(abandonné) Have you heard me ? | Doctor Eleven

Le Docteur avait la bougeotte. C’était l’une des choses qui étaient les plus difficiles dans cette ville, rester au même endroit, faire toutes sorte d’activités, mais toujours les mêmes, si prosaïques. Comment se contenter d’activités prosaïques alors que tout un univers les attendait au dehors ? Mais pour visiter l’univers, il faudrait pouvoir aller ailleurs avec le TARDIS qu’entre les murs de la ville. Il semblerait que l’espace de poche constituée par la ville empêchait le TARDIS de partir au-delà. Quand au voyage dans le temps, il n’était même pas parvenu à voyager la veille ou le lendemain. Alors, partir dans une autre époque.

Du coup, la seule chose qu’il pouvait faire, c’était arpenter les couloirs de l’université, du moins, quand il s’y trouvait, avec l’espoir que cela le distraie un peu de ses activités sédentaires. Comment pouvait-on être sédentaire ? se demandait-il, mais sans comprendre ceux qui y arrivaient, il ne pouvait que s’adapter à la situation. Alors il parcourait les couloirs en racontant des inepties à quiconque voulait bien l’écouter. Quelquefois, il parlait même tout seul, mais peu importait pour lui, il s’en rendait à-peine compte. De toute façon, il s’ennuyait tellement que la compagnie des fantômes était bien suffisante pour le satisfaire.

Mais ce n’était pas un fantôme dont il entendait la douce mélodie dans la salle isolée du tréfonds d’un couloir. C’était une musique une musique qui lui était familière. Beethoven. Un des nombreux artistes qu’il avait rencontrés au fil de ses pérégrinations. Il adorait ce compositeur, non seulement pour sa musique mais pour son comportement complètement extravagant. Il s’approcha pour voir qui jouait et découvrit une ravissante jeune fille, qui semblait complètement envoutée par sa propre musique. Il la regarda jouer un moment avant qu’elle ne le surprenne. Elle sembla alors paniquer et il se dit qu’elle devait craindre qu’il ne soit un voyou.

« N’ayez crainte, vous ne risquez rien. Je suis professeur ici. Vous jouez magnifiquement. Vous avez un véritable talent ! Digne de Beethoven et je sais ce que je dis, j’ai eu l’occasion de le lui dire en personne. Enfin, bref, je suis le Docteur. Enchanté de vous connaître », dit-il avec son emphase habituelle.

Le Docteur ne se rendait absolument pas compte à quel point il avait de la chance que Beth ne soit pas partie en courant au moment où il s'était adressé à elle. N’importe qui, qui connaissait un minimum la jeune fille, savait qu'elle était particulièrement timide, mais ce n'était pas le cas de celui qui enseignait la physique aux élèves de l'université. Il n'avait aucune idée non plus du degré de stress qu'il était capable de provoquer chez quelqu'un, simplement par son comportement exubérant. Le Docteur était parfois un peu trop centré sur ses propres sensations en oubliant qu'il avait une personne en face de lui.

Fort heureusement, il avait évoqué l'une des célébrités qui intéressaient tout particulièrement la jeune fille. Il avait donc attiré son attention et elle avait même osé lui poser une question. Elle devait supposer aussi que son monde se déroulait à l'époque du musicien, puisqu'il prétendait le connaître. C’était une méprise que beaucoup de monde faisait. Même dans son propre monde, tout le monde ne comprenait pas comment il faisait pour rencontrer autant de célébrités, provenant de tellement d'époques différentes.

« Eh bien, j'espère ne pas vous effrayer mais à vrai dire, je ne sais même plus dans quelle époque j'étais au moment où j'ai été amené ici, mais cela pourrait être n'importe où. Voyez-vous, je passe tout mon temps à voyager entre les époques et entre les lieux. »

Un voyageur de l'espace et du temps, voilà ce qu'était le Docteur. Et cela pouvait être perturbant pour ceux pour qui la notion même de voyage dans le temps n'existait pas au moment ils étaient venus au monde. Ce concept n'était pas facile à intégrer et le Docteur n'en voudrait pas à la jeune personne si elle n'était pas capable de le comprendre. Elle se présenta sous le joli nom de Beth, et elle ne semblait pas perturbé outre-mesure par ses fantaisies. Il lui fit un grand sourire avant de lui faire une proposition pour briser la glace.

