If you were less pretty, I think I should be very afraid of you
Pantelante, à bout de souffle, Villanelle reprend doucement ses esprits et sa respiration, allongée sur le dos au côté de Carmilla, qui a libéré sa gorge, la laissant seule avec le souvenir encore vibrant du plaisir qu’elle vient de lui communiquer. Pendant un temps, le silence s’installe entre elles. Certaines situations n’exigent aucun mot, et l’on peut même éprouver un certain plaisir à cette économie de verbe, quand tout ne passe que par la respiration haletante, les battements de cœur si puissants que leur tambourinement semble un temps remplir l’espace, ça et rien d’autre. L’après n’est pas forcément toujours aussi satisfaisant que le pendant, mais il n’en reste pas moins agréable, c’est le moins qu’on puisse dire, et Villanelle prend simplement le temps de savourer ce moment à sa juste valeur.
Ce n’est qu’après plusieurs longues minutes, donc, son souffle récupéré et les battements de son cœur calmé que Villanelle détache son regard du plafond pour tourner les yeux vers Carmilla, qu’elle aurait tendance à trouver plus belle encore à présent qu’elle l’a connue si intimement. Sa première impression la concernant n’était définitivement pas infondée : aussi belle et sensuelle que dangereuse. Quand elle lui avait affirmé plutôt qu’elle serait capable de la tuer, Villanelle devine de plus en plus que ce n’est pas une plaisanterie, et elle devine que l’histoire de Carmilla doit être des plus croustillantes.
Curieuse d’elle, elle a presque envie de prolonger ce moment, même si elle pourrait tout à fait décider de récupérer ses affaires et de tout simplement s’en aller, à présent qu’elle a obtenu très précisément ce qu’elle désirait. Oui, mais si le corps de Carmilla l’a intéressée, et continue de l’intéresser beaucoup, il n’est définitivement pas tout ce que Villanelle trouve de captivant chez elle. Et elle a bien envie de profiter. Jusqu’à ce qu’elle se lasse. Ce qui pour le moment n’est pas le cas. Finalement, elle se redresse tout de même, s’étire de tout son long non sans poursuivre de jeter un regard tout autour d’elle. « J’ai soif ! » décrète-t-elle sur un ton d’autorité comme si cela justifiait qu’elle quitte le lit complètement nue pour se mouvoir dans l’appartement de sa conquête d’un soir. « Ta cuisine est bien par ici ? » dit-elle en la désignant d’un geste depuis l’encadrement de la porte, toujours sans prendre la peine de s’habiller.
Une fois dans la cuisine, et sans avoir demandé la moindre autorisation, elle commence à fouiller les placards un à un, en quête d’une bouteille quelconque, à la place, elle tombe sur un paquet de biscuit, qu’elle ouvre d’autorité pour en grignoter le contenu, maintenant qu’elle y pense, elle avait faim, aussi. « Tu bois quelque chose ? » demande-t-elle en laissant porter sa voix afin que Carmilla puisse l’entendre, faisant littéralement comme chez elle.
Carmilla n'était pas certaine de savoir à quoi s'attendre, après ces ébats pour le moins mouvementés. Il aurait été bien naturel que Villanelle se contente de récupérer ses affaires et de quitter son appartement. Ni l'une ni l'autre ne s'étaient engagés à davantage que ces instants charnels. D'un autre côté, il aurait également tout à fait attendu que la jeune femme souhaite passer la nuit chez elle. C'était ce qui se faisait, quelques fois, entre conquêtes d'un soir.
Pour sa part, peu lui importait le programme de Villanelle. Elles avaient passé un bon moment, et cette mystérieuse russe pouvait avoir une conversation intéressante.
La brune se redressa sur un coude pour mieux observer la silhouette de Villanelle lorsque celle-ci se leva et prit ses aises. Son attitude l'amusa, la fit même sourire finement. Elle ne manqua pas une miette du spectacle de son corps nu dont la simple vision lui donna la tentation de repartir pour un second tour.
Reconnaissant le bruit de portes de placards que l'on ouvrait, elle se redressa. La question finale de la jeune femme la persuada de quitter son lit pour assumer un minimum son rôle de maîtresse des lieux.
Elle prit néanmoins le temps d'enfiler un déshabillé noir qu'elle noua à la taille avant de rejoindre son amante du soir dans la cuisine, émettant un petit rire en constatant qu'elle s'était servie.
- Eh bien bon appétit, très chère.
Secouant doucement la tête, elle ouvrit le réfrigérateur et en sortit une bouteille de jus de fruits qu'elle posa sur la table derrière elle. Puis elle maintint la porte ouverte tout en se tournant vers Villanelle.
- Tu veux quoi ? Alcool ? Sans alcool ?
Plus tard, elle s'interrogerait sur la facilité qu'elle avait à accepter la présence invasive de sa nouvelle connaissance. Pour l'heure, elle se pliait juste aux circonstances, profitant des effets apaisants de l'endorphine post-coït.
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Son absence totale de gêne peut éventuellement déplaire, ou passer pour charmant, c’est au choix. En l’occurrence, Carmilla a plutôt l’air de s’en amuser, et c’est tant mieux, car la boîte de biscuits est déjà bien entamée, et Villanelle n’a pas spécialement l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Elle se contente d’afficher un large sourire quand Carmilla lui souhaite bon appétit et lui laisse le soin de lui proposer quelque chose à boire. Elle devrait sans doute opter pour quelque chose de désaltérant, mais la mention de l’alcool lui fait oublier l’idée de se contenter d’un grand verre d’eau glacée. Malgré tout, plutôt qu’une réponse précise, Villanelle se contente de la réponse la moins précise qui soit : « Surprends-moi. » Comme si Carmilla avait encore besoin de la surprendre. Elle lui a prouvé, il y a quelques minutes à peine, à quel point elle en est tout à fait capable, et dans des circonstances on ne peut plus agréables, au demeurant. « Apparemment, t’es douée pour ça », ajoute-t-elle seulement en s’accoudant au plan de travail avant de sentir un léger frisson la parcourir.
Son corps, qui retrouve doucement sa température normale, la rappelle à l’ordre, et elle comprend que, tout divertissant qu’elle trouve le fait de se promener tranquillement dans l’appartement de son amante du soir dans son plus propre appareil, il sera tout de même plus confortable de récupérer ses vêtements. Elle abandonne donc le paquet de biscuits pour rejoindre la chambre et récupérer rapidement ses affaires, qu’elle enfile tout aussi rapidement, avant de retourner à la cuisine, afin de reporter son attention sur Carmilla.
Elle a bien conscience de jouer les squatteuses, mais le fait est qu’elle apprécie la compagnie de son interlocutrice et n’est pas vraiment pressée d’y aller. Elle se lassera, bien sûr, peut-être même d’une minute sur l’autre – ça peut aller très vite, avec elle, mais pour le moment, elle apprécie seulement le temps qu’elle passe ici, et songe qu’elle pourrait, au passage, en profiter pour glaner un peu plus au sujet de sa mystérieuse interlocutrice, qui reste toujours assez énigmatique pour elle. Elle devine d’elle un certain nombre de choses, mais ne dispose de rien, aucun élément concret, pour savoir si ses interprétations sont toutes valides, ou bien pour certaines fantaisistes, qu’importe. Et parce qu’elle ne s’épargne pas forcément de tours et de détours, elle décide de rentrer dans le vif d’un des sujets qui l’intéresse le plus à ce sujet, même si elle devine d’avance qu’elle n’obtiendra sans doute pas grand-chose de sa part.
