Blødende kærlighed || ft. Godric

La nuit enveloppait le Fangtasia d'une étreinte sombre, promettant une échappatoire aux âmes égarées. Je poussai la porte de ce sanctuaire punk rock, mes sens immédiatement assaillis par le mélange électrisant de sueur, d'alcool et de musique révoltée. Un verre à la main, je m'égarais dans la contemplation des visages, tous marqués par des vies intenses, peut-être même brisées. Chacun d'eux portait une histoire, une douleur, une joie, aussi unique que les accords discordants qui vibraient contre les murs du bar.

Je venais là parfois avec des amis, mais ce soir, j'étais un loup solitaire parmi la meute. La mélancolie m'avait saisi, une nostalgie pour des jours que je n'avais jamais vécus, des souvenirs empruntés à des chansons que je buvais comme le whisky brûlant ma gorge.

Soudain, un tumulte. Deux groupes de jeunes s'étaient lancés dans une danse de violence, leurs cris se mêlant à la musique, transformant l'harmonie en chaos. Je me levai, poussé par un élan que je ne m'expliquais pas. Peut-être l'espoir naïf de calmer la tempête, de ramener la paix dans ce havre de nuit.

« Hey ! » criai-je, m'avançant vers eux. Ma voix se perdit dans le vacarme, aussi efficace qu'un murmure contre un orage.
Puis, le monde bascula. Une douleur aiguë déchira mon bras, un verre fracassé par la haine aveugle d'un inconnu. Le sang coula, rouge et brillant sous les lumières clignotantes, un rappel brutal de la fragilité de la vie.

Je reculai, chancelant, mon cœur battant à l'unisson avec la douleur. Le barman s'approcha, son visage marqué par l'inquiétude et la colère. « Tu devrais voir ça… » dit-il, en me guidant vers l'arrière du bar.

La fraîcheur de la nuit m'accueillit comme une vieille amie, tandis que je m'asseyais, le bras en feu. « Ça fait mal, hein? »
J'esquissai un sourire amer.
« Oui, mais ça va aller. Juste... un mauvais moment à passer. »

Et puis, tout se passa très vite. Le barman sortit des crocs acérés, le genre bien trop pointus pour être faux… le genre qui devait adorer l’hémoglobine qui s’écoulait de mon bras. Putain… je pensais que ce n’était que des rumeurs, tout ça…
« En fait, ça va aller… je vais me débrouiller tout seul… » Je chopais une serviette en papier sur le côté, puis je la pressais contre mon bras.
Mais le gars semblait trop porté sur mon sang pour accepter de s’en aller… il fallut que la porte s’ouvre sur un autre membre du personnel pour que je puisse me sentir un peu moins oppressé.

Le Fangtasia. Je n'aurais jamais passé autant de temps dans cet endroit que depuis que je suis arrivé dans cette ville, mais d'un autre côté, je ne vais pas m'en plaindre, si je n'avais pas eu Eric et cet endroit, il est très probable que je n'aurais pas tenu longtemps en tant qu'humain. Heureusement, j'étais redevenu vampire et croyez-moi, je n'avais pas l'intention d'inverser le processus, ni même de m'offrir de nouveau au soleil. Une nouvelle chance m'était offerte, j'allais la saisir. Quand Eric n'était pas au club, comme c'était le cas ce soir, j'en avais la gestion, d'ordinaire c'était Pam, mais elle n'était pas là ce soir non plus. C'est dommage, elle aurait pu m'aider pour la paperasserie, j'avais horreur de ce truc, mais bon je le faisais pour rendre service à Eric. De temps en temps, je jetais un œil sur la caméra de surveillance pour voir ce qu'il se passait dans le bar, je n'allais certainement pas rester debout derrière le comptoir toute la soirée.

Alors que je relevais la tête d'une comptabilité parfaitement ennuyeuse, mon regard fut attiré par ce qu'il se passait sur l'écran. Je poussais un grognement de mécontentement. Une bagarre, il ne manquait plus que cela. Je restais néanmoins regarder un peu avant d'agir, principalement pour voir ce qui allait arriver à l'homme qui avait décidé d'intervenir alors qu'il n'était même pas concerné. Les humains, je vous jure. Bon, il allait y avoir du grabuge, surtout lorsque je vis l'homme se faire blesser et un de nos serveur accourir, enfin quasiment, pour aller "l'aider". Il le sortit de la zone de combat. Je décidais alors de sortir de mon antre.

