Is it mine our yours ? (Ft Eleven)

La première chose que pensa le Docteur au moment où il sentit la boîte bleue bouger, c’était qu’elle avait décidé de l’emmener en balade. En soi, ça ne le dérangeait pas. Il aimait bien les balades avec sa boîte bleue et il n’était jamais déçu du voyage. Il lui fallut un instant ou deux pour prendre conscience que la machine était éteinte et qu’elle ne pouvait donc pas avoir initié ce mouvement. Mais dans ce cas, qu’est-ce qui l’avait fait ? La dernière fois qu’il s’était fait transporter de la sorte, c’était par UNIT. Mais UNIT n’était pas dans ce monde, enfin, il ne croyait pas.

En ouvrant la porte, il ne vit rien. Il passa la porte au travers pour observer la présence de petites créatures bleues et moqueuses qui se liguaient pour soulever le TARDIS qu’elles semblaient vouloir emmener avec eux. Au moins, pour une fois, ce n’était pas une réquisition, mais c’était à-peine mieux. Il n’était pas question que ces bestioles l’emmènent en balade quelque part. Et puis, il se souvenait de sa dernière rencontre avec des bestioles. Il était inutile de dire que l’envie n’était pas folle de reprendre le chemin du combat contre des petits êtres teigneux.

« Eyyyyyh, c’est pas à vous ! C’est à moi ! En plus, je suis dedans, c’est un Docnapping ! »

Il referma la porte et alla allumer quelques boutons dans l’espoir de trouver une solution qui ne ferait pas trop de mal aux créatures. Il n’avait pas envie de les molester si ce n’était pas absolument nécessaire. Alors qu’il cherchait une solution, un bruit sourd ainsi qu’un choc le déstabilisa et il dut se contrôler pour ne pas chuter au sol. Le TARDIS ne bougeait plus. Était-ce lui qui avait fait fuir les dérangeantes créatures ? C’était improbable sans qu’il en eut conscience et pourtant, il fallait bien qu’il se soit passé quelque chose. Ce fut alors que la porte s’ouvrir et un homme âgé, écossais, apparut dans l’embrasure de la porte, le plus étrange était qu’il connaissait son identité.

« En effet ! Je suis le Docteur et vous êtes… », commença-t-il avant de le fixer pensivement. « J’ai déjà vu ces yeux là quelque part… »

Il n’oubliait jamais un visage. Cet homme, le conservateur, lui avait dit que les visages amis allaient refaire surface. Bien entendu, il avait le sentiment que c’était un regard ancien qu’il avait vu il y avait longtemps, quand il voyageait avec Donna Noble. Mais il n’y avait pas que ça. Il avait vu ses yeux autre part, sur une image dans un moment historique, quand il avait sauvé Gallifrey. Il était là, quelque chose dans les tripes du Docteur lui disait qu’il était là. Et cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose.

« Vous ne seriez pas… ? »

Le Docteur était à peu près sûr qu'il avait déjà vu ce visage quelque part. Mais il était à peu près sûr aussi que ce quelque part n'était pas sa propre figure. Pourtant, cet homme lui assurait qu'il était lui. S'il n'avait pas rencontré cette version féminine du Maître et son fils adoptif qui lui avaient dit connaitre la prochaine version de lui-même, il aurait sans-doute remis en question les déclarations de cet individu en étant persuadé qu'il ne pouvait plus se régénérer. Mais cette femme lui avait montré qu'il avait un futur et il semblerait que cela soit cet homme, ce qui lui fut confirmé lorsqu'il se présenta sous le nom de Twelve.

« Je suis le Onzième. Tu viens juste après moi. Ravi de savoir que mon futur est entre de bonnes mains », commenta le Docteur avec joie.