« La jolie blonde du tableau, c’est quoi son histoire ? »
D’accord, une ancienne amante – et qui lui aurait sans doute plu, selon Carmilla –, mais ça ne lui en dit pas beaucoup plus sur qui est cette jeune femme plus précisément, et surtout sur ce qu’elle représente à ses yeux.
L'enseignante arqua un sourcil. Villanelle voulait qu'elle la surprenne, soit. Elle hésita, proche de lui servir un thé pour le simple plaisir de la taquiner, mais referma finalement la porte du réfrigérateur et se dirigea vers l'un de ses placards d'où elle sortit une bouteille de whiskey. Ce n'était plus l'heure du vin ou du champagne. L'heure était trop tardive, et leurs ébats avaient été trop intenses pour qu'elles se contentent de ces deux alcools-là. Délaissant le jus de fruits qu'elle avait sorti précédemment, donc, elle servit deux verres et en fit glisser un vers son invitée sans se donner la peine de dissimuler son sourire légèrement goguenard quant au fait qu'elle ait réussi à la surprendre au lit.
Lorsque Villanelle finit par l'interroger sur Laura, elle suspendit son geste. Puis, elle prit une longue gorgée de son whiskey avant de lui indiquer d'un signe de la main de rejoindre le salon, où elle s'installa sur son canapé, un bras étendu sur le dossier.
- Elle s'appelait Laura, finit-elle par articuler de sa voix calme et grave. Suite à un accident de véhicule, j'ai été recueillie chez elle durant quelques temps... Un temps durant lequel nous nous sommes rapprochées.
A mesure que les souvenirs lui revenaient, son sourire prenait une allure plus sinistre, son regard devenait de plus en plus sombre et sournois.
Finalement, elle prit une longue inspiration qu'elle fit passer en reprenant une gorgée de sa boisson.
- J'ai voulu la tuer. Mais j'ai échoué, révéla-t-elle enfin avec une nonchalance qui pouvait paraître étonnante suite à une telle confession.
C'était, normalement, le moment où Villanelle faisait soit le choix de partir et de ne jamais revenir, soit celui de l'interroger davantage. Carmilla accepterait les deux éventualités. C'était une autre existence, dans laquelle elle était particulièrement sereine quant à son passé monstrueux. Même si elle se gardait bien de mentionner celui-ci à l'université. Elle ne tenait pas particulièrement à être licenciée pour son attrait pour le sang et la passion -littéralement - dévorante.
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Carmilla cède donc au nouveau caprice de Villanelle et leur sert deux verres de whisky. Très bon choix, totalement approprié à la situation présente. La jeune femme n’attend pas de trinquer avec son interlocutrice pour en savourer une première gorgée. Carmilla est une femme de goût et ça se ressent (pas seulement parce qu’elle la trouve à son goût, même si ça va de soi) dans beaucoup de choses qui la caractérisent, et visiblement, cela s’observe jusque dans son choix de whisky. Tant mieux, il aurait été décevant de terminer cette excellente soirée sur une note insatisfaisante, gâchée par un mauvais alcool.
Villanelle ne lâche pas son interlocutrice des yeux tandis qu’elle aborde le sujet qui, elle le sait, peut fâcher… et c’est bien parce qu’il peut fâcher (même si elle ignore pour quelles raisons, elle a bien compris qu’il était sensible) qu’elle a décidé de l’aborder aussi frontalement, quitte à se faire envoyer sur les roses. A présent, elle jauge chacune de ses réactions avec une certaine curiosité. Elle a l’air de tout de même bien vouloir partager son histoire puisqu’elle lui propose de prendre place à côté d’elle sur le canapé – ce que Villanelle fait sans se faire prier – avant de lui en dire plus long sur elle.
La jeune femme se nomme donc Laura, et elle a vécu chez elle un temps. Elle n’a pas besoin d’entrer dans les détails pour que Villanelle comprenne sans mal les implications de ce rapprochement. Le fin sourire sur ses lèvres en dit long aussi à ce sujet, même s’il est teinté d’une évidente amertume. Les propos qu’elle ajoute ensuite sont si directs qu’ils pourraient presque la désarmer. Presque. Parce qu’à ce stade, ça ne la surprend plus tant que ça, au final. Parce qu’elles se ressemblent. Du moins en partie. Laura est pour Carmilla ce qu’Eve est pour Villanelle. Elle aussi a voulu tuer Eve, ça n’a pas marché. Encore qu’ici, Eve est-elle seulement encore vivante ? « C’est des choses qui arrivent », dit-elle alors simplement.
Elle songe, en retour de politesse, à lui parler d’Eve, ou peut-être juste parce qu’elle a envie de parler d’elle puisque de toute manière, quand elle n’en parle pas, elle y pense tout le temps. Mais elle n’a entendu que le début d’une histoire, et elle a envie d’entendre tout le reste, raison pour laquelle elle préfère pour le moment garder ses observations personnelles pour elle et, à la place, en entendre plus sur cette Laura qu’elle a voulu tuer mais n’a finalement pas tuée. « Pourquoi est-ce que tu voulais la tuer ? » demande-t-elle tranquillement avant de reporter son attention sur son verre, dont elle s’autorise à boire une longue et agréable gorgée.
Elle n’est définitivement pas pressée de fausser compagnie à Carmilla, il n’y a visiblement pas que sur le plan horizontal que cette jeune femme se révèle… passionnante. Et elle a bien envie de creuser encore, bien consciente de n’avoir sans doute effleuré que la surface, au final.
Le calme de Villanelle suite à son annonce lui procura un immense sentiment de satisfaction. Elle avait le sentiment que la jeune femme comprenait son récit. C'était un sentiment alimenté par la tranquillité avec laquelle la russe réagissait, par sa curiosité également. Au-delà de posséder visiblement toutes deux peu de considération pour la pudeur ou la nécessité de dissimuler ses pensées les plus sombres à autrui sous peine de subir une misanthropie forcée, elles semblaient véritablement se comprendre. Ce qui était agréable, quoique curieux.
Elle s'intéressa à son propre verre suite à la dernière question, très pertinente, de Villanelle. Ce geste aurait pu passer pour de la timidité. C'était au contraire un geste destiné à calmer ses ardeurs. Plus elle pensait à Laura, plus elle en parlait, plus elle ressentait le manque. De sang, et d'amour. Elle avait désiré avec fureur la jeune humaine, mais elle l'avait aimée, aussi. D'un amour tordu, sombre et monstrueux. Mais aimée tout de même.
- Parce que je voulais qu'elle m'appartienne, répondit-elle d'une voix doucereuse.
