Do You Need A Drink Pretty Face?

Qu'existait-il de plus humain que de dépenser son misérable salaire dans un bar misérable pour boire du whisky qui n'avait de whisky que le nom ? A cet instant précis, Katherine se sentait plus humaine que jamais, à boire son verre au milieu de tous les alcooliques du coin. Il ne fallait pas voir que les mauvais côtés, non plus. Au moins, elle profitait d'une soirée où il y avait de l'animation et elle ne s'ennuyait pas chez elle, allongée à ne rien faire, à méditer une vengeance qui tardait à venir. C'était déprimant d'être humain, non ? Cette vie banale et chiante qu'ils s'imposaient chaque jour, cette routine... Comment faisaient-ils pour ne pas avoir envie de se jeter sous la première voiture qui passait en voyant leur ennuyante petite vie ? Plus Katherine partageait leur existence, plus elle les détestait. Elle les détestait parce qu'elle était contrainte d'être comme eux. Prendre soin d'elle, vieillir, voir les premiers signes du temps apparaître, manger sainement, ressentir les effets de l'alcool trop vite, se déplacer lentement, n'effrayer personne, être faible, devoir travailler et s'épuiser pour un rien, ne pas pouvoir faire taire ses émotions... Il y avait quoi d'enviable dans tout ça ? Pourquoi Elena persistait tant à vouloir rester humaine ? Enfin, dans son cas, ça se tenait. Elle était terriblement ennuyante, forcément qu'une vie ennuyante lui correspondait à merveille.

Katherine était perdue dans ses pensées - être humaine, ça la rendait presque... Déprimée et déprimante ? - à tel point qu'elle en avait oublié d'être attentive à ce qui l'entourait. Elle était revenue à elle en entendant un homme s'adresser à elle. Il ne manquait plus que ça... Le dragueur lourd de toute bonne soirée... Au moins, elle avait une distraction. « Moi non plus, malheureusement... » Souffla-t-elle, plus pour elle-même que pour lui, en contemplant le fond de son verre presque vide. Ce qu'elle aurait aimé mordre, encore. Ce qu'elle aurait aimé pouvoir le conduire dans la ruelle à l'arrière du bar pour le vider de son sang... Ce serait pour une autre fois. « Je reprends la même chose... » Ajouta-t-elle finalement en daignant lui offrir un regard, après avoir désigné son verre. Elle n'allait pas refuser de se faire payer un verre - plusieurs, même. A défaut de pouvoir le vider de son sang, elle pouvait bien vider son compte en banque. Même si, pour cela, elle allait devoir supporter son insupportable drague et jouer à la fille intéressée et flattée.

« Un conte dans lequel je suis la méchante de l'histoire alors... » Souffla-t-elle avec un sourire en coin. Non, elle n'avait pas envie de se faire passer pour l'innocente princesse qui ennuie tout le monde - faire des efforts pour se faire payer un verre, oui, mais il ne fallait pas exagérer non plus. « Mystic Falls, tu connais ? » La réponse était très certainement non, mais qu'importe, elle avait envie de parler. « Un trou paumé et chiant à mourir. » Ajouta-t-elle en haussant les épaules avant de boire une gorgée de son nouveau verre. Evidemment, il se moquait très certainement d'où elle venait, c'était simplement une technique d'approche. Katherine, quant à elle, ne faisait même pas l'effort de lui retourner sa question parce qu'elle s'en moquait à un point... Parler d'elle, tout le monde y trouverait forcément quelque chose d'intéressant, alors que parler de lui l'ennuyait déjà d'avance. Non, décidément, elle n'était pas d'humeur à faire plus d'efforts que ceux qu'elle faisait déjà pour se faire payer ce verre.  

Elle rêvait de tordre le cou de n'importe quel homme qui passerait devant elle pour le vider de son sang, pour se délecter de ce goût qui lui manquait, pour se sentir puissante. Lui ou un autre, elle n'y accordait aucune importance. Elle voulait simplement s'amuser et être elle-même. Mais ce n'était pas possible puisque cette maudite ville l'avait privée de ses pouvoirs. Condamnée à vivre comme les mortels qu'elle haïssait tant... C'était presque ironique, quelque part.

A la réponse de l'homme, Katherine aurait aimé lever les yeux au ciel avant de venir encastrer son joli visage dans le bar, juste devant elle. Pour qui la prenait-il ? Il n'y avait rien de plus agaçant que ce genre de type, trop sûr de lui. « Voilà, c'est ça. » Répondit-elle tout simplement, pour éviter de s'énerver trop vite - il ne lui avait pas encore payé son verre, après tout. 