J'arrivais pile alors que les crocs de l'employé…Lucian, si je me souvenais bien, était sortis. Je jetais un regard au service de sécurité pour qu'ils s'occupent des fauteurs de trouble, ce qu'ils firent sans tarder et je me rapprochais de l'humain et de Lucian qui ne m'avait pas vu.

- Lucian !

Il sursauta, je n'avais pourtant pas parlé fort. Il se tourna vers moi, affichant un petit sourire coupable.

- Godric…je ne savais pas que vous étiez là.

- Et moi j'ignorais que tu avais ton brevet de secouriste.


- Je….

Je ne lui laissais pas le temps de continuer et enchaînais.

- Je crois que tu as des bouteilles à ranger dans la réserve.

- Mais Godric, il….

Mes yeux se froncèrent et mon ton devint beaucoup plus froid.

- J'ai dit…je crois que tu as des bouteilles à ranger dans la réserve….maintenant !

- Oui, Godric.

C'était plutôt amusant de voir une "armoire à glace" comme Lucian s'aplatir devant moi, mais il savait qui j'étais et mon statut vampirique m'ayant été rendu, même si je ne suis plus aussi fort qu'avant, je suis tout de même le vampire le plus puissant du Fangtasia. Une fois Lucian parti, j'affichais un sourire amusé et m'approchais de l'homme.

- Et bien, mon ami…ne vous a-t-on jamais dit qu'il était plutôt dangereux de saigner ici ?

Je pris un torchon que je nouais autour de son bras pour faire un garrot. Je plongeais ensuite mon regard dans le sien.

- La blessure est vraiment profonde….vous êtes sûr que ça va aller ?

Ce soir, la tension dans l'air était palpable, différente de celle des nuits précédentes. Je sentais le poids des regards sur moi, comme si chaque âme présente avait cessé de respirer, suspendue à l'issue de cette confrontation inattendue entre un humain blessé et un être de la nuit.
Godric, son nom résonnait avec une autorité silencieuse, un écho de puissance ancienne. Ses mots, porteurs d'une curiosité voilée et d'une menace à peine dissimulée, me faisaient face avec une intensité déstabilisante. "Ne vous a-t-on jamais dit qu'il était plutôt dangereux de saigner ici ?" Ses yeux plongeaient dans les miens, un abysse sans fond où je me perdais, oubliant presque la douleur lancinante qui embrasait mon bras.
La morsure de verre avait laissé une plaie béante, une marque violente de ma naïveté. "La blessure est vraiment profonde… vous êtes sûr que ça va aller ?" poursuivait-il, ses mots teintés d'une inquiétude presque sincère. Sa main, étrangement froide, serrait le torchon autour de mon bras, tentant de contenir l'hémorragie.

« Ça... ça ira, » murmurai-je, ma voix éraillée trahissant mon incertitude. « J'ai connu pire, » mentis-je, tentant de masquer ma vulnérabilité. Après tout, qu'était une plaie physique comparée aux cicatrices laissées par la vie elle-même, par les échecs et les déceptions, par les rêves brisés d'un professeur d'histoire qui n'avait su ni inspirer ses élèves, ni sauver son mariage de l'ennui mortel du quotidien ?

Godric m'observait, semblant lire dans mon âme écorchée. Il avait fait dégager un type plus grand que lui, plus costaud aussi et, ce, sans avoir à vraiment élever la voix.

« C’est pas la première fois que je viens ici, mais c’est la première fois que je me retrouve comme ça. Je n’aime pas trop les bagarres… beaucoup de gens sont assez bêtes pour chercher à s’amuser comme ça alors que ça ne fait que plomber l’ambiance…»

Je me levai, mais je sentis bien vite que la tête me tournait. Un peu comme lorsque je donnais mon sang lors des récoltes de la Croix Rouge et qu’il me fallait un truc sucré pour éviter de tomber dans les pommes. Godric avait sans doute raison au sujet de la profondeur de la plaie. Pour que je me sente comme ça, je devais avoir perdu une certaine quantité de sang. Parce que ce n’était pas le genre de tournis qu’on ressent quand on est bourré. Je pris appui sur la table avant de me rassoir.

« Bordel… je ne tiens même pas debout… » L’image que j’avais de moi-même n’était déjà pas terrible au départ, mais quand je me sentais aussi nul et pas à la hauteur, c’était juste comme un coup de massue.