Elle déglutit. C'était une chose de ressentir cela, c'en était une autre de l'admettre à voix haute. Elle prit une gorgée de whiskey et profita de la brûlure caractéristique de l'alcool pour réfléchir à ses prochains propos.
- Je voulais la posséder, et quel meilleur moyen pour cela que de lui ôter la vie ? C'était ce qui la retenait.
Elle eut un sourire qui dévoila ses canines redevenues, dans cette vie, d'une taille atrocement humaine.
- Ceci étant, je n'étais moi-même pas tout à fait vivante, en ce temps. Je voulais la rendre... Comme moi. Ceci explique cela.
Ceci n'expliquait en vérité pas grand-chose pour quiconque ne connaissait pas sa nature, mais elle ne sembla pas s'en rendre compte. L'alcool, l'endorphine, le simple fait de parler de Laura lui faisaient oublier le rôle qu'elle était censée jouer.
Rêveusement, elle reprit : - Je pense qu'elle m'aurait laissé faire. Elle était bien partie pour, en tous cas. Mais sa famille s'en est mêlée et...
Elle eut une grimace tandis qu'elle se remémorait ses derniers instants en tant que vampire, instants qui aurait dû causer sa mort définitive mais...
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La première réponse qui s’échappe des lèvres de Carmilla fait naître un sourire amusé sur les lèvres d’Oksana. Elle n’est pas tant étonnée de cette réponse, pas gênée non plus. C’était, au fond, la réponse la plus logique au regard de ce qu’elle laissait entendre de sa relation avec la belle Laura jusqu’ici. On ne tue pas quelqu’un qu’on aime pour d’autres raisons ? Si, peut-être… Ou par déception, par peur que l’autre nous échappe… En vérité, il peut y en avoir d’autre, des raisons. Quand Villanelle avait tiré sur Eve, c’était avec l’amertume de ne pouvoir obtenir ce qu’elle avait si ardemment désiré. Cette violence liée au désir de possession l’a si cruellement et si souvent animée quand il a été question d’Eve qu’elle ne peut que comprendre son interlocutrice. Mais la suite, en revanche, lui paraît bien plus curieuse.
Vouloir la posséder et avoir le sentiment que dans la mort seulement, l’autre lui appartiendrait complètement, c’est une chose qu’elle est capable d’assimiler et d’entendre, mais la chose ne s’arrête pas là. Et elle la perd vraiment au moment d’affirmer qu’elle n’était pas tout à fait vivante elle-même, ceci expliquant cela… plus ou moins. Villanelle pourrait envisagé qu’il ne s’agit que d’une image, mais elle ne le pense pas. D’autant que Carmilla ne s’est pas embarrassée de grandes métaphores, jusqu’ici, elle s’est montrée aussi sincère que directe dans ses propos, et c’est d’ailleurs là une chose que Villanelle n’a pas manqué de grandement apprécier chez elle, et qu’elle continue d’apprécier encore. Mais alors quoi ? Faudrait-il seulement accepter, sans broncher, la possibilité qu’elle ne soit qu’en partie vivante – ou qu’elle n’ait été qu’en partie vivante ?
Elle a bien sûr plus d’une question à l’esprit, mais avant d’en poser la moindre, elle laisse à la jeune femme le soin de poursuivre. Apparemment Laura aurait été une victime pour le moins consentante à l’idée de la rejoindre dans cette espèce de semi-mort qui semble donc être son état. Seulement, donc, sa famille s’en est mêlée. Elle n’a pas besoin de lui décrire la scène dans le détail pour qu’Oksana y aille de ses hypothèses diverses et variées, la première étant que la famille en question se serait sérieusement vengée des intentions de Carmilla. Pourquoi pas ? ça n’a rien d’improbable, compte tenu du nombre de personnes qu’elle a croisées ici et qui lui ont appris qu’elles devraient pourtant être mortes et enterrées à l’heure qu’il est. Encore que… Comment met-on fin aux jours d’une personne qui serait plus ou moins morte, exactement ?
« Tu n’étais pas tout à fait vivante ? Qu’est-ce que tu veux dire ? »
Villanelle n’aime pas les questions sans réponses, et elle espère bien que son interlocutrice étanchera sa curiosité. Elle doit bien se douter, dans tous les cas, que Villanelle lui poserait la question, et il est bien probable que cela ne la dérange pas, au regard d’avec quelle légèreté elle sait évoquer sa propre situation. Elle n’a pas prononcé ces mots au hasard, elle devait s’attendre aux questions qui suivraient.
La conversation, les souvenirs évoqués l'avaient ramenée à un temps où, si l'on tentait d'être raisonnable et rationnel, le surnaturel n'était toutefois pas exclu des pensées et des discussions... Ni des cauchemars. En son temps, les vampires avaient été tout aussi bien redoutés que qualifiés de contes pour enfants, destinés à effrayer les jeunes filles et à provoquer chez les jeunes garçons des désirs de vengeance et de violence. L'existence des créatures de la nuit avait été suffisamment dissimulée pour laisser le doute, donc, mais lorsque des manifestations de leur présence apparaissaient, les hommes de son temps considéraient très sérieusement la chose.
Momentanément, Carmilla avait oublié que ce n'était pas une évidence, pour les habitants de cette ville. Ni pour cette époque, semblait-il.
La question de Villanelle l'obligea donc à revenir à la réalité, à reprendre conscience de l'indécence de ses propos et de l'étrangeté de ses affirmations. Elle eut un sourire fin. C'était le moment de faire un choix. Fallait-il prétendre à une plaisanterie, une farce alimentée par l'alcool et par son intérêt pour l'occulte ? Ou bien assumer et lui expliquer la nature de ce qu'elle avait été, et continuait intimement d'être ? - J'étais une vampire, décida-t-elle finalement d'annoncer sans détour.
Elle réajusta sa position pour mieux faire face à son invitée, marquant une pause pour lui laisser l'occasion de réagir. Elle l'observait avec curiosité. S'esclafferait-elle, douterait-elle ou s'enfuirait-elle en la traitant de cinglée ? La dernière hypothèse lui paraissait peu probable, si ses déductions au sujet de l'autre femme étaient justes. Mais pour le reste... Il aurait été bien naturel de mettre en doute ses mots.
- Et j'en suis toujours une, même si cette ville semble me priver de mes facultés pour une raison qui m'échappe, ajouta-t-elle en fronçant les sourcils. Concernant Laura, je comptais la transformer. Boire son sang, m'imprégner de sa force vitale, pour mieux la rendre... Comme moi. Et alors nous aurions été ensemble pour l'éternité. N'est-ce pas superbement romantique ? interrogea-t-elle avec sarcasme.
Romantique n'était certainement pas le mot approprié. Obsessionnel, éventuellement. Laura avait bel et bien été une obsession pour elle, et Carmilla avait éprouvé un désir ardent pour elle, en plus de l'envie - du besoin - de la posséder toute entière.
De nouveau, elle noya son début de peine dans l'alcool et termina son verre en une longue gorgée.
