(abandonné) Le Sandwich de la bascule ! } feat Aidan Hearst

– C’est fini pour aujourd’hui les enfants !

Lucifer regarda avec fierté les sculptures qui s’étalaient sur la table devant lui. Il tapa même dans la main de chaque enfant qui sortait au fur et à mesure de la salle de classe. Lucifer ne donnait pas seulement des cours de théologie et de philosophie, il participait aussi à des ateliers de créations quand il avait le temps. Son sourire était empli d’une nostalgie certaine qui comme souvent se transformait en mélancolie. Les souvenirs doux amers de cette époque bénie remontaient sans arrêt à la fin de ces ateliers. Agnès lui avait dit d’arrêter, que ce n’était pas bon pour lui mais Lucifer n’était pas du genre à écouter, même pour son propre bien. Il aimait créer. Il avait toujours aimé créer. Et il aimait aussi, un peu masochistement se souvenir des temps immémoriaux de la création. Les moments où il avait été heureux. Foncièrement et sincèrement heureux bien avant que la marque ne le corrompe. Il se souvenait de la toute première fois où Chuck, Dieu, lui avait montré comment former quelque chose à partir de son énergie. Il se souvenait du rire qu’il avait eu quand Mickaël avait littéralement fait exploser sa création sous l’œil attendri de leur père. Puis comment ils avaient du transmettre ça à leurs deux autres frères. Il s’était chargé de Gabriel, sentant une fibre artistique beaucoup plus développé. Il avait eu raison. Gabriel avait désigné beaucoup de choses douces où drôles. Quand il voyait un ornithorynque, il ne pouvait s’empêcher de sourire. Mickaël s’était énervé en disant qu’il ne pouvait pas fusionner des créations entre elles. Lui avait dit que si et Gabriel avait été content. Ils passaient leurs journées, où du moins ce qui ressemblaient à des journées n’ayant pas vraiment de repères spatio-temporels, à modeler, découper, façonner tout ce qui allait sur Terre. Il avait remarqué aussi que Chuck ne regardait plus leurs œuvres avec autant d’entrain. Parfois, il ne les regardait plus du tout. Il avait essayé de prévenir les autres mais personne ne l’avait cru. Même quand il avait commencé à modeler des choses dangereuses. C’était triste. Oui, ces souvenirs étaient à la fois heureux et tristes parce que déjà Chuck faisait preuve de négligences envers eux.

Sa main passa doucement sur l’argile qui séchait à l’air. Les petits avaient été imaginatifs. C’était bien. Il travaillait à ça ! À développer leur imagination pour les rendre plus intelligents. Ils n’étaient pas nombreux et Lucifer avait pris le temps pour chacun des enfants présents, leur donnant toujours un mot d’encouragement. Le travail avait payé. Certes, il n’allait pas les exposer au musée rodin mais l’étincelle de l’art était présente. Ils s’étaient tous challengés pour faire mieux que lui. Sa sculpture géante d’une scène de forêt était posée sur l’étagère du coté de la classe. Il l’avait fait dans la nuit, utilisant son insomnie à bonne escient, se repassant néanmoins le film de sa jeunesse. Il était déjà nostalgique en arrivant ce matin mais là, à la fin du cours, il sentait ce poids de tristesse sur son cœur. Jamais il ne l’avouerait publiquement. Jamais. Il préférait se scarifier que d’avouer que ces moments lui manquaient. Ces moments avec ses frères. Ses frères lui manquaient. Tous. Même Mickaël. Après sa chute, il avait été seul aussi mais ce n’était pas la même chose. Il avait ses pouvoirs d’archange. Il avait créé les démons pour lui tenir compagnie. Il avait créé des illusions dans la cage jusqu’à sa sortie. Quand on l’y avait remis, il y avait eu Sam, Adam, Mickaël. De quoi s’occuper. Même dans le Néant à vrai dire il n’avait pas été aussi seul que maintenant, démuni. Le fait de ne pas avoir ses pouvoirs le mettait face à la réalité crue et il n’appréciait pas vraiment. Ce genre de sentiments nauséeux le dégoutait avant et maintenant, il les exécrait parce qu’il savait qu’il y était très sensible.

