Elle se matérialise et se dématérialise en fonction des commandes. »
J’aurais pu en parler des heures, de mon TARDIS, j’aurais pu expliquer un tas de choses à Rolf, mais il aurait été bien plus simple de lui montrer. « Je vous montrerai, si vous voulez. »

On avait ensuite encore un peu parlé avant que je ne me rende compte que je devais être à l’autre bout de la ville un quart d’heure plus tard. J’allais devoir courir… mais j’adorais ça, alors, j’avais pris congé un peu rapidement et j’avais foncé.


Je n'avais pas souvent confié K-9 à d'autres personnes que Sarah Jane Smith, parce que beaucoup d'humains n'auraient sans doute pas été capables de satisfaire les besoins d'un tel animal de compagnie. Mais ici, c'était différent.
Rolf Scamander m'avait fait une très bonne impression ce matin et je me disais que si la journée se passait bien de son côté, je pourrais lui confier de nouveau mon adorable petit chien robot sans la moindre crainte. J'ignorais si c'était la facilité avec laquelle nous avions pu discuter ou bien le contenu de nos échanges qui m'avait convaincu, mais le fait était là. Cet homme qui m'avait parlé d'animaux qui m'étaient inconnus, cet homme qui m'avait parlé d'un monde qui m'était inconnu... eh bien, il avait éveillé ma curiosité, mais aussi ma sympathie. Ce qui était vraiment une très bonne chose !

J'avais passé la journée à faire les grosses mises à jour de systèmes informatisés dans des grosses boites de l'île, un peu partout. Il y avait des installations un peu vieillotes qu'il avait fallu moderniser et rebooster un bon coup. Je travaillais toujours très consciencieusement, même si j'avais parfois l'air d'être un peu à côté de mes Converse. Le fait était que j'avais un esprit suffisamment vagabond pour que mes pensées passent de l'une à l'autre sans prévenir...

Je ne pouvais m’empêcher de penser à ce monde dont je n’avais jamais soupçonné l’existence. Un monde où la magie était présente… un monde caché dans le monde des humains auquel je n’avais jamais eu accès avec le TARDIS. J’imaginais les créatures qui pouvaient y vivre… des botrucs, des niffleurs… je ne connaissais pas les autres créatures que l’on pouvait trouver par là mais j’imaginais un monde aussi vaste que certaines planètes.
Honnêtement, si je n’avais pas été tenu par un horaire à respecter, j’aurais pu passer des heures à discuter avec cet homme.
Tout ce que nous avions eu le temps d'évoquer le matin m'avait trotté dans la tête toute la journée. Je voulais en savoir plus. Je voulais savoir à quoi ressemblait ce monde, ses habitants, ses animaux, son mode de vie... Pour moi, c'était comme si on m'avait parlé d'une planète inconnue qui ne demandait qu'à être découverte.
Et je me posais mille et une questions, bien sûr : est-ce que des sorciers du monde de Rolf Scamander pouvaient être aussi dangereux que les Carrionites ? Est-ce que ces humains avaient les mêmes gènes que les humains qu’ils appelaient "moldus" ? Qu’est-ce qui faisait qu’un humain naissait sorcier ou moldu ? Et puis comment fonctionnait cette poudre de cheminette ? Était-ce quelque chose de comparable à un portail de téléportation ?

A midi, j’avais fait un saut chez Pop’s pour manger un petit quelque chose, mais surtout pour voir Rose. Son sourire égayait toujours mes journées et j’aimais vraiment bien passer du temps avec elle, même si ce n’étaient que quelques minutes, sur son lieu de travail. Certains des collègues de Rose devaient se dire que j’étais un taré qui la suivais ou quelque chose comme ça, puisque j’étais là quasiment tous les jours. Un sourire de Rose, un regard d’elle, une simple parole… ça faisait ma journée.