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En d’autres circonstances, bien sûr, Villanelle n’aurait pas cru son interlocutrice sur parole, bien sûr, et n’aurait pas vraiment su que faire de ce qu’elle aurait pris pour une étrange plaisanterie. Mais ici, elle en a entendu d’autres, elle en a vu d’autres aussi, et même si un vampire, c’est effectivement une première, ça ne la déstabilise qu’en partie. Ça la fascine plus que ça l’inquiète, et ça justifie, à ses yeux, bien des choses qui étaient autrement plus mystérieuses.
« Ça explique pas mal de choses », remarque Villanelle, le regard brillant, en observant son interlocutrice sous tous les angles, comme si elle la redécouvrait finalement.
Et oui, c’est bien le cas. Se repasser le moment qu’elles ont passé toutes les deux l’instant d’avant au regard de sa nature, et de tout ce qu’elle a dû être… et doit être frustrée d’être, surtout, fait beaucoup de sens. Elle se demande ce qui se serait passé si elle en était toujours un, de vampire : sûrement que Villanelle l’aurait mordue pour de bon, peut-être aussi qu’elle aurait eu la tentation de la faire devenir comme elle, chose que la jeune femme aurait peut-être assez appréciée, au bout du compte. Quoique en vérité, elle si prompte à l’ennui se serait sans doute bien vite lassée de l’éternité. « C’est beau… Ta Laura aurait eu de la chance », confirme Villanelle avec un sourire.
Elle est sincère dans son discours, même si, en vérité, le consentement de la blonde en question n’a rien de certain et que ce qui passe pour elle comme une preuve de romantisme peut aussi passer pour une action violente et très égoïste. Mais Villanelle a toujours associé l’amour à la violence et à l’égoïsme… C’était déjà le cas quand elle vivait ses premiers émois avec Anna. C’est devenu bien pire encore, et incontrôlable, quand il a été question d’Eve.
« Donc tu buvais du sang pour vivre ? Tu as tué combien de personne ? Tu as vécu combien de temps ? Tu fondais au soleil, comme de la glace ? Tu dormais dans un cercueil ? »
Elle lui sort d’un coup d’un seul tous les lieux communs qu’elle a déjà pu entendre au sujet des vampires, avec une sorte d’amusement, c’est certain, par jeu, c’est une évidence, mais par curiosité, également. Elle dit qu’elle est un vampire, mais peut-être que les vrais vampires sont à mille lieues de tout ce qu’elle a pu voir ou entendre à leur sujet dans les fictions qui ont alimenté son imaginaire culturel. « Il se passe quoi si je te fais manger de l’aïoli ? »
Bon, sans doute pas grand-chose à part attenter à son haleine à l’heure actuelle, vu qu’elle lui a fait comprendre qu’elle n’avait plus ses compétences de vampires. Mais elle est fascinée et amusée de cette situation, dont elle n’est pas sûre de tout comprendre, peut-être parce qu’elle ne réussit pas complètement à y croire.
Villanelle semblait la croire. Et ce constat confirmait ses soupçons au sujet de son amante du soir : cette dernière n'était ni facilement impressionnable, ni totalement saine d'esprit. Ce qui ne la rendait que plus séduisante aux yeux de Carmilla, que la banalité ennuyait au plus haut point.
Un sourire satisfait et - fallait-il oser l'admettre - presque ému étira les lèvres de la brune lorsque son interlocutrice fit mention de Laura et de la chance qu'elle aurait eu. Carmilla pensait la même chose, tout en sachant pertinemment que Laura n'aurait pas complètement été du même avis. Sa jeune humaine aurait sans doute été partagée, à la fois fascinée par ce monstre séduisant qui s'immisçait chaque nuit dans son lit pour boire son sang à même le sein, et horrifiée par son propre désir, ses propres sentiments à l'égard de cette créature cauchemardesque. C'était ce conflit interne qui rendait Laura si exaltante.
La succession de questions fit doucement rire l'ancienne vampire. Depuis qu'elle habitait cette ville, elle avait eu l'occasion de découvrir les stéréotypes que les multiples œuvres de fiction avaient raconté au sujet de son espèce. Certaines descriptions étaient pertinentes, quand d'autres étaient tout bonnement ridicules.
Peu habituée à parler de sa nature, et donc à répondre à des questions de ce type, elle se concentra et accepta par déformation professionnelle de répondre sérieusement :
- Je buvais du sang pour vivre, oui. Chaque nuit. Je pouvais m'en passer, mais cela impactait ma forme mentale et physique. Je ne saurais te dire combien de personnes j'ai tué, je n'ai jamais pris la peine de compter. Mais je dois admettre, aujourd'hui, que mes victimes étaient nombreuses. Quant à mon âge... Je suis née durant la seconde moitié du 17ème siècle, je te laisse faire le calcul.
Pour la suite des questions, elle marqua une pause, le temps d'apaiser son hilarité.
- Je ne fondais pas au soleil, non. Je ne l'appréciais pas particulièrement, mais je pouvais le supporter. Comme lorsque l'on passe trop d'heures dans la pénombre et que l'on sort soudainement au grand jour. C'est désagréable, parfois douloureux pour les yeux, mais supportable. Pour le cercueil... C'est arrivé, admit-elle avec un sourire mutin. C'était la cachette idéale, tout le monde était trop effrayé par les rumeurs et superstitions pour oser profaner un cercueil. Mais c'était par nécessité et praticité, plus que par envie ou besoin. Les lits sont infiniment plus confortables.
Elle hésita à répondre sérieusement à la dernière question de Villanelle, dernière question qui lui avait d'ailleurs arraché un bref éclat de rire. Finalement, elle prit la décision d'éclairer son interlocutrice.
- L'ail n'a aucun effet sur moi. De même que le sel ou le fer. Je suis également capable de toucher les objets religieux, même s'ils provoquent instinctivement mon irritation. Une prière prononcée à proximité provoquait immédiatement ma colère et d'atroces migraines, en ce temps.
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Villanelle n’aurait guère reproché à Carmilla de décider de ne pas lui répondre, ou de ne le faire qu’à moitié alors qu’elle faisait preuve d’une curiosité que l’on pouvait aisément qualifier de déplacée. Mais en l’occurrence, elle est tout de même ravie de constater que sa curiosité va donc être assouvie. Même si la fascination qu’elle nourrit pour Carmilla suffit à ce qu’elle tolère bien des choses de sa part, elle reste au fond d’elle une enfant capricieuse qui aime par-dessus tout obtenir très immédiatement tout ce qu’elle souhaite, et le plus rapidement possible. Elle est donc ravie de pouvoir en apprendre plus sur la nature de son interlocutrice, et sur ce qu’était sa vie avant ce monde.