Donnant un coup de pied dans la porte, grognant d’une douleur plus palpable que cette vague à l’âme, il attrapa sa sacoche et décida d’aller prendre l’air. Marcher dans les alentours du bâtiment annulaire, dans l’espace de verdure qu’il avait mis en place lui faisait toujours du bien. Il leva les yeux au ciel en entendant son ventre gargouiller. Vraiment, Chuck disait que les humains étaient parfaits ? Alors il n’aurait pas fait ce genre de trucs ! Heureusement qu’il avait déjà eu l’expérience de la faim, il avait pu s’y habituer plus rapidement cette fois. Perdu dans ses pensées, il ne salua personne, se dirigeant d’un pas rapide vers la caféteria pour s’acheter de quoi se substanter. L’aura sombre qu’il avait faisait que personne n’osait s’approcher. Parfait. Il n’avait pas envie de leur parler. Il avait envie d’être seul. Parce que c’était la seule chose visiblement pour laquelle il était fait. Morose, il arracha presque des mains de la serveuse son sandwich avant de partir et de sortir en direction du petit étang qu’il y avait à quelques centaines de mètres de là. Il avait un banc, face à l’étendu d’eau. Son banc. La perspective de le retrouver lui mit un peu de baume au cœur.

Dès qu’il fit à proximité de la nature, il put souffler. Voir les arbres, entendre le vent souffler dedans et les oiseaux chanter étaient d’un apaisement sans limite. Il avait toujours aimé la nature. Elle était belle et sans défense. Une raison supplémentaire de son dégout de l’homme : la destruction de sa nature chérie. L’homme n’avait rien compris. Il pensait que la terre était à lui ? Que la nature devait se soumettre à tous ses caprices ? Idiots ! Fous ! La nature était la création de son père qu’il appréciait le plus. Il l’avait toujours reconnu. Chuck avait eu une inspiration de dingue à ce moment-là. Un génie artistique qu’il avait admiré et qu’il admirait toujours à vrai dire. Un peu plus calme, il respira profondément, ralentissant le pas à l’approche du chemin de terre. Il voyait au loin les canards qui avaient bien compris que cet grand forme venait régulièrement les nourrir à toute heure du jour et de la nuit. Cependant, il plissa les yeux quand il tourna à gauche du saule pleureur. Son banc était occupé ! Quel sacrilège ! Une honte ! En plus occupé par une espèce d’adolescent mal fagoté qui était carrément allongé dessus. Il se pinça alors le nez avec sa main de libre, se répétant en boucle.

– Tu peux le faire Lucifer. Tu peux y arriver. Ne le tue pas. Jack ne serait pas content. Respire. 1…2…3…

Il essaya de penser aux exercices de yoga qui l’aidait à régir toute cette colère qu’il avait en lui. Il ralentit encore un peu plus le pas, se mordant même l’intérieur de la lèvre.

– Pardon mais si vous voulez un lit, prenez une chambre ! Ça sera certainement plus confortable que ce banc à moins que vous n’aimiez enrichir les ostéopathes !

Le cynisme faisait parti intégrante de lui. Forcément, il en était l’inventeur. Quand le jeune homme ouvrit les yeux, le regardant, Lucifer lui fit un petit sourire sympathique mais son regard perçant disait tout le contraire.

– Manger debout n’est pas mon activité favorite alors si … vous pouviez au moins pousser vos jambes.

