ft. @Alucard Hellsing

Renfield restait dans une démarche de s’habituer au monde qui l’entourait. Par la même occasion, il essayait de découvrir ce qu’il aimait, lui. Pas ce qu’il devait aimer pour faire plaisir à quelqu’un, ou pour satisfaire les besoins de Dracula. Il avait voué plus qu’une vie au comte, cent ans d’existence à faire des pieds et des mains pour s’assurer qu’il puisse se repaître d’innocentes victimes et retrouver sa pleine puissance à chaque fois qu’il se retrouvait à affronter des hommes d’église. Renfield savait qu’il ne voulait plus de cette existence, et de cette co-dépendance qu’il avait vécue pendant de longs mois. Mais il devait apprendre à écouter ses propres besoins et ses propres envies, ce qu’il n’avait plus l’habitude de faire depuis un siècle, donc.

Ce soir-là, il avait décidé de s’essayer au casino. Il avait erré un moment entre les allées, observant les jeux divers et variés. Oh, il avait rarement mis les pieds là-dedans : les âmes qui se trouvaient dans ce genre d’endroits n’étaient pas assez pures pour Dracula. C’était la pureté du coeur qui faisait un bon repas pour son maître. “Un bus de pom-pom girl, un groupe de nonnes ou d’innocents touristes”. Il pourrait entendre encore la voix de Dracula dans sa tête, énonçant cela telle une liste de courses.

Finalement, après avoir réalisé qu’il ne comprenait pas grand-chose aux différentes activités qui étaient proposées ici, Robert se dirigea vers le bar, où il demanda un mojito. C’était le premier truc qu’il avait vu sur la carte, alors il se disait qu’il allait une fois encore tester des choses. Encore une fois, il cherchait ce qu’il aimait. Et le goût frais et délicat de la menthe était très agréable, après vérifications.

Lorsque quelqu’un s’assit sur le tabouret voisin, Renfield sentit un frisson désagréable lui parcourir l’échine. Un mauvais pressentiment, un sentiment bizarrement familier, mais aussi étrangement différent. Il jeta un oeil à côté. L’homme répondant au nom d’Alucard, selon le barman, ne ressemblait pas à Dracula, mais il en avait pourtant une aura qui lui paraissait proche. Il dégageait quelque chose qui y ressemblait, et ça ne plaisait pas des masses à Renfield, dérouté par cette ressemblance et cette différence à la fois. Lorsque l’individu fit glisser ses lunettes et se mit à l’observer, Renfield mit la paille de son mojito entre ses lèvres pour boire comme si de rien n’était, et regarder ailleurs -le plafond, par exemple-. Une sensation de froid glacial le parcourut en sentant le regard observateur sur lui, un regard perçant qui ne lui rappelait que de mauvais souvenirs. Mais pourquoi avait-il cette drôle d’impression ? Le nom et le physique de cet homme n’étaient pas les mêmes que ceux de Dracula, et pourtant… il dégageait le même genre d’énergie, et Renfield ne pouvait le nier. Avec un peu de chance, s’il faisait semblant de rien, le type finirait par l’oublier, et il pourrait s’éclipser… Les yeux papillonnant donc vers le plafond, se déplaçant de droite à gauche en hauteur, pour éviter à tout prix de croiser le regard de cet homme. Après un moment qui lui parut interminable, il se risqua à regarder dans sa direction, pour voir si, entre-temps, son attention avait été détournée par n’importe quoi.

L’instinct de survie de Renfield fonctionnait vraisemblablement différemment de celui des autres. Parce qu’il savait qu’il ne servait à rien de fuire Dracula. Il savait qu’il serait toujours plus fort, plus rapide. Il savait aussi qu’il prenait un malin plaisir à voir les gens mourir de terreur devant lui. Et il avait été à ses côtés pendant de longues années. Son instinct de survie le ramenait donc auprès de son ancien maître, en tout cas, pour l’instant. Ne pas partir en courant, pour ne pas attirer l’attention, et s’éloigner progressivement ensuite, sans que le patron ne s’en doute, avant qu’il ne soit trop tard. Il devait être discret, et ne pas se faire remarquer. Malheureusement, il ne put s’empêcher de jeter un oeil à cet alter ego de Dracula, et ce dernier le vit.

Ouais, ce gars avait vraiment le style de Dracula, c’était une certitude. Il s’était complètement retourné vers lui, désormais, et Robert était bien placé pour savoir que ça n’augurait rien de bon pour lui. Alors que l’homme lui parlait de manque de politesse, Renfield ne sut pas trop quoi répondre. Il se présentait sous le nom de Alucard. S’il mettait les lettres dans le désordre, ça faisait… Dracula. Et ben, super ! Ce gars devait venir d’un monde où les lettres étaient dans n’importe quel sens. Est-ce qu’il connaissait un… Dielfenr ? Quelque chose du genre, peut-être ?

