Lord Voldemort était de retour.

Pansy Parkinson n’y avait pas cru au départ. Faiseuse de rumeurs bien souvent fausses à Poudlard, elle savait qu’il fallait en prendre et en jeter dans ce genre de bruits de couloirs et ne surtout pas s’y attarder. Même elle qui était avide de ragots préférait ne pas s’engouffrer dans ce genre de brèche, surtout lorsqu’il était question du Seigneur des Ténèbres. Bien que Pansy n’ait jamais été une Mangemort, elle avait toujours été engagée à son niveau pour servir celui en qui elle croyait dur comme fer. Elle était une véritable fanatique, prête à se sacrifier et offrir son sang si pur à son Dieu pour lui permettre de s’élever. Sa vie n’avait pas beaucoup d’importance : elle savait ce qui était en jeu et Pansy était plus que prête à endosser ce rôle de ce tout petit rouage dans cette grande histoire qui la dépassait largement. Ce comportement n’était pas le fruit du néant — ses parents, sangs purs de leur état et fervents défenseurs de Voldemort, avaient bien entendu abreuvé leur fille de toute cette idéologie raciste et mortifère dès son plus jeune âge, opérant un vrai lavage de cerveau en elle. Les sangs de bourbe et même les sangs mêlés n’avaient pas le droit de subsister dans leur monde si parfait. Ils n’étaient que souillure et insulte à leur sang et gare à Pansy si elle osait se mêler à eux à Poudlard, voire pire s’acoquiner avec l’un d’entre eux ! Mais qu’ils se rassurent… Leur propagande faisait encore effet aujourd’hui. I can’t wait for Lord Voldemort to return and snuff you out, you filthy mudblood ! C’était le genre de phrase qu’elle avait l’habitude de sortir, sans rougir. Pansy revendiquait même son racisme comme une fierté. Pourquoi devrait-elle renier ce qu’elle était et en avoir honte ? En cela résidait le cœur du combat de Voldemort : rendre leur place légitime au sang pur qui ont trop longtemps dû vivre dans l’opprobre, se voyant presque relégués au rang de sorciers de seconde zone à cause de leur sang — un sang trop pur dont ils devaient avoir honte, car synonyme de temps troublés où ils étaient trop encensés pour leur pureté et les autres massacrés. En constatant l’engagement sans faille de Pansy dans ce mouvement de pensées tout bonnement scandaleux, on se demandait pourquoi elle n’avait pas été faite mangemort. Ses parents étaient peut-être partisans de Voldemort, mais ils étaient bien trop peureux pour agir concrètement. Parler et se pavaner dans les diners mondains, c’est bien. Tuer pour lui ? Impossible. Ils étaient lâches, oui. Et il voulait que leur fille le soit aussi. Une chose que Pansy leur reprocha souvent dans ses accès de colère lorsqu’ils lui avaient refusé à plusieurs reprises la possibilité de voir la marque des ténèbres être apposée sur son bras délicat. De ses seize ans jusqu’à aujourd’hui, cette rancœur et cette frustration de ne pas avoir fait partie de la grande histoire restaient encore profondément ancrées en elle.

Alors forcément, même si elle s’était persuadée de ne pas croire à cette rumeur folle, depuis qu’elle avait trouvé une petite place dans son esprit, elle ne put s’empêcher de s’imaginer avec la marque des ténèbres à son bras, durant ses longues heures monotones de travail en tant que secrétaire de Nolan Sorrento. Ses parents n’étaient plus là pour lui interdire quoique ce soit et surtout, aujourd’hui, elle était une adulte capable de faire ses propres choix de vie. Dans son vagabondage de pensées, elle se souvient de ses violentes disputes avec Drago lors de cette sixième année troublée pour lui à Poudlard. Elle n’avait jamais compris le dégout de son petit ami pour cette marque qui était un privilège dont le Seigneur des Ténèbres l’avait gratifié. Elle aurait été heureuse dans son cas et n’avait pas pu s’empêcher de farouchement le jalouser. Cette fois-ci, qu’importe que Drago soit d’accord ou non avec ses engagements, elle n’allait surtout pas rater le coche. Parce qu’aussi sympathique est Nolan, Pansy ne comptait pas moisir ici en tant que vulgaire secrétaire. Elle aspirait à beaucoup mieux, bien plus grand. D’autant plus qu’elle avait déjà assez honte comme cela d’être réduite à une tâche moldue simplette et très loin d’être gratifiante. Elle préférait largement être le sous-fifre, le petit pion, la boniche de Drago ou de Voldemort plutôt que celle du plus moldu des moldus — Nolan . Il fallait à tout prix qu’elle sache si cette rumeur était vraie ou non pour se sortir de cette condition embarrassante pour une sorcière de sang pur comme elle.

