D’ordinaire, c'était la nuit que Fantômette patrouillait à travers la ville afin de protéger la population. Mais elle avait entendu parler d'une vague de cambriolages et ces derniers jours, au lieu de rentrer directement à la maison faire ses devoirs, elle restait un peu plus longtemps à l'école en étude pour les faire et elle emportait sont justaucorps et sa cape accrochée par une épingle en forme de F. Ensuite, elle passait une partie de la soirée à faire des rondes avant de rentrer à la maison. Évidemment, elle avait tenu Ted au courant afin qu'il puisse intervenir en cas de pépin, mais pour l'instant, elle ne s'en sortait pas trop mal toute seule.

C’était peut-être parce qu'elle n'avait pas encore rencontré le cambrioleur. Elle ne savait même pas s'il s'agissait d'une seule personne ou d'un groupe qui travaillait ensemble. Elle ne savait pas non plus si la cible principale était les commerces importants ou les personnes localiser. En bref, elle ne savait pas grand chose et c'était justement ce qu'elle faisait principalement là, trouver des informations. Alors qu'elle en cherchait, elle aperçut soudain deux personnes dont l'une pourchassait visiblement l'autre. Difficile de dire s'il le faisait parce qu'il venait de se faire voler et qu'il essayait de récupérer son bien ou si le gars en face savait qu'il avait affaire à un voleur et qu'il essayait, lui, de protéger ses biens. Il fallait quand même intervenir.

Elle se glissa derrière le second individu, assez discrètement pour écouter ce qui était en train de se passer. Visiblement, le second parlait de rendre son couteau au premier. Si le couteau appartenait à celui qui était en train de pourchasser l'autre, c'était probablement lui le voleur. D'ailleurs, cette analyse était corroborée par un sac qu'il avait au point avec lequel il courait et qui devait contenir le produit du larcin. Restait à savoir comment elle allait l'immobiliser. Celui qui avait prit son couteau à l'autre l'avait repérée, mais pas encore le présumé voleur et il fallait qu'elle trouve une solution avant qu'il ne se rende compte de sa présence. Finalement, comme elle ne trouvait rien, elle attrapa une pierre dans un coin et frappa l’homme à la tête aussi fort qu’elle put. Une fois celui-ci sur le sol, elle se tourna vers l’autre.

« Je vous préviens que si votre plan est d'utiliser ce couteau sur moi, j'ai une pierre et j’hésiterai pas à m'en servir. »

Fantômette considérait comme un bon point que l'individu se stresse face à sa menace. Cela voulait probablement dire qu'il était innocent. Il avait même l'air de vouloir jeter ce couteau et d'avoir plutôt peur. Elle se demandait qui pourrait avoir peur d'une jeune fille habillé en justaucorps et armé d'une pierre, visible et à distance. Mais visiblement, la réponse était ce gars-là. En tout cas, il y avait un certain mérite à se saisir du couteau d'un voleur et à s'enfuir, surtout si on avait aussi peur que lui. Il avait fait preuve de courage. Elle se demandait ce qui l’avait poussé à faire ça et ce qu'il s'était exactement passé, mais pour le moment, il fallait d'abord qu'il se calme.

Elle jeta un œil au voleur assommé à qui il proposait de rendre son couteau. Là où il allait, il n'en aurait pas vraiment l'utilité. Françoise n'avait pas l'intention de laisser courir quelqu'un qui s'était mal conduit et qui avait mis quelqu'un d'autre en danger. Elle tenait simplement à savoir s’il s'agissait d'un règlement de comptes entre bandits ou si c'était un innocent qui s'était retrouvé dans une situation compliquée, ce qui semblait être la situation au final. En tout cas, si ce n'était pas le cas, il jouait définitivement bien la comédie.

« Il va pas en faire grand chose de son couteau, dans cet état. Vous avez eu du bol qu'il n’ait pas une autre arme, genre un pistolet. Va falloir appeler quelqu'un pour venir le chercher, genre un policier, mais ce serait mieux de l'attacher pour être sûr qu'il bouge pas. Vous auriez une idée ? »

Pendant qu'elle cherchait une solution pour immobiliser le voleur le temps que quelqu'un de compétent le prenne en charge, elle songea qu'il ne serait pas inutile d'en apprendre plus sur celui qui avait réussi à lui piquer son arme. Ce n'était peut-être pas un bandit et peut-être qu'il avait les meilleures intentions et le meilleur comportement du monde. Mais il n’empêchait que des deux, c'était lui qui avait réussi à récupérer l'arme. Il avait de bons réflexes à défaut d'avoir envie de se battre contre les méchants, comme elle. Enfin, c'était peut-être parce qu'il n'en avait pas encore eu l'occasion. Peut-être qu'il ne se débrouillerait pas si mal.