Il fit un geste de la main du haut du banc vers le bas comme pour lui indiquer la marche à suivre avant de pouvoir enfin s’assoir sur le bord, essayant de mettre le plus de distance entre lui et le jeune homme. Il ferma les yeux, soufflant à nouveau comme il se le rappelait dans sa vidéo pour se contrôler. Il n’aimait pas vraiment manger en public, et encore moins devant des inconnus. Il ne comprenait pas l’utilité des restaurants à part peut être le fait de se faire servir. Mais diable pourquoi manger tous ensemble … Essayant de faire fit des bruits d’a côté, il dépaqueta son sandwich, croquant un bout dedans, se focalisant uniquement sur le gout du poulet et du chorizo avant de déglutir et de tourner la tête vers le jeune homme dont il avait senti le regard insistant.

– Quoi ? Ne me dites pas que j’ai de la salade coincé entre les dents juste après la première bouchée parce que je ne vous croirai pas !

️Pando

Alors de où cette personne le tutoyez comme s’ils avaient connu la création ensemble ? Pour qui ce gosse se prenait il ? Il allait lui apprendre les bonnes manières oui. Et en plus de ça, il était visiblement con vu qu’il n’avait pas compris son ironie. Pas le choix. C’était sûr. Sinon il n’aurait pas l’air d’un clochard, où alors c’était peut-être une nouvelle mode. Il n’avait pas vraiment trop le temps de suivre les défilés de mode mais de toute façon, il savait pertinemment que le gamin avait prit sa réflexion au premier degré signe d’une intelligence au niveau des pâquerettes. Que Jack, son fils, le fasse, il comprenait. Après tout, il n’avait que quatre ans. Il avait tout à lui apprendre vu qu’il n’avait pas vraiment pu le faire avant. Mais qu’un adolescent, allez, jeune adulte, Lucifer ne lui donnait pas plus de 25 ans, ne comprenne pas, c’était désolant. Préférant ainsi lui demander de se pousser pour s’assoir et rassasier la faim qu’il avait, il souffla, se disant qu’une fois son sandwich englouti, il partirait pour faire le tour de l’étang. Ce n’était pas son coin préféré mais c’était toujours mieux que là, à l’heure actuelle. Bon, au moins le jeune homme venait de s’excuser pour l’avoir dévisagé. Il n’était peut être pas totalement perdu …

Croquant à pleines dents, il commença à savourer le sandwich, qui n’était pas de la haute gastronomie mais qui faisait son effet quand il fronça le nez. Il tourna la tête avant de lancer un regard à la fois désabusé et emplie de haine. Le gamin venait de sortir un joint qu’il avait allumé sans aucune pression. La fumée lui arrivait droit dessus à cause de la légère brise. Non mais il le faisait exprès. Pire, Pop’s l’avait mis là pour le faire craquer et le démembrer dans d’atroces souffrances ? Oui, il n’était pas dans un bon mood aujourd’hui. L’atelier de sculpture l’avait rendu très nostalgique et chez Lucifer, cela se transformait souvent en mélancolie. Or il détestait ça. Mais en général, pour éviter d’avoir à comprendre tous ses ressentis, il les filtrait pour n’en laisser passer qu’un seul. La colère où la haine. Parfois les deux en même temps à vrai dire. Il fumait de la weed, comme ça, sans aucun souci, alors qu’un inconnu était entrain de manger. Son intuition sur son irrespect s’était avérée bien juste. Si, il était perdu. Il serra un peu plus les mains sur le papier de sa nourriture et le bruit du froissage attira les canards. Cette vue de ces animaux nageant plus vite pour venir quémander des bouts de pain, qu’ils savaient que Lucifer allait leur donner était apaisante. Il leur avait même donné un petit nom, discutant avec eux quand personne ne pouvait le voir.

Sans demander son reste, il se leva pour s’approcher d’eux. Les canards n’avaient absolument pas peur de lui, bien au contraire, ils venaient se frotter à ses jambes comme des animaux domestiques. Cela lui arracha un sourire, caressant la tête du plus gros qu’il avait appelé Zachariah qui lui vola un bout de pain qu’il avait dans la main.

