Tick tock, tourne l'heure, à quoi va-t-on jouer ? [PV Annabelle Malthus]

Lorsque quelqu'un demandait au Docteur s'il était capable de repérer les sources du mal rien qu'en les regardant, il vous répondait que non, mais toute son attitude laisser à penser que oui. La vérité, C'était qu'il était raisonnablement capable de percevoir avec plus ou moins d'exactitude quelle personne pouvait avoir de mauvaises intentions. Mais c'était loin d'être parfait et encore moins précis. Et sa certitude dans un sens ou dans l'autre pouvait s'ébranler à partir de quelques maigres observations comportementales. Grâce à ces années de pérégrination, le Docteur avait tout simplement plus d'instinct que la moyenne des gens.

Si cet instinct pouvait faillir, le Seigneur du Temps était persuadé que ce n'était pas le cas dans le cas présent. Il avait eu l'occasion de croiser l'une de ses nouvelles connaissances, la petite Beth March, en compagnie d'une jeune femme qui ne lui avait rien inspiré de très bon. Il se trompait peut-être, mais il avait la certitude que cette fille cachait des choses et qu'elle avait de mauvaises intentions envers l'innocente petite pianiste. Comme il ne pouvait pas en être certain sans preuves, il avait l'intention d'aller lui parler, principalement dans le but de la mettre en garde et de lui signifier que la fillette était sous sa protection et qu'il serait dangereux de s'en prendre à elle.

C’était la raison pour laquelle il s'était rendu à sa boutique ce jour-là. En entrant dans la pièce glauque, il découvrit un certain nombre de poupées, toute plus inquiétantes les unes que les autres. Du moins, c'était l'impression qu'elles lui donnaient à lui, mais c'était peut-être à cause de cette mission auprès d'un petit garçon qui avait matérialisé ses cauchemars en créant des poupées de porcelaine vivantes qui changeaient leurs prisonniers en poupées, eux aussi. Amy avait vécu ce terrible sort avant d'être sauvé quand le petit garçon avait mis fin au monde qu'il avait lui-même créé du fait de ses peurs.

Il avait l'impression que ce qui était à l'œuvre dans cette boutique ne se réglerait pas aussi facilement que de se réveiller d'un cauchemar. Il se promenait dans la pièce comme un client ordinaire sans pouvoir s'empêcher de penser qu'il y avait quelque chose d'inquiétant dans tout ceci. La jeune femme qui se trouvait derrière le comptoir le regardait avec un sourire qui se voulait peut-être accueillant, mais qui lui faisait froid dans le dos. Il ne savait pas pourquoi mais il était définitivement convaincu que cette femme avait quelque chose à cacher.

« Bonjour », dit-il en s'approchant de la caisse. « Je suis le Docteur. Je vous ai croisée en ville avec une jeune fille de ma connaissance, Miss Beth, cela vous dit quelque chose ? Et comme je suis un peu curieux, j'ai eu envie de voir quel genre de boutique vous teniez. Vous ne m'en voudrez pas j'espère ? »

Un peu de fausse désinvolture et un sourire détaché. Pour le moment, le Docteur paraissait bien innocent. Une entrée en matière nécessaire pour essayer de cueillir la vérité au milieu du flot de paroles certainement partiellement mensongers que la vendeuse n'allait pas hésiter à lui débiter.

Le Docteur n’avait pas l’impression que la femme qu’il avait devant lui colle avec ce qu’on pouvait associer aux poupées, l’innocence, la période bénie où le jeu prévalait. Elle était sombre, une aura de malveillance se faisait sentir autour d’elle. Dans le monde d’où il venait, le Diable lui-même n’était qu’une créature, un être dangereux et machiavélique dont on ne savait rien. C’était sa version de la notion de démons. Le monde était vaste et il ne contenait pas que des espèces douces et bienveillantes. Il pendant notamment aux Daleks ou aux Anges Pleureurs. Et il y avait ceux pour qui la peur était un dommage collatéral, ou une action de défense.