- Oh, je suis Robert Montague Renfield…

Il ne dirait pas qu’il était enchanté, ça n’était pas vraiment le cas. Mais Robert Renfield n’était pas quelqu’un de timide, en tout cas, ce n’était pas la timidité qui l’avait fait agir. Mais alors comment allait-il sortir de ce mauvais pas ?

- Je ne voulais pas vous manquer de respect. Vous ressemblez un peu à quelqu’un que j’ai connu autrefois, j’ai trouvé ça… Étrange. Mais je ne voulais pas vous déranger pour ça !

Le problème, c’était que quand un vampire vous avait en grippe, il ne lâchait pas souvent l’affaire. Alucard, Dracula… il supposait qu’ils fonctionnaient plus ou moins de la même manière.Et franchement, ça ne l’arrangeait pas. Est-ce qu’Alucard ne pourrait pas être un gentil petit vampire qui ne ferait pas de mal à une mouche ?! Ce serait vraiment pas mal, ça !

- Cette ville est vraiment surprenante !

Oui, il essayait de noyer le poisson comme il le pouvait. Et essayait surtout de ne pas finir en potentiel quatre heures.

Renfield était quelqu’un de foncièrement suiveur, il n’avait jamais pris beaucoup de décisions par lui-même. Durant un siècle, il n’avait fait que suivre les directives de son patron, et lorsqu’il s’était défait de son emprise, il avait très vite compris qu’il n’aurait pas pu le faire sans le groupe de soutien et Rebecca, avec son caractère rebelle et fort. Lui avait un caractère plus soumis, et il apprenait seulement à prendre sa vie en mains, à faire ses propres choix. Rencontrer un autre Dracula était terrifiant, car il ignorait s’il pourrait ou non retomber dans ses travers.

Et apparemment, d’autres gens avaient connu d’autres Dracula, ce qui ne le rassurait pas franchement beaucoup. Il espérait que certains Dracula soient de meilleurs individus que celui qu’il avait connu, mais il n’en était pas convaincu… après tout, il n’avait qu’une seule expérience de vampire, et cela lui avait pris énormément de choses, jusqu’à son libre arbitre.

- Vraiment ? C’est intéressant… Il y aurait plus d’une version alternative à certaines personnes…

Au moins, son nom ne semblait pas lui rappeler quelqu’un, peut-être que Renfield n’existait pas dans le monde de cet Alucard, et ce n’était franchement pas plus mal. En tout cas, il se demandait s’il existait des formes alternatives de lui. Peut-être des Renfield qui ne s’étaient pas émancipés, ou au contraire, d’autres qui n’étaient jamais tombés dans le piège. S’ils existaient, il les enviait un peu… Il fronça légèrement les sourcils. Si son Dracula à lui avait été envoyé dans ce monde, serait-il apparu découpé en petits morceaux, et sans sa capacité de régénération ? Cela aurait été la fin de Dracula, du moins le sien.

- Vous n’étiez plus un vampire à votre arrivée ici ?

Est-ce que lui était encore immortel ? Il avait essayé de manger un insecte, et ça n’avait eu aucun effet. Il supposait qu’il finirait par vieillir… Peut-être bien, oui. Il devait bien admettre que ça l’inquiétait, mais il était déjà bien heureux que son siècle ne l’ait pas rattrapé d’un coup. S’il évitait soigneusement de regarder cet Alucard dans les yeux, ce dernier ne lui laissa pas vraiment le choix en lui relevant la tête. Avait-il quelque chose à lui demander ? Plein, et peu à la fois. Il ignorait quel genre de Vampire il était, si tous ressemblaient à Dracula. Mais il se demandait s’il avait un équivalent, lui aussi.

- Dans votre monde, est-ce que vous aviez quelqu’un pour vous assister ?

Non pas qu’il souhaite rempiler à ce poste, loin de là. Mais si c’était le cas, il avait bien envie de rencontrer son alter ego. Et voir comment lui vivait sa situation. Les yeux bleus clairs de Renfield avaient certes du mal à tenir tête à Alucard, mais il s’efforçait de le faire. Après tout, il avait déjà pris son indépendance. Il ne devait plus se laisser intimider… et il devait pouvoir passer au-dessus de la crainte que lui inspirait l’aura de son ancien patron.