Quand ça retombait, j’étais capable de me retrouver au sol en moins de deux, avec six ou sept de tension alors que j’étais le plus souvent aux alentours de 12.7… « Vous auriez un truc pour la tension ? et un peu de sucre ? »

Il valait mieux aussi que je puisse faire en sorte que ma plaie au bras ne saigne pas trop, mais à part presser le tissu contre la blessure, je n’avais pour l’heure pas de vraie solution.
« J’abuse un peu mais… je pense qu’il me faudra un pansement compressif… » Le genre de truc qu’il fallait toujours dans toutes les trousses de secours quand on partait en voyage avec une bande d’ados et qui ne servait jamais. Mais dans les lieux comme celui-ci, il y avait des normes de sécurité et j’étais à peu près sûr que les trousses de secours devaient être complètes et vérifiées régulièrement.

Les humains sont fiers, c'est un fait avéré, mais ils ne sont pas stupides au point de refuser d'être soigné….enfin cela dépend qui, si l'on considère ce médecin que j'avais rencontré il y a quelques jours, ce drogué à la Vicodin qui avait refusé mon offre de le soulager. Les gens peuvent être stupides parfois, enfin peu importe si ce médecin avait décidé de continuer à souffrir et se droguer, c'était son problème, non le mien. Pour l'heure, je préférais me concentrer sur l'homme en face de moi. Un petit rire amusé secoua mes épaules lorsqu'il me dit qu'il avait connu pire.

- Oh oui, je n'en doute pas un instant, surtout si vous êtes toujours aussi….fonceur. Une sensation étrange s'empara de moi, une sensation que je ne saurais expliquer, j'eus soudain envie de protéger cet humain, et je n'ai jamais ressenti un élan protecteur aussi fort envers qui que ce soit, à part envers Eric et, dans une moindre mesure, Nora.

L'homme me donna son avis sur les bagarres. Je ne pouvais que hocher positivement la tête, étant complètement d'accord avec ce qu'il disait. Nous avions comme politique de ne laisser aucune bagarre gâcher l'ambiance. Pour l'heure, tous les regards étaient tournés vers nous.

- Nous avons au moins un point en commun, j'ai également horreur des bagarres, surtout quand elles sont injustifiées et je….

- Godric ?

Je roulais des yeux. Pas moyen de discuter tranquillement cinq secondes. Je me tournais vers la vampire qui venait de m'interpeller.

- Que veux-tu, Marissa ?

- Désolé de vous déranger, mais c'est Luke, il demande ce qu'il doit faire des fauteurs de trouble ? Je crois qu'il aimerait bien s'amuser un peu.

Je fronçais les sourcils, était-il complètement abruti ou bien le faisait-il exprès ? Je pris un air sarcastiquement mielleux.

- Oh il aimerait bien s'amuser ? Et bien tu vas dire à cet homme de Neandertal que si le moindre mal est fait à ces humains, s'il fait couler la moindre goutte de leur sang, il devra en répondre devant moi, et je ne serais pas d'excellente humeur. Alors vous les raccompagnez le plus loin possible d'ici et vous revenez ensuite, rien de plus, rien de moins….est-ce clair ?

Elle hocha positivement la tête et je savais que j'avais été clairement compris. Je reportais alors mon attention sur l'humain. Il avait tenté de se lever et avait dû se rassoir, manquant de s'écrouler au sol. Je poussais un soupir teinté de lassitude. Pas envers lui spécialement, mais envers le genre humain dans sa globalité.

- Vous savez, il n'y a rien de mal à accepter de l'aide de quelqu'un, cela ne vous rendra pas moins intéressant pour autant, cela ne fera pas de vous quelqu'un de faible.

Je lui pris doucement le bras pour le faire se lever.

- Venez avec moi, je crois que nous nous sommes assez donnés en spectacle.

Je tournais alors mon regard vers la foule et, affichant un large sourire, je les incitais à continuer leur soirée. J'emmenais l'homme dans le bureau que je venais de quitter et l'installais sur un des sièges. Je m'appuyais contre le bureau, m'étant positionné à côté du siège de l'homme, je plongeais mon regard dans le sien.