« Vous voulez bien m'expliquer ce qui s'est passé exactement ? Ce type vous a attaqué ? »

Ce type avait la tête sur les épaules et l’esprit pratique. Mais Fantômette ne pouvait s’empêcher de se demander qui se baladerait avec une chaîne sur lui. Ce type était particulier. Mais pas méchant, elle en avait la certitude. Il avait peut-être eu le couteau dans les mains, mais il n’avait menacé personne avec. Son but était tout autre. Il fallait donc neutraliser le plus menaçant des deux, même s’il n’était plus très menaçant depuis que Fantômette l’avait assommé. Elle avait un sacré coup de matraque. Mais bon, puisqu’elle évitait d’attenter à la vie des méchants, il fallait bien les neutraliser.

« Vous vous baladez souvent avec une chaîne de cette taille ? Enfin, au moins, solution trouvée ! »

La loyauté de cet homme envers le patron du bar où il travaillait était des plus louables. Mais c’était évident qu’il n’était pas dans son élément pour combattre le voyou. Il avait fait de son mieux dans l’instant et c’était, le plus souvent, ce que Fantômette faisait aussi. Notamment quand elle se retrouvait dans une situation à la fois dangereuse et problématique simplement parce qu’elle avait suivi une piste sans surveiller ses arrières. Elle se donnerait parfois des gifles sur ce sujet. Mais dans le cas présent, elle avait un résultat plutôt à la hauteur de ses espoirs. Et sans faux pas.

« Parfois, c’est tout ce qui compte, vous savez. Et ça fait la différence. »

Il semblait avoir conclu un accord avec lui-même pour éviter de s’attirer des ennuis avant de se retrouver dans les embêtements jusqu’au cou. Effectivement, ce n’était pas forcément idéal. Mais il avait fait ce qu’il fallait pour le résultat qu’il voulait obtenir. Dans l’absolu, il fallait faire de son mieux pour éviter les problèmes, mais quand ils s’imposaient et qu’on n’avait plus le choix, autant agir. Il n’avait blessé personne, pas même lui-même et il avait sauvé le bar. L’un dans l’autre, il n’avait pas de reproches à se faire. Il avait fait de son mieux et il avait même réussi, avec un peu d’aide.

« Les ennuis sont venus à vous, j’dirais. C’est pas vraiment vot faute. »

La jeune justicière s'interrogea pendant un instant sur le sens des propos que venait de lui répondre le pourchasseur de voleurs. Mais elle finit par comprendre que la chaîne qu'il avait ne lui appartenait pas mais qu'il l'avait prise au même titre que le couteau à celui qui avait essayé de le voler. Une chose était sûre, ce gars-là n'avait pas froid aux yeux et il ne manquait pas d'agir en prenant ce qui lui était nécessaire pour assurer sa sécurité et éviter aux autres de faire une bêtise qu'il pourrait regretter. La question, c'était de savoir ce que ce type-là envisageait de faire avec une chaîne, mais Fantômette n'avaient pas très envie de le savoir.

« Vous vous êtes allègrement servi dans ses affaires, on dirait. Remarquez, vous la lui avez rendu sa chaîne. Je ne dirais pas que c'est comme ça qu'il pensait la récupérer. Mais ça, c'est son problème pas vrai ? »

Apparemment, ce type avait pour habitude de se mettre dans les problèmes, pas forcément volontairement mais parce qu'ils arrivaient tout seul. Quand ça devenait à ce point systématique, il s'agissait tout de même de se poser les bonnes questions. Mais il n'appartenait pas à Fantômette de les poser. Cela dit, en l'occurrence, les problèmes étaient terminés puisque le gars était neutralisé et qu'il ne lui ferait plus de tort pour le moment. Et personne n'aurait quoi que ce soit à redire sur celui qui avait fait tout son possible pour éviter que les dégâts ne soient trop importants. Non, elle était certaine que cette fois, il s'en sortirait bien.

« Vous n'allez plus trop avoir d'ennuis maintenant. Ce type est ficelé et je suis convaincue qu'il ne vous posera plus de problème.[/b) »

La question de ce qu'il fallait en faire était légitime mais heureusement pour lui, Fantômette était rodée à ce type de situation et elle avait des contacts qui allait lui permettre de régler le problème en toute tranquillité. En plus, cela permettrait à son nouvel ami d'avoir un appui assuré en ce qui concernait le fait qu'il n'était pas responsable de quoi que ce soit dans tout ce qui venait de se produire. La justicière n'avait pas l'intention de témoigner en sa faveur ou d'aller trouver son patron, mais elle savait que la police considérerait avec intérêt de ce qu'elle allait lui apprendre. Elle était persuadée qu'il n'avait aucune raison de s'inquiéter.

« [b]Je vais appeler quelqu'un que je connais. Il est de la police et il s'occupera du colis. On vous demandera peut-être des informations concernant la boutique qu'il voulait cambrioler, mais je pense que les soucis sont derrière vous, pour cette fois. »