A Christmas Reunion ||Ft. Viserys

Décembre, sans doute le mois le plus festif et le plus illuminé de l’année. À l’approche des fêtes, les citoyens de cette ville s’attelaient aux lourds préparatifs qu'impliquait Noël. Diverses guirlandes étaient soigneusement accrochées aux fenêtres de certaines habitations. Des sapins joliment décorés enjolivaient les jardins et même les allées de certaines bâtisses. En ville, les réverbères, habillés de couronnes de houx et de rubans rouges, projetaient une lueur chaleureuse. Les devantures des boutiques étaient ornées de somptueuses décorations en tout genre, dans l’espoir d’attirer l’œil des passants. Même au sein des entreprises, on retrouvait cet esprit des fêtes… Enfin, en principe. Venant d’une terre ingrate où l’hiver était synonyme de mort, Daemon avait pris du temps à apprivoiser les mœurs et les traditions qu’était Noël. S’il avait, au début, opposé une résistance farouche à décorer les espaces communs de sa société – davantage par aigreur et par esprit de contradiction que par une quelconque haine envers Noël. Finalement, dépité et agacé par les plaintes de ses salariés, Daemon leur accorda le privilège de décorer la réception et les endroits communs aux étages.

En ce début de soirée, le verglas avait provoqué un embouteillage conséquent sur l’artère principale. Les voitures s’étant déportées sur les routes adjacentes causaient une circulation difficile, voire un arrêt total de cette dernière. Prendre les transports ou même la voiture serait une très mauvaise idée ! Non sans une grimace remplie de dédain, Daemon se frayait un chemin au milieu des passants.

Ses pas l’amenèrent jusqu’au marché de Noël. Un immense sapin avait été érigé en son centre et plusieurs cabanons l’entouraient. Les échoppes en bouleau débordaient de sucreries, de vin chaud épicé, de chocolats et de plusieurs objets artisanaux. À côté d’un présentoir rempli de bougies, un collier attira l’œil de Daemon. Soigneusement installé sur un présentoir de fortune, le bijou lui rappelait étrangement celui qu’il avait offert à sa nièce et future épouse. Intéressé, il s’en approcha et en fit l’acquisition. La vendeuse l’emballa soigneusement dans un petit écrin noir tirant légèrement sur le bleu marine. Précautionneux, il rangea la boite dans l’une des poches de son manteau et reprit sa marche. Toutefois, derrière une canne à sucre illuminée géante, son regard fut happé par des figurines en bois sculptés avec précision et soin. Ce style lui rappelait étrangement celui de son frère…

Lors de sa première rencontre au poste de police avec Rhaenyra, cette dernière lui avait avoué que son père était également présent sur cette ile, mais il n’avait que peu d’informations le concernant, la discussion avait rapidement dérivé sur les verts et leur acte de lâcheté et de trahison – chose que Daemon ne pardonnera jamais. Pour avoir son frère ainé dans son champ de vision, le Targaryen se décala légèrement. Un rictus amusé se dessina sur son visage. Il n’avait pas changé ! Enfin, légèrement… Son visage et son corps n'étaient plus dévorés par la maladie qui l’accablait à Westeros. Le cadet se souvenait des derniers instants de son frère souffrant… Daemon avait toujours imputé aux verts d’avoir quelque peu provoqué la péjoration de l'état de son frère, mais sans aucune épreuve, ils ne pouvaient pas incriminer ces rats.

Ainsi, attendant patiemment son tour, il se présenta à son frère. « Viserys. » Lança-t-il avec une joie sincère et non dissimulée. Désormais, dans ce nouveau monde, les vieilles querelles entre les deux frères n’avaient plus lieu d’être... Pour l'instant... « Je vois que tu as su trouver ta vocation dans ce monde. » Vaguement, il désigna les sculptures en bois.

En cette soirée d’hiver, Daemon ne s’attendait pas à croiser son ainé au marché de Noël de la ville, mais finalement au vu de son intérêt pour la sculpture, c’était presque la meilleure place pour Viserys. Il avait enfin l’existence paisible qu’il avait tant souhaitée. Hélas, pour obtenir cette précieuse quiétude, le Targaryen avait dû endurer une maladie dégénérative et mortelle ainsi que des problèmes familiaux ensemencés par un homme peu scrupuleux qui n’avait que faire de son état tant qu’il obtenait ce qu’il désirait, mentalité que sa fille partageait. Le traitement qu’Alicent avait réservé à Rhaenyra n'avait fait que renforcer la haine que Daemon vouait au Hightower. Au nom de quelle amitié, cette femme lui avait demandé de trainer son corps endolori par son accouchement pour lui montrer son nouveau-né. Au nom de quelle amitié, cette garce avait empiété sur les désirs de sa meilleure amie sans se préoccuper de ce qu’elle voulait. Que pouvait-on espérer de celle qui a manipulé son fils pour qu’il usurpe le trône de Rhaenyra et déshonore la mémoire du défunt roi ? Avant cette guerre civile déclenchée par Otto et sa descendance, quel mal avait fait Rhaenyra ? Hormis quelques oppositions envers son père et quelques écarts de conduite avec Daemon, qu’il avait immédiatement avorté, cette pauvre enfant n’avait rien fait de répréhensible, contrairement aux verts. Tout ceci n’avait été qu’une question de gain… Un gain qui a déclenché l’effondrement même des Targaryen. L’ironie dans tout ceci ? C’est que cette querelle a été déclenchée par un Hightower et prolongée par des bâtards qui espéraient un jour atteindre l’honneur et le prestige de la maison Targaryen. Cette descendance, qui n’avait de Targaryen que leur nom, était une risée. Fort heureusement pour les verts, la propagande distillée au compte-goutte avait convaincu les esprits les plus manipulables… Qui aurait envie de se sacrifier pour un roi déviant dont l’unique arme qu’il empoigne est celle située entre ses jambes ? La couardise de ce bâtard est sans égal.

Loin d’être un homme très démonstratif, il accepta sans rechigner l’étreinte de son frère, un contact qui lui prouva, une fois de plus, qu’il n’était pas une illusion créée par l’entité régissant cet étrange endroit. Il ne pouvait le nier, Daemon était extrêmement heureux de le retrouver. Un sourire sincère trahit les émotions qu’il contenait. « Moi aussi, mon frère. » Comment ne pas l’être ? Leur dernier face à face n’avait pas été des plus joyeux… « Tu sembles aller mieux. » Cette fois-ci, avec les progrès médicaux et sans les manigances des mestres, Viserys aurait davantage de chance de guérison, si sa maladie venait à se déclarer à nouveau.

Il fallait admettre que la politique n’avait jamais été faite pour Viserys et qu’il aurait dû vivre sa vie loin du trône de fer. Avec cette deuxième chance, il avait enfin l’existence qu’il désirait. En guise de réponse, il acquiesça simplement. Son frère connaissait son avis sur le sujet. « Je me porte bien. En cinq années, j’ai eu le temps de m’acclimater à cette nouvelle vie. » Une vie qu’il n’échangerait contre rien au monde comme il avait retrouvé sa bienaimée. « D’ailleurs, j’ai croisé Rhaenyra. C’est elle qui m’a dit que tu étais encore en vie et que ta maladie ne semblait plus faire des siennes. » Sa mine, relativement enjouée, se fana progressivement, laissant place à l’austérité. Certains points amenés par sa nièce devaient être éclaircis ! « Elle m’a également parlé des autres… » Son regard perçant s’ancra dans celui de Viserys. Pour l’instant, il taisait ce qu’elle lui avait rapporté, attendant de voir ce qu’il allait lui dire sur la branche bâtarde de cette famille.