Ce fut une journée étrange et pleine de surprises. En me réveillant ce matin, je n'aurais jamais imaginé qu'elle se terminerait ainsi, à cette table, en compagnie d'un parfait inconnu. Mais commençons par le début.

La fin de période, à l’école, était toujours un peu ardue. C’était le gros rush pour les corrections d’examens et les conseils de classe. L'après-midi avait déjà bien avancé quand je décidai de prendre une pause de mes corrections de copies. La brise fraîche de décembre caressait mon visage alors que je sortais du lycée pour rejoindre le grand sapin qui trônait sur le parvis. C'était une tradition dans notre établissement, chaque année, de décorer ce sapin pour Noël, entre profs. On se passait les boules, les guirlandes, puis le dernier prof à avoir rejoint l’équipe était chargé de placer l’étoile tout en haut. Chacun avait sa tâche à accomplir et c’était toujours quelque chose qui se passait dans une ambiance bon enfant, le genre de tradition qui resserrait les liens et qui permettait de briser la glace, aussi, parfois.
Mais alors que je pendais les dernières décorations, une vieille dame s'approcha, peinant sous le poids d'un grand sac rempli de denrées. Sans hésiter, je l'aidai à porter son fardeau jusqu'à la banque alimentaire locale, un sourire reconnaissant illuminant son visage fatigué. Cette bonne action me remplit d'une chaleur intérieure, me rappelant l'importance de la générosité, surtout en cette période de l'année.

De retour au lycée, je me trouvai confronté à une tâche inattendue : préparer un cadeau de Noël pour un inconnu. Asuma Sarutobi, disait l'enveloppe que j'avais reçue. Le nom ne me disait rien, mais cela ne diminua pas mon enthousiasme pour le défi. J'eus l'idée de lui offrir un livre, une valeur sûre, quelque chose qui pouvait parler à l'âme et à l'esprit. Je choisis un classique, pensant qu'il pourrait apprécier la profondeur et la richesse de la littérature.

Le soir venu, je me dirigeai vers l'endroit indiqué sur l'enveloppe, un bâtiment que je n'avais jamais remarqué auparavant dans la ville. L'intérieur était magnifiquement décoré, avec des lumières scintillantes et une table dressée comme pour un festin royal. Je pris place, déposant avec soin le cadeau destiné à Asuma sur la table.

Peu de temps après, un homme entra. Il avait l'air d'un aventurier, quelqu'un qui avait parcouru bien des chemins. Il déposa un paquet sur la table avant de s'asseoir en face de moi. Je ne pouvais m'empêcher de me demander qui il était vraiment.

« Bonsoir, » commençai-je, essayant de briser la glace. « Je m'appelle Martin. Je dois avouer que c'est une situation assez inhabituelle pour moi. Recevoir une enveloppe, se retrouver ici... Tout cela semble tiré d'un scénario un peu bizarre…»
Je souris, essayant de détendre l'atmosphère.
« J'espère que vous aimez lire. J'ai choisi un livre pour vous. C'est un classique, mais je trouve que les classiques ont toujours quelque chose de nouveau à offrir, peu importe combien de fois on les lit. »
Je fis une pause, observant l'homme devant moi.
« Et vous, Asuma, n'est-ce pas? Qu'est-ce qui vous amène ici ce soir ? J'espère que vous n'avez pas eu trop de mal à trouver un cadeau pour votre secret Santa.»
Je me penchai légèrement en avant, curieux d'en apprendre plus sur cet homme mystérieux et sur ce qui l'avait conduit à cette soirée inattendue, à cette table dressée pour un réveillon avant le réveillon.

Et comme je voyais le serveur passer, je l’appelais d’un geste, sans perdre les bonnes vieilles habitudes : « Qu’avez-vous comme champagnes, monsieur ? »

Offrir un cadeau à quelqu’un, c’était avant tout une question d’intention. Beaucoup, d’ailleurs, répétaient l’adage « C’est l’intention qui compte », mais cela ne signifiait pas exactement toujours ce que c’était censé vouloir dire. Certains se dépêchaient d’acheter le premier truc venu, histoire de ne pas devoir se prendre la tête pour chercher des idées… d’autres voulaient faire vraiment plaisir à la personne et se décarcassaient pour trouver LE truc qui allait vraiment faire mouche.
Dans le cas du Secret Santa, la difficulté résidait dans le fait de n’avoir aucune information sur la personne à qui offrir le cadeau… En connaissant un minimum de choses sur Asuma, j’aurais sans doute pu cibler bien mieux mon présent, mais sans cela, je m’étais dit que je ne voulais pas me contenter de lui apporter un ballotin contenant un assortiment de pralines.

« Vous verrez, c’est une édition spéciale, illustrée par des œuvres d’artistes de tous horizons… » Entre les estampes japonaises, les reproductions d’aquarelles et les quelques reproductions de peintures plus réalistes, il y avait en effet tout un dossier visant un public capable d’apprécier l’art pictural.

Je scrutai le sac cadeau qu'Asuma me tendait, curiosité et anticipation se mêlant au plaisir discret d'être surpris par une petite attention.
« Merci, Asuma. C'est une attention très appréciée !» Je déballai avec soin le présent, révélant un ensemble de dégustation de boissons. Déguster de bonnes choses, pour un homme tel que moi, c’était effectivement un plaisir. « Voilà qui est parfait. Je crois que nous avons là de quoi passer une excellente soirée. »
J’allais partager, bien sûr. Ce n’était pas négociable, quand on recevait ce genre de cadeau, ce n’était pas pour tout consommer seul. Je levai les yeux vers lui, un sourire sincère étirant mes lèvres.