- En fait, j'ai bien mieux qu'un simple morceau de sucre et un peu d'eau pour vous soigner. Ce n'est rien d'illégal, je vous rassure…cependant, il y a un tout petit effet secondaire, qui n'est pas désagréable…enfin je ne pense pas tout du moins, sinon ce serait plutôt vexant pour moi, mais auquel il faut néanmoins être préparé et puis, la manière d'administrer ce "remède" est un peu particulière, mais le remède en lui-même est particulier…disons qu'il faut avoir l'esprit ouvert. Avez-vous l'esprit ouvert, cher Monsieur dont je ne connais toujours pas le nom ?

Je ressentais encore la froideur de ses mots alors qu’il m’aidait à me relever, cet élan protecteur si soudain, si inattendu. C’était une sensation nouvelle, une douceur étrange venant de quelqu'un d'aussi antique, aussi impénétrable. Me retrouvant plus proche de lui qu'auparavant, dans l'intimité de son bureau, j'avais du mal à soutenir son regard intense. C'était un monde à part, ici, loin du chaos de la salle.

Il proposait quelque chose, un remède qu'il disait sans danger, mais à l'effet un peu spécial. Ses paroles coulaient lentement, délibérément, tandis qu'il observait chaque réaction de mon visage. Il me demanda si j’avais l’esprit ouvert, une lueur de malice dans les yeux. Je n'étais pas certain de pouvoir répondre à cette question moi-même. Après tout, la soirée avait commencé de manière assez ordinaire et avait soudainement pris une tournure des plus étranges.
J'inspirai profondément, tentant de rassembler mes pensées, et de surmonter la tête qui me tournait encore légèrement. « Martin, je m'appelle Martin… » réussis-je enfin à articuler. Ma voix semblait lointaine, détachée, comme si j'observais la scène de l'extérieur. « Quant à l'esprit ouvert... je suppose que j'ai déjà franchi la ligne plus d’une fois, notamment en venant ici… »

Son remède m’intriguait, bien sûr, parce que j’ignorais de quoi il pouvait bien s’agir, mais quelque chose dans la façon de parler et dans les gestes de Godric m’inspirait confiance. Un peu comme quand il y avait des élèves qui me proposaient de tester des trucs pas toujours très légaux.
« De toute façon, je pense que tous les remèdes ont des effets secondaires… j’ai pas assez de malchance pour me taper tous les effets en question, encore heureux ! » c’était un truc que certains avaient tendance à avoir : les effets secondaires super rares qui ne concernaient qu’un petit pourcentage de rien du tout des utilisateurs, bim, c’était pour leur pomme. Anika était un peu comme ça, mais pas nos enfants, heureusement. « Quand vous dites que ce n’est pas désagréable, vous pouvez préciser ? » Peut-être un état euphorique ou quelque chose comme ça, une sorte de perte de repères ou d’aveuglement face à l’évidence naturelle… j’avais du mal à imaginer les possibilités qui pouvaient exister dans le domaine, n’étant pas du tout médecin ou quoi que ce soit en rapport. « Un jour, j’ai mangé des champis hallucinogènes, c’est le seul truc avec un effet secondaire pas trop désagréable que j’ai connu… »

J’eus un sourire. Je m’étais laissé tenté par la proposition de quelques élèves qui avaient amené ça en voyage scolaire, en fin de dernière année. Il fallait dire, aussi, que j’étais sans doute le prof le plus cool parmi les accompagnateurs cette année-là et on s’était bien amusés, mais je n’avais plus trop tenté l’expérience par la suite, étant donné l’engueulade que je m’étais prise par la direction qui avait estimé que j’étais comme un élève supplémentaire à gérer pour mes collègues.
« En tout cas, je suis désolé de causer autant de soucis… Si vous en avez marre, n’hésitez pas à me le dire, je peux me rendre à l’hôpital. Je ne veux pas dérenger. »

Même quand j’étais blessé, j’avais tendance à d’abord vouloir éviter d’être un poids pour les autres. Parce que j’avais été habitué comme ça. Éviter d’être un emmerdeur, faire en sorte d’être quelqu’un qu’on ne prend pas comme un poids mort, un boulet… J’avais pris l’habitude de me mettre entre parenthèses, de laisser passer toujours les autres avant moi-même.
« Les autres vous montrent un sacré respect, j’ai de la chance d’être tombé sur vous, c’est ça ? » Je n’étais pas sûr de vouloir savoir à quoi j’avais échappé exactement, mais il me semblait que Godric était une figure qui en imposait bien plus que ce qu’il semblait au premier abord. Une sorte de force tranquille émanait de lui, avec un charisme et un leadership indéniables.