L’après-midi, je dus encore voler au secours de deux grosses sociétés dont le réseau interne était en panne. Ça n’avait pas été facile de trouver la cause, il m’avait fallu chercher un peu plus que je ne pensais et j’avais donc pris un peu de retard.
Je devais me rendre à l’évidence, je ne pourrais pas être à l’heure pour récupérer K-9. J’avais encore trois réparations sur mon planning… Je sortis donc mon téléphone pour envoyer un sms au numéro de Rolf Scamander :

Re-bonjour,
j’aurai un peu de retard pour venir chercher K-9. Je fais au plus vite.
Merci,
Le Docteur

Les humains pensaient à beaucoup de chose, sinon à tout. L’établissement d’animal-sitting, c’était une bonne solution pour quiconque avait un ami à quatre pattes (ou un ami ailé, ou peut-être même à écailles et rampant) et n’avait personne pour le garder lorsqu’il y avait une obligation. Le principe était plutôt intéressant… mais ce qui l’était encore plus, c’était tout ce que le propriétaire des lieux m’avait dit sur son propre monde… un monde dont j’ignorais tout, y compris l’existence, et qui semblait regorger de secret, de mystères et de tout un tas de choses aussi ahurissantes que géniales !
Je ne savais pas si c’était surtout les créatures dont il avait parlé ou la magie qui me semblait l’élément le plus intéressant, mais j’étais désormais assez curieux d’en savoir plus. Magie, baguette, sorcier, niffleur… il devait y avoir encore beaucoup de choses qui m’étaient inconnues, dans cet univers.

Mes journées de travail auraient semblé longues pour les humains, mais j’étais toujours motivé et plein d’énergie, alors je pouvais faire plusieurs dépannages sur une journée sans aucun problème. Des ordinateurs, des systèmes défaillants, des lave-vaisselles, des lave-linges… rien d’exceptionnel, mais il y avait un immeuble où les soucis électriques m’avaient amené à remettre en question l’installation complète du bâtiment. Et là, ça avait pris du temps, d’abord parce que les plans de l’installation n’étaient pas corrects, ensuite parce que l’électricien qui était venu travailler sur ce chantier avait fait quelques économies, sans penser à ce que ça pourrait avoir comme conséquences par la suite, enfin parce que tout le monde n’y avait vu que du feu jusque là.

Un immeuble entier qui devenait une possible bombe à retardement… Tout pouvait arriver, n’importe comment, n’importe quand…
J’aurais peut-être dû prendre le TARDIS et arrêter le temps, au moins un moment, pour pouvoir agir sereinement, en prenant bien le temps de tout faire dans les règles… mais je ne pouvais pas prendre le risque de ralentir l’écoulement du temps sur cette île, tout était bien trop imprévisible pour cela… je n’aurais pas été étonné qu’après une telle tentative le temps se serait mis à s’écouler deux à trois fois plus rapidement.
Alors j’avais prévenu Rolf que je serais un peu plus tard que prévu pour venir chercher K9.Il fallait avant tout que je me débrouille pour me dépêcher d’arranger les choses pour tous les habitants de l’immeuble…

J’avais finalement passé quelques heures à travailler sur cette installation, mais j’allais en avoir pour plusieurs jours. Parce que nous ne pouvions pas imaginer déporter tous les habitants en même temps… Alors, par souci pour leur bien-être, il fallait travailler un étage à la fois. Et installer des disjoncteurs et des boitiers à fusibles pour chaque appartement. Il fallait bien cela pour que chaque habitant soit en sécurité et soit capable de réagir si jamais les plombs devaient sauter.

Il me fallait commander du matériel pour le lendemain, parce que j’avais beau avoir un tournevis sonique, cela ne pourrait pas changer tous les câblages et tous les fusibles. Cela me demanda environ deux heures de plus que prévu, mais je savais que K9 était entre de bonnes mains. Alors, je pris le temps qu’il fallait.
Et pour le lendemain, j’aurais suffisamment de travail pour avoir encore à confier K9 une journée entière à une personne digne de confiance…


Il était environ 17h45 lorsque je me présentai à nouveau au Joyeux Niffleur. J’étais un peu fatigué de cette journée, mais je n’avais pour autant pas envie de rentrer chez moi m’écrouler dans le canapé comme un humain. J’avais envie de continuer à passer du temps avec K9, avec Rose, ou Martha… avec les personnes qui m’étaient sympathiques, en fait.

