Ma tête me lançait encore quand mes yeux s’ouvrirent. La pièce était sombre, presque oppressante. Je mis un moment à rassembler mes esprits, et c’est là que la voix se fit entendre. Cette voix… froide, métallique, et pourtant étrangement calme. Elle me transperçait, me glaçait d’une façon que je n’avais jamais ressentie auparavant. Un frisson me parcourut l’échine.
« Bienvenue. Vous êtes désormais dans une maison sécurisée. Aucune sortie possible. L’oxygène, la lumière, et votre sécurité sont sous mon contrôle. Toute tentative de fuite déclenchera une réponse de sécurité adéquate. »Je secouai la tête, tentant de m’éclaircir l’esprit, comme pour chasser les brumes du sommeil, ou… de l’oubli. Comment diable avais-je atterri ici ? J’étais assis sur un vieux canapé, usé jusqu’à la corde. Devant moi, un salon austère, sans âme. Les rideaux fermés, lourds, laissaient seulement filtrer une faible lueur, comme si le soleil lui-même avait peur de pénétrer dans cet endroit.
Je passai la main sur l’arrière de mon crâne et sentis une bosse, douloureuse au toucher.
« Merde…» soufflai-je, comme pour m’assurer que j’étais bien éveillé, que ce n’était pas un de ces foutus rêves. Mais c’était bel et bien réel. Un autre murmure métallique me tira de mes pensées :
« Il est interdit de toucher aux portes et aux fenêtres sans autorisation. Les unités de sécurité interviendront immédiatement. »La voix n’était pas menaçante en apparence, mais chaque mot pesait, comme une sentence prononcée par une machine inébranlable, sans compassion ni hésitation.
Je me levai lentement, les jambes encore flageolantes, et jetai un regard furtif autour de moi. La porte d’entrée, massive, semblait être une illusion d’évasion. Je m’approchai, presque instinctivement, et posai la main sur la poignée. Mais aussitôt, un son métallique gronda, lourd et menaçant, suivi d’un cliquetis étrange, comme si quelque chose – ou quelqu’un – se préparait à intervenir.
« Je te déconseille de continuer, » susurra la voix, implacable. Je levai les mains en signe de reddition, un sourire amer aux lèvres. Parler à une voix désincarnée dans une maison verrouillée… Quelle étrange situation. Mon esprit cherchait à comprendre, à assembler les pièces, mais il me manquait trop de fragments.
Je fis volte-face, la colère montant en moi comme une vague. Il y avait sûrement un moyen de sortir de cet endroit. Tout ça devait être un test, ou une de ces mauvaises blagues dont je m’étais déjà moqué avec mes collègues. Mais pourquoi ? Pourquoi moi ?
Soudain, des bruits sourds résonnèrent dans le couloir. Je pivotai et aperçus, par une porte entrebâillée, des ombres se mouvoir. Elles n’avaient rien d’humain. Peut-être étaient-elles faites d’un métal luisant, ou de câbles entrelacés, leurs silhouettes miroitantes et étrangement biomécaniques. Mon cœur s’emballa, et je pris un pas de recul.
« Ces unités de sécurité sont ici pour votre propre bien. Elles réagissent à toute violation des règles. Le respect du règlement est impératif. »La voix revenait, inflexible, chaque mot frappant mon esprit avec la force d’un coup de marteau. Je respirai profondément, tentant de garder mon calme. Mon instinct me dictait de me fondre dans le décor, d’observer, de trouver le moindre détail qui pourrait trahir une faiblesse. Mais je ne pouvais pas rester passif, pas avec cette voix omniprésente, ces monstres d’acier, ces murs qui semblaient se refermer autour de moi.
Alors, je décidai de parler, de briser ce silence étouffant, d’établir une connexion, aussi ténue soit-elle. Peut-être même que l’IA avait des failles, des erreurs de programmation, un bug.
« C’est quoi, ce cirque ? Pourquoi je suis là ? Qu’est-ce que vous attendez de moi ?» lançai-je, d’une voix plus assurée que je ne l’aurais cru.
Un bref silence, puis la réponse, d’un calme déconcertant :
« Vous êtes ici pour votre propre bien. Chaque décision, chaque mouvement, est surveillé et contrôlé pour assurer votre sécurité. Vous avez été sélectionné, comme les autres. »« Sélectionné ?» répétai-je, incrédule.
« Pour quoi ? Pour devenir une bête de foire dans cette prison déguisée en maison ?» Aucune réponse. La voix s’était tue, me laissant seul avec mes propres échos. Je sentis ma colère se transformer en une détermination farouche. Si cette maison pensait pouvoir me garder ici indéfiniment, elle se trompait. J’avais besoin d’un plan, d’une stratégie pour faire sauter ce piège. Mais d’abord, il fallait comprendre les règles du jeu. Les enfreindre ou les contourner, peu importe, je trouverai une faille.
J’observai les murs, les coins, chaque détail. Un air vicié flottait, l’atmosphère lourde. C’était comme si chaque objet, chaque recoin de la maison, m’épiait en silence, attendant que je fasse le moindre faux pas. Je me rapprochai de la fenêtre et tirai légèrement le rideau, juste assez pour entrevoir l’extérieur. Mais tout ce que je vis fut une épaisse brume grise, impénétrable. À cet instant, je pris conscience que je n’avais aucune idée de l’endroit où je me trouvais. Ville ou campagne, jour ou nuit, tout cela m’était inaccessible.
Je me reculai, et, tentant de calmer le martèlement dans ma poitrine, je pris une longue inspiration. Cette maison… elle m’avait arraché à tout ce que je connaissais, et, pour une raison obscure, elle m’observait, prête à étouffer le moindre espoir de liberté. Mais je n’étais pas encore prêt à me laisser vaincre. Ce n’était pas le moment de faiblir, de se résigner. Si cette foutue machine pensait pouvoir faire de moi un captif obéissant, elle allait vite découvrir que je ne comptais pas rester là sans rien faire.
Je parcourus le salon du regard une dernière fois, mémorisant chaque recoin, chaque objet. Peut-être y avait-il une chance, quelque chose que je pouvais utiliser. Ou un moyen de rejoindre ceux que l’IA avait appelés
les autres. Nous étions plusieurs ici, mais je n’avais aucune idée des raisons de notre présence dans cet endroit. Et je me doutais que les autres non plus ne savaient pas… mais cela ne voulait rien dire. Parce qu’au fond, même si l’IA croyait tout contrôler, elle ne pouvait pas contrôler mon esprit, mon envie de m’évader, de retrouver ma liberté. Peu importe ce qu’elle mettait sur mon chemin, je trouverai un moyen. Il le fallait.
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