Les ricanements, le Docteur les entendait aussi. Il n'était pas complètement convaincu que partir soit la solution, au vu de son expérience récente, mais cela leur offrirait au moins un peu de répit pour échanger sur une tactique. Il avait peut-être un peu de mal à s'en débarrasser, mais à deux Docteurs, ils allaient bien finir par trouver une solution. En attendant, il lança le démarrage et laissa la machine se diriger vers la destination qui lui plairait le plus. Tout ce qui comptait, c'était d'échapper à ses bestioles pour un temps, même si le Docteur avait conscience que ce temps serait relativement court.

« Ca fait trois fois que je bouge et qu'ils arrivent toujours à me retrouver. Nous ne gagnerons pas beaucoup de temps, mais si tu as des idées… accroche-toi ! »

Quelques mouvements plus tard et ils se trouvaient à un autre endroit de la ville, probablement toujours dans la forêt. Pour l'instant, tout était calme et les bestioles n'étaient pas revenues à la charge. Ça ne voulait pas dire que ça n'arriverait pas, mais il était probable qu’elle prendrait un peu de temps avant de les retrouver. Cela leur laissait un instant pour discuter et peut-être pour envisager une solution pour mettre fin au problème de ces créatures facétieuses. Elles ne semblaient pas particulièrement dangereuses, mais extrêmement pénibles. Et c'était déjà beaucoup plus que le Docteur ne voulait en supporter.

« Ces créatures sont pires que des sangsues vampires ! Bon, non, elles ne sont pas pires parce qu'elles ne s'accrochent pas à votre nuque pour vous vider de votre sang, mais pour ce qui est d'être accrochées, ça reste du haut niveau. Donc, tu es Twelve. J'ai rencontré ton fils, et Missy aussi. Je trouve cette version de notre vieil ennemi plutôt sage en comparaison de ce que j'ai connu. »

Joyeux Noël

Et de Amy et de Rory. Cela dit, ils étaient tous le Docteur de tous leurs compagnons. Mais il comprenait. Ces compagnes-là avaient passé énormément de temps en sa compagnie et il était important pour lui de le mentionner, enfin son autre lui. Si tel était le cas, il se demandait de qui ce Docteur était le Docteur. Probablement de tout nouveau compagnon qu'il ne connaissait pas encore et qu'il prendrait du plaisir à connaître comme tous ceux qui étaient venus jusque là. Chaque rencontre était un tel trésor que le Docteur était ravi de les revoir encore des années après, après avoir changé de visage. Être le Docteur, c'était ce souvenir d'une multitude de visages, certains qu'on avait porté, certains qu'on avait rencontré. Et puis il y avait le sien.

« C'est étrange. Le conservateur m'avait dit que certains visages allaient revenir du passé et le tien ne m'est pas inconnu. Je suis à peu près sûr de l'avoir déjà vu quelque part. Où as-tu été le chercher ? »

En voyant son futur lui-même lui tourner autour, le Docteur fit le fier en tirant sur son nœud papillon, comme si son futur lui venait de lui faire un compliment particulièrement chaleureux sur sa beauté. Ce fut avec un sentiment de fierté probablement exagéré qu'il commença à appuyer sur les boutons pour éloigner les bestioles. Son futur lui commença à penser TARDIS et efficacité. C'était une manière logique de penser en soi, mais qui n'avait pas beaucoup de chances d'aboutir à cause de la réponse à sa question, à savoir que le temps et l'espace était très limité quand on se fiait à cette ville, ou plus exactement à la notion que cette ville en avait.

« C'est pas très glorieux. C’est toujours plus grand à l'intérieur. Mais l'espace se limite à cette ville et le temps à cette époque. On ne peut pas vraiment dire que les possibilités de voyage soient passionnantes. Je ne peux même pas retourner voir comment c'était quand je me suis brossé les dents, ce matin. »

S’était-il seulement brossé les dents le matin-même ? Il ne s'en rappelait pas exactement mais ce n'était pas le propos. Le fait était que voyage dans l'espace et dans le temps ne voulait plus dire grand-chose dans ce monde. Il était donc impossible de sortir les bestioles de la ville, même s'il avait bien envie de les expédier au diable. Ça ressemblait à une bande de mouches, pas si dangereuse en soi, mais particulièrement agaçantes. Et puis, il fallait être une mouche vraiment solide pour soulever le TARDIS, même à plusieurs.

