Bien souvent, Caspian a émis le souhait de visiter le monde des hommes, celui d'où provient les rois et reines de l'âge d'or de Narnia. En effet à chacune des visites des Pevensie, le jeune roi les a vu ensuite repartir chez eux en se demandant à chaque fois à quoi peut bien ressembler leur monde. Eh bien aujourd'hui, il en a une bonne idée. Malheureusement, il a beaucoup de mal à trouver sa place dans ce royaume, si différent de Narnia. L'architecture n'a rien à voir avec tout ce qu'il a connu, ici c'est moderne et bien souvent trop compliqué à comprendre pour lui comment fonctionne un four par exemple. Il a un peu honte pour le coup, car en tant que toi il devrait être capable de surmonter n'importe quelle épreuve. Seulement, ce n'est pas si facile. Toute cette technologie électronique, ça le dépasse clairement. Même si cela fait maintenant près de deux ans qu'il vit dans ce monde, il est toujours autant perdu. Il ne saurait même dire de quel type de régime politique il s'agit ici. À Narnia, ça a toujours été la monarchie. Mais ici, tout est différent et bien trop moderne pour le jeune roi. Sans compter toutes les expressions étranges que les gens lui sortent à tout bout de champs. Quel est donc ce jargon utilisé dans ce royaume au juste ? Caspian aurait bien aimé avoir un guide ici et c'est dans ces moments précisément qu'il se rend compte à quel point Cornelius lui manque, mais ce n'est pas aussi simple. Alors, il a passé des journées entières à consulter les différentes bibliothèques de la ville. Mais là, il s'est souvent confronté au problème de l'écriture. Il a donc également été voir des projections sur une espèce d'écran géant appelé « cinéma ». Ce concept de regarder des gens enfermés dans un écran le dépasse, littéralement. Honnêtement, il aurait largement préféré se retrouver sur un autre champ de bataille que confronté à tout cela. C'est comme s'il se retrouvait enfermé dans une cellule ou dans une fosse, privé de sa liberté.
Ce jour-là, Caspian a décidé que faire un petit tour en bateau lui changerait les idées. Alors, il a emprunté le sentier le menant à la plage et au port. Naviguer sur la mer lui permet de se reconnecter un peu à son monde et il aime cela. Il aurait pu acheter un bateau dans son quartier, seulement la cote de ce côté-là est mal fréquentée et Caspian a tout sauf envie de s'attirer des problèmes dans ce royaume étranger. Même s'il a trouvé un travail honnête qui lui plaît, la vie reste difficile pour lui. Si au moins, il avait retrouvé des visages familiers, la vie aurait été moins pénible, mais ce n'est malheureusement pas le cas et parfois, Caspian a l'impression qu'il doit escalader une montagne entière ! Il doit aussi faire face aux regards des gens qui forcément le trouvent bizarre avec son accent et son langage vieillot. Il a sans cesse l'impression qu'on va lui passer un sermon et ça le met mal à l'aise comme s'il n'est pas pur et qu'il est tout juste bon pour être envoyé dans un asile ou dans un hôpital pour fous.
En arrivant à la plage, il y a déjà foule. Caspian observe les gens autour et son regard s'attarde sur des enfants non loin de lui en train de jouer à différents jeux. Il pense aussitôt à son fils qu'il a laissé derrière lui à Narnia. Poussant un soupir, il continue sa marche jusqu'au port où est entreposé son bateau. Oh bien sûr, on est très loin de son fier et imposant Passeur d'Aurore. Mais ça va, il n'a pas à se plaindre. Son petit bateau peut accueillir jusqu'à 10 personnes et tient plutôt bien sur les eaux. Juste à côté du port, se trouve un cabanon qui propose de louer des espèces de tout petits bateaux flottants nommés « pédalos ». Encore quelque chose qu'il ne comprend pas très bien, mais soit. Caspian s'avance sur le petit pont pour aller chercher son bateau. Sur son chemin, il regarde tous les autres bateaux. Certains font peine à voir, il est certain que des rats doivent s'y loger en quête de fromage. Cette pensée simple le fit sourire, pensant naturellement à son ami Ripitchip qui se vexerait sûrement de penser ainsi de son espèce. Il a beau être petit, Ripitchip peut clairement s'avérer être aussi féroce qu'un sanglier lorsqu'il se fâche. Le jeune homme poursuit son chemin en songeant finalement que ce genre d’embarcation doit plutôt comporter des vis rouillées et autres matériaux en mauvais état.
