Depuis son arrivée ici, Renfield avait fait de son mieux pour être indépendant. Un terme avec lequel il avait du mal, bien entendu, après cent ans au service de Dracula. Mais il ne se débrouillait pas trop mal. Il avait eu de la chance de tomber sur des gens qui voulaient et pouvaient l’aider, dans son monde d’origine, à s’émanciper de son patron. Et aujourd’hui, il était fier de pouvoir vivre avec un salaire qu’il gagnait, et de se rendre utile pour les gens autant que pour lui-même. Il avait passé les premières semaines à placarder différentes affiches un peu partout dans la ville : d’abord pour remplir son horaire de travail avec les ménages, ensuite pour le groupe de soutien qu’il comptait ouvrir. Bon, il ne s’était pas encore tout à fait mis à l’informatique, en tout cas, pas autant que les gens d’ici. Il peinait déjà avec un vieux téléphone, alors… Mettre des petites annonces en ligne ? Ce n’était pas pour tout de suite.
Malgré tout, son planning s’était bien rempli, que ce soit par des entreprises ou par des particuliers. Et il était plutôt content de ces changements réguliers. Il pouvait s’organiser lui-même, prendre les choses en main. Faire les choses comme il voulait les faire, sans craindre l’avis de Dracula, sans se sentir obligé de faire quoi que ce soit. Le voilà donc chez Duchesse, une dame qui vivait à Baker Street Avenue, un endroit particulièrement huppé dans la ville. Il lui semblait que les gens qui vivaient ici étaient plutôt riches, du moins, le quartier lui avait l’air un peu plus luxueux que le reste.
Robert avait donc sonné à la porte, pour commencer à faire ses tâches diverses et variées. Nettoyer la cuisinière -le meuble, pas la personne, puisqu’il n’y avait pas de cuisinière humaine-, passer une lavette sur les tables, prendre les poussières, et nettoyer le sol. Après quoi, il songea au fait que la cuisinière lui paraissait bizarrement propre… Il ne lui semblait pas que la dame qui vivait ici l’utilise souvent. Mais que mangeait-elle, alors ? Il s’était déjà posé la question la fois précédente, et il avait donc emmené dans ses affaires de la farine, du sucre, des oeufs… Quelques petites choses dont il pourrait se servir.
Il prépara des cookies : il savait qu’ils étaient bons. Une fois qu’il les eut mis au four, il nettoya à nouveau les surfaces de la cuisine, quand même. Et une dizaine de minutes plus tard, les biscuits sortaient de cuisson. Juste à temps. Il les disposa sur une jolie assiette colorée, et se dirigea vers le salon, où la maîtresse de maison se trouvait.
- Bonjour. Enfin, rebonjour. Je vous ai fait des cookies, si vous avez faim ?
Il déposa l’assiette sur la table basse, avec un sourire bienveillant. Renfield espérait ne pas avoir dépassé quelconque limite, mais il ne voyait absolument pas le mal à faire quelques petits gâteaux pour quelqu’un. Bien qu’il se trouve dans sa maison et n’en ait pas vraiment eu l’autorisation pour utiliser le plan de travail et le four pour autre chose que les nettoyer…