« Apprécieriez-vous de faire quelques jeux à quatre mains ? »

Compte tenu de ce qu'il avait pu évaluer de la jeune fille et de l'époque dont elle devait venir, le Docteur était particulièrement impressionné qu'elle ne semble pas effrayée par la perspective de voyage temporel. Elle devait sûrement avoir lu des livres dans lesquels on en parlait car son époque était friande de science-fiction en tout genre, mais ça ne rendait pas son manque de panique moins impressionnant. En constatant ça, il se dit quelle serait sans doute capable d'apprécier certains de ses voyages, même si elle n'avait pas forcément la volonté d'affronter les forces du mal pour combattre dans certains cas précis.

Il décida de ne pas lui mentir. Il était vrai que cela pouvait être impressionnant de rencontrer quelqu'un qui avait cette faculté à une époque où on ne l'avait pas, mais elle n'avait pas l'air de rencontrer des difficultés à envisager cette option et il fallait bien un peu de franchise pour démarrer une relation de la bonne façon, même si elle serait sans doute déçue d'apprendre qu'il ne possédait pas sa machine pour l'instant. Il imaginait fort bien la petite avoir envie de visiter ses époques préférées et de matérialiser ce qu'elle avait pu dire dans ses livres. Il voyait dans ses yeux la curiosité des personnes qui avaient le plus de chances de se retrouver dans le TARDIS à un moment ou à un autre.

« C'est exactement ça. Malheureusement, ma venue dans cette ville m’a privé de ma machine. Tant que je ne l'ai pas récupérée, je ne saurai pas si le voyage dans le temps est possible d'ici, parce qu'il ne le sera peut-être pas, vous voyez. »

Ce n'était pas la première fois que le Docteur avouait à quelqu'un qu'il était capable de jouer de la musique. Il avait de multiples compétences qu'il avait développées avec le temps et il était difficile de toutes les connaître. Mais il était fier de ce qu'il parvenait à faire et des choses qu'il avait contribué à apporter à l'humanité au fil des années. La seule chose c'est qu'il devait faire attention à ce que certaines choses ne se sachent pas. Par exemple, il ne valait mieux pas que les gens soient au courant qu'il avait épousé la reine vierge. Elle jouissait d’une réputation de virginité à tenir, après tout.

« Vous connaissez la Fantaisie en fa mineur à quatre mains, de Schubert ? Dites bonjour à la troisième et la quatrième main. »  

Dans un certain sens, le Docteur aurait préféré venir ici de sa propre initiative. Si tel avait été le cas, il n'aurait alors eu aucun problème à repartir et surtout, il n'aurait pas été privé du TARDIS. Mais le fait était qu'il avait voyagé à l'aide d'une lune rouge, comme c'était le cas pour tous les habitants de cette ville et qu'il ne disposait donc pas de son véhicule, mais il ne disposait pas non plus de tout ce qui lui permettait d'analyser une situation, du moins jusque récemment. Il avait essayé d'enquêter et de fouiller la ville. Il avait essayé d'en atteindre les limites et de comprendre comment les choses fonctionnaient, mais il s'était heurté à un mur et avait fini par revenir vivre normalement comme tous les humains de cette ville, comprenant très certainement la jeune fille qu'il avait sous les yeux.

« Je suis venu exactement comme tous les autres habitants de cette ville, sans ma machine et mon tournevis sonique a cessé de fonctionner à la minute où j'ai mis les pieds ici. Je n'en sais pas plus que les autres sur ce qui s'est passé malheureusement. »

C’était bien triste parce que, si même le Docteur ne savait pas ou les choses en étaient, il ne voyait pas comment de simples humains allaient pouvoir trouver des solutions. Cela dit, il était probable que des humains comme Rory étaient plus que ravis de se retrouver dans une ville avec une vie simple et normale mais il était à peu près sûr que certains voyageurs n’appréciaient pas plus que ça d'être dans le passé ou dans le futur. Il se demanda si la jeune fille était heureuse de son sort ou si elle ne faisait que s'en accommoder. Ce n'était pas une question facile à répondre sans la connaître.

Mais le Docteur pouvait au moins lui apporter un peu de soutien c en lui offrant un moment de musique en duo. Il avait la curieuse intuition que cela plairait à sa jeune compagne. Le morceau à quatre mains qu’il lui proposait, elle semblait ne pas le connaître intégralement, mais ils n'avaient pas forcément besoin de le jouer en entier pour en apprécier la musique. Le Docteur plaqua ses mains sur la zone du piano qui correspondait à la partie qu'il avait l'intention de jouer et laissa la jeune musicienne se positionner comme elle le souhaitait. Le duo était lancé.