« Votre village doit être un lieu formidable, avec une telle philosophie de vie. L'ouverture et l'empathie sont des qualités que j'admire beaucoup. »

Je me tournai ensuite vers le serveur, qui attendait patiemment notre commande.
« Nous prendrons votre meilleure sélection de champagnes, s'il vous plaît. Et peut-être pourriez-vous nous surprendre avec des accompagnements inattendus ? » Après que le serveur eut hoché la tête et s'était éclipsé, je reportai mon attention sur Asuma. « Jamais je n'aurais imaginé, en me levant ce matin, que je finirais par partager un repas avec quelqu'un d'aussi éloigné de mon quotidien. »

Je marquai une pause, réfléchissant à ses paroles sur son village et la nouveauté des rencontres.
« Cela me fait penser... Dans mon travail, je rencontre beaucoup de jeunes avec des histoires différentes, des aspirations diverses. Chaque jour est une opportunité d'apprendre quelque chose de nouveau, sur eux, mais aussi sur moi-même. »
Je pris une gorgée du verre devant moi, laissant le temps au serveur de revenir avec notre commande.

« Et ce livre, j'espère qu'il vous offrira un moment de détente, une échappatoire, peut-être, à la routine de vos responsabilités. Parfois, se plonger dans un autre monde à travers les pages d'un livre peut être aussi revigorant qu'un bon verre de vin. »

J’étais quelqu’un qui pouvait se montrer loquace, en fonction des situations, mais j’aimais l’aspect inattendu et surprenant de cette rencontre, alors je nous laissais une occasion d’apprendre à nous connaître.

Le serveur revint alors avec notre sélection de champagnes, nous servant avec une habileté qui trahissait son expérience. Il nous laissa également un plateau d’amuse-bouche et une bouteille mystère, avec un clin d'œil complice. « Comme demandé, quelque chose d'inattendu pour agrémenter votre soirée, » dit-il, puis ils s’éloigna après que je l’eus remercié.

Je souris, me sentant soudainement connecté à mon vis-à-vis, partageant bien plus qu'un simple repas de fête. C'était la magie de l'humanité, la capacité à trouver du sens et du lien dans les moments les plus improbables.

« Alors, dites-moi… vous avez des projets ? des rêves ? »

La lune rouge avait bouleversé beaucoup de choses, pour beaucoup de gens, alors, forcément, nous avions tous dû revoir un peu nos programmes…

L'échange de cadeaux avec Asuma avait été un moment particulier, un de ces instants où l'univers semble conspirer pour tisser des liens inattendus entre des âmes qui, autrement, n'auraient jamais eu l'occasion de se croiser. Je m'étais assis en face de lui, j’avais commandé à boire, puis, le verre à la main, captivé par le récit de sa vie, par ces confessions qui résonnaient d'une authenticité brute et profonde, je n'avais pu m'empêcher de réfléchir à la résilience, cette capacité à rester debout, à continuer à avancer malgré les tempêtes.

« Vos mots visent juste… » avais-je commencé, les mots s'écoulant avec une sincérité qui me surprenait moi-même. « Je ne peux prétendre comprendre pleinement ce que vous avez vécu, mais laissez-moi vous dire que le courage et la détermination dont vous parlez, ces valeurs que vous chérissez, sont des qualités que je respecte profondément. »

Je pris une gorgée de vin, laissant le goût riche et complexe me transporter momentanément loin de ce restaurant, quelque part entre le passé et le présent.
« Dans mon monde, l'éducation est le champ de bataille où je me trouve chaque jour. Ce n'est pas une guerre au sens où vous l'entendez, mais c'est un combat, un combat pour l'esprit et l'âme de la jeunesse. Et dans ce combat, la résilience, la force, le courage... ce sont des armes précieuses. »

J'avais souri, un sourire teinté de mélancolie.
« Vous parlez de retrouver la tranquillité, de vivre simplement avec votre femme et votre fille. Ce sont des rêves nobles, Asuma. Des rêves qui valent la peine d'être poursuivis. Dans la quête incessante de la vie, il est facile de se laisser emporter par le tumulte, d'oublier ce qui compte vraiment.»

Je me redressai légèrement, repoussant mon verre.
« Mais dites-moi, comment imaginez-vous cette vie tranquille ? Quels sont ces petits bonheurs du quotidien que vous aimeriez retrouver ou découvrir ? »

La conversation avait pris un tournant plus intime, plus profond, comme si nous avions, tous les deux, franchi un seuil invisible, laissant derrière nous la superficialité des échanges habituels pour plonger dans l'essence même de ce qui nous rendait humains.
« Pour moi, » continuai-je, « la simplicité se trouve dans les moments partagés, dans un bon repas, dans la chaleur d'un sourire, dans le silence confortable entre deux personnes qui n'ont plus besoin de mots pour se comprendre. C'est là, dans ces instants éphémères, que je trouve la plus grande des paix. »

Je m'étais arrêté, réfléchissant à ses paroles sur la littérature.
« Et la littérature... Vous avez raison, elle est différente partout. Mais au fond, ne pensez-vous pas qu'elle cherche toujours à toucher quelque chose d'universel chez nous ? Un rire, une larme, une réflexion... Peu importe d'où nous venons, ces histoires nous rappellent que nous partageons plus de choses en commun que nous ne le pensons.»