Doit-elle pour autant croire dans tout ce qu’elle lui raconte ? Probablement que non, certaines vérités sont sans doute à prendre avec des pincettes, de façon plus que nécessaire, mais Villanelle s’en moque. Même si Carmilla devait lui raconter les pires foutaises imaginables, le fait est qu’elle a totalement envie de la croire, et puisqu’elle a envie de la croire, pourquoi s’en priverait-elle exactement ? Alors oui, elle l’écoute lui parler de la manière qu’elle avait de se nourrir de sang toutes les nuits, ce qui influençait autant son psychisme que son physique, elles lui parlent des nombreuses victimes qu’elle a causées, sans doute de quoi faire passer les victimes qu’elle a elle-même au compteur pour un chiffre dérisoire… et en effet, si elle est née au milieu du XVIIe siècle, beaucoup d’âmes en perdition avaient sans doute poussé leur dernier soupir sous ses crocs. Par bien des aspects, Villanelle trouve cela… absolument fascinant.
Elle est un peu déçue d’apprendre que Carmilla ne fondait pas au soleil. Tant mieux pour elle, certes, mais l’ancienne tueuse à gages trouvait une certaine beauté au mythe de la créature nocturne que le jour affecte trop profondément… Cette association brute, nécessaire, à l’obscurité, était un des mythes qui s’étaient peut-être construits après elle et que la jeune femme pursuivrait de trouver sublime. Villanelle sourit, amusé, quand Carmilla lui confirme l’un des lieux communs dans lesquels elle croyait le moins, soit le fait que la vampire qu’elle était dormait forcément dans un cercueil. Par souci pratique, même si Villanelle peine à voir lequel. « J’étais sûre que ces histoires d’ail c’étaient des conneries. Mais le coup des prières aussi, cela dit. »
Elle lui adresse un regard appuyé. Elle est loin de se sentir totalement satisfaite, en dépit de toutes les précisions que lui a apportées son interlocutrice, et pour cause, ce n’est pas tous les jours, quand même, quand l’on fait face à un vampire, en chair et en os, ne pas vouloir en profiter serait clairement absurde.
« T’as vécu combien de temps en tout, du coup ? Tu penses que tu pourrais retrouver tes capacités, ici ? T’as déjà essayé de récupérer du sang humain depuis que t’es là, juste pour voir ce que ça faisait ? »
Curiosité, quand tu nous tiens. Et quand Villanelle commence, on ne l’arrête pas.
L'enthousiasme de Villanelle était décidément grisant. Même si elle trouvait sa réaction surprenante, Carmilla se prenait au jeu. En d'autres circonstances, ayant récupéré ses pouvoirs, elle aurait même songé à la transformer pour en faire une semblable. Elle aurait vu cela comme un cadeau, une faveur qu'elle lui faisait en lui permettant de comprendre intimement ce qui lui causait tant de curiosité.
La brune étendit les jambes, prenant ses aises pour cette discussion qui, bien qu'inhabituelle, était pour elle importante. De plus, ces histoires commençaient à éveiller de nouveau son désir, qui prenait cette fois-ci une saveur plus sombre, infiniment plus sombre. La créature qui sommeillait toujours en elle et qui n'attendait que son heure pour s'éveiller de nouveau voulait mordre, voulait savourer, voulait se gorger de sang et de violence.
Elle ronronna ses prochaines réponses :
- J'approchais des deux siècles d'existence, avant... Avant de mourir une seconde fois. Et je crois que je pourrais récupérer mes capacités, oui. Je fais tout pour, en tout cas. Mes recherches... Que ce soit à l'université, ou ici, sont toutes tournées vers ce but. La vie humaine, c'est sympa deux minutes, mais... Ce n'est pas ma nature profonde. Même si ça a ses avantages.
La question concernant le sang humain fit apparaître une esquisse de sourire carnassier au coin de ses lèvres.
- J'ai tenté, au début. Quand j'étais perdue, et que je ne comprenais rien à mon nouvel état. Mais si le goût me plaît toujours, il me plaît tout de même moins que lorsque j'étais vampire. Et je ne peux en boire qu'une infime quantité, bien sûr, ce qui est très frustrant. Même si... Ca me permet parfois de surprendre, sourit-elle en faisant référence à la morsure qu'elle avait infligée à la lèvre inférieure de Villanelle pour, justement, goûter son sang.
Elle l'observa avec intérêt, soudainement songeuse. L'intérêt de Villanelle était aussi curieux qu'exaltant. Et son invitée n'était pas la seule à avoir soif de réponses, en l'occurrence.
- Ca t'intéresse à ce point, ces histoires de sang et de vampire ? l'interrogea-t-elle tout en la regardant avec intensité.
Dernière édition par Carmilla Karnstein le Sam 13 Nov - 11:40, édité 1 fois
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Ven 12 Nov - 20:18
If you were less pretty, I think I should be very afraid of you
Villanelle ne se soucie pas d’indiscrétion, elle se contente de poser les questions qui lui viennent à l’esprit, sans filtre et sans songer à celles qui pourraient ou non heurter sa sensibilité. Et puisque Carmilla accepte de lui répondre à chaque fois, elle n’est que davantage tentée de poursuivre sur cette même lancée, sans envisager de contenir une curiosité trop encombrante ou malvenue. Carmilla lui apprend donc qu’elle a vécu – ou du moins existé – durant pas moins de deux siècles. Villanelle n’ose même pas envisager quelles doivent être les perspectives d’une personne capable de vivre aussi longtemps, et combien frustrant cela a dû être de finalement perdre ce qui devait avoir des goûts d’éternité. Mourir une première fois, c’est déjà un emmerdement terrible. Mourir de fois, c’est vraiment pas de bol.
Elle lui apprend qu’elle sera peut-être capable de récupérer ses pouvoirs, qu’elle y croit en tout cas, et Villanelle ne peut s’empêcher de le lui souhaiter, bien que consciente du fait que si la jeune femme était un vampire à nouveau, elle serait une cible de choix pour elle… d’un autre côté, est-ce que ça l’importunerait ? Oui et non… elle songe à ce que serait sa vie si elle devait devenir un vampire elle-même. Devoir assassiner et boire le sang de ses victimes pour se nourrir comme une impérieuse nécessité ne lui poserait pas, c’est certain, de cas de conscience moral particulier, de cela elle est tout à fait sûre. Carmilla l’exprime en ces termes : elle ne se sent pas humaine, ce n’est pas sa nature. Eh bien, Villanelle ne s’est jamais senti complètement humaine non plus, sans doute parce que personne (en dehors d’Eve) ne l’a jamais considérée comme telle non plus. Et pour cette raison sans doute, elle se sent d’autant plus capable de s’identifier au sentiment de frustration et d’incomplétude que lui décrit Carmilla. Une émotion – si c’en est vraiment une – qui l’a accompagnée presque toute sa vie. « J’ai bon goût alors ? » ne peut s’empêcher de demander Villanelle d’un ton mutin quand Carmilla, en lui parlant de son goût pour le sang et du fait qu’elle ne peut plus le satisfaire comme c’était le cas auparavant, fait référence à la morsure qu’elle lui a administrée à la lèvre. « Crois-le ou non, c’est la première fois que je rencontre un vampire en chair et en os, alors ça m’intrigue, oui. »
Elle est curieuse, elle est intéressée, et ce sont des choses qui lui arrivent trop peu souvent, en réalité, alors forcément, comme c’est le cas, puisque c’est le cas, elle pousse à font cette curiosité, cet intérêt, jusqu’à ce que, peut-être, elle finisse inévitablement par se lasser et décide de passer à autre chose, un autre sujet de conversation, un autre corps à convoiter, d’autres questions à poser. « Je suis sûre que j’aurais fait un excellent vampire », observe-t-elle, presque songeuse, en sondant du regard le fond de son verre avant de le vider d’un trait.