En entendant parler de Missy, le Docteur jeta un œil intrigué à son futur lui-même. La façon dont il parlait d'elle était assez curieuse. Il semblait avoir quelque chose de différent, comme s'il n'avait pas fait que retrouver une vieille amie. Cette version du Docteur n'était pas très douée pour les histoires de cœur, et Amy se serait sûrement moqué de sa considération un peu puérile des choses. Mais en cet instant, il eut l'impression que cette destinée était encore davantage entre les mains de Missy que dans celle de son futur lui-même.

« Mais dis moi, j'ai comme l'impression que notre vieil ami ne t'inspire pas que de l'amitié, n'est-ce-pas ? Tu t'es installé avec elle. »

Il avait le sourire narquois du petit frère agaçant, mais il n'avait pas l'intention de le juger. Comme il l'avait dit à son prédécesseur, ce que chacun faisait durant sa propre régénération, c'était son affaire à lui et pas celle de tous les Docteurs, surtout quand ils étaient amenés à se rencontrer. Et puis, c'était certainement beaucoup plus sain d'embrasser le Maître que d'embrasser un Zygon. En tout cas, il avait gardé un excellent souvenir du garçon que son futur lui-même avait adopté. Il avait l'air gentil, même si le Docteur ne savait pas pour quel motif il s'était décidé à adopter un enfant.

« Qu'est-ce qui t'a motivé à vouloir élever un enfant dans ce monde et pourquoi celui-là en particulier ? »

Trouver de nouveaux compagnons, retrouver les anciens, autant de choses classiques dans la vie d'un Docteur. Mais dans ce monde, la seconde partie étaient plus compliquées car la ville semblait décider toute seule de qui vous aviez le droit de retrouver ou non. Il avait mis tellement de temps pour simplement revoir Amy, Rory et Clara qui étaient pourtant là depuis le début que les choses lui paraissaient encore plus compliquées qu'elle ne l'était. Mais il avait au moins retrouvé des personnes de son monde, ce qui n'était pas le cas de tout les membres de la ville et ce qui faisait qu'il pouvait s'estimer heureux par rapport à bien des gens.

« Quelques-uns oui. Te souviens-tu de Amy et Rory. Ils ont eu une nouvelle petite fille, Hope. »

L'homme de Pompéi, celui que Donna lui avait supplié de sauver. Un individu dont l'existence elle-même avait un sens que seul le Docteur pouvait comprendre. Une famille. Même si on ne pouvait sauver le monde, on pouvait parfois ne sauver qu'une famille et c'était une bonne chose. Voilà ce qu'il avait appris de Donna et de ce visage et voilà ce à quoi il avait dû penser au moment de la régénération. Ou alors il n'y avait pas pensé et c'était un message de ce qui faisait qu'un visage devenait un visage pour un Seigneur du Temps. Mais dans ce cas, il ne savait pas du tout de quoi il parlait.

« En tout cas, maintenant que tu m'en as parlé, c'est sûr et certain que je vais y penser si jamais je me régénère. »

Le Docteur le regarda avec surprise quand il mentionna qu'il pourrait regretter ces voyages, comme si ce n'était pas le cas de son futur lui-même. N'était ce pas dans la nature du Docteur de ne jamais rester en place et de toujours voir les choses avec la possibilité d'un voyage, avec la possibilité de voir au-delà de ce qui était directement accessible ? Ce n'était peut-être plus son cas et cela le surprenait grandement. Il n'y avait rien qui lui ait toujours semblé aussi immuable que le Docteur dans son TARDIS, qui ne tient jamais en place et pour qui se poser est une chose impossible.

