Ce n'était pas courant de trouver le Docteur chez lui. Le Seigneur du Temps n'avait jamais eu besoin de beaucoup dormir et il avait horreur de rester enfermé à ne rien faire plus de quelques minutes. Du coup, quand il n'était pas en train de préparer ou de donner ses cours, il passait énormément de temps à sillonner les rues ou la forêt de la ville à la recherche de quelques aventures pour tromper son ennui. Toutefois, il n'avait pas toujours L'occasion de partir se promener et puis, il avait réussi à obtenir une maison comportant un atelier. Et s'il n'était pas la version de lui-même qui bricolait le plus, il était le Docteur et continuait à bricoler pour essayer de refaire marcher son tournevis sonique

Quand on sonna à la porte, ce fut donc le visage étrangement couvert d'énormes lunettes de protection qu'il accueillit la visiteuse. Spontanément, il ne la reconnut pas, mais on ne pouvait quand-même pas attendre de lui qu’il se souvienne de toutes ses étudiants. Etait-elle seulement une de ses étudiantes ? Dans cette ville, les gens avaient tendance à se saluer et à se rendre visite sans forcément qu'il y ait une raison particulière. Cela pouvait justifier qu’il ne s'y retrouve pas vraiment, non ? Après tout, à part ce qui était parvenu à attirer son attention, tous les humains se ressemblaient du point de vue du Docteur.

Finalement, elle se présenta et il apparut évident au Docteur que ce n'était pas une de ses étudiantes où elle ne se serait pas présentée comme elle le faisait. Elle était apparemment un auteur et souhaitait écrire un livre à son sujet. Le Docteur pouvait totalement comprendre la fascination qu'une personne telle que lui pouvait exercer sur le grand public, mais il n'était pas sûr que conter son histoire dans un livre serait une très bonne idée. Il y avait des parties de son histoire qu'il vaudrait sans doute mieux ne jamais voir révélées. Cela dit, elle avait du vin chaud. Cela méritait de la laisser rentrer et de discuter un peu avec elle.

« Du vin chaud ! Quelle excellente idée ! Entrez, entrez ! Vous voulez des biscuits ? J'ai toujours quelques biscuits au cas où quelqu'un viendrait qui en voudrait. Mais je ne les ai pas encore goûtés », avoua-t-il en l'invitant à s'installer dans le canapé. « Comme ça vous écrivez des livres, alors ? J'aime bien les livres, même si je m'en méfie un peu. J'ai connu des gens qui étaient morts d'être restés trop longtemps dans une bibliothèque. Mais ce n’étaient pas des livres évidemment, juste quelque chose qui était dedans. Il faut faire attention vous savez. Le danger peut se glisser partout. Vous écrivez quel genre de livre ? »

Comme à l'ordinaire, les pensées du Docteur partaient dans tous les sens. Et bien entendu, il en faisait profiter sa visiteuse sans lui demander auparavant si elle avait envie de connaître toutes ces informations. Au moins lui avait-il apporté, en même temps qu'il parlait, une assiette de biscuits à l'allure plutôt goûteuse. A défaut de subir son discours teinté de passion, elle pourrait au moins se consoler avec quelques douceurs.

Ce n’était pas forcément pas prudent d’ouvrir sa porte et son hospitalité au premier invité venu qui avait décidé de lui rendre visite, mais la porte du TARDIS avait toujours été ouverte pour la plupart des gens qu’il rencontrait, et il s’en était d’ailleurs déjà mordu les doigts. D’habitude, le TRADIS trouvait toujours un moyen pour le sauver, mais là, sa maison n’avait pas une conscience propre. D’ailleurs, sa belle lui manquait beaucoup, mais depuis trois ans, il avait pris le parti de ne plus l’attendre. Cette ville était si étrange qu’on ne pouvait tout simplement s’en échapper, et retrouver le TARDIS s’était révélé impossible.

Alors, il prenait parfois des risques, mais il n’y avait pas un grand nombre de personnes qui venaient chez lui et les rares qui le faisaient n’étaient pas dangereuses, du moins jusqu’à présent. Celle qui accepta d’entrer pour des biscuits ne semblaient pas plus dangereuse que les autres avec son bloc-notes et son envie de découvrir les folles épopées du Docteur. Le Docteur aimait être au centre de l’attention et il n’allait certainement pas refuser de faire la conversation et de dire tout ce qu’il faisait à cette jeune fille si passionnée par lui. D’ailleurs, dès qu’ils furent assis, sa langue se délia toute seule.

Elle commença par le rassurer sur le fait que ses livres n’étaient pas magiques. Le Docteur eut un sourire. Les livres de la Bibliothèque des Ombres n’étaient pas magiques non plus, mais elles abritaient une armée de voraces petit être qui vivaient dans le noir. C’était là le danger. Mais il doutaient que des Vashta Nerada se trouvent dans la forêt, il n’en avait pas vu, pas davantage que dans la bibliothèque de la ville. Paradoxalement, si la ville recelait sûrement ses propres dangers, beaucoup n’existaient plus pendant qu’ils se confinaient et qu’ils ne pouvaient plus en sortir. Mais l’absence de danger était plus ennuyeuse qu’autre chose.

Elle lui affirma qu’il avait déjà dit quelques petites choses qui l’intriguaient et le Seigneur du Temps se demandait de quoi il pouvait bien s’agir. Il ne lui semblait pas avoir dit quelque chose de spécifique, mais il devait bien reconnaître que son esprit allait tellement vite qu’il avait parfois du mal à se suivre lui-même. Elle, par contre, semblait avoir cette incroyable capacité à le suivre. Il allait falloir qu’il la présente à qui de droit. Certaines personnes n’en reviendraient pas de se rendre compte que quelqu’un arrivait à suivre le cours de ses pensées. Elles était on ne plus rares.

« Voilà qui est intéressant. Eh bien, dans ce cas, autant nous y mettre tout-de-suite. »

Il s’installa plus confortablement, piqua un biscuit et but un peu de thé. Une jambe au-dessus de l’autre, il avait l’air parfaitement à son affaire et il n’hésiterait pas à broder un peu ses expériences, histoire d’alimenter ses histoires. Le Docteur savait être un conteur quand il le voulait, pas aussi doué que River, mais déjà bien doué pour conter les histoires. Il se demandait ce qui avait intéressé la jeune auteure dans son propos et il décida de partir de ses envies plutôt que d’aller dans tous les sens sans savoir quoi faire.

« allez-y, questionnez-moi, puisque j’ai attiré votre attention. »