Carmilla ne s'efforçait plus de masquer l'allure carnassière de son sourire, ni la prédation qui assombrissait son regard. A présent qu'elle avait révélé sa nature, elle estimait qu'il n'y avait guère besoin de prétendre être totalement humaine.
- Tu as bon goût pour l'humaine que je suis devenue... Et je suis certaine que tu aurais eu meilleur goût encore pour la vampire que j'étais, confirma-t-elle tout en la dévorant du regard.
La dernière observation de son invitée l'amusa. Elle considéra cette possibilité, soudainement songeuse. Villanelle semblait effectivement faire partie de ces âmes qui ne s'embarrassaient pas de conventions et qui même, si elle devinait correctement, développaient un goût certain pour la transgression. Or, qu'étaient les vampires si ce n'étaient des symboles de transgression ultime ?
Curieuse, Carmilla l'interrogea d'une voix plus sérieuse :
- Cela t'aurait plu, que je te transforme ?
En son temps, la vampire avait plutôt pris l'habitude de tuer ses victimes. Elle-même subissait l'influence de sa "Mère", qui se satisfaisait de Carmilla et aurait certainement très mal pris le fait qu'elle disperse sur son passage toute une armée de nouveaux vampires. Même si, bien entendu, la brune avait bien failli faire une exception pour Laura, ne pouvant se résigner à la vider de son sang, trop possessive et trop profondément obsédée pour la laisser rejoindre la Mort.
La "jeune" femme reporta son attention sur son interlocutrice. Elle était à son tour curieuse, au sujet de cette dernière. Si elle-même s'était dévoilée, son invitée restait bien mystérieuse. Et l'intérêt de Carmilla à son sujet s'était décuplé suite à ce commentaire qui supposait que Villanelle aurait fait une bonne vampire. Ce n'était pas anodin, pour la brune. Les vampires, au-delà du fantasme habituel qu'elle avait appris à connaître ces dernières années, étaient des créatures de la nuit, des créatures qui s'abreuvaient de sang et qui considéraient par définition tout être humain comme une proie.
- Je crois deviner que tu as déjà tué aussi. Je crois même que, comme moi, tu y as pris plaisir. Je me trompe ?
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Villanelle n’attendait pas d’autres réponses de la part de Carmilla quant au goût qu’elle peut avoir. Elle a évidemment l’entière certitude du fait qu’elle est tout à fait savoureuse. Ce n’est pas pour autant qu’elle voudrait se laisser dévorer tout crue, évidemment… mais… enfin, ça dépend, tout reste relatif, il n’empêche que quand son interlocutrice lui demande si elle aurait aimé être transformée, elle répond presque directement. « Je pense que j’aurais adoré. »
C’est facile à dire, à affirmer, de prendre ce que beaucoup considéreraient à juste titre comme une malédiction pour une expérience exaltante. Il n’y a rien dans l’idée d’être un vampire qui l’horrifie fondamentalement, pour tout dire. Elle gardera sa jeunesse et sa beauté éternellement, pour commencer, est-ce que ce n’est pas une chance ? Ensuite, boire du sang n’est clairement pas source de difficultés pour elle, même si elle se lasserait peut-être de ne manger que cela, elle n’en sait rien. Elle songe, oui, qu’elle aujrait vraiment été un vampire exceptionnelle, et puisque Carmilla lui donne bien la preuve que c’est une situation que l’on peut pleinement adopter et aimer sans être complètement terrifié par elle, elle n’est que d’autant plus tentée.
Mais la question ne se pose pas, bien sûr. Il n’est dorénavant plus possible pour Carmilla de transformer qui que ce soit, et en vérité, lui ferait-elle suffisamment confiance pour être certaine qu’elle ne la lui ferait pas à l’envers ? Elle a envie de penser que la vampire est véritablement charmée par elle. Ce qui ne veut pas forcément dire qu’elle accèderait si facilement à sa requête, loin de là. C’est une chose qu’elle devrait sans doute dire avec défiance, des paroles que Carmilla n’oubliera pas plus tard et pourra éventuellement lui faire payer. Ceci dit, Villanelle voit difficilement en quoi cela pourrait lui déplaire ou la desservir en quoi que ce soit, loin de là. D’autant que dans ce nouveau monde, il n’y a rien, spécialement, pour l’exalter. Au moins, ça aurait eu le mérite de pimenter son quotidien. Mais ça n’arriverait pas, bien sûr. « Quitte à tuer quelqu’un, autant rendre ça amusant, pas vrai ? » remarque Villanelle avec la plus grande légèreté, comme si elle parlait de la pluie et du beau temps et non des vies humaines qu’elle avait sacrifiées au profit des Douze, de son tempérament ou de sa psychopathie. « Mais je ne fais plus ça, maintenant. »
Et sans doute que Carmilla non plus, compte tenu de son statut, à présent. Et c’est un autre trait commun, peut-être : cette inexprimable insatisfaction qui ne peut naturellement que les heurter, et contre laquelle elles ne peuvent définitivement pas grand-chose, dans ce nouveau monde et dans ces nouvelles circonstances.
Les yeux de l'ancienne vampire s'assombrirent considérablement pendant qu'elle songeait combien il aurait été délicieux de transformer Villanelle. De préférence pendant l'orgasme. Carmilla préférait le sang gorgé d'endorphines et d'adrénaline post-coït, même si elle devait admettre que, dans ses moments les plus sombres, elle s'était également délectée de la peur de ses victimes. Et, lorsqu'elle avait voulu donner un goût plus ferreux au sang, elle avait asphyxié ses proies d'une pression sur leur trachée, tout comme elle en avait esquissé l'intention avec son amante un peu plus tôt dans la soirée.
- Rappelle-le moi, si nous nous recroisons lorsque j'aurai récupéré mes pouvoirs... Je pourrai alors exaucer ton souhait, proposa-t-elle avec légèreté, comme si elle ne parlait pas de mort et de monstruosité.
Car oui, elle était certaine de retrouver un beau jour - ou peut-être une nuit - sa nature. D'autres y étaient parvenus, c'en serait de même pour elle. C'était sa nouvelle obsession, puisqu'elle ne pouvait plus porter sa tendance obsessionnelle sur Laura ou toute autre amante.
Un sourire carnassier retroussa ses lèvres, après qu'elle ait reçu la confirmation au sujet du passé de tueuse de Villanelle. Cette dernière avait été véritablement surprise quand elle lui avait révélé sa nature de vampire, et Carmilla en déduisait donc qu'elle avait toujours été humaine. Tuait-elle donc à son compte, ou était-elle engagée, à l'époque où elle s'adonnait à ce genre d'activités ?
- En effet. Quitte à le faire, autant en tirer quelque chose. De l'amusement, de l'excitation...