« Bien-sûr que cela me manque. N'est-ce donc pas ton cas ? Tu es donc devenu quelqu'un qui pourrait rester tout le temps au même endroit ? J'en suis très étonné. D'aussi loin que je me souvienne, le désir de bouger était l'une des rares constantes de nos différentes personnalités. Ne l’as-tu jamais eu ou l’as-tu seulement perdu ? »

S’il avait effectivement testé l'espace, évidemment, dès qu'il avait retrouvé sa machine, il ne s'était jamais intéressé aux fonds marins. Ce n'était pas vraiment un environnement prévu pour la machine, même s'il ne faisait aucun doute que dans une certaine mesure, elle devait être capable de le supporter jusqu'à un certain point. Savoir exactement jusqu'à quel point, le Docteur n'était pas sûr de vouloir le découvrir en détail, mais il n'était pas impossible qu'il puisse se servir de ça pour évacuer les créatures bleutées et importunes.

« L'espace, tu peux oublier. Je n'ai pas cherché en détail à savoir jusqu'où le TARDIS pouvait monter dans l'atmosphère, mais ce qui est certain, c'est que ce ne sera pas assez haut pour pouvoir avoir des informations sur la topographie de ce qu'il y a au-delà de la ville. Tout ce qui permettrait d'aller voir plus loin est complètement fermé et je n'ai trouvé aucune faille. Cela dit, je n'ai pas testé les fonds marins, mais le TARDIS n'est pas vraiment fait pour. Tu penses que ça pourra aller ? »

Il était tout de même curieux de cette famille étrange qu'il avait formé avec leur ancien meilleur ami et meilleur ennemi et ce jeune homme dont le Docteur ne savait pas grand chose au final, simplement qu'il avait l'air de quelqu'un de bien et d'avoir touché sa future version de lui-même. Mais le comment et le pourquoi, il ne le connaissait pas. Il songea pendant un bref instant qu'il n'était pas impossible que ce rapprochement que lui racontait son douzième visage puisse avoir un rapport avec le fait qu'ils avaient acquis une certaine humanité. Puisque le rapprochement s'était fait dans ce monde et sachant que les sens humain n'étaient pas tout à fait les mêmes que ceux des Seigneurs du Temps, il imaginait sans trop de difficultés qu'ils aient pu se rapprocher grâce à cela.

« La famille est peut-être atypique, mais elle a le mérite d'exister. Je n'avais pas pleinement conscience de la façon dont la perte de Jenny avait influé mon psychisme. Tu en as pris conscience davantage que moi. Et cela dit, j'ai une nouvelle à ce sujet. Jenny est ici aussi. Elle étudie dans ma classe et elle a toujours cette énergie si folle que notre ancien nous-même lui a transmise. Je pourrais organiser des retrouvailles pour toi si tu le souhaites, il ne serait pas mal qu'elle connaisse son frère, si je puis dire. »

C'était vraiment une bonne nouvelle que Amy et Rory aient pu refaire leur vie et démarrer une nouvelle famille dans ce monde. Même lui en convenait. Leur bébé était tout jeune mais il représentait un espoir pour ceux qui étaient persuadés qu'ils ne pourraient pas avoir d'autre enfant. C'était quelque chose que cette ville leur avait permis et rien que pour ça, le Docteur avait une certaine satisfaction à se dire qu'ils avaient fait ce voyage. Le plus joli des voyages était celui qui impliquait le bonheur et le succès de la construction d'une famille que l'on croyait impossible et s'il avait bien une certitude, c'était que ses amis méritaient cette seconde chance.

« Elle est encore toute petite, mais tu sais que je ne m'y connais pas très bien avec ces choses là. Cela dit, elle est mignonne et je crois qu'elle m'aime bien. Et avant que tu dises quoi que ce soit, je ne suis pas devenu un vieux tonton gâteux, juste un vieux tonton gentil. Pour ce qui est de River, je ne crois pas qu'elle soit ici. Je n'ai aucune nouvelle et tu connais assez notre River. Si elle était là, elle ne manquerait pas de faire parler d'elle, j'en suis certain. »