Le verre servi, Katherine avait continué de répondre à ses questions - histoire de se faire payer d'autres verres ensuite, la vie coûtait trop chère lorsqu'on ne pouvait pas hypnotiser tout le monde pour obtenir ce qu'on voulait. Si elle voulait bien faire un effort pour ne pas le massacrer tout de suite, il n'était pas question qu'elle se fasse passer pour ce qu'elle n'était pas - pas entièrement en tout cas. « La meilleure version, jeune et sexy, de n'importe quel monstre que tu es capable d'imaginer. » Répondit-elle, appréciant le fait de pouvoir se dévoiler ainsi - même s'il ne devait pas comprendre à quel point il y avait de la sincérité dans chacun de ses propos.  

Sans trop savoir pourquoi - l'attrait des verres, peut-être - elle avait continué de répondre à ses questions en expliquant d'où elle venait. Juste le nom de la ville et quelques informations. Enfin, informations était un bien grand mot. Evidemment, il ne connaissait pas, mais il s'y intéressait parce qu'il trouvait l'endroit fantastique seulement par le nom. Comme tous les idiots. « Déduction facile. J'en viens, et ne suis-je pas une créature aussi craquante qu'effrayante ? » Souffla-t-elle, avec un sourire aguicheur et un regard en coin. Des créatures fantastiques, il en aurait pour son argent dans cette ville, mais elle restait, bien évidemment, la meilleure d'entre toutes. Personne ne lui arrivait jamais à la cheville. « Tu n'as jamais rencontré les humains qui y vivent, c'est pour ça. » Pour ça qu'il trouvait cette ville attrayante, il ne connaissait pas les ennuyeux mortels qui foulaient les rues de cette ville. Sans eux, elle avait un certain charme, il était vrai. « Des chats qui parlent ? » Répéta-t-elle, amusée, en tournant le regard vers lui. Il avait une imagination débordante ce type. « Devine. » Elle n'allait tout de même pas tout lui dévoiler en quelques minutes à peine. S'il voulait savoir si elle était plus qu'une humaine ou non, à lui de le deviner. Et de deviner ce qu'elle était, surtout.
      
Pour l'impressionner ou la conduire directement dans son lit - certains hommes croyaient vraiment pouvoir acheter une femme de cette façon ? - il lui avait présenté un bijou, qu'elle avait à peine regardé. Il ne fallait pas lui donner trop d'importance. Ici, c'était elle qui menait le jeu et personne d'autre. Alors, dans un premier temps, elle n'avait rien répondu. A sa proposition - un peu direct, non, le sous-entendu ? - elle avait eu envie, pour la seconde fois, de lui faire rencontrer le bar de plus près, mais elle s'était retenue. « Ou tu pourrais me l'offrir maintenant et me montrer que tu es un chic type... Qu'est-ce que tu en penses ? » Elle ne coucherait pas avec lui, mais si elle pouvait gagner un bijou à revendre... Ça valait le coup, non, de faire ces quelques efforts pour lui parler ? Mais il y avait bien peu de chance pour qu'il cède aussi facilement - sauf s'il était désespéré ? « Katherine. » Souffla-t-elle simplement, sans lui retourner la question. Elle menait le jeu et elle était la personne la plus importante de ce duo, lui n'avait aucune importance et elle n'avait aucun besoin de connaître son nom. A quoi ça lui servirait, après tout ?

A sa question, Katherine ne répondit rien. Pas qu'elle veuille entretenir le moindre mystère, seulement... Elle n'avait pas envie de répondre à sa question. Tout simplement. C'était amusant de jouer ainsi, mais Katherine se lassait vite. Comme toujours. Et elle n'avait aucune envie de trop se forcer ou de trop faire semblant. Elle n'était pas d'humeur.

En revanche, lorsqu'il sous-entendait des choses peu flatteuses à son sujet, elle lui lançait un regard noir avant de se reprendre. Ne pas tuer les gens qu'elle rencontrait n'était pas simple, mais elle avait appris à se retenir depuis tout ce temps. « Présente-moi un Apollon et tu auras la réponse à ta question. » Lui claqua-t-elle en se reconcentrant sur son verre. Il l'avait cherché en la traitant de fille facile. Et encore, elle se trouvait relativement gentille, là. Aucune femme ne lui arrivait à la cheville, c'était une certitude. Une évidence. Mais il confondait deux choses : s'amuser et céder. Là, elle ne faisait que s'amuser, sans la moindre intention de céder - parce qu'elle n'avait rien à y gagner, alors pourquoi perdre du temps au-delà du jeu pour se divertir ?