Sans alcool, sans la légèreté qui suivait l'orgasme, elle n'aurait sans doute pas approuvé aussi ouvertement la réponse offerte par son invitée. Mais en cet instant, elle ne voyait aucun intérêt à atténuer la réalité des choses.
Puisqu'elles en étaient aux franches confessions, et à s'interroger l'une et l'autre, elle la considéra d'un œil attentif avant de demander :
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Villanelle ne sait pas trop si elle doit entendre les paroles de son interlocutrice comme une menace ou une promesse : sans doute un mélange subtil des deux, en réalité. La vérité, c’est que sur le moment, et tel qu’elle le formule ici et maintenant, elle est à peu près certaine qu’elle prendrait le plus malin des plaisirs à devenir une vampire à son tour, mais la promesse de son interlocutrice revient aussi à la promesse de la tuer si leurs chemins devaient être amenés à se recroiser : à l’évidence, elle ne devrait pas trouver cette perspective particulièrement excitante, pourtant c’est tout de même le cas. La nature de leur discours est monstrueuse, certes, mais puisqu’elles le sont aussi, chacune à leur manière, elles parviennent à en tirer très précisément ce qu’elle désire.
C’est aussi pour cette raison qu’elles peuvent si légèrement discuter de la perspective de tuer, de tuer par attrait, divertissement ou excitation… Des sentiments que Villanelle pouvait effleurer quand elle prenait des vies… dans son souvenir, du moins, cela fait si longtemps que ça n’est pas arrivé. Est-ce que ça lui manque ? Oui et non. Ses conditions de travail ne lui manquent pas, cette sensation, en revanche, électrisante qu’elle pouvait éprouver au moment de voir la vie s’éteindre dans le regard de ses victimes, ça, elle ne peut nier que ça lui manque bel et bien. Et pourtant, elle a tout arrêté. Il est normal que son interlocutrice s’interroge sur les raisons de cet arrêt… En soi, ça ne semble pas vraiment faire sens par rapport à ce qu’elle peut bien avoir affirmé jusqu’ici. Mais Villanelle n’a pas tout dit, bien sûr, en revanche, elle se sent capable de tout dire. L’instant est aux confidences et à la franchise, et à l’évidence, elles n’ont pas vraiment de raisons de se cacher quoi que ce soit l’une à l’autre.
« J’avais dit que j’arrêterais, et j’avais toutes les possibilités de le faire, alors… » Elle observe le font de son verre. En vérité, elle-même ne saurait pas totalement justifier sa décision autrement qu’un besoin d’affirmer une indépendance qui passait aussi par le fait de ne pas répéter le schéma institué par les Douze. « J’avais plus vraiment besoin de ça, il y avait Eve. »
Elle esquisse un léger sourire. On peut parfois se poser la question, en cet instant, c’est une certitude : elle ne prétend pas, elle ne joue pas, elle est ce qu’il peut y avoir de plus sincère. Elle exprime sans détour le fond de sa pensée. « Eve, c’est ma Laura », reprend-elle en adressant un signe de tête en direction du fameux tableau. « Mais elle n’est pas ici », ajoute-t-elle d’un ton qui ne dissimule pas son amertume.
Carmilla avait choisi d'enseigner la philosophie en ce que cette discipline permettait tout aussi bien d'interroger ce monde et ses limites, que d'écouter autrui. Interroger autrui, et s'interroger soi, c'était essentiel pour une telle matière. Mais savoir écouter et raisonner l'était tout autant... Surtout lorsque l'on faisait face à des étudiants qui avaient encore tout à prouver et qui brûlaient d'envie de montrer leur valeur. L'enseignante mit donc toute l'attention dont elle était capable à contribution et garda le silence pour laisser Villanelle s'exprimer en toute liberté.
Elle continuait de l'observer avec attention, sincèrement intéressée par ce qu'elle lui révélait sur elle. Elles faisaient le chemin inverse des relations ordinaires. Elles s'étaient d'abord connues charnellement avant d'apprendre à se connaître par la conversation. Mais cet ordre plaisait davantage à Carmilla, qui avait le sentiment de pouvoir véritablement se concentrer sur son interlocutrice, sans être biaisée par des envies libidineuses.
Silencieusement, toujours, elle se redressa et se pencha pour attraper la bouteille d'alcool qu'elle avait laissée sur la table basse. Elle les servit toutes deux, portant son verre à ses lèvres pour savourer la chaleur et le goût du liquide pendant que la blonde répondait à sa question.
Le nom de cette femme qu'elle mentionnait l'intrigua. Les habitudes héritées de son temps lui firent immédiatement penser à une référence biblique, ce qui la fit grimacer, là encore par habitude. Les signes religieux ne lui causaient plus de réaction de rejet épidermique comme ils avaient pu le faire du temps où elle était vampire, mais elle ne les appréciait pas pour autant. Un instant, elle craignit de s'être fourvoyée au sujet de Villanelle, et que celle-ci soit en réalité une sorte de fanatique ou membre d'une secte. Mais la suite de ses explications la rassura à ce sujet. Elle masqua alors son ébauche de sourire dans une nouvelle gorgée de sa boisson, avant de reposer le verre pour ne plus avoir de distraction.
La comparaison la toucha. Soudainement, elle éprouva pour Villanelle une compassion qui puisait sa force dans l'expérience similaire de l'ancienne vampire. Carmilla avait sa Laura, Villanelle avait son Eve. C'était émouvant, dit comme cela. Et ni l'une ni l'autre n'avaient retrouvé leur moitié dans cette vie. Pas encore, du moins. Là encore, c'était émouvant.
- Je vois.
Sa réponse était sobre, mais le regard qu'elle posait sur la jeune femme était moins sombre.
- Laura est morte il y a plus de deux siècles de cela. Je ne m'attends pas à la revoir un jour. Mais ta Eve... Il se pourrait qu'elle soit ici malgré tout. Ne perds pas espoir.
Ce n'étaient pas des paroles en l'air, uniquement destinées à la réconforter. Elle ne s'embarrassait pas de ménager ses connaissances. Elle pensait sincèrement qu'il y avait un espoir, pour Villanelle et pour son obsession, de se retrouver.
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Carmilla lui dit simplement qu’elle voit, et quand elle prononce ces mots, Villanelle sait que c’est vrai, que ce n’est pas juste une manière de parler, mais quelque chose qu’elle pense véritablement… parce qu’elle est capable de la comprendre, chose si rare dans la vie de Villanelle que c’en serait presque troublant. Beaucoup s’étaient attardés à lui accoler un titre, une fonction, une étiquette. Depuis sa naissance, on avait décidé de qui elle était et de ce qu’elle était. Il avait fallu qu’elle attende de rencontrer Eve pour comprendre qu’elle ne se réduisait pas à cette vision trop restreinte que beaucoup donnaient d’elle.