« Bonsoir Mr Scamander ! » Jovial, enjoué, comme si je n’avais pas eu une longue et difficile journée… « Tout s’est bien passé ? » K9 était près du sorcier et après un petit sifflement de ma part, le chien-robot me rejoignit aussitôt, adoptant son comportement canin le plus naturel. « C’est un brave toutou, ça, mon K9… »

Dans la journée, les choses s’étaient passées de façon plutôt habituelle, puisque les réparations et dépannages n’avaient pas manqué et que j’avais fait mon travail avec rapidité et efficacité, comme toujours.
Il était donc un peu plus tard que prévu lorsque je vins pour récupérer K9 au Joyeux Niffleur.

Ce fut Rolf qui m’accueillit. Je n’allais donc pas avoir à faire une description détaillée de mon animal de compagnie. Qu’est-ce que j’aurais dit, d’ailleurs ? Un petit robot canin, en métal, avec des lumières bleues sur le côté. Une personnalité très enjouée et curieuse, des aboiements réguliers pour répondre, puis le fait qu’il était équipé d’un scanner et d’un traducteur.

« Bonjour, Rolf Scamander ! La journée fut bonne ? »
Je demandais souvent aux gens ce qu’ils avaient pensé de leur journée, parce que c’était important pour discuter et pour prendre des nouvelles.
L’homme me parla de la journée de K9, de ce qu’il avait fait. Apparemment, tout s’était très bien passé et K9 avait été adorable. Ce qualificatif me fit sourire.

« Oh, woaw ! Il a dû faire sensation, alors ! Il est plutôt sociable en général, oui, un peu comme moi. »
K9 et moi, nous partagions certains traits en commun et aussi pas mal de différences… On se complétait, en quelque sorte. Mais je répondis au sorcier, plutôt que de me lancer dans une comparaison entre mon compagnon canin robotique et moi.
« Tout est au point, oui ! Je vais devoir retourner demain chez un client, parce que je devais commander du matériel, mais à part ce petit détail, tout est parfait. »

J’envisageais un instant de lui poser la question en retour, mais… n’allions-nous pas tourner en rond ? Je ne voulais pas qu’il ait ensuite l’impression que je sois rébarbatif et redondant.
« J’ai repensé à ce que vous m’avez expliqué tout à l’heure. Je me suis dit que ça aurait été génial de pouvoir vous montrer l’univers à bord du TARDIS, mais sur cette île, c’est compliqué… C’est comme si le temps n’existait plus qu’à partir de la lune rouge, comme si elle avait tout remis à zéro. Et même chose pour l’espace. »
En clair, aucun vaisseau temporel ou spatial ne pouvait quitter l’île ni remonter à plus de quatre ans en arrière.
« Au début, ça m’a un peu donné la même impression que de posséder une Ferrari et de devoir respecter des limitations de vitesse dans des zones scolaires. Fameuse frustration ! »
Je supposais qu’il devait, lui aussi, sentir sa magie un peu bridée par les circonstances, mais je ne lui demandais pas pour autant.

« Vous en pensez quoi, vous, de cette lune rouge ? c’est un phénomène connu dans votre monde ? J’ai vu et vécu beaucoup de choses, mais ça, c’est bien la première fois… »

Aucun Seigneur du Temps n’avait jamais mentionné un tel phénomène, j’étais pratiquement sûr de ne jamais avoir lu le moindre livre qui en parlait. C’était comme si c’était nouveau et inédit. Ce qui était peut-être bien le cas.

Je donnais une petite caresse à K9, sur le sommet du crâne, puis je regardais de nouveau Rolf.
« Combien vous dois-je ? »

J'avais développé une affection particulière pour eux et j'aimais les aider du mieux que je pouvais. Mon domaine de prédilection était la réparation, que ce soit des machines complexes ou des appareils tout simples. Aujourd'hui, j'avais travaillé dur sur un projet d'envergure et je me sentais assez fatigué.
J'avais passé des heures à assembler les pièces, à régler les mécanismes délicats et à tisser des fils complexes dans une symphonie de science, de technique et d'ingéniosité. Le résultat était une machine qui allait apporter un changement radical dans la vie de nombreuses personnes. Mais cela m’avait pris beaucoup d'énergie, tant physique que mentale.

Quand j’étais revenu à l’hôtel pour animaux, plus tard que prévu, mais j’avais prévenu, j’avais été ravi d’apprendre que tout s’était bien passé et que mon petit K-9 avait été toujours aussi adorable. C’était un petit chien-robot vraiment génial et je savais qu’il n’aurait pas causé de problèmes, sauf s’il y avait eu un dysfonctionnement dans ses circuits ou son programme.