Dans son monde, Le Docteur aurait certainement pensé avoir affaire à une entité alien particulièrement malveillante et sournoise. Mais ici, dans cette ville étrange aux règles mystérieuses, il y avait d’autres possibilités. Le Docteur avait rencontré des sorciers, des héros dotés de superpouvoirs, des personnes aux dons mystérieux. Dans certains mondes, il existait des êtres dotés de machiavélisme, des démons, des forces obscures qui chercher à aspirer les âmes et à les dévorer. Et il ne pouvait pas être sûr que cette femme ou ce que l’on croyait être une femme n’était pas une de ces choses. Si tel était le cas, il n’avait pas l’intention de la laisser approcher Beth.

Il sentait l’hypocrisie suinter par toutes les pores de sa peau quand elle prétendit qu’elle et Beth seraient de bonnes amies. Elle comptait manipuler cette jeune femme. Il ne savait pas ce qu’elle avait exactement l’intention de lui faire, mais il sentait que la jeune femme à qui il s’était attaché n’en sortirait pas indemne. Voilà quelque chose qu’il n’était pas prêt à accepter. Il la toisa d’un air incrédule pendant qu’elle faisait son air des plus angéliques. Il n’était pas convaincu par son petit numéro, loin de là.

« Voyez-vous ça ! »

Il jeta un regard alentours de lui et son regard se posa sur l’une des poupées qui se trouvaient sur le comptoir. Certaines étaient tout-de-même un peu moins glauques que les autres. Elles ne devaient pas être originaires de la boutique, mais devait avoir été donnée pour des soins ou des réparations. Elles ne collaient pas vraiment à l’ambiance, tout était fait pour faire peur, pour intimider. Mais si elle s’essayait à cet exercice avec le Docteur, elle en serait pour ses frais. Il n’était pas facile à effrayer après ses siècles d’expériences à se confronter à mille et une situations rocambolesques.

« Rien pour le moment, et je souhaite que cela dure. Me comprenez-vous ? » demanda-t-il d’une voix égale, comme s’il n’était pas très clairement en train de la menacer de ne pas la toucher.

Sa main se posa sur une poupée dont la robe venait d’être fraîchement reprisée. Il percevait la nature plus fraîche du fil, moins usée. C’était le genre de choses qu’un Seigneur du Temps percevait toujours, les effets du temps sur les choses. Il avait d’ailleurs l’intuition que cet être qui était occupée derrière le comptoir était bien plus âgée que les apparences ne pouvaient le laisser penser. Mais ce qu’elle avait fait de toute cette vie, il n’avait aucun moyen de le savoir à moins qu’elle ne se confie à lui. Il y avait peu de chances, cela dit.

« Vous êtes douée pour prendre soin de ces petites choses… une expérience de votre vie passée ? »

Évidemment, elle faisait l'innocente. Le Docteur ne se serait pas attendu que la jeune femme avoue directement qu'elle avait l'intention de faire du mal à Beth. Mais il ne croyait pas une seconde qu'elle était sincèrement son amie. Il conviendrait de lui laisser le bénéfice du doute, certes, mais ce qu'il ressentait qui émanait de cette créature, car il avait le sentiment que ce ne pouvait être une femme comme les autres, mais une créature, ce qu'il ressentait était des plus inquiétants. En aucun cas cela ne l'assurait que la sécurité de Beth serait entière parce qu'il s'en mêlait, mais il avait l'espoir que cela fasse gagner un peu de sécurité malgré tout.

La femme prétendit qu'elle ferait n'importe quoi pour que personne ne blesse la jeune fille, et le Docteur ne put s'empêcher de se demander à quel point elle était sincère. Il lui paraissait évident que ses intentions envers Beth n’étaient pas des plus sécures. Mais elle avait peut-être tout de même pas envie qu'on lui abîme son jouet. Seulement voilà, le Docteur ne laisserait jamais quelqu'un à qui il tenait devenir un jouet pour qui que ce fût. C’était une jeune fille innocente pleine de douceur et de gentillesse et elle méritait bien mieux que de devenir la poupée de cette femme qui les aimait déjà beaucoup trop.