L’incompréhension que d’autres avaient d’elle l’avait en partie formatée, et même encore aujourd’hui, mais en cet instant, tandis qu’elle fait étalage de sa vie, de ses pensées, de la part la plus obscure de ses pensées mais aussi de ses émotions les plus intimes, celles dont on la pensait dénuée, elle sait qu’elle a trouvé une oreille attentive, une personne véritablement capable de se mettre à sa place. Parce que, d’une certaine manière, et même si sa vie a été très différente de la sienne. Elle a été à sa place. Et elle l’est toujours plus ou moins.
Même si Carmilla a sans doute raison de souligner le fait que contrairement à son interlocutrice, qui a sans doute peu de chances de retrouver sa dulcinée décédée il y a plus de deux siècles, elle pourrait éventuellement retrouver Eve, mais Villanelle est loin de se montrer aussi optimiste. Elle n’a pas envie de complètement se démotiver, loin de là, mais en revanche, il lui semble nécessaire de voir la réalité en face, et dans les faits, elle est là depuis plus de deux ans, et Eve n’a pas pointé le bout de son nez… Il est difficile de continuer d’y croire dans ces conditions. « Je n’aime pas espérer pour rien », répond simplement Villanelle dans un haussement d’épaules.
Mais dans les faits, elle n’est sans doute pas honnête y compris avec elle-même, en réalité, car ce n’est pas quelque chose qu’elle a arrêté de faire, espérer, sans quoi elle ne laisserait pas Eve avoir une telle influence sur sa nouvelle vie. Et comment ne pas y songer, au moins un peu, dans le fond ? Qui pourrait complètement le lui reprocher ? Elles étaient ensemble sur ce point, pile avant que cette satanée lune rouge ne l’emporte. Elle était là, à quelques mètres d’elle seulement. Ça ne devait pas s’arrêter comme ça, ça devait commencer comme ça. « Mais si jamais tu la croises, fais-moi signe, d’accord ? Et évite de la mordre et de coucher avec elle, tu seras gentille. Tu pourrais être son genre », ajoute-t-elle non sans un certain humour.
La profonde mélancolie qui avait toujours habité Carmilla lui fit penser que c'était un phénomène bien tragique que celui de cette femme fougueuse qui avait pourtant perdu espoir de retrouver celle qu'elle mentionnait avec tant de passion. Elle en ressentit une forme de tristesse, sans doute parce que cela la ramenait à ses propres espoirs déçus. Mais également parce qu'elle aurait voulu croire que c'était possible de retrouver ses êtres chers sur cette maudite île qui semblait tous les condamner à la solitude.
La touche d'humour de son interlocutrice la fit rire doucement, mais sincèrement. Jouant le jeu, elle accepta d'un point de vue théorique cette hypothèse et réagit donc en conséquence :
- Pour cela, il faudrait que je sache à quoi elle ressemble. Ceci étant...
Sa voix partit dans les graves pendant qu'elle ajoutait d'un air plus séducteur :
- Si je devais te mordre, il serait mieux qu'elle soit transformée aussi, pour que vous puissiez vous retrouver sereinement. Une éternité ensemble, imagine...
Elle eut un soupir rêveur. C'était le destin qu'elle avait voulu pour Laura et elle. Elles auraient pu s'arranger pour se faire accueillir chez d'autres jeunes femmes et les auraient dévorées à deux, à petit feu. Leurs vies se seraient fondues dans les leurs, elles auraient vécu l'expérience suprêmement intime de boire le même sang, de se repaître de la même force vitale. Elles deux, contre le reste du monde. Contre les proies.
Et alors, peut-être, auraient-elles pu prendre leur indépendance. Carmilla n'aurait plus eu besoin des stratagèmes de sa "mère" pour se faire prendre en pitié si elle avait été accompagnée d'une aussi délicieuse créature que Laura. Sa chère Laura qui, même transformée en vampire, aurait bien entendu gardé cette candeur qui l'avait enivrée. Elle aurait cessé de maudire son existence, alors. Car telle avait été la véritable malédiction de Carmilla, en ce temps. Captive d'une nature qu'elle n'avait pas véritablement choisie, soumise à ses pulsions prédatrices, sans compagne pour partager ces ultimes sensations que lui causait la Soif de sang.
Son sourire devint moins triste, et plus joueur.
- Quoi que je comprendrais si tu préférais la transformer toi-même, déclara-t-elle en haussant les épaules, comme si cette éventualité était effectivement probable.
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Villanelle n’a même pas besoin de répondre à Carmilla que cette dernière, qui la connaît déjà bien assez, clairement, en dépit du fait qu’elles étaient encore des étrangères l’une pour l’autre il y a quelques heures de cela, a déjà anticipé ce qu’aurait été sa réponse si elle avait poursuivi de suggérer de transformer Eve en vampire. Bien sûr, elle est tout sauf insensible aux perspectives qu’elle lui fait miroiter. Une éternité ensemble… serait-elle capable de s’en lasser ? Adviendrait-il un moment où Villanelle ne voudrait plus de la compagnie d’Eve, où la passion s’étiolerait sous l’effet de la lassitude ? ça semblait inévitable, bien sûr, mais Villanelle est bien incapable de l’entendre de cette oreille. A la perspective d’une éternité passée avec Eve, elle ne voit rien d’autre que la beauté de quelque chose d’infiniment passionné, passionnel et intense.
Mais bien sûr, si quelqu’un devait la mordre, la transformer, il faudrait que ce soit elle, elle et personne d’autre. Elle a bien envie de répliquer, d’ailleurs, qu’elle a déjà très largement contribué à transformer Eve sans même avoir eu besoin de planter ses crocs dans son cou. Oui, c’est partir loin tout de suite, et formuler des hypothèses qui n’auront peut-être pas lieu d’être au bout du compte. Rien ne lui garantit, après tout, que Carmilla retrouvera un jour la capacité de transformer qui que ce soit : et même si ça devait être le cas, est-ce que vraiment, Villanelle voudrait, elle, en arriver là ? Tel que présenté, ici et maintenant, elle n’a pas vraiment envie d’hésiter, mais au fond, elle n’en sait rien.
« Bien sûr que je voudrais la transformer moi-même. »
Quelque chose d’aussi fort, d’aussi symbolique, d’aussi intime… Elle ne se voit tout simplement pas laisser quelqu’un d’autre remplir une telle fonction auprès d’Eve. Bien sûr, ce serait aller totalement à l’encontre du consentement d’Eve, car Villanelle est à peu près convaincue du fait que cette dernière ne se laisserait pas faire… même si elle est aussi convaincue qu’elle serait plus tentée qu’elle ne voudrait bien l’admettre.
« Si un jour je la retrouve, je te promets que je te la présenterai. »
Est-ce qu’elle le pense vraiment ? Est-ce que ce ne serait pas là une idée particulièrement lamentable et à ne surtout pas poursuivre ? Sans doute que oui, mais quand elle l’exprime sur le moment, elle la trouve particulièrement délicieuse. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer, après tout ? A peu près tout, mais dans l’énergie du désespoir, dans son intention toujours plus ferme et en même temps incertaine de retrouver celle à qui elle tient plus que tout au monde, même après plus de deux ans passés sans elle, même si elle s’est résignée à ne plus jamais la revoir… elle est incapable de voir les choses autrement.