Mais alors qu'il arrive finalement devant son petit bateau, un rayon de soleil perce les nuages et l'éblouit. Se tournant à moitié, il met une main devant les yeux pour se protéger et c'est là que son regard tombe finalement sur elle. Susan ! Elle est ici également. Son cœur rate un battement. Il ne l'a jamais oublié. On n'oublie jamais son premier amour. Oubliant totalement de terminer les préparatifs pour embarquer, Caspian se dirige aussitôt vers elle. Elle lui tourne le dos et ce n'est que lorsqu'il pose sa main sur son épaule et qu'elle se retourne qu'il se rend compte qu'il s'agit en fait de Lucy, sa jeune sœur. Il n'en est pas moins heureux de la voir.
- Lucy ! Ça alors quelle bonne surprise ! dit-il en la serrant contre lui avec un grand sourire.
Le froid n’empêche pas une foule de flâneurs de se presser sur la plage. Il faut dire que même si le thermomètre peine à dépasser les dix degrés, le soleil est au rendez-vous et réchauffe suffisamment les cœurs et le moral de chacun pour les pousser à une petite promenade. Ce n’est certainement pas Lucy qui va s’en plaindre. Elle aime l’ambiance alentour qui laisse présager le retour prochain du printemps, qui est – cela va sans dire – sa saison préférée, sans conteste.
C’est sans raison particulière qu’elle est venue ici. Elle avait juste envie, à vrai dire, de savourer une petite promenade tranquille sur la plage. Elle ne s’était pas attendue à ce qu’il y ait autant de monde, mais ça ne la dérange pas outre mesure. Elle en profite pour regarder si elle ne reconnaît pas l’un ou l’autre visage, une silhouette familière à saluer, peut-être Edmund qui surgirait finalement de nulle part (après tout pourquoi pas ? A présent qu’elle a retrouvé Susan et Peter, rien ne semble plus impossible à notre vaillante Lucy), ça peut aussi être l’occasion de faire de nouvelles rencontres, après tout. Mais pas tout de suite, pour le moment, elle observe le spectacle des reflets du soleil qui font briller de milieu d’éclat à la surface des vagues. Et elle trouve ça beau. Et elle aurait continué son observation silencieuse encore longtemps, sans doute, si un léger tapotement sur son épaule ne l’avait pas prise au dépourvu.
Lucy sursaute tout d’abord avant de réaliser qu’elle se trouve nez à nez avec Caspian. Enfin, il lui semble que c’est lui ? (Avec toutes ces histoires de sosie, elle se méfie, maintenant). Il lui laisse à peine le temps de réagir, en réalité. Voilà qu’il la serre contre lui dans la seconde qui suit, laissant à peine à l’adolescente le temps de pleinement réaliser ce qui est en train de se passer.
« Caspian. » Elle resserre leur étreinte, à l’évidence, il ne s’agit pas de Sirius ou d’un quelconque autre sosie, c’est bel et bien Caspian qu’elle a sous les yeux, et ça lui fait un bien fou que de le retrouver là, confirmant une fois encore à Lucy qu’ils seront capables de retrouver ici tous ceux qui leur manquent, faisant naître un vent d’optimisme dans son cœur. « Je suis vraiment heureuse de te voir ! Comment tu vas ? » demande-t-elle en se reculant d’un pas pour pouvoir l’observer plus attentivement. « Oh ! Est-ce que Susan que tu es ici ? » demande-t-elle immédiatement, se rappelant à tous ses devoirs.
Si Susan n’est pas au courant, alors Lucy sait qu’elle doit impérativement l’avertir, sans quoi la jeune femme le lui reprochera sans doute éternellement. Il y a des choses qui, semble-t-il, ne changent pas : l’intensité des sentiments de Susan envers Caspian en font visiblement partie.
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