Alors qu'il tentait de deviner ce qu'elle était, Katherine ne pouvait s'empêcher de sourire. Il était loin du compte. « Tu es loin du compte. » Elle n'était ni une vulgaire sirène, ni un chien qui se prenait pour un loup. « Ne te compare pas trop à moi. Je préfère les hommes qui me mettent en valeur à ceux qui essaient de se mettre à mon niveau. » En d'autres termes, elle préférait largement ceux qui la traitaient comme une princesse en se considérant comme bien inférieurs à elle. Ceux qui avaient la prétention de se croire ses égaux ou ses supérieurs l'ennuyaient très profondément. Ainsi, la seule perle rare ici, c'était elle.

Démon. Là, il se rapprochait. Un peu. Elle l'était au fond d'elle, à défaut d'en être réellement un au sens le plus strict du terme. Princesse des Enfers, là, il n'était vraiment pas loin. Il fallait juste monter un rang au-dessus. Il avait face à lui, non pas la princesse, mais la reine des Enfers. « Dis encore une seule fois que je suis facile et je t'arrache la langue pour que tu ne puisses plus jamais rien dire, c'est compris ? » Si elle proférait ses menaces avec le sourire, elle en pensait chaque mot. Elle n'avait peut-être plus de pouvoir, mais elle avait toujours la volonté. Et avec de la volonté, on faisait beaucoup de choses, non ? « Mais tu peux continuer de parler de ma beauté et de mon côté démone, ça j'aime bien. » Entendre des compliments, ça, ça n'avait rien de désagréable, au contraire. Elle aimait être flattée.

Son avis sur les humains était agréable à entendre. Enfin quelqu'un qui n'était pas complétement stupide. Enfin, il l'était, mais il avait une lueur d'intelligence, dirons-nous. Quant à ce qu'il était avant d'arriver ici... Katherine s'intéressait tellement peu aux autres qu'elle ne relevait même pas - même si elle s'en étonnait. Ce qui l'intéressait, c'était elle-même.

Alors, pour parler d'elle, il essayait de découvrir un peu de son univers. Son imagination semblait infinie et ses descriptions complétement stupides la faisaient sourire. Il pouvait être intéressant quand il le voulait. « Tu as tout faux ! » Répondit-elle en terminant son verre. « J'suis certaine que bientôt je me ferai des millions sans bosser. » Pour ça, il fallait juste qu'elle retrouve ses pouvoirs et sa capacité à manipuler les esprits. Mais ses pouvoirs semblaient se faire désirer pour l'instant alors elle devait se montrer patiente.

Ou elle espérait se faire des millions, en attendant, en manipulant ce genre de créatures stupides qui pensaient pouvoir la manipuler, elle, en agitant des bijoux brillants sous ses yeux. Que c'était mal la connaître... C'en était pathétique. Malheureusement pour elle, il n'était pas aussi naïf et désespéré qu'elle l'avait imaginé. Dommage ! Mais le jeu aurait été trop simple. Ça n'aurait certainement pas été amusant, au fond. « Tu as beaucoup de chances de me rencontrer maintenant. Si j'avais encore mes pouvoirs, je t'aurais montré que par la force, je peux obtenir tout ce que je veux. »Par la force et la persuasion. Elle se moquait bien de dévoiler sa nature et ses pouvoirs, parce qu'elle ne disait rien de capital, mais elle titillait peut-être un peu sa curiosité ainsi ? « Tu n'auras rien de moi, mais j'aurai ce bijou. » Affirma-t-elle avec défi et certitude.

Puis à sa demande, elle s'était présentée, sans même demander son nom en échange. A quoi lui servirait-il après tout ? « Peut-être que si tu me payes suffisamment de verres, tu réussiras à deviner quelle créature je suis. » Une façon de dire oui, qu'elle voulait bien d'un autre verre - et qu'elle en voudrait bien d'autres ensuite. Et également une façon de dire qu'il s'était encore trompé, elle n'était pas une sorcière. « Et un conseil, ne parle pas de mon âge. » Parce qu'elle n'appréciait pas particulièrement les premiers signes du temps qui faisaient leur apparition depuis qu'elle était humaine et qu'elle n'était pas certaine de garder son calme s'il venait à lui parler de rides ou d'autres de ces conneries - déjà qu'elle avait l'impression qu'il venait de la traiter de vieille.