– Toujours à faire le malin Zachy’ …

Il se retourna quand le jeune homme l’interpella car contrairement à lui, il n’était pas mal poli. Cette façon qu’avait les humains de poser des questions sur la vie privée de leurs congénères étaient fascinant. C’était sur qu’en n’étant pas télépathe ou omnipotent c’était de suite moins facile. Poussant un soupir, il décida dans sa grande mansuétude de lui répondre. Même s’il n’avait pas décidé de parler de lui, c’était une activité que Lucifer appréciait.

– En venant ici, vous avez dû voir pas mal de bâtiments qui forment un immense cercle ?

Il pointa derrière le jeune homme le sentier de terre pour qu’il le suive des yeux et puisse entrapercevoir entre les arbres le toit des bâtiments susnommés.

– C’est à moi.

Lucifer eut un petit sourire de fierté, croquant à nouveau dans le sandwich avant d’en donner un bout aux canards à ses pieds.

– Je les ai tous racheté pour les rénover. Avant c’était un tas de ruines délabrés squattés par des cafards, et je ne parle pas de l’insecte.

Ce n’était pas parce qu’il avait progressé avec les humains qu’il était toujours bienveillant avec eux. Un grand mot d’ailleurs pour lui.

– Maintenant, c’est l’Ecole de la Vérité. Une école qui distille le savoir ancestrale. Des connaissances que les humains n’avaient pas. Une des raisons pour laquelle ils sont restés dans leur brouillard humide d’ignorance et sont devenus de plus en plus stupides au fil des millénaires.

Il soupira par les narines, secouant la tête, dépité. Il eut cependant un léger sourire en pensant qu’il était entrain de réparer les erreurs de son père.

– Ce n’est pas totalement de leur faute. Après tout, Pop’s vous a laissé dans l’ignorance en pensant que vous vous débrouillerez très bien seuls. Bon, il l’a fait avec nous aussi mais ce n’est pas la question. Donc, j’ai créé un lieu qui justement redonne la part belle au libre esprit, à la connaissance, aux débats, aux réflexions d’idées, à l’apprentissage. Mais pas seulement.

S’il y avait pu mettre de la musique à suspense comme il avait toujours aimé le faire, il l’aurait fait. Où peut être des roulements de tambour, or, il ne pouvait plus. Si tous ses pouvoirs lui manquaient, celui de créer des ambiances énormément.

– J’accueille une partie de la misère du monde. Les sans abris, les femmes battues, les orphelins. J’ai dédié un bâtiment exclusivement à leurs accueils, soins et remise en forme. Comment Dieu peut il laisser passer une chose pareille ? Toute … cette souffrance de la part des créatures qu’il a aimé plus que ses propres enfants ? Non, non je ne peux plus laisser passer ça !

Le ton de sa voix avait changé, légèrement plus émotif et emplein d’une rage qu’il ne pouvait vraiment dissimuler. Donnant finalement la fin de son sandwich aux canards, il s’approcha de jeune homme, faisant une mimique d’amertume, le coin de sa lèvre se rétractant à l’intérieur.

– Je suis là pour rétablir la vérité. Sur tout. Comme le disait un éminent philosophe égyptien, Yussof Murad, il y a loin de la vérité apprise la vérité vécue. Je l’ai vécu la vérité mon cher enfant.

Lucifer s’était encore plus rapproché du jeune homme, le fixant dans ses yeux, son sourire s’agrandissant comme pour assoir son emprise sur lui. Au bout de quelques secondes, il se recula, passant sa main dans ses cheveux blonds en pétard avant de rigoler doucement.

– Quel mal élevé je fais, je ne me suis pas présenté. Lucifer Samaël Phosphoros, archange deuxième du nom bien que vous deviez aussi me connaître sous pas mal de petits diminutifs que vous n’avez pu vous empêcher de me donner comme le Diable, Satan, Belzébuth, ce qui est très stupide pour ce dernier vu que ce n’est pas moi mais un de mes démons. Assez pénible d’ailleurs. Très vizir à la place du calife si vous voyez ce que je veux dire.  

️Pando