« Je suis un ami », répondit-il simplement. « Un ami qui tiens à ce qu'elle soit respectée et bien traitée par les personnes qu'elle fréquente. »

Il s'intéressa à elle dans le seul et unique but de comprendre ce qui se tramait psychologiquement en dessous de ce masque d'amitié qu’elle manifestait. Elle semblait aimer se prendre pour une jeune fille sage, mais il était évident que ce rôle ne lui allait pas tant que ça. Il ne savait pas si elle allait finir par faire un faux pas ou si elle se contenterait de continuer à mentir mais la nature de ses mensonges allait peut-être pouvoir l'aider à mettre des mots sur les actions de cette personne et à savoir comment protéger la jeune musicienne innocente de cet être néfaste. Il se fichait de devenir son ennemi. Si Beth ne courait plus aucun danger, il serait satisfait de son sort.

« Cela n'est pas trop difficile de passer d'une amie poupée qui ne vous contrariait jamais à des personnes qui sont capables de ne pas être d'accords avec vous. Ce doit avoir quelque chose de frustrant ? » tenta-t-il de la provoquer.

On n'allait pas se mentir. Le tact et la subtilité n'étaient pas les points forts du Docteur, mais il avait au moins le mérite d'être bien intentionné et d'avoir un instinct qui ne le trompait généralement pas trop, en tout cas en ce qui concernait les intentions des personnes qu'il avait en face de lui.

L'information, c'était le pouvoir. C’était la raison pour laquelle le Docteur ne donnait quasiment jamais d'informations aux personnes qu'il considérait comme de potentiels ennemis, mais faisait tout pour en obtenir. Cela ne marchait pas toujours mais en l'occurrence, il n'était pas question de lui donner des points d'appui pour étayer son envie de prouver au Docteur qu'elle était une force tout à fait innocente. Ce n'était pas crédible. Rien que l'ambiance de son magasin donnait le ton et s'il ajoutait à cela ce qu'il avait éprouvé en la voyant interagir avec Beth, il estimait qu'il était difficile de considérer que cette personne ne lui voulait pas de mal.

La vérité avec laquelle la femme aux poupées pourrait jouer si elle l'avait eue, c'était qu'il n'avait aucune idée de ce qui s'était passé entre elles. Il les avait vus de loin et avait ressenti quelque chose de dérangeant, mais il n'avait aucune idée du sujet de leur discussion et potentiellement, de leur désaccord. La petite pianiste pour laquelle il s'était découvert une certaine affection était gentille et bienveillante et il était peu probable qu'elle ait laissé s'installer un climat de dispute. Elle avait donc dû céder si tel était le cas. Mais ce à quoi elle avait cédé, là était ce qui inquiétait le Docteur.

« La fête foraine ? Il s'est donc passé quelque chose ? Expliquez-moi ça ! »

Sa façon de faire ne laissait aucunement présager de s'il savait réellement ou non ce qui s'était passé. C’était juste un moyen de prendre des informations sans lui en donner. Il n'était pas sûr qu'elle coopérerait, mais cela ne ferait qu'augmenter sa méfiance à son égard si elle ne le faisait pas. Si elle n'avait rien à se reprocher, pourquoi lui cacher des informations ? Cela dit, il était évident pour le Docteur qu'elle avait des choses à se reprocher sinon il ne serait pas rentré dans cette boutique pour essayer de savoir ce qui attendait sa petite protégée

Quand elle mentionna que ses poupées avaient une âme, le Docteur ne put s'empêcher de frissonner. Cette façon de considérer ces jouets comme de véritables créatures vivantes donnait un petit côté cauchemardesque à la situation, et le Docteur ne put s'empêcher de repenser à cet enfant qui avait donné vie aux poupées qui le terrifiaient. Il n'était pas humain mais il était possible que cette femme ne le soit pas non plus. C’était même plutôt quelque chose de probable. Il ne répondit pas à sa remarque sur les poupées, trop perturbé en essayant de savoir ce qui se cachait derrière. En revanche et quand elle affirma qu'elle était la future meilleure amie de Beth, il ne put s'abstenir de réagir.

« Sa meilleure amie, hein ? Ca veut dire que vous partagez certainement bien des intérêts communs. Vous aimez la musique ? »