« Je suis content que tout ce soit bien passé ! Je n’hésiterai pas à faire de nouveau appel à vos services ! »

C’était toujours une bonne chose d’avoir une personne de confiance sur qui compter quand il s’agissait des êtres à qui on tenait… Même si ces êtres étaient des animaux de compagnie robotisés.
Rolf était quelqu’un d’aimable qui prenait même le temps de prendre de mes nouvelles. C’était une attitude très positive pour moi. Je trouvais cela vraiment gentil de sa part. Et ça me donnait envie d’être sympathique à mon tour.
Je n’avais pas besoin de grand-chose pour avoir envie de parler aux gens, mais ici, il était clair que nous étions l’un et l’autre du genre sociable. Ou alors c’était pour son commerce que Rolf Scamander agissait comme cela, c’était possible aussi. En tout cas, c’était facile de discuter avec lui.

« La lune rouge qui bouleverse tous les univers… C’est un phénomène très rare… En fait, je n’ai jamais vu ça et, pourtant, je ne suis pas né de la dernière lune rouge ! »
Le monde magique dont il venait semblait être un monde intéressant, mais il ne pouvait pas m’apprendre grand-chose sur le phénomène mystérieux qui entourait la lune rouge.
« Il y a plusieurs théories, mais aucune n’est vérifiable… »

C’était même assez étrange de mener l’enquête de façon aussi théorique pour moi. J’étais plutôt un homme de terrain, je me fourrais souvent dans des situations un peu folles où je devais beaucoup courir (et j’adorais ça !) et puis avec mes compagnons, nous arrivions à trouver des solutions.

« Voilà vos 25 dollars. Je passerai peut-être demain, cela dépendra… » De quoi ? Eh bien… de la soirée, de la nuit, des projets, des amis…
Je pouvais très bien décider à la dernière minute de venir déposer K9 ici demain matin, mais pour l’instant, je n’en savais rien du tout. C’était parfois difficile pour moi de tenir un agenda… le temps fluctuait toujours pour moi et ma ligne du temps n’était pas conçue comme quelque chose de rectiligne.
« Allez, viens, K9, on rentre à la maison ! »

Je lui parlais toujours comme à un vrai chien. Et ça n’avait jamais semblé lui déplaire, si tant est qu’il pouvait avoir des émotions.
Je rentrais chez moi avec mon fidèle ami robotique et je l’installais dans son panier adapté. Et puis, je jetais un œil vers la pièce que j’avais agencée pour mes projets… Et cela eut raison de moi : je me mis au travail à une heure trop tardive pour pouvoir terminer cela la nuit même.

Mes mains étaient couvertes de graisse et de saleté, témoignage de mes efforts incessants pour donner vie à mon invention. Mes yeux fatigués se posèrent sur l'horloge, dont les aiguilles indiquaient une heure bien trop tardive pour une bonne nuit de sommeil. Mais cela ne me dérangeait pas. Mon cerveau bouillonnait d'idées et d'excitation, même si mon corps était épuisé.
Je m’étais laissé tomber sur une chaise, sentant mes muscles se relâcher enfin. Une bouffée de satisfaction m'a envahi alors que je contemplais mon chef-d'œuvre, maintenant silencieux et immobile. C'était une réalisation remarquable, une preuve de ce que je pouvais accomplir. Mais malgré ma fatigue, une partie de moi savait que mon travail n'était jamais vraiment terminé. Il y avait toujours une autre machine à réparer, une autre personne à aider, une autre planète à sauver. C'était ma mission, ma vocation, et j'étais prêt à continuer à me battre, peu importe les défis qui se dressaient devant moi.

Alors que je m'apprêtais à fermer les yeux pour une courte pause, le bruit familier du TARDIS résonna dans l'air. Un sourire s'est dessiné sur mon visage fatigué. La galaxie m'appelait une fois de plus, et je ne pouvais pas résister à son appel.

Je me suis levé avec un regain d'énergie et j'ai fait un dernier regard sur mon projet terminé avant de me diriger vers le TARDIS. Les aventures m'attendaient, et j'étais prêt à les affronter, en tant que Docteur, le voyageur du temps et de l'espace, prêt à réparer le monde, une machine à la fois.