Elle se rapprochait alors de ceux dont elle avait entendu la rumeur émergée. De fil en aiguille, sautant de personne en personne, le bruit de couloir se transformait en ruisseau de vérité puis en fleuve avant de devenir océan quand Pansy apprit la chose suivante. « Quoi ? Bellatrix Lestrange est en ville ? » Ses yeux avaient brillé d’une intensité particulière lorsqu’elle sut que la plus fervente et fidèle alliée de Voldemort était bel et bien là. Et comme chacun savait… là où il y avait Bellatrix… le Seigneur des Ténèbres n’était jamais très loin. Pansy avait usité de son réseau, remué ciel et terre pour localiser Bellatrix Lestrange et tous les chemins ne la menèrent pas à Rome, mais à la bibliothèque de la ville. La pauvre. Elle aussi avait malheureusement dû se plier à un emploi médiocre de moldu pour survivre ici. Même si Pansy avait été très proche de Drago et de sa famille, elle n’avait jamais eu l’honneur de rencontrer personnellement Bellatrix et de faire sa connaissance. Tout ce qu’elle savait d’elle, elle le devait à sa réputation qui la précédait et autant dire que Pansy était très impressionnée à l’idée de rencontrer une femme de sa trempe. Non sans appréhension et excitation comme une groupie qui rencontrerait son idole, Pansy s’annonçait à l’accueil. On lui indiquait l’endroit où se trouvait possiblement la sorcière et après avoir parcouru un dédale sans fin de rayonnages de livres, Pansy tombait enfin sur l’intéressée. « Madame Lestrange ? » Elle en tremblerait presque, sentant ses jambes être sur le point de la lâcher. C’était comme si le sol se dérobait sous ses pieds sous l’émotion. Bellatrix Lestrange était bien là ! Juste devant elle ! Pansy avait le vertige de se dire qu’elle était à deux doigts de tutoyer son rêve même si rien n’était fait encore. Elle avait bien du mal à cacher à quel point elle était impressionnée et surtout subjuguée — aussi folle soit-elle pour le commun des mortels, il était impossible de nier que Bellatrix ne laissait personne indifférent en raison de son charisme, de sa personnalité imposante, mais surtout de ce magnétisme qui se dégageait d’elle et qui avait son petit effet sur Pansy qui avait besoin d’idolâtrer pour se sentir exister. « C’est un honneur de vous rencontrer. » La jeune femme était sincère, mais sa révérence était franchement exagérée. « Vous ne me connaissez pas, mais je m’appelle Pansy Parkinson. Ma famille fait partie des Vingt-Huit Sacrés. J’ai été très proche de votre neveu, Drago, durant nos années à Poudlard. Je suis vraiment heureuse de rencontrer une personne comme vous ici. » L’adverbe de lieu contenait en son sein tout le dédain que Pansy avait pour cette île de malheur bien trop peuplé de moldu et son ton ne cachait en rien cette méprise à leur égard. Elle pensait que c’était une bonne manière d’entamer le dialogue avec Bellatrix, pour tâter le terrain et la jauger avant d’entrer dans le vif du sujet : notre Lord est-il réellement revenu d’entre les morts ?

(c) mars.